lundi 24 novembre 2014

grâce originelle, selon Matthew Fox

Introduction
Notre ouvrage de travail s’intitule La grâce originelle. Il est écrit par Matthew Fox. Il comporte, en plus de l’introduction et de trois appendices, vingt six chapitres. Pour notre travail, nous avons choisi le deuxième chapitre qui a comme thème, La création comme grâce et la redécouverte de l’art de goûter le plaisir (pp. 47-65). Dans ce chapitre, l’idée principale que l’auteur veut mettre en exergue est : la grâce originelle précède la création et elle est le fondement de tout ce qui est. Pour notre développement, nous suivrons strictement les consignes données par le professeur. Nous présenterons l’idée maîtresse de l’auteur en s’appuyant sur les arguments qu’il emploie. Et nous procéderons à l’analyse critique de l’auteur.
I. La grâce originelle, fondement de tout ce qui est
Pour Matthew Fox, la grâce est antérieure à la création. Avant que Dieu crée, la grâce est. C’est pousser par la grâce que Dieu crée, et cette grâce, reflet de Dieu, est présente dans la création. C’est pourquoi il affirme : « La grâce imprègne non seulement l’histoire d’Israel, mais encore toute la Dabhar et toute la création depuis la nuit des temps. Nous pouvons même dire que la grâce est antérieure à la création, parce que l’objectif de la création était la grâce »[1]. Cela dit, à en croire Matthew Fox, la création ne peut-être qu’une grâce et celle-ci est enveloppée de cette même grâce. Autrement dit, la création est fruit de la grâce. C’st la grâce qui alimente et anime la création. Car dit-il : « La grâce est la parole qui anime la parole, le désir qui anime la création. Parce que, comme n’importe quel artiste, le Dieu créateur n’est pas indifférent à son œuvre d’art »[2].
Selon lui, contrairement à l’idée de faute originelle qui n’a pas un fondement scripturaire, la grâce originelle est biblique. Pour cette  spiritualité de la grâce originelle qui doit être promue. C’est pourquoi il note : « La grâce originelle est une doctrine beaucoup plus ancienne et plus biblique, et elle devrait être le point de départ de la spiritualité »[3]. A la suite d’Elie Wissel, il soutient que « l’idée de faute originelle est absente de la tradition juive »[4]. Puisque « le Dieu de l’Alliance est le Dieu de la grâce »[5]. La grâce chez les Juifs n’est pas une pure abstraction ; elle est en lien avec le bien être. Car, « toute la vocation d’Abraham lui-même, le père de la foi, est taillée pour lui en terme de grâce »[6].
De ce qui précède, pour Matthew Fox, si la grâce est antérieure à la création, si elle est le fondement de tout ce qui existe et si Dieu a fait don de lui-même à la création, la doctrine du péché originel développée par saint Augustin n’a pas sa raison d’être. Selon lui, les hommes ne naissent pas avec le péché originel. Au contraire « nous jaillissons dans le monde comme des bénédictions originelles »[7]. Et pour le professeur Haag, « aucun homme ne vient au monde pécheur. Comme créature et image de Dieu, il est dès ses premiers instants entouré par l’amour paternel »[8].
Tout bon artiste ne peut penser concevoir un objet défectueux avant qu’il ne soit opérationnel, fonctionnel ; tout artiste aime ce qu’il « crée ». Or Dieu est l’artiste par excellence, Il aime ses créatures. Alors comment penser à un Dieu qui crée l’homme pécheur avant sa naissance ? Ainsi pour Matthew Fox, il est impensable que l’homme vienne au monde directement comme pécheur. Puisque « de toute éternité Dieu nous a aimés. La sainte Trinité a fait don d’elle-même dans la création de toutes choses et elle nous a conçus corps et âme, dans l’amour infini »[9]. Donc, pour lui, en citant Irénée, « ‘Dieu s’est fait Homme pour que l’Homme devienne Dieu’, et non pour effacer le péché originel »[10].
II. Analyse critique de la pensée de Matthew Fox
Nous sommes d’accord avec Matthew Fox sur un certain nombre de points. D’abord la grâce comme fondement de tout ce qui existe. Dieu n’est pas obligé de créer ; s’Il le fait c’est par pure grâce c’est-à-dire amour gratuit. Et toutes les créatures sont bonnes aux yeux d Dieu : « Dieu vit tout ce qu’Il avait fait. Voilà, c’était très bon » (Gn 1, 31). Ces créatures bonnes, Dieu les accompagnent et les vivifie par sa grâce. Parce que « la grâce, c’est le don de Dieu qui contient tous les autres, celui de son Fils (…) C’est le don rayonnant de la générosité du donateur et enveloppant de cette générosité la créature qui le reçoit »[11].
Ensuite la grâce originelle prime sur la faut originelle. Tout ce que Dieu crée est bon ; et Dieu ne cesse de créer. Parmi ces créatures bonnes figure l’homme. Chaque homme est unique et original pour Dieu. Les descendants d’Adam ne sont pas de copies conformes de celui-ci. Chaque homme, dès ses premiers instants de vie, bénéficie de l’innocence originelle, même si après il peut toujours comme Adam désobéir à Dieu. A propos de l’innocence originelle dont bénéficie tout homme le pape Jean Paul II dit :
« Chez tout homme, sans la moindre exception, cet état- l’état ‘historique’ précisément- enfonce ses racines dans sa propre ‘préhistoire’ théologique, qui est l’état de l’innocence originelle (…) Le surgissement de la ‘peccabilité’ comme état, comme dimension de l’existence humaine se trouve dès le début en rapport avec cette réelle innocence de l’homme comme état originel et fondamental, comme dimension de l’être créé ‘à l’image de Dieu’. Il en fut ainsi pour le premier homme- homme et femme- en tant que dramatis personae et protagonistes des évènements que décrit le texte yahviste (Gn 2et 3), mais aussi pour tout le parcours historique de l’existence humaine. L’homme historique est donc, pour ainsi dire, enraciné dans sa préhistoire théologique révélée. Et pour cette raison tout élément de sa ‘pecabilité’ historique s’explique (tant pour l’âme que pour le corps) par référence à l’innocence originelle »[12].
De ce qui précède, comment peut-on parler du péché originel hérité par un homme avant sa naissance ? La grâce de Dieu est l’amour d’un Père, elle crée des fils que nous sommes. Cet amour inestimable que Dieu a pour l’homme, sainte Catherine de Sienne le chante en ces termes : « Quelle raison T’a fait constituer l’homme en si grande dignité ? L’amour inestimable par lequel Tu as regardé en Toi-même ta créature, et Tu T’es épris d’elle ; car c’est par amour que Tu l’as créée, c’est par amour que Tu lui as donné un être capable de goûter ton Bien éternel » (CEC n° 356). Saint Jean Chrysostome est sur la même longueur d’onde quand il dit : « Quel est donc l’être qui va venir à l’existence entouré d’une telle considération ? C’est l’homme, grande et admirable figure vivante, plus précieux aux yeux de Dieu que la création tout entière : c’est l’homme » (CEC n° 358).         
« A propos de la grâce, mot que les théologiens emploient pour désigner la bienveillance absolument gratuite que, de toute éternité, Dieu témoigne à l’homme en l’appelant à partager sa propre vie (…) La grâce a sa source non en l’homme mais dans la bienveillance de Dieu »[13].  Cela dit, attribuer à chaque homme qui vient au monde dès sa naissance le péché originel, c’est limiter l’amour de Dieu aux seuls premiers parents, Adam et Eve. Or, Dieu, « sa bonté s’étend de génération en génération » (Lc 1, 50) et sa générosité est pour toutes ses créatures. Au sujet de la générosité de Dieu,
« le mot qui traduit sans doute le mieux l’effet produit sur l’homme par la générosité de Dieu est celui de bénédiction. La bénédiction est beaucoup plus qu’une protection extérieure, elle entretient avec celui qui la reçoit la vie, la joie, la plénitude de la force, elle établit entre Dieu et sa créature une rencontre personnelle, elle fait poser sur l’homme le regard et le sourire de Dieu, le rayonnement de sa face et de sa grâce, et ce lien a quelque chose de vital, il touche à la puissance créatrice »[14].
Donc, comme les premiers parents que « Dieu les bénit et Dieu dit : ‘soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-là » » (Gn 1, 28), Dieu continue de bénir chaque homme créé à son image et à sa ressemblance (Gn 1, 26).
Nous ne sommes pas d’accord avec Matthew Fox quand il dit que « la doctrine du péché originel peut elle-même contribuer au péché »[15]. La doctrine du péché originel, selon nous, est une interpellation pour l’homme, une invitation à faire la volonté de Dieu. Puisque la faut originelle n’est rien d’autre que la désobéissance à Dieu. Le début de la Genèse nous dit que Dieu n'a pas créé l'homme pécheur, mais qu'il l'est devenu en désobéissant à son créateur. C’est ce que dit aussi autrement Bruno Synnott en ces termes : «nous dirons que le péché n’est ni un gène, ni une inclinaison naturelle ou innée au mal (pré ou post chute), mais tout simplement un manque de foi/confiance/obéissance dans la révélation divine disponibles à l’humanité à chacun des stades de son développement moral et spirituel »[16].
    De façon générale l’homme, de part sa liberté, est beaucoup plus penché vers le mal ; nous en faisons quotidiennement l'expérience. Mais nous pouvons faire un petit pas de plus : nous ne faisons pas qu'imiter le mal qui est autour de nous, nous naissons tous avec une orientation vers le mal. Nous ne le commençons certes pas radicalement, mais nous le recommençons .Donc la doctrine du péché originel est là pour rappeler à l’homme la tentation permanente qui le guette de se faire « Dieu ».  

