mardi 29 avril 2014

HOMMAGE A SAINT JEAN-PAUL II, UN DES PLUS GRANDS MISSIONNAIRES DE L’HISTOIRE, merci P ARENA

HOMMAGE A SAINT JEAN-PAUL II,
 UN DES PLUS GRANDS MISSIONNAIRES DE L’HISTOIRE



Dans un mois, l’Eglise catholique célébrera la sainteté de Jean-Paul II, après un procès de canonisation éclair, indice d’une sainteté sans ombre. C’est le pape que nous connaissons bien, doté d’une forte personnalité, polyédrique, qu’à son élection on percevait comme quelqu’un venant de loin. Alors que, après avoir prononcé des phrases mémorables, comme : « N’ayez pas peur… ouvrez les portes au Christ », il est vite devenu patrimoine de l’humanité.

Sans doute, il est permis de miser qu’une telle célébration retentira, surtout auprès des admirateurs de la mission, comme un rendez-vous unique pour saluer en lui un type de sainteté de véritable sens missionnaire. Celle qui est en osmose avec la mission: qui se mêle et qui grandit avec-dans-pour la mission à accomplir. 

Je suppose, qu’à l’occasion de sa canonisation, on continuera encore plus à écrire sur lui pour le faire connaître davantage et mieux à notre  monde qui souvent se trace des parcours de vie qui portent loin de l’Evangile et de tout simple humanisme. Certainement, parmi ceux qui ont aimé ce pontife,  exceptionnel à plusieurs points de vue, il y en aura de ceux qui écriront sur lui pour mettre en évidence une infinité de mérites, théologiques et interdisciplinaires,  qu’il a su collectionner tout au long de son long pontificat. Mérites en christologie, en mariologie, en philosophie, en anthropologie, en sociologie, en science et art des communications, ainsi de suite[1].  

Pour ma part, je voudrais rendre hommage à ce pape « magnifique » en simple missionnaire. Comme quelqu’un qui a pu tirer inspiration de sa vaste pensée et de son témoignage de sainteté, au milieu des vicissitudes de la mission de l’après Vatican II. Une saison de reprise pour la mission, laborieuse, entre hésitations pénibles et nouveaux élans.

C’est vrai que je me mets à écrire cet hommage à la veille de sa canonisation, mais la pensée de le féliciter d’une façon quelconque me poursuit depuis longtemps. Or que, cette pensée est devenue un désir, surtout en étant présent, place saint Pierre, à sa béatification. Et, puis, un devoir car il est le pape du temps de mon sacerdoce et de ma mission à son début et en sa consolidation. De plus, j’ai eu l’honneur de le côtoyer suivant les chances de la vie : j’ai servi en diacre à sa messe d’intronisation, en 1978, portant son pallium ; et, puis, j’ai pu lui manifester mon total dévouement lors d’un « baciamano » où je remettait dans ses mains ma vie de missionnaire. C’était juste à l’occasion de mon 25ème de sacerdoce, en 2003, au moment ou j’avais quitté le Sénégal pour me préparer à la nouvelle affectation en R. D. Congo.

Cependant, à être sincère, la motivation plus profonde du présent hommage réside dans l’immense gratitude que je nourris pour lui à cause d’un livre qui m’a été publié l’an dernier, à Kinshasa. En effet, sans ce pape, ce livre, centré comme il est sur la communion missionnaire et la nouvelle évangélisation, ne serait jamais sorti. Puisque, finalement, c’est Jean-Paul II, qui, le premier, a pris à son compte ces deux sujets dans son magistère, me permettant ainsi d’en analyser le lien qui existe entre eux et de les rattacher à la présence du Christ dans son Eglise, parmi nous[2].

Pourtant et dans les limites d’un hommage, je vais essayer d’écrire sur l’impulsion déterminante qu’il a donné à la mission de l’Eglise du temps de sa papauté. Un temps que je serais tenté de voir, malgré tout, comme l’époque de la grandeur de la mission ; l’époque où, du moins, la grandeur de la mission s’est rendue plus perceptible, grâce à lui, au Concile Vatican II tout d’abord, et aux papes de l’après Concile dont Jean XXIII qui participe lui aussi aux honneurs des autels en compagnie de Jean-Paul II. C’est pourquoi, cet hommage je l’offre finalement à eux tous, notamment à Jean XXIII qui est à l’origine de la révolution missionnaire apportée par Vatican II.  


