jeudi 13 décembre 2012

l’œuvre de Cyprien sur les lapsi


0. Introduction

Dans les études de l’histoire des pères de l’Eglise sur les grandes personnalités de l’Église antique, nous en avons cet éminent évêque africain du IIIesiècle qu’était saint Cyprien,  premier évêque à mériter la couronne du martyre en Afrique. Sa renommée tient également - comme en témoigne le diacre Pontius qui écrivit sa première biographie - à sa production littéraire et à son activité pastorale pendant les treize ans qui s’écoulèrent entre sa conversion et son martyre.

Dans cette travail pratique je vais présenter l’œuvre de Cyprien sur les lapsi, en commençant par la personne lui-même, son environnent, l’œuvre il a réalisé sur les lapsi et en fin, appréciation du terme.

1. L’auteur

Né à Carthage au sein d’une riche famille païenne, après une jeunesse dissipée, Cyprien se convertit au christianisme à l’âge de 35 ans. Il raconte lui-même son itinéraire spirituel. Immédiatement après sa conversion, Cyprien est élu, non sans jalousies et résistances, au service sacerdotal et à la dignité épiscopale. Pendant la brève période de son épiscopat, il doit affronter les deux premières persécutions prescrites par édit impérial, celle de Dèce (250) et celle de Valerius (257-258)[1]. Après la persécution, particulièrement cruelle, de Dèce, l’évêque eut à s’engager courageusement pour le rétablissement de la discipline au sein de la communauté chrétienne. De nombreux fidèles, en effet, avaient abjuré, ou au moins n’avaient pas eu devant l’épreuve le comportement qui aurait convenu. Ils constituaient ceux qu’on appelait les lapsi, c’est-à-dire ceux qui étaient « tombés », et qui désiraient ardemment réintégrer la communauté. Le débat sur leur réadmission en arriva à diviser les chrétiens de Carthage, en laxistes et en rigoristes. À cette difficulté, il se trouva s’en ajouter une autre : la grave peste qui frappa l’Afrique et posa d’angoissantes questions théologiques aussi bien à l’intérieur de la communauté que dans la confrontation avec les païens. Il faut rappeler enfin la controverse entre Cyprien et l’évêque de Rome, Étienne, à propos de la validité du baptême administré aux païens par des chrétiens hérétiques.

2. Le thème central

Tout individu suspect de ne pas honorer les dieux est convoqué ou arrêté: on lui demande d'offrir une victime et de renier le Christ. Cyprien estime qu'il aidera davantage son Église en se cachant un certain temps et en soutenant son peuple à distance. Quand il revient à Carthage (vers avril-mai 251), il doit régler la question des lapsi, c'est-à-dire des chrétiens "tombés" durant la persécution.

Il écrivit son livre des Lapsi[2]. Il a pris une attitude miséricordieuse en vers eux avec une pénitence très rigoriste. Il disait: Qu'il ne faut pas enlever aux lapsi toute espérance, pour ne pas les pousser, en les excluant de l'Église, à abandonner la foi, à retomber dans la vie païenne; que cependant il faut leur imposer une longue pénitence, et les punir proportionnellement à leur faute[3]. Ils ont sacrifié aux dieux pour pouvoir sauver leurs familles, leurs maisons et leurs vies. Il existe trois types de lapsi, chacun d’eux correspondant à une action que leurs persécuteurs leur demandaient d’effectuer à leurs croyances. Ils sont turificati quand ils ont brulé l’encens pour honorer des dieux pains, sacrificati quand ils ont fait un sacrifice aux dieux païen, et lilbellalici ceux qui, sans faire acte formel d'apostasie, avaient profité de la faiblesse des fonctionnaires romains, les avaient séduits et s’étaient fait donner de fausses attestations[4].

3. Raison de la composition

Ceux qui ont apostasié sont nombreux: ils ne sont plus dans la communion ecclésiale. Ils ne pourront participer à nouveau aux prières et à l'eucharistie que s'ils sont réintégrés dans l'Église. Cela suppose qu'ils fassent pénitence, confessent publiquement leur faute et soient relevés par l'imposition des mains de l'évêque et du clergé. Mais ces prescriptions sont loin d'être toujours respectées. L'évêque de Carthage multiplie ses instructions et en informe Rome. Le pape Corneille, que Cyprien soutient énergiquement contre le prêtre Novatien qui vient de créer un schisme en se faisant sacrer évêque de Rome, adopte la même conduite à l'égard des lapsi. Par contre, l'évêque de Carthage va s'opposer au pape Étienne au sujet du baptême des hérétiques. La question est de savoir si l'on doit rebaptiser les hérétiques ou les schismatiques lorsqu'ils reviennent à la vérité. Les pratiques sont différentes selon les Églises: ainsi à Rome et à Alexandrie, on se contente d'une simple réconciliation; en Afrique et en Asie Mineure, on exige qu'hérétiques et schismatiques soient rebaptisés. Cyprien prend nettement position dans ce sens: les lapsi ne peuvent conférer les sacrements parce qu'ils sont "dehors". Le baptême est "le baptême de l'Église"[5].

4. Appréciation personnelle

Cyprien aurait poussé les choses à l’extrême et la position de l’Eglise est de mettre le juste milieu entre les divergences de Cyprien et Etienne concernant de façon de réconcilié les lapsi dans l’Eglise. Donc, les problèmes sont doctrinal notamment la compréhension et la pratique des sacrements, celles du baptême et réconciliation. S. Cyprien reprit cependant l'argumentation de Tertullien, sans toutefois le nommer, et la résuma ainsi: De même qu'il n'y a qu'un Christ, il n’y a aussi qu'une Église; elle seule est la médiatrice du salut, elle seule peut administrer les sacrements, hors d'elle aucun sacrement ne peut être validement conféré[6] .

 

Celui qui baptise est un simple instrument, et le Christ peut se servir d'un instrument quelconque, pourvu que celui ici fasse ce que le christ veut qu’il fasse. Cet instrument ne fait qu’exécuter l’acte du baptême ; la grâce du baptême vient de Dieu.