Conclusion
A partir de ce chapitre du livre de Matthew Fox, nous retenons que la grâce est antérieure au péché et tout ce qui existe est le fruit de la grâce. Il en est de même pour  l’homme qui, de toute éternité, Dieu aime. Il le crée par amour et Lui a tout soumis. Nous pensons que la question de la transmission du péché originel soulignée par notre auteur mérite d’être approfondie. Puisque
« à ce palier de l’enseignement de la doctrine, il faudra donc mieux éviter de dire, comme on le fait d’habitude : tout homme vient au monde pécheur, par suite du péché du premier homme (ce qui ne manque pas d’être vrai mais se trouve exprimé dans une brachylogie souvent mal entendue par les fidèles, comme si l’homme était purement et simplement ‘’puni’’ par la faute commise par un autre). On affirmera avec plus de pertinence : tout homme a besoin de renaître de l’Esprit parce qu’il est de race pécheresse, chaînon d’une histoire qui se définit, en dehors de sa reprise par le Christ, comme un naufrage dans le mal. Péché de nature par conséquent dont l’explication la plus prochaine est, non pas Adam (cause lointaine), mais la corruption de la personne à cause d’une nature déviée, reçue par génération »[17]  
Certes, l’Ecriture Sainte ne change pas mais son interprétation peut faire l’objet d’un changement. Avec les découvertes scientifiques et les nouvelles lumières dont bénéficie la théologie aujourd’hui, il convient de tenir un autre discours sur la question de la transmission du péché originel








Bibliographie
·         FOX Matthew, La grâce originelle, Paris, Bellarmin-Desclée De Brouwer, 1995, 416 p
·         Catéchisme de l’Eglise Catholique
·         Encyclopédie catholique, théo
·         Vocabulaire Théologique Biblique
·         Jean-PAUL II, Homme et femme Il les créa. Une spiritualité du corps, Paris, Cerf, 2005, p. 694 p
·         MASCALL Eric, Perspective scientifique et message chrétien, in « Concilium », n°26, 1967, p. 115-121
·         Bruno SYNNOTT, Bonté originaire, justice originelle et perfection morale d’Adam, sur internet :www.nrt.be/docs/articles/.../1800- La+prédication+du+péché+originel.pdf




[1] Matthew FOX, La grâce originelle, Québec, Bellarmin, 1995, p. 52
[2] Ibidem, p. 50
[3] Ibidem, p. 56
[4] Ibidem, p. 53
[5] Ibidem, p. 51
[6] Ibidem, p. 52
[7] Ibidem, p. 54
[8] Ibidem, p. 54
[9] Ibidem, p. 55
[10] Ibidem, p. 55
[11] Vocabulaire Théologique Biblique, p. 512
[12] Jean-PAUL II, Homme et femme Il les créa. Une spiritualité du corps, Paris, Cerf, 2005, p. 25-26
[13]Nouvelle encyclopédie, théo, p. 699b
[14] Vocabulaire Théologique Biblique, p. 514
[15] Mtthew FOX, Op.cit, p. 59
[16]Bruno SYNNOTT, Bonté originaire, justice originelle et perfection morale d’Adam, sur internet : www.nrt.be/docs/articles/.../1800-La+prédication+du+péché+originel.pdf

 


[17] Eric MASCALL, Perspective scientifique et message chrétien, in « Concilium », n°26, 1967,  p. 117

Accueillir nos différences pour mieux communiquer

Accueillir nos différences pour mieux communiquer
Il est plus aisé de communiquer avec les personnes avec qui je partage une même vision, une même conception du monde. La communication devient difficile si l’autre ne partage pas mon point de vue, si l’autre est différent de moi. La différence nous porte trop souvent au jugement, nos différences nous éloignent les uns les autres au lieu de nous attirer. 
Comme communauté, nous sommes appelés à relever le défi de la communication à travers nos différences. Car, en paraphrasant Jésus, si nous nous contentons de communiquer avec les personnes qui nous sont sympathiques dans la communauté, que faisons de spécial ? Même les païens et les publicains en font autant.
Pour mieux communiquer il faut tenir compte de nos différences ; pour créer un bon climat de communication au sein de la communauté, il est nécessaire que nous cultivions en nous un certain nombre de disposition pratique, à savoir : la confiance en l’autre, la patience envers l’autre, la tolérance de l’autre et surtout le non jugement. A travers les évangiles Jésus a su bien le faire :
Ø  Jésus, un Juif, a exaucé la prière d’un centurion romain, Mt 9, 18-26
Ø  Jésus accueille le pharisien, Nicodème, Jn 3, 1-15
Ø  Jésus est accueilli par un pharisien, Lc 11, 37-53
Ø  Jésus, contre toute convenance, aborde la Samaritaine, Jn 4, 5-42 
Ø  Jésus défie la Loi pour pardonner à la femme adultère, Jn 8, 1-11
A la suite de Jésus, évitons l’ethnocentrisme, c’est-à-dire ne pas juger l’autre en fonction de nos propres normes, ne pas le comparer à ce que nous considérons comme « normal » chez nous. Nous sommes invités à élargir nos champs de vision pour connaître l’autre en tant qu’individu et abolir les clichés que nous nous sommes collés l’un à l’autre. La qualité de la communication interpersonnelle dépendra donc de l’implication personnelle et de l’empathie démontrée les uns envers les autres. Au sujet de la différence, Antoine de saint Exupéry dans Citadelle dit ceci : « Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis » (p. 45).
Certes, il n’est pas facile d’écouter et de s’exprimer car, comme le souligne le professeur MVUEZOLO Mikembi Ignace, « entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous voulez entendre, ce que vous entendez, ce que vous croyez comprendre, ce que vous voulez comprendre et ce que vous comprenez, il y a beaucoup de possibilités de ne pas s’entendre »[1]. Donc il n’est pas aisé de communiquer, mais essayons quand même, comme des adultes de bonne volonté, en donnant à l’autre un préjugé favorable, qu’il parle une autre langue ou qu’il soit d’une autre culture.
Demandons au Seigneur dans notre prière de ce jour qu’Il éveille nos esprits à recevoir les idées des autres, qu’Il provoque dans nos vies des occasions de sortir de nous-mêmes, de nous enrichir, de grandir en accueillant nos différences
           