JEAN-PAUL II, LE GRAND MISSIONNAIRE

En effet, saint Jean-Paul II est un pape extraordinairement épris pour la mission à telle enseigne qu’on lui discernerait de tout cœur le titre de « Saint Jean-Paul le Grand », en sous-entendant aussi « le grand missionnaire ».

Il l’est avant tout par sa spéciale sensibilité pastorale qui, se renforçant à la lumière du « Christ rédempteur » et dans une relation d’appartenance totale à Marie (Totus tuus),  l’a porté à faire de tout événement ecclésial des occasions d’évangélisation au dedans et en dehors de l’Eglise. On peut dire que, sous sa papauté, toutes ses activités - voyages, réceptions, synodes, journées mondiales des jeunes et non, congrès, documents et publications,  et-cetera-et-cetera -,  se sont transformées presque toujours, en des moyens de promotion de l’esprit missionnaire de l’Eglise ; d’une Eglise qui, suite au Concile Vatican II,  voulait et devait se montrer, conséquemment et concrètement, toute entière missionnaire, dans toutes ses composantes, toujours et partout.

C’est donc par sa façon d’accomplir son mandat de vicaire du Christ, sur les voies de la mission tracées par Vatican II, qu’il deviendra un pape extraordinairement missionnaire. Car c’est par là, par sa façon, exceptionnellement tenace et vivace, d’être et de faire de pape, qu’il parviendra à transformer le visage de la mission de l’Eglise de son et de notre temps. Se servant, justement, de ses charges pontificales : les voyages, l’indiction et participation aux synodes continentaux, les multiples gestes prophétiques et, spécialement, la missiologie qu’il confie à ses documents dont le nombre nous semble dépasser les interventions magistériels de tout autre pontife.


Les voyages    

Tout le monde sait que jamais un pape à visité notre planète comme Jean-Paul II. En se rendant dans plus de 102 pays du globe pour environ un million deux mille kilomètres, il aurait parcouru, selon les calculs de ces proches collaborateurs, quelque chose comme trois fois la distance qu’il y a entre la terre et la lune et 28 fois la circonférence de la terre[3]. Ce qui lui a permis de connaître l’humanité dans sa plus vaste extension culturelle et religieuse; de toucher directement aux situations sociales et politiques des nations ; de rencontrer les hommes et les femmes du monde entier en se mêlant aux problématiques humaines propres à leurs contextes de vie.

Par ailleurs, les reportages sur ses voyages nous font connaître le programme de ses visites. Elles sont en bonne partie remplies de rendez-vous en vue de se faire présent à toutes les catégories de personnes possibles : des chefs religieux aux minorités marginalisées ; des élites intellectuelles aux ouvriers débauchés ; des enfants aux jeunes, des personnes consacrées à celles athées.

Et cela, dans un but explicitement et authentiquement missionnaire, en imitant Pierre « qui rendait visite à tous » (Ac 9, 32). C’était immanquablement pour la même finalité : annoncer l’Evangile, confirmer ses frères dans la foi, consoler l’Eglise et rencontrer l’homme[4]. Cet homme qu’il a indiqué comme la route qui nous mène à Dieu, et même, « la première route que l’Eglise doit suivre pour l’accomplissement de sa mission » (Christifideles laici, 36).


Les Synodes continentaux

De même, les célébrations des synodes continentaux (une autre nouveauté emblématique inaugurée  par lui), ont été, sous son pontificat, des occasions pour insuffler, jusqu’aux racines culturelles des cinq continents, l’esprit, absolument missionnaire, de Vatican II. Chapotés par Jean-Paul II, ces synodes ont été hautement providentiels du fait qu’ils ont entamé toute une série de démarches pour photographier leurs situations missionnaires en vue d’en saisir les défis majeurs propres à leur contexte. Le tout, pour aider à ce que ces défis soient relevés et deviennent les soucis de l’Eglise toute entière.