 

Le baptême conféré par un lapsi ou hérétique sera donc valide, s’il a été  administré au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et avec 1'intention de faire ce que fait l’Eglise. Celui qui a été baptise vient-il, tombé, à reconnaitre son égarement et sa séparation de la vérité, il doit, pourvoir être admis dans cette Eglise, se soumettre à une pénitence mais il n’est pas nécessaire de le rebaptiser.

 



[1] HAMAN A., Guide pratique des pères de l’Eglise, Bruges (Belgique), Editions Desclee de Brouwer, 1967, p. 72-74
[2] Ibid., p. 76-77.
[3] HEFELE Charles-Joseph, Histoires des conciles, Paris, Adrien de Clere, 1969, p. 94
[4] Ibid., p. 95.
[5] Ibid., p. 114.
[6] Ibid., p. 114.

Cardinal Joseph Albert Malula, un Pasteur prophétique", de Luyeye


Ce livre écrit par l’Abbé LUYEYE François sous l’intitulé " Cardinal Joseph Albert Malula, un Pasteur prophétique", est une œuvre proéminente dans la mesure où elle retrace la figure d’un brillant pasteur de l’Eglise congolaise. Il est composé de huit chapitres. Selon l’auteur, son but c’est de rapprocher les lecteurs de la pensée profonde et de l’originalité des œuvres du Cardinal Malula. La question de fond c’est celle de savoir l’impact de l’héritage de Malula pour nous aujourd’hui, lui en tant que pasteur, prophète et leader.

Joseph A. Malula est né à Léopoldville le 17 décembre 1917 ; fut élevé à Boma. En 1931 entra au petit Séminaire de Mbata Kiela, où il reçut une formation d’humaniste solide en compagnie de ses compagnons dont Mgr Moke. En 1937 il commença les études philosophiques au grand Séminaire de Kabwe et en 1940, la théologie, qu’il termina en 1944 ; deux ans après il ordonné prêtre. Très tôt Malula compris qui le sacerdoce était un honneur mais surtout une responsabilité, dira –t-il dans une lettre à un bienfaiteur. En 1953 il voyage à Rome en transitant par quatre capitales africaines. Il arrive aussi en Belgique et reste frappé par le zèle pastoral, malgré l’individualisme. Ce voyage lui a permis de concevoir des intuitions pastorales pour l’avenir de l’Église du Congo, autour desquelles il s’engagea  dans l’apostolat de la jeunesse, de la famille et des laïcs en général. Grand compositeur et prédicateur vigoureux, autodidacte.

Le 02 juillet 1959, le Pape Jean XXIII le nomma vicaire apostolique et auxiliaire de Léopoldville ; choisissant comme devise de son épiscopat « in caritate » il se propose comme serviteur de la charité et apôtre de la communion fraternelle dans le Congo ; il rêve avec une Église congolaise dans un Etat congolais, fondé sur l’unité des croyants dans la foi en Jésus Christ ; cette formule est devenue le moteur de toute la dynamique pastorale de sa vie. Malula a pris part au Concile Vatican II comme membre de la commission liturgique.

Le 07 juillet 1964, Paul VI le nomma archevêque et le 28 mars 1969 il est élevé au rang de cardinal ; à cette occasion il exhorta les fidèles sur la nécessité de l’unité et de la collaboration. Son courage prophétique l’a valu la haine, la persécution et l’exil durant le régime mobutiste.  A peine rentré de son exil à Rome, il chercha à organiser son diocèse le divisant en trois régions apostoliques confiées à chacun des ses évêques auxiliaires ;  il définit les priorités pastorales telles que la formation des prêtres, des religieux, des lais et la promotion de l’inculturation. C’est lui le pionnier du rite zaïrois. En février 1989 il convoqua un concile diocésain que fut l’expression du projet pastoral qui lui habitait ; ce fut un testament légué à l’Eglise de Kinshasa. Il rêvait aussi la célébration d’un concile africain, mais la mort l’a emporté de ce monde le 14 juin 1989.

De son vivant le Cardinal Malula préconisait l’africanisation du christianisme ; pour ce, il fallait opérer un changement de mentalités, remettre  en question la pastorale traditionnelle, pour enfin, en définir les priorités pastorales. Il s’engagea dans la promotion du clergé local, sensibilisant les jeunes ; cette exhortation eut son retentissement progressivement dans les années 80. En fait, pour Malula l’idéal sacerdotal se base sur l’unité du presbyterium, le service et l’humilité, devenant l’homme de Dieu et des hommes, en prenant part à leurs joies et leurs peines. C’est dans cette ligne qu’il voulut une formation adaptée au clergé diocésain. Il s’intéressait personnellement à rencontrer, accompagner et assister ses séminaristes.

Les formes de la célébration pénitentielle


Les formes de la célébration pénitentielle

 1.0 La première forme de la célébration pénitentielle

Réconciliation individuelle des pénitents- constitue l’unique manière normale et ordinaire de célébrer ce sacrement, et on ne peut ni ne doit la laisser tomber en désuétude ou la négliger.  La première forme permet la valorisation des aspects personnels – et essentiels – que comporte l’itinéraire pénitentiel. Le dialogue entre le pénitent et le confesseur, l’ensemble des éléments utilisés (les textes bibliques, le choix des formes de la « satisfaction », etc.) permet à la célébration sacramentelle de mieux répondre à la situation concrète du pénitent. On voit bien la valeur de ces éléments  lorsqu’on pense aux diverses raisons qui poussent un chrétien à la pénitence sacramentelle : un besoin d’être personnellement réconcilié et d’être admis à nouveau dans l’amitié de Dieu. Cette première forme permet d’exprimer clairement et de promouvoir la décision et l’effort personnels. Çà se fait comme ci-dessous :

Préparation personnelle et après, il y a l’accueil mutuel - Le prêtre et le pénitent font ensemble le signe de la croix. Le pénitent peut dire : Bénissez-moi, mon père, parce que j’ai péché. Et le prêtre le bénit au nom du seigneur, en l’invitant à la confiance. 

La lecture de la parole de Dieu-l e prêtre ou le fidèle lit un passage de l’écriture au moins que le prêtre proclame de mémoire une parole du seigneur évoquant la miséricorde de Dieu ou  appelant l’homme pécheur à la pénitence.