[1] Ignace MVUEZOLO Mikembi, Les éthiques de l’interaction communicationnelle, in MWEZE Chirhulwire Nkingi (dir) « Ethique de la communication et démocratie en Afrique du XXIè siècle », Kinshas, FCK, 2001, p. 41

lundi 3 novembre 2014

l’ouvrage de Porcile Santiso «La femme espace de salut » publié aux éditions Cerf en 1999


INTRODUCTION GENERALE

Les conditions dans lesquelles vivent nombreuses femmes dans le monde ont toujours été préoccupantes. Malgré leur rôle essentiel dans la famille et la société toute entière, elles sont victimes des inégalités, des injustices et des violences qui portent atteinte à leur personne et qui réduisent leur dignité à sa plus simple expression. Aussi, faut-il reconnaître avec Porcile Santiso qu’un regard objectif sur l’histoire de l’humanité oblige à constater que la femme a été généralement considérée comme inférieure, soumise à l’homme et utilisée pour lui, surtout ou uniquement, pour la procréation et les travaux ménagers[1]. Aujourd’hui encore, nombreuses sont les femmes dans le monde qui subissent des violences ignominieuses et « innommables » dans différents contextes. Lorsqu’on examine la plupart de ces violences, ainsi que celles qui ont été vécues par la femme dans la Bible, l’on remarque que presque tout se joue sur le corps de la femme[2]. Sa beauté et sa virginité sont mises en épreuve, son corps devient un terrain  de jeu pour s’amuser.

Face à une telle situation, la question de la dignité de la femme se pose avec acuité. Nous voulons la traiter dans ce travail en mettant un accent particulier sur le corps de la femme. Il s’agit donc de la question de la dignité de la femme à travers sa corporéité. Plus concrètement quelle est la spécificité de la corporéité de la femme ? En d’autres termes, comment exprimer la dignité de la femme à travers sa corporéité  qui est toujours une « proie » de la violence?  Ce sont ces questions qui constituent  le noyau dur de notre recherche, noyau dur à cause duquel nous ferons appel à l’ouvrage de Porcile Santiso  «La femme espace de salut » publié aux éditions Cerf en 1999  pour scruter sa théologie du corps de la femme et à la doctrine officielle de l’Eglise catholique. Cette interrogation veut opérer un changement de lieu pour penser la dignité de la femme. Il ne s’agit pas de penser la dignité de la femme à partir de ce qu’elle fait mais à partir de ce qu’elle est, à partir de son être féminin. Certes, le corps exprime la personne. Il n’est pas seulement un objet de ce monde mais fondamentalement, quelqu’un, la manifestation, le langage d’une personne[3]. S’interrogeant sur l’universalité de la situation du statut secondaire de la femme, Porcile Santiso trouve que toutes les femmes du monde ont le corps, un corps de femme, sexué. C’est là « la première identité de l’être féminin ; une corporéité féminine qui implique une façon d’être dans le monde, de se situer (de là le terme de « situation »), qui suppose une façon d’être et de se définir » [4].

C’est pourquoi notre travail s’articulera autour de trois chapitres. Dans le premier chapitre, nous allons faire une approche définitionnelle des concepts corps, femme (féminité) et dignité pour saisir leur richesse sémantique. Cela nous permettra de présenter  la pensée de l’auteur sur la spécificité du corps de la femme dans le deuxième chapitre. Dans le troisième chapitre, nous allons présenter la pensée officielle de l’Eglise catholique sur la dignité de la femme et proposer quelques pistes d’engagement pour la défense de cette dignité en emboîtant les pas au Christ qui, dans sa vie terrestre, n’a pas été indifférent à cette question de la dignité de la femme. Commençons donc par préciser le sens que nous voulons reconnaître aux concepts « corps, femme (féminité) et dignité » pour orienter la suite de notre argumentation.






PREMIER CHAPITRE : APPROCHE DEFINITIONNELLE ET                                                   CLARIFICATION DES CONCEPTS

Introduction

Dans ce chapitre, nous voulons, sans nous étendre, expliquer les concepts clés du sujet qui fait l’objet de notre travail : le corps, la femme (la féminité) et la dignité. Il est ainsi question de dire ce que nous entendons en parlant du corps de la femme à partir duquel nous voulons exprimer sa dignité.

I.1.Le corps


Dans ce point nous allons d’abord parler du mot « corps » tout court, ensuite nous verrons sa signification du point de vue anthropologique et dans quelques cultures, suivra aussi le sens du corps dans les deux  Testaments : l’Ancien et le Nouveau et enfin nous parlerons brièvement de la valeur du corps.


I. 1. 1. Le mot « corps »


Selon le Nouveau Petit Robert de 1995, le mot « corps », du latin « corpus » est la partie matérielle des êtres animés ; l’organisme humain par opposition à l’esprit ou à l’âme. Il est le siège des sentiments, des sensations, de la sensualité. Il signifie aussi la partie principale d’une chose (corps du navire, corps d’une lettre). Il peut encore signifier tout objet matériel caractérisé par ses propriétés physiques ; élément anatomique que l’on peut étudier isolement. On parle aussi de corps pour signifier un groupe formant un ensemble organisé sur le plan des institutions. Nous allons évoluer au cours de ce travail avec la signification du corps comme « organisme humain » [5].




I.1.2. La signification du corps du point de vue anthropologique et dans quelques        cultures

L’Encyclopedia Universalis, que nous allons résumer dans ce sous-point[6] montre que dans les sociétés occidentales, on estime couramment que le corps humain est un élément relevant seulement de la biologie ou de la physiologie et que sa réalité matérielle doit être pensée d’une façon indépendante des représentations sociales. Or, les travaux anthropologiques  aussi bien que les études historiques comme celles de Philippe Ariès ou de Françoise Loux ont décrit l’extrême variabilité selon les sociétés, des conceptions du corps, de son traitement social, de sa relation avec autrui et avec le monde. Pour ces dernières, le corps est l’un des éléments constitutifs de la « personne » ; entendue ici au sens ethnologique, soit les différents systèmes de représentation de l’être humain, recouvrant, outre le corps, les « âmes » et les principes de l’être. Quand on considère ainsi le corps comme un élément parmi d’autres au sein des systèmes symboliques, variables, comme participant à l’édification d’une personne sociale, d’un membre conforme à l’image que son groupe institue comme normal, on se trouve dans une perspective radicalement différente de celles des conceptions modernes, pour qui le corps est une totalité autonome.

L’Encyclopedia Universalis précise aussi qu’il y a plusieurs manières de parler du corps suivant les différentes sociétés et cultures du point de vue de la conception de l’hérédité  et de la composition du corps. Dans nombreuses sociétés de l’Afrique de l’Ouest, par exemple, l’on considère que des ancêtres ou puissances extra humain peuvent intervenir dans l’édification  du corps d’un nouveau-né et tout en le plaçant dans la chaîne filiative des vivants et des morts, marquer sa singularité. Aussi, certaines anomalies corporelles sont le signe d’un choix de la part d’une entité surnaturelle et détermineront le devenir social de l’individu durant sa vie entière. Le rôle joué par les parents dans la composition du corps physiologique varie selon l’organisation sociale et le système de parenté. La contribution du père et celle de la mère peuvent être évaluées d’après deux extrêmes : la transmission de ses propres caractères à l’enfant se trouvant déniée tantôt à l’un tantôt à l’autre des deux géniteurs. Entre ces deux pôles, certains éléments (sang, chair, os par exemple) propre au père ou à la mère sont différenciés et regardés comme participant séparément à l’édification du corps de l’enfant. Chez les Samo du Burkina Faso, par exemple, le corps de l’enfant surtout sa chair, lui est fournie par sa mère, son sang par son père.