Par ailleurs, c’est grâce à ces synodes, véritables sources de missiographie, que tout le monde aurait pu connaître le spécifique missionnaire de chaque continent. L’Afrique avec son défi d’inculturation à relever par une Eglise qui se reconnaît famille de Dieu[5] ; l’Amérique Latine avec les défis des ses problématiques sociales (dues au clivage croissant et scandaleux entre nantis et démunis), prenant l’option préférentielle envers les pauvres et misant sur la pastorale des communautés de base [6]; l’Asie avec son défi de dialogue avec les religions (presque toutes présentes dans ce continent avant même le christianisme) dans un cadre culturel qui aspire à l’harmonie des altérités[7]; l’Europe, l’Amérique du Nord, l’Australie… défiées par une société sécularisée (où de grands pans de population deviennent de plus en plus indifférents au religieux), et invoquant un retour au sources évangéliques d’amour et d’unité [8];  l’Océanie, enfin,  avec son défi d’unité, de communication et de coordination des efforts missionnaires au milieu d’immenses distances d’aux de mer[9].

Or que, ces travaux synodaux, se révélèrent aussi comme l’instance providentielle pour relancer l’appel à l’unité des chrétiens et pourvoir à une nouvelle organisation de l’évangélisation dans tous les continents.

En clair, il s’agissait pour tous les cinq continents d’entamer une nouvelle phase de la mission. A accomplir, cette fois-ci, en esprit de service et dans un témoignage de sainteté et de communion. Une phase qui, par ailleurs a servi, aussi bien à relancer les efforts pour parfaire la mission ad gentes qu’à se disposer à relever la tâche de nouvelle évangélisation qui désormais devenait de plus en plus généralisée et pressante pour tous les continents[10].


Les gestes prophétiques

Dans cette transformation du visage de la mission allaient jouer un rôle inestimable les multiples gestes prophétiques, inédites, fruit de l’invention de sain Jean-Paul II. Ceux-ci, étant aussi bien des signes de son charisme de créativité qu’expression de son attachement dévoué, ainsi que de sa volonté de faire progresser la mission, selon le dessein de Dieu et les besoins de salut du monde.

Des tous ces gestes, faisons mention seulement du geste d’Assise, du prophétisme missionnaire inhérent à cette « Rencontre interreligieuse de Prière pour la Paix », par lui organisée et animée, en 1986.

Est-ce qu’en promouvant cette rencontre, Jean-Paul II gardait dans sa mémoire ce que le Concile avait professé par cette phrase: « nous devons tenir que l’Esprit-Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal » (Gaudium et spes, 22) ? Bien sûr, car il la reprendra en Redemptoris missio ( 6). Est-ce qu’il savait de choquer pas mal de gens d’église qui restaient solidement attachés aux voies traditionnelles du salut ? Est-ce qu’il prévoyait les conséquences de cet acte ?

Toujours est-il que, depuis cette initiative vraiment prophétique, fleur à la boutonnière des son pontificat, tout à changé, ou du moins tout pouvait changer, au niveau du pluralisme culturel et religieux. Et cela, dans la mesure où cet acte prophétique aurait instauré dans l’Eglise le style du dialogue comme attitude de vie ordinaire. Un style de vie qui, comportant respect, amour accueillant, partage et solidarité envers « l’autre » (prochain), est capable de renouveler, selon l’esprit de l’Evangile, les relations de l’Eglise ad intra et celles ad extra, l’œcuménisme et les rapports interreligieux[11]. Ce qui semblait jeter - dans un monde de plus en plus globalisé, pluriel et en mouvement de rencontre entre peuples et cultures -, la semence de solution aux conflits dus au manque de bienveillante acceptation des légitimes diversités de tout genre.

Ainsi, Jean-Paul II offrait à la communauté chrétienne et aux hommes de bonne volonté de quoi porter de l’avant la « mission intime » de l’Eglise,  redécouverte par Vatican II et consistant dans la fraternité universelle (cf. Gaudium et spes 38.42.92). De lors, les bases étaient solidement posées pour ce qu’il appelle « la globalisation « de la » et  «  dans la » solidarité » ; à voire comme une aspiration possible marquant le progrès de la « civilisation de l’amour », chérie par Paul VI, et étant sûr gage de véritable paix, dans la justice, pour l’avenir de l’humanité[12].

En fait, de tout cela, c’est le dialogue qui ressortira dans toute sa valeur de modalité de rencontre entre les hommes et les groupes humaines de toute extraction. Le dialogue devenait, ainsi, moyen d’évangélisation. Il devenait la bonne route à suivre, un témoignage de grande efficacité pour la mission parce que porteur des valeurs fondamentales de l’Evangile d’amour et de communion. En vérité, le vrai dialogue est tel s’il est une expression et un signe d’amour. C’est seulement ainsi qu’il peut devenir ferment de nouvelles relations entre personnes et groupes.