Confession des péchés - Le pénitent peut commencer  par une confession globale de son état de pécheur, en disant : Je confesse à Dieu tout puissant,  je reconnais devant vous, mon père, que j’ai  péché, en pensée, en parole…, Le pénitent fait ensuite l’accusation des ses fautes particulières.

Le prêtre propose ensuite un signe de conversion et de pénitence : prière, partage, effort pour sortir de soi-même, de ses habitudes et, surtout, service du prochain. Il convient que le pénitent manifeste son acceptation ou qu’il propose lui-même une autre expression concrète de sa volonté de renouveau dans sa vie profonde.

Prière pour accueillir le pardon – Si le prêtre et le pénitent sont assis, ils se lèvent et, dans la mesure du possible, le fidèle se met à genoux ou, du moins, il s’incline profondément. Chaque fois que c’est possible, le prêtre et le pénitent prient ensemble quelques versets de psaumes. Le pénitent peut aussi exprimer son regret dans une prière.

Absolution – Le pénitent écoute la parole qui lui donne le pardon de Dieu. Le prêtre étend les mains sur la tête du pénitent. Les mains «étendues, le prêtre dit la prière de réconciliation. Le fidèle pardonné répond : Amen. Le prêtre invite à l’action de grâce : souhait de joie et de confiance, mot d’encouragement adapté à chaque personne. Il peut conclure ainsi : Allez dans la paix et la joie du christ.

En cas de nécessité

 Si les circonstances obligent à abréger la célébration, on doit toujours sauvegarder au minimum, avec l’aveu des fautes et la proposition d’un signe de pénitence, la demande de pardon du fidèle et l’intégralité de la formule d’absolution. Mais, s’il ya danger de mort imminente, le prêtre pourra s’en tenir aux paroles essentielles de l’absolution : Au nom du père, + et du fils, et du Saint-Esprit, je vous pardonne tous vos péchés.

2.0 La deuxième forme de la célébration pénitentielle

Réconciliation de plusieurs pénitents avec confession et absolution individuelles- même si, dans sa préparation, elle permet de souligner davantage les aspects communautaires du sacrement, rejoint la première forme dans l’acte culminant du sacrement, à savoir la confession et l’absolution individuelles des péchés, et par conséquent elle peut être assimilée à la première forme en ce qui concerne la normalité du rite. La deuxième forme de la célébration, précisément par son caractère communautaire et la façon dont elle se déroule, met en relief  quelques aspects de grande importance : la Parole de Dieu, écoutée en commun, a un autre effet que la lecture faite individuellement, et elle souligne mieux le caractère ecclésial de la conversion et de la réconciliation. Elle revêt une signification particulière dans les devers moments de l’année liturgique et à l’occasion des événements présentant un intérêt pastoral spécial. Il faut avoir un nombre suffisant de confesseurs pour sa célébration.

La célébration communautaire de la réconciliation a l’avantage de rendre plus tangible le caractère ecclésial du sacrement : ensemble nous entendons proclamer la parole de Dieu, qui nous appelle à la conversion  et nous dit la miséricorde du seigneur ; ensemble nous confrontons nos vies à cette parole et nous prions les uns pour les autres ; ensemble nous recevons le pardon de Dieu et nous reprenons notre route.

3.0 La troisième forme de la célébration pénitentielle

Réconciliation de plusieurs pénitents avec confession et absolution générales -  Revêt un caractère d’exception ; elle n’est donc pas laissée au libre choix, mais elle réglementée par une discipline spéciale.  S’il est vraie que, lorsque se vérifient les conditions requises par la discipline canonique, on peut faire usage de la troisième forme de célébration, on ne saurait pourtant oublier que cette forme  ne peut devenir une forme ordinaire et qu’elle ne peut ni ne doit être employée si ce n’est « en cas de grave nécessité »,  restant ferme l’obligation général de confesser individuellement les péchés graves avant de recourir de nouveau à une autre absolution générale.

La confession individuelle et intégrale des péchés avec absolution également individuelle constitue l’unique moyen ordinaire qui permet au fidèle, conscient de péché grave, d’être  réconcilié avec Dieu et avec l’église. Tout péché grave doit être  toujours avoué, dans une confession individuelle.

4.0 Les célébrations pénitentielles non sacramentelles

Il est très souhaitable que les chrétiens puissent participer à des célébrations qui ne comportent pas le signe sacramentel de la réconciliation. Les célébrations de la pénitence (On ne les appelle pas « célébration de la réconciliation » parce que  ce terme peut s’appliquer, en rigueur de terme, qu’aux célébrations sacramentelles) ont valeur en elles-mêmes comme révélant le caractère ecclésial de la pénitence. Elles peuvent permettre aux chrétiens que leur situation publique prive de l’eucharistie (par exemple, les divorcés remariés), de se joindre à une démarche communautaire ecclésiale. Elles trouvent aussi leur place dans le cadre de l’initiation des enfants à une démarche pénitentielle en Eglise. Dans le cas où l’on ne dispose pas de prêtres, elles peuvent être organisées par un diacre, un catéchiste ou un autre membre de l’assemblée chrétienne concernée.

Leur structure est celle qui est observée habituellement dans les célébrations de la parole de Dieu et qui est proposé dans le rituel pour la réconciliation de plusieurs pénitents : après l’homélie et la méditation de la parole de Dieu l’assemblée exprime son repentir et son désir de conversion par une prière litanique ou par tout autre moyen capable de promouvoir la participation de tous. Ces célébrations ne comporte ni aveu individuel, ni absolution. Cependant elles peuvent constituer une utile préparation à la confession en aidant à approfondir et exprimer de manière communautaire la résolution permanente de conversion.

 

BIBLIOGRAPHIE

CHALET-TARDY, Célébrer la pénitence et la Réconciliation, nouveau rituel, Paris, 1978, 95p.

JOUNEL Pierre, (présentée par), La célebration des Sacrements, Desclée, 1983, 1279P.

JEAN Paul II, Exhortation apostolique, Réconciliatio et Paenitentia, paris, 1984,  117p.