Toujours selon l’Encyclopedia Universalis, le corps n’est pas nécessairement une donnée définitive : il arrive en Afrique que sorciers ou guérisseurs soient réputés pouvoir se transformer en animaux à leur gré ; dans les multiples récits, les chasseurs racontent par exemple que, comme ils abattaient une bête en brousse, quelqu’un est mort subitement au village. Ce qui correspond au thème du lycanthrope familier aux récits populaires occidentaux.

Du point de vue des représentations portant sur la connaissance anatomique du corps, la conception du rapport entre l’intérieur et l’extérieur du corps, la notion des frontières du corps varient sensiblement selon les sociétés. Pour les sociétés traditionnelles, la connaissance des organes et des fonctions physiologiques n’a de valeur que par son insertion dans la totalité sociale. Dans les sociétés non africaines, telles que les canaques de Mélanésie, étudiées par Maurice Leenhardt, les définitions du corps expriment le rapport de l’homme avec le monde qui l’entoure, en particulier avec le monde végétal.

Du point de vue de la surface corporelle et statut social, la surface externe du corps humain est l’objet d’une évaluation variable[7]. Chez les Ndembu de Zambie, étudiés par Vicrtor Turner, la circoncision est le lieu privilégié de l’articulation entre le corps pris dans sa matérialité et l’organisation symbolique et sociale propre à tout groupe[8].

En bref, nous pouvons retenir de ces considérations de l’Encyclopedia Universalis que la conception du corps, de sa composition, de son traitement social ainsi que  de sa relation avec autrui et avec le monde varie selon les sociétés. En effet, le corps participe à l’édification d’une personne sociale, d’un membre conforme à  l’image que son groupe institue comme normal. Voilà pourquoi, dans les sociétés traditionnelles, par exemple, la connaissance des organes et des fonctions physiologiques n’a de valeur que par son insertion dans la totalité sociale. La singularité du corps dépend des éléments qui ont participé à son édification et de l’évaluation que ce corps subit dans l’organisation sociale propre à tout groupe. Et qu’en est-il du concept ‘corps’ dans la Bible ?

I.1.3. Le corps dans la Bible

Nous voulons présenter ici, de manière très brève, la conception biblique du corps : dans l’Ancien Testament et dans le Nouveau Testament.

A. L’Ancien  Testament

Dans l’Ancien Testament, le corps comme la chair est désigné par le terme « basar » [9]. Il signifie au sens propre le tissu musclé mais aussi l’homme tout entier. Les Israélites n’opposent pas la chair et l’esprit, ils les considèrent comme deux éléments d’égale importance et leur attribuent des pensées et des sentiments (par exemple Ps 16,9 ; 63,2 ; 84,3). Ils ne parlent pas de la création du corps mais de la création de l’homme[10].

En d’autres termes,  bien que les hébreux distinguent parfois en l’homme l’âme et la chair (Is 10, 18), ils n’opposent pas l’âme à la chair ou la chair à l’esprit ; tout l’homme est âme (être vivant) et chair (être vivant qui a un corps ou être faible et périssable) [11]. On constate que  les Ecrits qui sont nés en tout ou en partie sous l’influence hellénistique distinguent clairement le corps du principe de vie (Eccl 12, 7) ou l’oppose à l’âme (Sg 8, 19s ; 9, 15) : le corps matériel est un poids pour l’âme et alourdit l’esprit dans son effort de pensée[12].

B. Le Nouveau Testament

Selon le Vocabulaire biblique de 1964, la notion de corps fréquente dans le Nouveau Testament, définit l’homme comme un organisme constitué, un tout, une unité. Ce n’est pas simplement la « forme » de l’organisme humain, opposé à la substance qui serait son contenu, mais une manière d’être essentielle et constitutive de l’être humain. Il n’y a pas d’existence humaine qui ne soit corporelle (I Co 15,35). Cette corporalité de l’homme se manifeste de la façon la plus immédiate dans le corps matériel de l’homme, cette unité où les membres divers sont rassemblés en un tout harmonieux et bien coordonné (Mt 5, 30 ; 6, 25 ; Rm 12, 4s ; I Co12, 12-26) [13].

Mais contrairement à la pensée grecque, le corps contient une réalité plus vaste que l’unité biologique de l’homme, son corps visible, tangible, sensible.  Voilà pourquoi l’Apôtre Paul ne peut pas concevoir une existence future, par delà la mort et la résurrection sans corps. Toute fois ce corps ne sera plus un corps charnel mais un corps spirituel (I Co 15, 35-49 ; Ph 3, 21) [14].

Bref, on peut retenir que dans l’Ancien Testament, le corps comme la chair est désigné par le terme « basar ». Il n’est pas opposé à l’esprit. Il signifie au sens propre le tissu musclé mais aussi l’homme tout entier. C’est cette notion de totalité, d’unité qui est fréquente dans le Nouveau Testament. L’homme existe à travers le corps duquel on voit l’unité des divers membres rassemblés  harmonieusement. C’est ce corps qui participera à l’existence future comme corps spirituel.

I.1.4. La valeur du corps

Le corps est ce à travers quoi l’homme existe. Il existe dans son corps si bien que sans celui-ci, il serait autre que ce qu’il est: être humain. Le corps fait être dans le monde. Autrement on est un pur esprit. C’est ainsi que Porcile Santiso écrit : « Le corps est considéré dans son expression, ses possibilités de présence, de distance, d’ouverture et de communication. On parle des techniques thérapeutiques qui passent par l’harmonie gestuelle et on parle d’’expressions corporelles’’» [15].

Selon Yves Semen, l’héritage de la philosophie platonicienne a considéré que le corps était une prison pour l’âme, et qu’il convenait de s’en libérer pour retrouver la pureté de notre essence  humaine qui est spirituelle. Le bouddhisme prêche aussi dans ce sens le détachement d’un monde qui est par essence mauvais et source de malheur, ce détachement commençant par celui des contraintes psychiques et corporelles[16]. Le corps est ici mis en accusation : c’est de lui que vient le mal de notre condition humaine. Devant cette vision du corps comme prison de l’âme, la question urgente à se poser : pourquoi a-t-on un corps et pourquoi ce corps semble-t-il rebelle à l’esprit[17] ?

 Cette question, selon Yves Semen, donne deux niveaux d’approcher le corps. On croirait se trouver devant un problème alors que l’on est en face d’un mystère. Si le corps est un problème alors il faut de solution relevant de la technique[18].

Selon le même auteur, la question que pose le corps est beaucoup plus qu’un problème, c’est un mystère. Cela demande un certains nombre d’attitudes : la première consiste à le dégrader en le ramenant à un problème. C’est l’attitude « technicienne » et Gabriel Marcel dit que c’est « une procédure vicieuse dont les sources doivent être cherchées dans une sorte de corruption de l’intelligence» [19]. La deuxième attitude possible à l’égard du mystère est de s’en détourner. C’est ce que font vis-à-vis du corps tous les courants de pensé qui méprisent ou rejettent le corps (encratisme, manichéisme, catharisme, jansénisme,…). Pour ces derniers, le corps est quelque chose d’imparfait, il faut donc en minimiser l’importance, le cacher, ne pas en parler, ne pas s’en occuper, bref l’évacuer de sa vie autant qu’il est possible. La seule attitude droite selon Gabriel Marcel, consiste d’abord à reconnaître le mystère, l’accueillir, puis l’approcher, l’apprivoiser, par l’expérience concrète davantage que par la logique. Enfin le réfléchir par un effort de recueillement intérieur. C’est l’attitude qu’il nous faut avoir par rapport au mystère du corps et à sa splendeur…[20].

Par ailleurs, les Pères conciliaires à Vatican II affirment que : « Corps et âme, mais vraiment un, l’homme est, dans sa condition corporelle même, un résumé de l’univers des choses qui trouvent ainsi, en lui, leur sommet, et peuvent librement louer leur créateur. Il est donc interdit à l’homme de dédaigner la vie corporelle. Mais au contraire, il doit respecter le corps qui a été crée par Dieu et qui doit ressusciter au dernier jour. (…) C’est donc la dignité même de l’homme qui exige de lui qu’il glorifie Dieu dans son corps, sans se le laisser asservir aux mauvais penchant de son cœur » (GS 14).