En cela, il n’y a avait rien de replie ou de stratégique. C’était plutôt remonter aux sources -  chose habituel chez ce pontife, du ressort de sa forma mentis. Et, dans notre cas, il s’agissait de remonter à la source du dialogue qu’est la communion de Dieu, Un et Trine. Car, comme Jean-Paul II lui-même le disait au Sénégal « Notre Dieu est un  Dieu de la paix… Il est un Dieu de dialogue, qui, depuis les origines, s’est engagé dans un dialogue de salut avec l’humanité qu’Il a créée, un dialogue qui continue aujourd’hui et qui se poursuivra jusqu’à la fin des temps »[13].

Donc, voyages, synodes, gestes prophétiques qui, dans leur déploiement, ont donné à ce pape l’occasion de mieux fixer certains points de la grammaire de la mission: en  revenant sur ses sources trinitaires; en la recentrant sur le Christ ; en la libérant à la force protagoniste et entraînante de l’Esprit Saint. Bref,  d’en faire un fait ecclésial de première importance dans l’orbite du Royaume de Dieu.

D’ailleurs, c’est au milieu de tout cet envol missionnaire dont il est protagoniste, qui se réalise le progrès de la pratique, au sein de l’Eglise, d’un nouveau type de coopération missionnaire. Celle-ci, peu à peu, cessera d’être liée exclusivement aux centres romains pour devenir  davantage le fruit de la réciprocité entre les Eglises sœurs du monde entier[14].  






La missiologie

Tout de même, Jean-Paul II s’impose mieux encore comme pontife extraordinairement missionnaire pour ce qu’il a écrit sur la mission, confirmant et portant a son accomplissement par là son attachement à la cause missionnaire.

Effectivement, ce saint pontife, en plus d’avoir vécu son pontificat selon une forte orientation missionnaire apte à promouvoir dans le même sens l’esprit et l’engagement de toute l’Eglise, il a réfléchit abondamment et profondément sur la mission. Et cela, dans le cadre d’une théologie qu’il propose avec les contours d’une science vitale. Il donnait de l’essor ainsi à un filon de théologie qui se veut proche à celle de premiers siècles de l’Eglise et sensible aux « signes des temps ». Il s’agit d’une théologie qui prend l’élan à partir des réalités de la vie courante des chrétiens. Et qui, par après, sait redescendre sur leur vécu, en leur apportant les bienfaits de sa réflexion. Le tout, en vue de leur croissance spirituelle et d’une plus grande fidélité à Dieu et à ses projets d’amour sur l’Eglise et le monde.
                                                
Pourtant sa réflexion missiologique - qui bénéficie de cette approche théologique capable de combiner la foi-dogme avec l’expérience de vie personnelle et ecclésiale des disciples du Christ -, nous lègue une vision de la mission parmi les plus claires ; libre de toute équivoque ; attrayante et facile à être endossée par tout chrétien.    

Il suffit de lire Redemptoris missio pour s’en rendre compte. Cette encyclique qui, soit dit en passant, est à prendre comme le document qui contient, comme en un sommet, la synthèse plus organique de la théologie de la mission de Jean-Paul II[15]. Synthèse qui évidemment se reflète pour l’essentiel sur les autres documents de nature missionnaire de son magistère. Bien que, dans ces derniers, la même théologie soie articulée différemment en vue de mieux l’adapter soit au bénéfice de chaque branche ecclésiale (Christifideles laici pour les laïcs,  Vita consecrata pour les personnes consacrées,  Pastores dabo vobis pour les prêtres…), soit au bénéfice des cinq continents (comme c’est le ca pour Ecclesia in Africa et pour les autres exhortations apostoliques relatives aux continents).

Or, dans Redemptoris missio, la perception de la mission est d’un caractère vraiment vital. En effet, se tenant dans un cadre dynamique qui recherche le renouvellement de la foi et de la vie chrétienne, cette encyclique dit que : « la mission renouvelle l’Eglise, renforce la foi et l’identité chrétienne, donne un regain d’enthousiasme et des motivations nouvelles » (2).

On le voit, ce texte représente un éloge superlatif de la mission qui de surcroît est plein d’implications sur lesquelles il est bien de nous attarder autant si peu.