 

les femmes


Les conditions dans lesquelles vivent les femmes dans le monde ont toujours été préoccupantes. Malgré leur rôle essentiel dans la famille et la société toute entière, elles sont victimes des inégalités, des injustices et des violences qui portent atteinte à leur identité profonde et qui réduisent leur dignité à sa plus simple expression. Aussi, faut-il connaître avec Porcile Santiso qu’un regard objectif sur l’histoire de l’humanité oblige à constater que la femme a été généralement considérée comme inférieure, soumise à l’homme et utilisée pour lui, surtout ou uniquement, pour la procréation et les travaux ménagers[1].

Les biblistes du XXe siècle ont vu en la Bible, dans la société occidentale, une source majeure et une légitimation de l’oppression des femmes dans la famille, la société et l’Eglise.[2] Elles remarquent que l’ehos  chrétien est totalement andocentrique( c’est-à-dire centré sur le mâle), patriarcal(c’est-à-dire dominé par le mâle) et sexiste( c’est-à-dire discriminatoire et oppresseur à l’égard des femmes). La réaction des femmes chrétiennes en général et les biblistes en particulier, ayant constaté le rôle de la Bible dans l’oppression des femmes, a été de refuser  que la Bible serait elle-même à la blâmer. Si la Bible est Parole de Dieu, elle ne peut être nuisible à aucune des créatures de Dieu. La faute doit revenir à une mauvaise interprétation du texte.[3]

Force est de remarquer que cette discrimination a été entretenue par à peu près toutes les cultures et à toutes les époques de l’histoire. Les pères synodaux de 1994 attribuent la condition d’infériorité de la femme en Afrique à la tradition africaine non encore été complètement transformée par l’Evangile.

Pendant que certaines femmes éclairées poursuivent la lutte pour défendre la dignité de la femme, « avec l’espoir qu’elle sera pleinement reconnue »[4] un jour,  nombreuses sont les femmes dans le monde, particulièrement en Afrique et plus précisément  dans les pays en guerre, tel la République Démocratique du Congo, qui subissent des violences ignominieuses et « innommables ». Madame Marie Madeleine KALA, dans la préface de l’ouvrage de la sœur Josée NGALULA, Dieu dénonce et condamne les violences faites aux femmes, parle des formes des violences plus atroces et plus spectaculaires, telles que les violences sexuelles, déportations et esclavages sexuels, éventrement, mariages forcés, mutilations, etc., crimes abominables, car laissant des traces indélébiles et ruinant la vie.

En laissant parler le témoignage de cette femme nommée Destinée, victime des ces genres de violences, nous pouvons nous rendre compte de la gravité de la situation que traversent les femmes dans le monde. La sensibilité de ce message a obligé sa lectrice à tourner le dos contre ses auditeurs : 

« J’ai laissé mon histoire à la génération future, je voudrais qu’un jour les femmes se souviennent de mon courage et qu’elles luttent pour que ce que j’ai vécu, aucune autre femme au monde ne puisse le vivre. « Maman Destinée. »

C’était un samedi matin, je me suis réveillée comme à la normale. Je suis allée prendre du bois derrière la maison et de là, j’ai entendu une voix en swahili qui m’a interpellée en disant " Femme ! Arrêtes- toi" je me suis arrêtée et j’ai vu un groupe de soldats habillés en tenue de combat, ils étaient plus d’une dizaine, ils ont commencé à avancer vers moi, j’ai commencé à trembler car au fond de moi, je me suis dit « Voilà aujourd’hui c’est mon tour. ». Saisi de peur, mon corps devenait lourd comme une pierre. Ils m’ont demandé qui étaient dans la maison, j’ai répondu que toute ma famille était à l’intérieur de la maison. Celui qui avait l’air d’être le commandant m’a demandé d’aller avec eux à l’intérieur de la maison, et là, mon mari, mon beau-père, mon fils et mes deux filles s’y trouvaient. Ils m’ont ordonné de me coucher par terre et exigé que mon fils me fasse l’amour, sinon j’allais être tuée. Mon beau-père, surpris et choqué par cette parole barbare, répondit Non, et on lui répliqua par un coup de crosse de fusil à la tête. Après, on l’obligea à son tour à coucher avec ma fille aînée bien aimée, il répliqua forcément Non ! Et il a été abattu sur le champ ! A mon mari, il fut ordonné de coucher avec ma fille et il refusa, mon fils qui refusa aussi de coucher avec moi fut mis au coin du mur, alors leur commandant ordonna à tous les autres militaires de se mettre en file, mon mari fut couché par terre pour servir de matelas. Les 15 militaires passèrent sur moi à tour de rôle et je fus laissée pour morte une fois cette horreur terminée. A la fin, mon mari et mon fils furent tués l’un après l’autre et mes filles furent violées à leur tour.

Faible à mourir, le commandant ordonna que je sois transportée et partir avec eux. Nous sommes alors partis très loin dans la forêt où, j’ai servi de femme esclave et de bonne à tout faire. Après un temps que je peux imaginer de 2 à 3 mois, j’ai réussi à m’enfuir avec un tissu en pagne pour cacher ma nudité qui ne me servait plus à rien car toute ma dignité de femme était déjà finie. Je me suis retrouvée dans un petit village près de l’Ituri après avoir bravé pluie, soleil, froid, serpents, moustiques, maux de têtes etc.… Je me suis retrouvée à Kinshasa où quelques jours après j’ai été prise en charge par l’hôpital général de Kinshasa. » Cette femme mourra sur son lit d’opération.[5]

Les violences faites aux femmes n’ont pas commencé aujourd’hui. Elles sont vielles que le monde. La Bible en fait largement mention. La sœur Josée NGALULA, dans le livre sus-cité, fait découvrir au lecteur les violences faites aux femmes dans la Bible ainsi que les pistes chrétiennes pour lutter contre ces violences.[6]  Elle insiste sur l’attitude de Dieu face aux violences : Il dénonce la violence et exige son arrêt.[7]