En bref, le corps n’est ni un tabou, ni une prison ni quelque chose d’imparfait dont il faut minimiser l’importance. Il est ce sans quoi l’on existerait autrement. Il mérite honneur et respect. Les questions qui se posent au sujet du corps doivent être considérées non comme problème mais comme mystère. C’est en approchant ce mystère dans une attitude de  recueillement que l’homme peut découvrir ses merveilles et peut être conduit du visible à l’invisible.

I.2. La femme

Nous abordons ce point en présentant d’abord les mots « femme » et « féminité », ensuite le concept « femme » dans quelques passage du livre de Genèse et enfin la femme dans la tradition religieuse.

I.2.1. Les mots « femme » et « féminité »

 La femme, d’après le Nouveau Petit Robert de 1995, est l’être humain appartenant au sexe capable de concevoir les enfants à partir d’un ovule fécondé. Cette définition met l’accent sur la  capacité de concevoir à partir d’un ovule fécondé : cela est particulièrement et spécifiquement féminin. Si telle est la femme, qu’est-ce alors la féminité ?

Le concept « féminité » vient de l’adjectif « féminin » plus le suffixe « ité ». Ce suffixe est utilisé pour indiquer le caractère. La féminité est alors, d’après le même dictionnaire:« le caractère féminin ;  l’ensemble des caractères propres à la femme ». L’adjectif « féminin » quant à lui signifie, selon la même source : « ce qui est propre à la femme ; qui appartient au sexe féminin ; qui a les caractères de la femme ; qui tient de la femme ; qui ressemble à la femme, qui a rapport aux femmes ; qui est composé de femme etc. ». Mais quels sont les caractères proprement féminins ?

Selon Leonardo Boff, « le féminin n’est pas un élément exclusif à la femme : il constitue une  caractéristique essentielle de tout être humain… On attribue au féminin toute une dimension de tendresse, de finesse, vitalité, profondeur, intériorité, sentiment, réceptivité, don de soi, sollicitude et accueil, dimension qui s’exprime dans l’existence de l’homme et de la femme» [21]. 

Si le féminin n’est pas exclusif à la femme, il faut reconnaître qu’il est plus expressif chez la femme  qu’il l’est chez l’homme. Voilà pourquoi Leonardo Boff continue en disant : « On attribue au féminin tout ce qui concerne la vie, gestation, protection, nutrition ; tout ce qui est relatif à la créativité, à l’intuition, à la finesse, tout ce qui se réfère à l’intimité, à l’intériorité, au mystère ; tout ce qui se rapporte au sentiment, à la réceptivité, à la sollicitude ; tout ce qui touche à la dimension de douceur, de tendresse et d’accueil » [22].

Par rapport à notre problématique, nous pouvons retenir que la femme qui est l’être-humain-féminin partage avec l’être-humain-masculin certains caractères auxquelles elle est plus identifiée  que l’homme. Et c’est en cela que se comprend sa féminité.

I.2.2. Le concept « femme » dans le livre de Genèse

En français, outre « homme » et « femme » nous n’avons que le couple « masculin » et « féminin », les mots « male » et « femelle » étant plus utilisés pour les animaux[23].

Après cette définition de la femme comme être humain appartenant au sexe capable de concevoir les enfants à partir d’un ovule fécondé, il est intéressant de voir ce mot dans la langue hébraïque pour exploiter la richesse du vocabulaire. Le choix porté sur la langue hébraïque se justifie par le fait que le concept en étude est bien présenté dans la Bible. Cette langue permet aussi d’avoir une extension plus large de ce concept.

Selon Edith Castel, la spécificité du vocabulaire hébraïque souligne le développement de la création.  Adam- l’homme générique-, c’est l’être humain ; créature unique qui contient les deux principes sans lesquels il n’y a pas de vie possible : Zakhar, le masculin est associé par sa racine à Zakhor, la mémoire. Mais pour être mémoire, il a besoin du nekeva, le féminin, qui signifie aussi « dire ». La source du dialogue se trouve dans le principe féminin. Lorsqu’ Adam s’éveille de sa torpeur (cf. Gn 2, 21), il découvre la femme à ses côtés, l’hébreu les appelle respectivement ish et ishah ; la relation en même temps que la différence apparaît  dans l’orthographe  de deux noms[24].

Toujours selon Edith Castel, du point de vue grammatical, certains disent que ishah vient de ish ; en hébreu « ah » étant le signe du féminin. C’est ce qui est dit en Gn 2, 23b : « Celle-ci sera appelée femme, car elle fut tirée de l’homme » ; d’autres soutiennent la préséance de la nomination de la femme[25]. En considérant l’orthographe, on remarque que ces deux mots si proches, diffèrent par deux lettres : Ish  contient un youd, la plus petite lettre de l’alphabet hébreu. Ishah qui n’a pas cette lettre, en possède une autre que l’homme, par contre n’a pas le « hé ». Ces deux lettres : youd et hé, donnent Iah, l’abréviation du tétragramme divin (YHWH, Yahvé) qui se lit Adonaï[26]. Cela a une double signification : d’une part, Dieu veut associer son Nom à l’union de deux époux ; d’autre part, cela nous apprend que par la fusion des contraires, on retrouve l’unité divine. L’union devient cependant un  feu dévorant lorsqu’elle exclut la présence divine. En effet lorsqu’on retire le youd  et le « hé », il ne reste plus que les lettres « aleph et shine » qui forment le mot feu, esch en hébreu[27]. Par le nom Ishah, et en affirmant que la femme est de la même chair que lui, Adam fait d’elle son homologue et son égale[28]. Après que ce premier couple soit chassé du paradis terrestre, ishah reçoit un second nom, un nom propre : Havah, Eve. Et ce nom désigne explicitement sa fonction de mère : Adam appela sa femme Havah, car elle était la mère de tout vivant[29].

Dans le verset 18 de Gn 2, précise un autre auteur, la ishah est une aide « ‘ezer » en hébreu. Ce mot qui a été ici et là compris comme signe de subordination, d’infériorité, est en réalité un terme qui s’emploie fréquemment pour l’action de Dieu Lui-même, comme action salvatrice. C’est dire que, au contraire, l’offre de cette aide suppose une certaine supériorité ou pouvoir dans un domaine donné[30]. L’aide (‘ezer) ou le serviteur (‘eved) désigne parfois l’instrument grâce auquel Dieu vient au secours de ceux qui en ont besoin[31]. Il faut souligner que le terme n’est jamais employé dans l’Ecriture pour désigner un être inférieur ; au contraire, quelquefois il se réfère à Dieu afin de le présenter comme sauveur d’Israël (Ex 18, 4 ; Dt 33, 7.26-29 ; Ps 33(32), 20 ; 115(113b), 9.11 ; 121(120), 2 ; 124(123), 8 ; 146(145), 5)[32].

A partir de ce contenu des noms de la femme dans la Genèse, on perçoit d’emblée l’abîme qui sépare l’image d’Eve dans l’imaginaire d’Occident-la tentatrice, la femme fatale,- de sa définition, voire de sa destination originelle : « donner la vie» [33].

I.2.3. L’image de la femme dans la tradition religieuse d’occident

Selon Edith Castel, dans toutes les traditions religieuses, le statut de la femme est marqué de signe d’ambivalence, mère et épouse ; être inférieur selon la culture et rivale de l’homme. Considérée comme impure de par sa physiologie, c’est pourtant elle qui donne la vie. Elle représente la force spirituelle en même temps que la tentation. Son pouvoir de séduction la fait jeter hors du paradis, mais il lui permet aussi, en cas de péril, de sauver son peuple de la destruction[34]. Les femmes de la Bible participent à cette ambivalence[35].