Oui parce que, suite à cet éloge de la mission, si limpide et prometteur, on peut dire que : si dans la foi en Christ tout est grâce, la mission aussi est grâce pour l’Eglise et le chrétien et pour tous finalement (cf. Rm 1, 5), comme cela sera signifié plus explicitement par Benoît XVI[16]. Cependant d’après le passage cité, la mission est là pour transmettre une grâce spécifique, de renouvellement et de solidification de l’esprit chrétien et de la vie en Eglise et donc elle ne peut d’aucune façon être négligée.  

Mais on peut dire aussi que,  par ce texte,  Jean-Paul II  porte les esprits à dépasser toute résistance pour qu’ils puissent s’ouvrir sereinement à la mission. Leur évitant ainsi le risque d’apercevoir la mission comme quelque chose d’étranger, dérangeant leur chemin spirituel, ou, pire encore dépassée et inutile pour la vie chrétienne personnel et ecclésiale, comme beaucoup de ses contemporains tendaient à le croire. Par contre, cette affirmation, à elle seule, est capable de confirmer le peuple de Dieu dans l’engagement missionnaire. Et, mieux encore, par elle, le pape transmet à chaque chrétien un grand enthousiasme pour la mission, plein de motivations, pour y participer joyeusement.

Par ailleurs, la beauté intrinsèque de ce texte nous pousse à en ajouter.

En fait, cette sorte de déclaration d’intention est censée marquer une époque de vraie renaissance pour la mission dans la mesure où ce qu’elle signifie, en ajoute aux acquis de Vatican II, conduit l’imaginaire chrétien à regarder la mission dans toute sa positivité.

Or, cela, est à voir comme un acte courageux de la part de Jean Paul II. Car, par là, il conduisait l’Eglise, ni plus ni moins, à avoir un regard positif sur la mission, alors qu’encore pesaient lourdement sur elle l’héritage de son passé. Un passé de la mission, en général admirable, fait d’exploits miraculeux, mais aussi d’équivoques et des bavures. Surtout, au moment où la mission avait péché de connivence, explicite ou non, avec le colonialisme et, plus loin encore, avec l’esclavagisme et le système de taboula rasa, produit absurde de la stratégie de conquête des puissances du patronat. Si bien que le texte en question est censé disposer les esprits à se réconcilier avec la mission, tout en reconnaissant avec contrition et en intégrant dans la foi (comme lui-même l’avait fait en l’île de Gorée), le « péché » ; la honte ecclésiale de tels phénomènes de l’histoire qui ont troublé l’adhésion des peuples au christianisme et pire encore piétiné ici et là la dignité de nos frères et sœurs en humanité et leur droit à la liberté religieuse[17].

En plus, la méditation sur ce passage peut nous faire poser une question : « Qu’est-ce qu’a rendu si audacieux Jean-Paul II à l’égard de la mission ? ». Les réponses à ce questionnement évidemment peuvent être multiples. Cependant une réponse pourrait venir de sa connaissance-assimilation de la théologie missionnaire de Vatican II. En y ayant participé, il savait bien que ce Concile (qui « découvre » l’Eglise comme communion), avait rattaché la mission à sa source primordiale, à savoir  la communion trinitaire[18].  Et cela, par ce beau texte, dont la portée sémantique est digne d’être approfondit encore aujourd’hui: «Dans son pèlerinage l’Eglise est, par sa nature, missionnaire, puisqu’elle-même tire son origine de la mission du Fils et de la mission du Saint-Esprit, selon le dessein de Dieu le Père…de « l’amour fontal »… de la charité de Dieu… » (Ad gentes 2). Il savait donc de source conciliaire que la mission était une valeur absolue, venant de la communion de Dieu, et comme telle il devait la promouvoir au-delà de tout. Même au-delà des contradictions liées au volet de la mission comme activité humaine qui, par la force des choses, se déploie au milieu des limites et des contraintes de l’histoire. Il pouvait se dire alors que : « Puisque la mission est, avant tout, l’œuvre de Dieu (Missio Dei), rien ne peut l’arrêter ». Surtout, parce que la mission à cause de son rattachement à la communion trinitaire, possédait justement la grâce de véhiculer auprès des personnes humaines une telle communion divine.