Lorsqu’on examine la plupart de ces violences, anciennes comme actuelles, l’on remarque que presque tout se joue sur le corps de la femme. Sa beauté et sa virginité sont mises en jeu ou alors en épreuve. Or, l’on sait que ce qui est commun à toutes les femmes c’est le corps. C’est à travers celui-ci qu’elles s’expriment, c’est là, comme le dit Porcile Santiso: « la première identité de l’être de l’être féminin ; une corporéité féminine qui implique une façon d’être dans le monde, de se situer (de là le terme de « situation »), qui suppose une façon d’être et de se définir. »[8] Certes, le corps exprime la personne. Il n’est pas seulement un objet de ce monde mais fondamentalement, quelqu’un, la manifestation, le langage d’une personne.[9]



[1] SANTISO  P., La femme, espace de salut, Paris, Cerf, 1999, p. 27.
[2] SANDRA  M.,  Le texte de la rencontre.  Lectio Divina 161, Paris, cerf, 1995, p. 228.
[3] Cf. Ibidem, p. 229.
[4]
[5] http://www.genreenaction.net/spip.php?article3772 lundi 28 novembre 2005. 
 
[6] NGALULA J., Dieu dénonce et condamne les violences faites aux femmes, p. 6.
[7] Ibidem, p. 9.
[8] SANTISO  P., Op. cit., p. 113-114.
[9] CLEMENT O., Corps de mort et de gloire. Petite introduction à une théopoétique du corps, Paris,       Desclée de Brouwer, 1995, p. 10.

LA CRISE DU SACREMENT DE PENITENCE DANS « RECONCILIATIO ET PAENITENTIA » DE JEAN PAUL II


LA CRISE DU SACREMENT DE PENITENCE DANS « RECONCILIATIO ET PAENITENTIA » DE JEAN PAUL II

 

Introduction

 « En 1943, dans l’encyclique Mystici corporis, le Pape Pie XII déplorait déjà que les chrétiens d’aujourd’hui fassent trop peu de cas du sacrement de pénitence». [1] Depuis lors, le phénomène n’a fait que s’accentuer. Face à la confusion actuelle, plusieurs voix s’étaient élevées au Synode de 1983 pour réclamer un enseignement clair, ferme et libérateur sur le sens chrétien du péché. Jean Paul II honora cette demande en écrivant l’Exhortation apostolique post-synodale « Réconciliatio et paenitentia » de décembre 1984.  Dans ce chapitre, on va démontrer comment le Pape Jean Paul II a confronté ce problème. En première lieu, on va donner une présentation générale de ce document et après, on va exposer les causes en questions.

I.                   L’analyse et présentation générale du document

Le 2 décembre 1984, à la suite du Synode des évêques sur La pénitence et la réconciliation dans la mission de l’Église, paraissait l’Exhortation apostolique Reconciliatio et paenitentia. Le document ne conclut pas seulement les travaux d’un Synode. Il est le point d’aboutissement de quelque vingt années de recherche doctrinale et pastorale sur le sacrement de pénitence.

Certains ont vite exprimé leur déception à la lecture du document. On n’y trouvait pas un certain nombre de propositions énoncées dans l’enceinte du Synode, tout particulièrement en ce qui regarde l’absolution collective. C’était oublier qu’une exhortation apostolique n’est pas un simple rapport de synthèse et qu’un synode n’est pas un concile. Un Synode met l’évêque de Rome au contact direct des Eglises, de leur vie, de leurs difficultés et de leurs attentes. Dans son souci pastoral, il formule des hypothèses, transmet des propositions. Il vient ainsi en aide au ministère du pape dans l’exercice de sa charge. C’est au Pape qu’il revient en dernière instance de faire œuvre de discernement, en vertu de la charge qui lui est personnellement confiée. Dans ce document Jean Paul II transmet ce qui, dans le trésor doctrinal et pastoral du Synode, lui parait « providentiel » pour notre époque (1,13). Il prend position et se fait ainsi le porte parole authentique de ses frères dans l’épiscopat. [2]

Ce document est divisé en trois parties, il s’agit d’abord de la réconciliation que l’Eglise apporte au monde.  Il aborde ensuite le problème du péché, cause ultime de toutes les divisions dans le monde. En fin, passant au plan pratique et proprement pastoral, il traite des moyens concrets dont l’Église dispose pour promouvoir la pénitence et la réconciliation dans notre monde d’aujourd’hui.[3]

C’est dans la conclusion de la seconde partie que Jean Paul II traite du sens du péché. C’est à ce niveau qu’il aborde directement les causes de la crise spirituelle de notre époque et exprime du coup quelques unes des préoccupations majeures de son pontificat.

Tout au long du document, la confession du péché est liée à l’absolution  sacerdotale, non en termes de rapport entre les deux mais en tant que la confession du péché est nécessaire pour obtenir le pardon. L’Exhortation (32) déclare que la première forme du rite de la pénitence (confession et réconciliation individuelles) est normative et qu’elle est le mode ordinaire de la célébration du sacrement. Le document énumère les avantages de la confession individuelle : elle pourvoit au pardon personnel et à la réconciliation avec Dieu en restituant la grâce perdue par le péché ; elle offre une possibilité de progrès spirituel ; c’est un moyen de discernement de sa vocation et une voie pour se libérer de l’apathie spirituelle et de la crise religieuse. Le document recommande aussi la confession sacramentelle des péchés véniels parce que la grâce propre au sacrement a un pouvoir thérapeutique et arrache les racines du péché. L’Exhortation se soucie de la dimension « horizontale »(7). Cette section du document semble réduire le sacrement à la confession du péché et renforce une conception privatisée de la relation avec Dieu[4].