Le Père Michel Evdokimov, prêtre de l’Eglise orthodoxe explique d’Eve ce qui suit : « Le sexe décrété « faible » pour avoir cédé aux injonctions du serpent, y apparaît sous un jour bien différent. Le serpent s’est attaqué en premier à la femme parce spirituellement elle représente le sexe fort. Il savait que s’il arrivait à circonscrire Eve, Adam tomberait. » La tradition juive ajoute que si Eve a succombé au serpent, c’est parce qu’elle avait été blessée par Adam[36].

Cette image d’Eve tentatrice et responsable des malheurs de l’humanité traverse les traditions. Dans la Bible, plusieurs femmes sont mises en évidence à travers la séduction : Tamar qui séduit son beau-père (Gn 38, 13-26) ; la femme de Putiphar qui calomnie Joseph qui avait refusé ses avances (Gn 39,7-20); Dalila qui pousse Samson à avouer le secret de sa force (Jg 16, 15-22) ; Hérodiade qui obtient la tête de Jean-Baptiste (Mt 14, 1-22) ; etc.

En même temps, on trouve mise en valeur, dans la Bible, la vie des femmes qui ont marqué l’histoire du peuple d’Israël, en commençant par celles que la tradition appelle les « matriarches : Sara, Rebecca, Rachel et Léa. » Au fil des pages de la Genèse, elles apparaissent comme les maillons indispensables à la réalisation de la promesse que Dieu fit à Abraham le jour où il lui dit : « Je ferai de toi un grand peuple (Gn 12,2) » [37].  D’autres femmes sont intervenues dans l’histoire de l’Alliance, lorsque le peuple est en péril en commençant par Shiphra et Pua. Il y a aussi celles qui sont connues par leur titre maternel, telle la mère de sept frères Maccabées ; d’autres encore ont un nom : Miryam, la sœur de Moïse, Deborah, la femme juge, Anne la mère du prophète Samuel, Judith et Esher. Elles ont su conserver vivante l’espérance du salut d’Israël[38]. Pour ce faire, certaines n’ont pas craint de mettre leur féminité et leur beauté au service de la « bonne cause », sans jamais aller jusqu’à transgresser la loi de Moïse. Il suffit de considérer l’exemple de Judith qui a réussit là où les armées d’Israël avaient échoué[39].

Le regard des Pères de l’Eglise sur la femme est marqué par l’ambivalence qui caractérisait le regard que le judaïsme portait sur la femme. Dans le cas des Pères, la dominante reste misogyne. Tertullien, Basile, Augustin, Ambroise parmi d’autres en ont écrit de toutes les couleurs sur la femme[40]. Lorsque Tertullien exhorte les femmes à la modestie, il écrit ceci : 

«  Si la foi demeurait aussi grande sur la terre que la récompense qui l’attend dans les cieux, aucune de vous, mes sœurs bien-aimées, dès lors qu’elle aurait connu le Dieu Vivant… ne songerait plus à faire de sa tenue un sujet de plaisir, voire d’orgueil. Elle vivrait en haillons et ne voudrait qu’un vêtement misérable, traînant partout avec elle une Eve en proie aux larmes et au repentir. Toute sa mise contribuerait à lui faire expier le péché qu’elle tient d’Eve, la honte de la faute première, et à dissiper la malédiction qu’elle a suscitée en perdant le monde… Ne sais-tu pas qu’Eve c’est toi ? L’arrêt dont Dieu a frappé ton sexe pèse toujours sur le monde ; coupable, tu dois en accepter les rigueurs. Tu es la porte du démon, tu as profané l’arbre fatal, tu es le premier traitre à la loi de Dieu, toi qui as amolli par tes discours, celui dont le démon ne pouvait triompher par la force. L’image de Dieu, l’homme Adam, tu l’as brisée, comme en te jouant. Tu méritais la mort, et il a fallu que meure le Fils de Dieu! Et voilà que tu te mets en tête d’orner ta tunique de peau » [41] ?

Mais on trouve aussi chez certains Pères de l’Eglise une anthropologie « d’unité de la création » qui rejoint l’interprétation juive de texte de la Genèse. C’est le cas de Grégoire de Nysse qui écrit : « …ce n’est pas dans la nature humaine que se trouve l’image, pas plus que la beauté ne réside dans une qualité particulière, mais sur toute la race que s’étend également cette propriété d’image » [42].

Et Basile de Césarée d’ajouter : « La femme possède aussi, comme son mari, le privilège d’avoir été créée  à l’image de Dieu. Egalement honorables sont leurs deux natures, égales leurs vertus, égales leurs récompenses, et semblables leur condamnation[43]… » Dans un éloge fait au profit de la femme il écrit : « La nature  de l’homme est-elle capable de rivaliser avec celle de la femme qui passe sa vie dans les privations ? Est-il capable, lui, d’imiter l’endurance des femmes dans les jeûnes, dans leur ardeur à la prière, l’abondance de leurs larmes, leur diligence aux bonnes œuvres ?(…) La femme vertueuse possède ce qui est à l’image. Tu es donc devenue semblable à Dieu par la bonté, la patience, l’entente, en aimant les autres et tes frères, en détestant le mal et en dominant les passions du péché, afin que t’appartienne le pouvoir de commander» [44].

Par ailleurs, les femmes vantées par les Pères, ne sont, à entendre certains, plus de femmes. En parlant de sa sœur Macrina, Grégoire de Nysse écrit « Une femme constitue l’objet de notre narration, si toutefois on peut encore l’appeler femme. Car je ne sais si l’on peut désigner selon sa nature elle qui s’est élevée au dessus de sa nature » [45].

D’autres femmes qui ont trouvé grâce aux yeux des pères n’ont pas mené, à leurs yeux,  une vie « régulière » des femmes de leur temps. Perpétue et Félicité ont été martyrs. A propos de Félicité, ce texte écrit par saint Augustin n’est pas moins révélateur : « Félicité, elle, était enceinte, dans sa prison. Ses gémissements quand elle accoucha, témoignèrent qu’elle était femme. Le châtiment d’Eve pesait lourdement sur elle, mais la grâce de Marie lui fut accordée …»[46].

Selon Edith Castel, la complexité de l’anthropologie des Pères de l’Eglise est révélatrice d’un malaise devant le sexe dit « faible ». Ceux qui, en accord avec le texte de la Genèse, ont mis l’accent sur l’égalité de l’homme et de la femme, n’ont pas réussi / ou pas voulu ( ?) en tirer des enseignements quant à la nature des rôles et des fonctions occupés par les tenants de chacun des sexes à l’intérieur des sociétés tant civiles que religieuses[47].

Par rapport à notre problématique, nous pouvons retenir que l’histoire est porteuse d’une conception dualiste de la femme. Cette dernière  est, d’une part, présentée comme être inférieur, comme responsable des malheurs de toute l’humanité. Certains Pères de l’Eglise s’alignent aussi dans la vision méconnaissant la femme. L’on reconnaît, d’autre part, à la femme une force spirituelle. Aussi, la tradition biblique n’a pas passé sous silence les exploits des femmes qui ont marqué le peuple d’Israël. Egalement, d’autres Pères de l’Eglise n’ont pas manqué d’accorder grâce aux femmes dans leurs littératures. Cette ambivalence montre que le regard porté sur la femme est encore imbu de plusieurs conceptions qui ont consacré l’amoindrissent de la dignité de la femme. Cela n’est-il pas une violence parmi tant d’autres faites à la femme ? 

I.2.4. La violence

Quand on parle de la violence, il est difficile d’identifier d’emblée sa nature, parce que c’est « une réalité qui concerne tout le monde, homme, femme, enfant, jeune, vieux. La réalité montre que tout homme est capable d’être acteur et victime de la violence, selon les cas, les circonstances de temps et de lieu» [48]

Il est intéressant de souligner dans ce propos de Ntima Nkanza le mot ‘réalité’. Il comprend la violence comme une réalité. Elle n’est ni  mythe ni rêve. Elle est une réalité dans le cœur de la personne humaine homme et femme. « Elle est le symptôme d’une carence de « self[49]» de la personnalité, un disfonctionnement du sens de la loi qui interdit de porter atteinte à soi et à autrui» [50].