Ce qui peut expliquer aussi le repêchage par Redemptoris missio d’une définition de la mission parmi les plus ardues contenue dans le décret Ad gentes au numéro 9 : « L’activité missionnaire n’est rien d’autre, elle n’est rien de moins que la manifestation du dessein de Dieu, son épiphanie et sa réalisation dans le monde et son histoire, dans laquelle Dieu conduit clairement à son terme, au moyen de la mission, l’histoire du salut » (41).

D’ailleurs nous savons du grand développement qu’il a donné à cette approche trinitaire et, ensemble, communnionnel de la mission. C’est lui, en effet, qui lui donnera continuité tout au long de sa production magistérielle. Il nous parlera alors de communion missionnaire à l’image de la Trinité, de spiritualité de communion, de l’Eglise et de chaque communauté chrétienne appelées à devenir maisons et écoles de communion…[19].  Et ce faisant il mettait en relief et à sa juste place la dimension communautaire de la vie chrétienne et ecclésiale.     

Mais ce n’est pas tout, car la lecture attentive de Redemptoris missio nous réserve une caractérisation bien vigoureuse de la mission.

En effet, ce même numéro 2  dira que la mission est « le premier service que l’Eglise peut rendre à tout homme et à l’humanité entière dans le monde actuel… ». Le numéro 3  parle de la mission comme « un devoir suprême ». Le n. 32 dit que la mission « n’est plus conçue comme une tâche marginale de l’Eglise mais elle est intégrée dans le cœur de sa vie comme un engagement fondamental de tout le peuple de Dieu ». Le n. 40 perçoit dans la mission « le plus grand des défis pour l’Eglise ».

Or, ce langage qui caractérise la mission en des termes si absolus, comme s’il s’agissait justement de définir quelque chose de valeur unique, apparaît, à raison, comme la manière de Jean-Paul II de transmettre aux fidèles une conviction datée de Vatican II. Celle selon laquelle, la mission est indissociable et propre à la nature de l’Eglise. Par là, il est aisé de comprendre que l’Eglise est telle si elle est missionnaire. Si bien que la bonne conclusion à tout cela est de retenir qu’il n’y a pas de mission sans l’Eglise, mais aussi qu’il n’y a pas d’Eglise sans la mission. Ce qui augmente de manière exponentielle la valeur et l’importance de la mission: « Pour le chrétien individuel comme pour l’Église entière, la cause missionnaire doit avoir la première place, car elle concerne le destin éternel des hommes et répond au dessein mystérieux et miséricordieux de Dieu » (86).

Pour finir, remarquons que ces derniers passages font comprendre l’importance de la mission par des raisons foncièrement théologiques. De sorte que ces mêmes raisons permettent à Jean-Paul II de souligner l’importance de la formation missionnaire et donc de la valorisation de la missiologie qui n’est que le discours, la science de la mission. Ainsi au n. 83 il est dit que la tâche de formation à la mission est ‘centrale dans la vie chrétienne’. C’est pourquoi: « L’enseignement théologique ne peut ni ne doit ignorer la mission universelle de l’Eglise, l’œcuménisme, l’étude des grandes religions et de la missiologie » [20]. Par ailleurs, dans ce même numéro on recommande que certains puissent se spécialiser en missiologie. Et cela, dans le but, comme dans le cas des Œuvres Pontificales Missionnaires, de « promouvoir l’esprit missionnaire universel au sein du peuple de Dieu » (84).

























CONCLUSION

On le voit, pour tout ce qu’on vient de dire et pour ce qu’on pourrait ajouter, Jean-Paul II se manifeste tel qu’un authentique disciple du Christ et un pape admirable, d’une extraordinaire efficacité,  profondément compénétré de la cause missionnaire dans tout ce qu’il a entrepris. L’accent prophétique des ses innombrables interventions orales et écrites ; sa proximité compatissante avec l’humanité de notre temps ; ses bains de foules à toute occasion pour rencontrer l’homme, afin qu’il puisse participer au salut apporté par le Redemptoris homini, font de lui un des plus grands missionnaire de l’histoire.

Cependant, il est possible que ce point de vue sur la grandeur missionnaire de Jean-Paul II, confié au présent hommage, soit encore plus unanimement partagé lorsqu’on découvrira mieux celles qui figurent comme les deux lignes dynamiques de sa missiologie, évoquées plus haut, la « Nouvelle Evangélisation » et la « Communion Missionnaire ». Et surtout, lorsqu’on réalisera que ces deux concepts peuvent se combiner, dans leur dynamisme. Et que cela mettra l’Eglise en condition de devenir en plénitude le sacrement de la présence du Christ ressuscité, lui donnant ainsi chaque jour de parfaire la nouvelle évangélisation du monde dans la force de son Esprit.