II.                 Les différentes causes de la crise

Pour parler de la crise de la pénitence, il faut d’abord comprendre comment Jean Paul II l’a expliqué dans ce document : la pénitence est le changement qui s’opère au plus profond du cœur sous l’influence de la parole de Dieu et dans la perspective du Royaume. Pénitence veut dire aussi changer la vie en même temps que le cœur, et en ce sens, l’action de faire pénitence se complète par celle de produire des fruits qui témoignent de la pénitence : c’est toute l’existence qui devient pénitentielle, c’est-à-dire, tendue vers dans une progression continuelle pour le mieux. Cependant, faire pénitence n’est quelque chose d’authentique et d’efficace que si cela se traduit en actes et en gestes de pénitence. De ce point de vue, pénitence signifie, la conversion qui passe du cœur aux œuvres et par conséquent à toute la vie du chrétien. La pénitence est étroitement lié à la réconciliation, car se réconcilier avec Dieu, avec soi-même et avec les autres suppose que l’on remporte la victoire sur la rupture radicale qu’est le péché, ce qui se réalise seulement à travers la transformation intérieure ou conversion, qui porte des fruits dans la vie grâce aux actes de pénitence (4,4).

L’autre terme à comprendre avant de parler de causes de la crise est ‘le sens du péché’ : le sens du péché est cette fine sensibilité et une capacité de perception qui permettent aussi de déceler ces ferments dans les mille formes que revêt le péché, dans les mille visages sous lesquels il se présente (18,1). Cette sensibilité, acquise par la conscience chrétienne au long des générations, va de pair, précise le pape, avec le sens de Dieu : Elle « provient du rapport conscient de l’homme avec Dieu comme son créateur, son seigneur et père » (18,2). Enracinée dans la conscience de l’homme, elle en est en quelque sorte l’instrument de mesure. C’est pourquoi, de même que l’on ne peut effacer complètement le sens de Dieu ni éteindre la conscience, de même le sens du péché n’est jamais complètement effacé.

Le sacrement de la confession est en butte à de nombreuses menaces : d’un coté, l’obscurcissement de la conscience morale et religieuse, la diminution du sens du péché, la déformation de la notion de repentir, l’élan insuffisant vers une vie authentiquement chrétienne ; d’un autre coté, la mentalité répandue ici ou là selon laquelle on pourrait obtenir le pardon directement de Dieu, même de façon ordinaire, sans s’approcher du sacrement de la réconciliation, et aussi la routine d’une pratique sacramentelle qui manque parfois de ferveur et de spontanéité spirituelle, cette routine étant due peut-être à une conception erronée et détournée de son vrai sens en ce qui concerne les effets du sacrement (28,3).

Les raisons qui expliquent cette crise sont diverses. Il y en a qui ne concernent pas la validité fondamentale de la confession individuelle comme par exemple : l’aversion du confessionnal pour certains pénitents, la répugnance de devoir s’agenouiller devant un interlocuteur que l’on ne voit pas, la critique de certains confesseurs incapable d’accueillir et d’écouter les pénitents, le formalisme routinier et l’infantilisme de certains aveux, l’humilité et l’inefficacité de certains schémas d’examen de conscience proposés par les prêtres, insistance unilatérale des confesseurs sur certains péchés notamment contre le sixième commandement, sur le contrôle des naissances et sur les rapports sexuels.

D’autres motivations sont plus profondes et touchent à la nature même du sacrement. Certains fidèles engagés trouvent que la confession est inutile, insensée. D’autres prétendent se confesser directement à Dieu, d’autres encore réfutent la confession et surtout l’exigence de l’aveu détaillé de tous les péchés mortels : Ainsi beaucoup préféreraient l’absolution collective sans aveu individuel dans une célébration communautaire[5].

Un regard sur certaines composantes de la culture contemporaine peut nous aider à comprendre l’atténuation progressive du sens du péché, précisément à cause de la crise de la conscience et du sens du péché. Multiples en sont les causes :

1. Certains résultants des sciences humaines.

Le sens du péché disparaît dans la société contemporaine à cause des équivoques où l’on tombe en accueillant certains résultants des sciences humaines :

 

(a)               La Psychologie

 En partant de quelques-unes des affirmations de la psychologie, la préoccupation est de ne pas culpabiliser ou de ne pas mettre un frein à la liberté porte à ne jamais reconnaître aucun manquement (18,5). Aujourd’hui on fait recours au psychologue pour recouvrer la paix, la sérénité et se libérer du sens de la faute après un désordre dans la vie. Dans ce sens on ne voit rien de spécifique dans la pratique de la confession. La psychologie moderne parle volontiers de l’expérience de la faute commune à tout homme ; elle cherche d’en découvrir le dynamisme intérieur et de déceler les facteurs qui en sont à l’origine. Dans cette recherche, il y a certes des extrapolations, mais cela ne doit pas amener à récuser la valeur de ces recherches. En effet, il y a un certain psychologisme qui ne laisse pas la place à la responsabilité de la personne lorsque l’on prétend expliquer tous les actes et les attitudes des hommes partant des conditionnements biologiques, du subconscient ou du milieu ambiant. Ainsi l’on arrive facilement à parler des malades plutôt que des pécheurs, et même pour les personnes normales, des maladies plutôt que des péchés.[6]

(b)              Science sociologique

A cause d’une extrapolation indue des critères de la science sociologique, on en vient, à reporter sur la société toutes les fautes dont l’individu est déclaré innocent.  Il y a un déplacement que la notion de péché est en train de traverser. En réaction contre une morale par trop individualiste et finalement stérile, on en est arrivé ces dernières années à une compréhension éthique de l’homme qui situe les responsabilités d’abord et avant tout dans les sphères du social, de l’économique et du politique. D’où l’accent mis sur la dimension sociale de la faute, au détriment bien souvent de son caractère proprement personnel[7].

(c)               Anthropologie culturelle

 Egalement, une certaine anthropologie culturelle, à son tour, à force de grossir les conditionnements indéniables et l’influence du milieu et des conditions historiques sur l’homme, limite sa responsabilité au point de ne pas lui reconnaitre la capacité d’accomplir de véritables actes humains et, par conséquent, la possibilité de pécher (18,6). Dans nos jours il y a une morale qui a une inspiration anthropocentrique : « Elle ne repose plus sur le sens de Dieu, elle procède du sens de l’homme : ‘ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’on te fasse à toi-même’».[8] L’accent s’est déplacé, à la place de baser nos actions sur Dieu, nous mettons l’homme au centre.