Par rapport à notre problématique, nous pouvons retenir que la violence qui est une réalité dans le cœur de l’homme et de la femme, porte atteinte à la dignité de la personne humaine. Pour notre cas, elle se moque de la dignité de la femme lorsqu’elle en est victime.

Dans cette kyrielle des violences, nous sommes interpelés par celles faites à la femme dans son corps[51]. Certes, en s’attaquant au corps et parfois en le détruisant, la violence détruit le plus intime de la personne, de sa volonté, de son désir de vivre et d’aimer. Elle s’en prend à la dignité de l’humain, de la femme dans sa ressemblance divine. Faire violence au corps humain, c’est atteindre le plus intime de la personne, car le corps humain n’est pas une simple dépouille ou une limite dont il faudrait s’affranchir, encore moins une marchandise. Il n’est ni une chose ni un objet de consommation[52].

I.3. De la dignité de la personne humaine

Le Petit Robert  définit la dignité, dans un premier moment, comme fonction, titre ou charge qui donne à quelqu’un un rang éminent. Cette définition suffit pour comprendre l’émerveillement du psalmiste devant la grandeur de la personne humaine lorsqu’elle s’écrie : « A voir ton ciel ouvrage de tes doigts, la lune et les étoiles, que tu fixas, qu’est donc le mortel, que tu t’en souviennes, le fils d’Adam, que tu le veuilles visiter ? A peine le fis-tu moindre qu’un dieu ; tu le couronne de gloire et de beauté, pour qu’il domine sur l’œuvre de tes mains ; tout fut mis par toi sous ses pieds.» (Ps 8, 3-7.) Dans un second temps, il la définit comme le respect que mérite quelqu’un. C’est aussi le respect de soi qui implique amour-propre, fierté, honneur.

Par rapport à notre problématique, nous pouvons retenir que la dignité de la personne humaine n’est pas une invention de l’homme. L’être humain a sa dignité comme homme et comme femme. Tous deux trouvent leur dignité en tant qu’ils sont voulus différents des autres créatures. Pour cela, l’homme ou la femme ne doit pas chercher sa dignité dans ce qui lui est extérieur : la fonction et autre mais le doit dans ce qui lui est spécifique.

Conclusion du premier chapitre

Dans ce chapitre, nous avons expliqué les différents concepts-clés que comprend le sujet de notre travail à savoir : la femme (la féminité), le corps et la dignité. Nous avons vu que la femme c’est l’être humain féminin, l’être humain capable de concevoir et la féminité tout ce qui fait que la femme soit une femme, c’est-à-dire ce sans quoi on n’est pas femme.

Dans la plupart des traditions,  la femme est toujours présentée subordonnée à l’homme. Dans une analyse sérieuse du concept femme dans la langue hébraïque, l’on se rend compte que plutôt d’être subordonnée à l’homme, la femme est son égale ; et le fait qu’elle soit une aide suppose une certaine supériorité ou pouvoir dans un domaine donné. Cette supériorité s’affirme dans la spécificité de son corps.

Voilà pourquoi nous n’avons pas passé outre la valeur que possède le corps et a fortiori le corps de la femme qui doit « imposer » la dignité qui lui est due. Malheureusement, c’est ce corps qui est victime de l’agressivité de l’homme, de la violence humaine. Nous avons défini la dignité comme ce qui donne à l’homme ou à la femme un rang éminent. Cela est une raison suffisante pour que du corps soit dégagée des réflexions théologiques. C’est à cet exercice que nous allons, avec  Porcile Santiso, consacré le chapitre suivant où il sera question de la présentation de ce qui rend spécifique le corps de la femme.







DEUXIEME CHAPITRE : LA PENSEE DE PORCILE SANTISO SUR LA  SPECIFICITE DU CORPS DE LA FEMME

Introduction

Dans le premier chapitre, en plus des approches compréhensives portées sur les mots femme, féminité, corps et dignité, nous avons montré la valeur du corps en insistant sur le fait qu’il révèle le caractère unique de la personne. Il est le lieu unique de la plus intime relation avec l’autre : le plus intérieur se dit par le plus extérieur. C’est le corps qui permet la rencontre de l’autre jusqu’au don de la vie[53].

Dans le présent chapitre, nous voulons de manière approfondie, nous appesantir sur le corps au féminin à travers sa spécificité ainsi que le message social et théologique qu’il porte. Cela avec un double objectif : approfondir la connaissance sur la grandeur du corps de la femme à travers sa spécificité ; ce corps à travers lequel elle s’identifie comme être humain féminin et dans lequel elle jouit de toute sa dignité. Ayant  approfondi cela, l’on saura prendre part active à la lutte que mène la femme pour défendre sa dignité.  Cette mise en évidence de la spécificité de la corporéité de la femme devrait également permettre un changement du regard porté sur la femme et promouvoir une nouvelle perception de la femme à travers son corps.

Ce chapitre est articulé sur trois points à savoir la présentation de l’auteur et de son ouvrage d’abord, la spécificité du corps de la femme selon Porcile Santiso ensuite, et les conséquences du langage du corps de la femme enfin.

II.1. Présentation de l’auteur et de son ouvrage


          Marie Thérèse Porcile Santiso est une femme, catholique, latino-américaine avant d’être professeur de philosophie à Montevideo (Uruguay), docteur en théologie (de l’université de Fribourg en Suisse). Active dans le domaine œcuménique et interreligieux (Secrétaire pour l’unité des chrétiens aux Vatican ; conseil mondial des églises), elle a aussi été membre d’organismes internationaux, notamment non gouvernementaux à l’ONU. Elle a été la seule femme admise à l’assemblée de l’épiscopat latino-américaine de Puebla[54].

          Son ouvrage La femme espace de salut, publié à Paris aux éditions Cerf en 1999, est un chef d’œuvre. Elle y présente une quête de la spécificité de la féminité. Pour cela elle ne s’inscrit pas dans les revendications sociales pourtant les plus légitimes, car, il lui semble qu’elles ont souvent laissé dans l’ombre la perception que les femmes ont d’elles-mêmes, de leur corps comme de leur sensibilité propre à la suite de la tradition biblique. C’est cette voie qu’elle s’engage à explorer, pour l’ouvrir à une dimension contemplative[55] rarement développée dans les théologies féministes[56].

         

          Pour y parvenir, elle présente son ouvrage en trois parties. Dans la première partie (p.27-116) elle commence d’abord à fournir des jalons pour comprendre le thème de la femme ; suit alors sous cet angle dans la deuxième partie (p.119-330) une relecture anthropologique des trois premiers chapitres de la Genèse ; pour en arriver à oser une théologie du corps de la femme. Et c’est là que l’on est devant quelque chose de neuf et de riche : tisser des éléments qui, à toute époque, dans toutes les géographies et cultures, font qu’une femme est une femme. Ces éléments, l’auteur les nomme « espace intérieur », « temps vécu », « offrande de la vie ». Une telle approche est proche à renouveler la vision de l’identité féminine, avec ses conséquences sociales et ecclésiales. Dans la dernière partie (335-371), l’auteur trouve une consonance entre l’espace comme métaphore du féminin avec le monde d’aujourd’hui dans la tentative de relire le « féminin » en Dieu et dans l’Eglise, d’entendre autrement la mission ecclésiale de l’homme et de la femme. Le livre atteste que le poétique a plus de poids que la polémique.


II.2. Spécificité du corps de la femme selon Porcile Santiso


          L’auteur aborde cette spécificité en rapport avec le corporel, car la corporéité qui marque la différence entre l’homme et la femme, est porteuse d’une spécificité[57]. Elle étudie alors le corps comme langage, le corps comme parole, l’espace intérieur, la femme et le temps (le corps de la femme à l’épreuve du temps), l’offrande de la vie, la femme et le sang.