Merci Saint Jean-Paul II ! La passion pour la mission t’a sanctifié et, par toi, la mission est devenue pour nous tous un chemin d’avenir ; un chemin de joie : Evangelii gaudium !     




P. Domenico Arena, omi
Professeur de missiologie
Institut Africain des Sciences de la Mission (Kinshasa)
 arenomi52@gmail.com



[1] Cf. COLZANI, G., “L’antropologia della missione in Giovanni Paolo II”, in CAVALLOTTO, G., (a cura di), Missione e missionarietà in Giovanni Paolo II, Roma, 2004, p. 77-83; GAGLIANONE, R., “La “missione” al servizio della pace, della giustizia e della promozione umana”, in Ibid., p. 135-145; GRONCHI, M., « Cristologia e missione nel magistero di Giovanni Paolo II », in Ibid., p. 69-76; MUYA, J. I., “ Inculturazione come correlazione tra Vangelo e culture in Giovanni Paolo II”, in Ibid., p. 125-134; ONAH, G. I., “”Fides et ratio” in prospettiva missionaria”, in Ibid., p. 147-152; SABBARESE, L., “Diritto e missione”, in Ibid., p. 153-179.  
[2] Cf. ARENA, D., Le Christ parmi nous (Mt 18, 20). La communion missionnaire, perspective de nouvelle évangélisation, Kinshasa, 2013.
[3] Cf. DIAS, I., « The missions in the pontificate of pope John Paul II », in CAVALLOTTO, Missione…, p. 55.
[4]Cf.  CAVALLOTTO, G., « Duc in altum », in Ibid., p. 7.
[5] Cf. TREVISIOL, A., “”Ecclesia in Africa”:elementi di un nuovo progetto missionario”, in Ibid., p. 227-241.
[6] Cf. STELLIN, V. G., “La Iglesia en América: nueva evangelización y en camino hacia la misión “Ad Gentes”, in Ibid.,
[7] Cf. MACHADO, F. A., “The Church in Asia: the announcement of Christ and enconter (sic!) with religions”, in Ibid., p.243-264.
[8] Cf. DOTOLO, C., « « La Chiesa in Europa » : terra di missione ? », in Ibid., p. 183-199.
[9] Cf. TEBAY, N., «Presenting Jesus Christ in ways appropriate for the peoples of Oceania », in Ibid., p. 265-271.
[10] Cf. CAVALLOTTO, “Duc…”, p. 23-26.
[11] Cf. FORTINO, E. F., « Il movimento ecumenico verso l’unità con Cristo”, in Ibid., p. 85-108; MACHADO, F. A., “Interreligious dialogue: an essential part of the evangelizing mission of the Church”, in Ibid., p. 109-123.
[12] CAVALLOTTO, «  Duc… », p. 32.
[13]« Chrétiens et Musulmans doivent être des personnes de dialogue », in La Documentation Catholique, n° 7, 1992, p. 326-327.
[14] Cf. CAVALLOTTO, “Duc…”, p. 29.
[15] Cf. COLZANI, G., “”Redemptoris Missio”. Un decennio di bibliografia. 1990-2002”, in CAVALLOTTO, Mission …,  p. 275-287.
[16] Cf. RATZINGER, J., La comunione nella Chiesa, Cinisello Balsamo (MI), 2004, p. 73. 
[17] Cf. ARENA, Le Christ…, p. 238-252.
[18] « Depuis les premières années de mon service épiscopal, et justement grâce au Concile, il m’a été donné de vivre la communion fraternelle de l’Episcopat. Comme prêtre de l’archidiocèse de Cracovie, j’avais expérimenté ce qu’était la communion fraternelle du presbyterium, et le Concile a ouvert une dimension nouvelle à cette expérience » : « Testament de Jean-Paul II », in La Documentation Catholique, n° 2336, 2005, p. 487.
[19]Cf. CAVALLOTTO, « Duc… », p. 26-28.
[20] Ce qui avait été préconisé déjà en 1940 : cf. SEUMOIS,  A., Introduction à la Missiologie, Schöneck, 1952, p. 388.

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