2. Relativisme historique

 Le sens du péché disparaît facilement aussi sous l’influence d’une éthique dérivée d’un certain relativisme historique. Il peut s’agir de l’éthique qui relativise la norme morale, niant sa valeur absolue et inconditionnelle, et niant par conséquent qu’il puisse exister des actes intrinsèquement illicites, indépendamment des circonstances où ils sont posés par le sujet. Il s’agit aussi d’un véritable  ébranlement et (d’une) baisse des valeurs morales », et le problème, ce n’est pas tellement l’ignorance de l’éthique chrétienne, mais plutôt celui du sens, des fondements et des critères de l’attitude morale. L’effet de cet ébranlement éthique est toujours aussi d’étouffer à ce point la notion du péché qu’on finit presque par affirmer que le péché existe mais qu’on ne sait pas qui le commet(18,7).

3. Exclusion de Dieu

La perte du sens du péché est donc une forme ou un résultat de la négation de Dieu : non seulement celle de l’athéisme, mais aussi celle de la sécularisation (vivre comme Dieu n’existait pas, l’effacer de sa vie quotidienne). Par définition, le sécularisme est un mouvement d’idées et de mœurs qui impose un humanisme qui fait totalement abstraction de Dieu, concentré uniquement sur le culte de l’agir et de la production, emporté par l’ivresse de la consommation et du plaisir, sans se préoccuper du danger de « perdre son âme » ; il ne peut qu’amoindrir les sens du péché(18,5).

 Dans une telle situation, l’obscurcissement ou l’affaiblissement du sens du péché découle du refus de toute référence à la transcendance, au nom de l’aspiration à l’autonomie personnelle ; de l’assujettissement à des modèles éthiques imposés par un consensus et une attitude générale, même si la conscience individuelle les condamne ; des conditions socio-économiques dramatiques qui oppriment une très grande part de l’humanité, faisant naître la tendance à ne voir les erreurs et les fautes que dans le domaine social ; enfin et surtout de l’effacement de l’idée de la paternité de Dieu et de sa seigneurie sur l’homme (18,9).

Exclusion de Dieu, rupture avec Dieu, désobéissance à Dieu : c’est ce qui a été et ce qu’est le péché tout au long de l’histoire humaine, sous des formes diverses qui peuvent aller jusqu'à la négation de Dieu et de son existence : c’est le phénomène de l’athéisme. La désobéissance de l’homme qui par un acte de sa liberté ne reconnait pas la prédominance de Dieu dans sa vie, au moins au moment précis où il viole sa loi (14, 3,4).  Du fait que par le péché, l’homme refuse de se soumettre à Dieu, son équilibre intérieur est détruit et c’est au fond même de son être qu’éclatent les contradictions et les conflits. Ainsi, déchiré, l’homme provoque de manière presque inévitable un déchirement dans la trame de ses rapports avec les autres hommes et le monde créé (15,4).

4. Déformation de la conscience

Le Pape Jean Paul II se demandait : « si l’homme contemporain ne vit-il pas sous la menace d’une éclipse de la conscience, d’une déformation de la conscience, d’un engourdissement ou d’une « anesthésie » des consciences ? » Trop de signes indiquent qu’à notre époque se produit une telle éclipse, ce qui est d’autant plus inquiétant que cette conscience, définie par le concile comme «  le centre le plus secret et le sanctuaire de l’homme », est « étroitement liée à la liberté de l’homme… C’est pour cela que la conscience constitue un élément essentiel qui fonde la dignité intérieure de l’homme et, en même temps, son rapport avec  Dieu ». Il est donc inévitable dans cette situation que le sens du péché soit lui aussi obscurci, car il est étroitement lié à la conscience morale, à la recherche de la vérité, à la volonté de faire un usage responsable de sa liberté. Avec la conscience, le sens de Dieu lui aussi se trouve obscurci, et alors, si cette référence intérieure décisive est perdue, ce sens du péché disparaît (18,3).

5. L’enseignement dans les médias

Le sens du péché disparaît aussi à travers l’enseignement donné aux jeunes, dans les médias et dans l’éducation familiale elle-même (18,8). Un modèle de société mutilé ou déséquilibré dans l’un ou l’autre sens, souvent présenté par les moyens de communication sociale, favorise considérablement la perte progressive du sens du péché.

Le Pape Jean Paul II dans son message pour la journée mondiale des communications sociales en 1996 a dit que « les moyens de communication, y compris la presse, le cinéma, la radio et la télévision, l’industrie de la musique et les réseaux informatiques, représentent l’aréopage international dans lequel l’information est reçue et transmise rapidement a un public mondial, où les idées sont échangées, où les attitudes sont formées et où une nouvelle culture est créée ».[9] Ces moyens sont très utiles pour former avec droiture la conscience. Il est évident que les moyens de communication ont la possibilité d’influencer la pensée et le comportement de millions de personnes, autant dans le bien que dans le mal. Ils peuvent modifier les critères de jugement et soutenir tout et le contraire de tout. Ils peuvent raconter des mensonges ou révéler la vérité. Ils peuvent faire espérer en Dieu ou désespérer sur terre.

           6. Les tendances de la pensé et de la vie ecclésiales

Et même dans le domaine des tendances de la pensée et de la vie ecclésiales, il y a des tendances qui favorisent inévitablement le déclin du sens du péché. Certains, par exemple, tendent à remplacer des attitudes excessives du passé par d’autres excès : au lieu de voir le péché partout, on le distingue plus nulle part ; au lieu de trop mettre l’accent sur la peur des peines éternelles, on prêche  l’amour de Dieu qui exclurait toute peine provoqué par le péché ; au lieu de la sévérité avec laquelle on s’efforce de corriger les consciences erronées, on prône un tel  respect de la conscience qu’il supprime le devoir de dire la vérité. Et pourquoi ne pas ajouter que la confusion créée dans la conscience de nombreux fidèles par les divergences d’opinions et d’enseignements dans la théologie, dans la prédication, dans la catéchèse, dans la direction spirituelle au sujet de questions graves et délicats de la morale chrétienne, finit par amoindrir, presque au point de l’effacer, le véritable sens du péché. Et il ne faut pas taire certains défauts dans la pratique de la pénitence sacramentelle : ainsi la tendance à obscurcir le sens ecclésial du péché et de la conversion, en les réduisant à des réalités seulement individuelles, ou, inversement, la tendance à supprimer la valeur personnelle du bien et du mal pour en considérer exclusivement la dimension communautaire : ou encore le danger, pas encore entièrement conjuré, du ritualisme routinier qui enlève au sacrement son plein sens et son efficacité éducative(18,10).

7. L’Incapacité de se reconnaitre Pécheur

L’homme d’aujourd’hui semble avoir plus de peine que jamais à reconnaitre ses  propres erreurs et à décider de revenir sur ses pas pour reprendre le chemin après avoir rectifié sa marche. Il semble très réticent à dire : « Je me repens » ou « je regrette » ; il semble refuser instinctivement, et souvent de manière irrésistible, tout ce qui est pénitence au sens du sacrifice accepté et pratiqué pour se corriger du péché (26,5). Le refus de se laisser pardonner a des racines plus profondes, l’être humain ne veut pas renoncer à avoir raison. Se laisser pardonner revient à reconnaitre son propre péché. Il est difficile de se laisser pardonner parce que beaucoup de gens aiment justifier leurs péchés.[10]

Le principe indispensable du retour à Dieu est de se reconnaitre pécheur, capable de péché et porté au péché. C’est l’expérience exemplaire de David qui, « après avoir fait ce qui est mal aux yeux du seigneur », réprimandé par le prophète Nathan, s’écria : «  oui, je connais mon péché, ma faute est toujours devant moi. Contre toi, et toi seul, j’ai péché, ce qui est mal à tes yeux je l’ai fait » (Ps 51(50)5-6). Se réconcilier avec Dieu suppose et inclut que l’on se détache avec lucidité et détermination du péché dans laquelle on est tombé.  Dans la situation concrète de l’homme pécheur, où il ne peut y avoir de conversion sans reconnaissance de son péché, le ministère de réconciliation de l’Eglise intervient en toute hypothèse avec une finalité ouvertement pénitentielle, c’est-à-dire visant à ramener  l’homme à la « connaissance de soi »(13,2). « Il est difficile et humiliant d’avouer nos fautes en allant jusqu’aux racines (…) l’acte de se confesser en avouant réellement nos péchés est souvent accablant. Mais c’est précisément cette peine qui a une grande valeur. Cette souffrance, cette peine d’avouer que nous sommes orgueilleux, impurs, jaloux, égoïstes ; cette humiliation d’avouer devant un autre notre misère nous porte à regretter notre passé».[11]

 

 

Conclusion

Ceux qui espéraient du synode et de cette exhortation apostolique la solution de la « crise de la confession » se sont trouvés devant les mêmes questions et problèmes qu’avant. Le Pape Jean Paul II  en 2002 à travers sa lettre apostolique en forme de motu proprio, Misericordia Dei, a confirmé que « les motifs qui étaient à l’origine de cette crise n’ont pas disparu (…)».[12] Nous sommes tous invités pour faire face à la crise du « sens du péché » qui est à la base de la crise du sacrement de pénitence.

Malgré des problèmes que traverse ce sacrement, ce qui est clair est que la discipline pénitentielle de l’Eglise ne peut être abandonnée sans grave dommage pour la vie intérieure des chrétiens et de la communauté ecclésiale, comme pour leur capacité de rayonnement missionnaire.

Un des défis majeurs de notre temps est la formation de la conscience droite qui implique une redécouverte du sens du péché et un rétablissement d’un juste sens du péché. C’est la première façon d’affronter la grave crise spirituelle qui pèse sur l’homme de notre temps. Mais le sens du péché ne se rétablira que par un recours aux principes inaliénables de la raison et de la foi que la doctrine morale de l’Eglise a toujours soutenus (18,11). Il est permis d’espérer que sera ravivé, surtout dans le monde chrétien et ecclésial, un sens salutaire du péché.

 Dans le troisième chapitre, on va donner de moyens concrets dont l’Eglise dispose pour promouvoir la pénitence et la réconciliation dans notre monde d’aujourd’hui. Des causes présentées ici  ne touchent pas seulement l’Afrique mais tous les continents. Dans le deuxième chapitre c’est où on va focaliser des causes qui touchent l’Afrique.

 

 

 

 

 



[1] RENDET Henri, Pourquoi se confesser. Le Sacrement de pénitence et le Sacrement des Malades, Paris, 1971, p.7.
[2]GERVAIS P., L’exhortation apostolique Reconciliatio et Paenitentia, Nouvelle Revue Théologique de Louvain, n° 108, 1986, p.192.
[3] Ibid. p.193.
[4] DOOLEY Catherine, In Concilium, Le Synode Episcopal de 1983 et La crise de la confession, n° 210, 1987, p31-32.
[5] Se reporter à CHAVET et Alli, L’aveu et le pardon. Expérience et réflexion chrétiennes, Ed Chalet 1979, (Cité par MWANAMA Félicien, Notes de Théologie Sacramentaire. Pénitence et Onction, à Institut Saint Eugene de Mazenod, Kinshasa, année académique 2010-2011 p.5.)
[6]MWANAMA Félicien, Notes de Théologie Sacramentaire. Pénitence et Onction, à Institut Saint Eugene de Mazenod, Kinshasa, année académique 2010-2011. p.4.
[7] GERVAIS P., L’exhortation apostolique Reconciliatio et Paenitentia n° 108, p.202.
[8] RENDET Henri, p.100.
 
[9]JEAN Paul II, Message pour la 30éme Journée Mondiale des communications Sociale, 1996, Texte sur htt://www.pccs.it/Documenti/HTML/Fra/GMCS/30_GMCS_Fra.htm
 
[10]  SOBBRINO Jon, Le Pardon, trois réflexions depuis le Salvador, In Spiritus n°. 162, mars 2001, p.22.
[11] DAIGNEAULT André, Le prêtre du IIIème millénaire. Un homme au cœur transpercé, Paris, s.d, p.58.
[12] Jean Paul II, Lettre apostolique en forme de motu proprio, Misericordia Dei, 2002, 5éme paragraphe.