II.2.1. Le corps comme langage


          Porcile Santiso considère le corps comme un langage à déchiffrer sous trois aspects à savoir la structure interne (ce qui le constitue en tant que tel : le fait que « ce » corps soit un corps de femme) ; la phénoménologie, c’est-à-dire la description de ce corps dans son apparition ; et l’ontologie qui découle de la constitution et de la description[58]. Elle soutient que cette analyse du langage suppose une vision du corps de la femme comme « parole », comme « métaphore », comme signifiant qui exprime quelque chose[59].

         

          Par ailleurs, l’auteur affirme qu’il y a une façon d’être « dans le monde » dans un « corps » bien à soi, qui est le premier état de l’être humain, avec des répercussions incontournables sur le mode d’agir également unique et particulier. Le corps est langage : le corps « dit » de façon ouverte, symbolique. L’important c’est de se rapprocher de son « sens » comme d’un symbole qui « donne à penser » et de le « lire » en le décrivant phénoménologiquement[60].


II.2.2. Le corps comme parole


          L’intérêt que poursuit l’auteur est de lire le corps comme parole vivante et ouverte, le comprendre comme signifiant[61]. L’auteur préfère le terme symbole au signe, car ce dernier porte à une signification claire et univoque, il obéit à une convention. Par contre, le symbole est capable de se référer à plusieurs choses en même temps et en différents lieux[62].

         

          La réflexion sur l’ordre symbolique du corporel ou de la corporéité de la femme offre une clé qui permet de comprendre ce qu’il ya de particulier et de signifiant symbolique dans le corps de la femme. C’est à partir de là que se déduisent les implications pour  entrer dans sa modalité de l’être[63]. Cela permet d’échapper le risque d’une différence de subordination d’une part et ou d’une égalité de nivellement de l’autre[64].


          Puisque le corps englobe et transcende ce monde de différences relativisables et se réfère à la structure[65] interne, autonome, biologique et somatique, il est l’endroit de la différence spécifique et universelle, structurelle et corporelle que l’auteur assume et interprète. C’est cette différence qui donne l’être différentiel de la femme[66].


II.2.3. Espace intérieur


          L’une des spécificités de la corporéité de la femme c’est l’espace intérieur. Du point de vue de son être sexué, la femme est un être intérieur. En effet, toute femme est susceptible anthropologiquement (même quand elle ne peut pas l’être fonctionnellement) d’être porteuse de la vie[67], car chez la femme, le somatique liée à la naissance de la vie est situé dans son corps. C’est une partie d’une structure spatiale interne. Cela lui semble constituer une différence indéniable. Cette intériorité disposerait la femme pour les uns à la réceptivité et à la passivité pour d’autres[68].


          Mais cette structure morphologique de la femme ne voue pas son corps à un destin aveugle, une fatalité biologique. Elle n’est pas déterminée fatalement à recevoir mais elle est plutôt  conditionnée potentiellement pour recevoir[69]. Si elle est conditionnée à recevoir, c’est parce qu’elle peut dire : « je peux » (non pas une possibilité de, mais un pouvoir, une capacité de).

II.2.4. La femme et le temps


          Porcile Santiso pense que la femme a une manière spécifique de vivre le temps par la médiation d’un liquide cyclique-le sang-qui apparaît à un moment déterminé de la vie et disparaît à un autre moment. La femme habite une structure temporelle. C’est dans cette structure que la femme est capable de recevoir l’autre à l’intérieur de son corps[70], pour donner la vie à un nouvel être de l’intérieur et finalement à l’extérieur, au monde.


          Le corps de la femme est capable de donner la vie. La spécificité d’être féminin capable d’être fécondé met en évidence sa spécificité d’enfanter. Dans la démarche de l’enfantement personne ne se suffit pas à lui-même. Il y a une réciprocité qui passe par une corporéité différente. Chez l’homme, la rencontre avec l’autre n’affecte pas sa structure corporelle interne, car elle se produit à l’extérieur de lui et à l’intérieur de l’autre[71].


          Cela  n’est pas le cas pour la femme qui porte le fruit de cette rencontre comme « une autre vie » dans ses entrailles. Tout son corps, tout son être psychosomatique est affecté par cette présence vitale en son sein[72]. C’est ainsi que le sens du temps pour l’homme sera plus linéaire, plus projeté dans le futur et vers l’extérieur tandis que pour la femme, il sera plus circulaire, plus en relation avec la nature. Il n’est pas identique à celui d’un cycle naturel répétitif, fixe. Il est à comprendre à l’aide de l’image d’une spirale où le mouvement circulaire va en s’amplifiant[73]. L’homme se situe dans le temps à travers l’action qu’il a dans le monde.


II.2.5. L’offrande de la vie


          Porcile Santiso pense aussi que la spécificité de la femme dans l’offrande de la vie est liée à sa constitution, au fait que son corps peut être habité par un autre. Ainsi, en la femme, on trouve le premier espace de vie en communauté, le premier lieu communautaire et la première possibilité de vivre en communion[74].

          Il est intéressant de contempler la femme, ses sentiments et attitudes dès la conception jusqu’à la naissance de l’enfant. Pour Porcile Santiso le temps de la grossesse est ouvert à une pluralité de lectures : la parabole de la vie en commun dans un même espace peut être une charge pesante ou un poids de gloire. Tout dépend, poursuit-elle, de l’amour et de la liberté avec lesquels et par lesquels la femme est parvenue à assumer le fait de devenir la demeure de l’autre[75]


          Cette double lecture ouvre une gamme des sentiments les plus variés : la joie, l’intimité, l’espérance, le sens du secret, mais aussi la gêne, les troubles physiques dont souffrent les femmes[76]. Les femmes souffrent jusqu’au moment de la naissance qui comprend un risque vital, car naître à la vie  peut coûter la vie à la mère ou à l’enfant. En assumant ce risque, la femme libère l’être humain. Tout se vit dans et par la mère. Cela est une spécificité indiscutable de la femme : donner la vie au risque de perdre la sienne propre ; ce qui n’est pas le cas pour l’homme qui ne connaît pas le même risque pour son corps et pour sa propre vie[77].


           La femme qui libère l’être à la vie, continue à l’entretenir par son corps. Il y a là une générosité vitale du corps de la femme : sa poitrine protège et alimente. Aussi la femme possède un corps qui la rend capable  d’être espace pour une vie qu’elle garde, protège, abrite et nourrit jusqu’au moment de la naissance et encore après. C’est une expérience unique, privilégiée, exclusive, intransmissible et irremplaçable de la femme[78].


II.2.6. La femme et le sang

Le tabou en relation avec le sang dans le corps de la femme est présent dans la plupart des cultures. Il suffit de considérer la tradition juive pour se rendre compte du traitement qui était réservé à la femme chez qui il y a apparition de sang ou chez celle qui vient d’accoucher.

Aussi, chez la majorité des femmes, face à la présence du sang qui s’écoule hors du corps, on perçoit comme un sentiment  de « saleté », de « blessure ». Dans le langage commun, on utilise les expressions telles que «  être malade », « être indisposé » et le sentiment plus profond plus généralisé est de « gêne », d’ « incommodité» [79]

Face à cette conception qui a traversé les siècles, Porcile Santiso fait une lecture positive de  l’apparition du sang en ces termes : « L’éveil ou l’apparition du sang dans le corps de la femme a une importance fondamentale : elle marque le passage de l’état d’enfant à celui de « femme » : le corps est maintenant fécondable et potentiellement fécond. La forme extérieure de ce corps change, même sa voix et sa sensibilité se transforment. Tout en elle porte l’empreinte de l’écoulement du sang. Le sein-espace vital est dorénavant habitable» [80]

La femme qui ne parvient pas à être concrètement « habitée » dans sa chair garde sa potentialité spécifique qui marque son être spécifique[81]. Cela étant, cette femme n’et pas moins femme que celle qui a eu l’occasion de l’actualisation de sa fécondité.

La femme connaît non seulement l’apparition du sang mais aussi sa disparition. Le rythme de son corps change. Le pouvoir d’être habité décline, c’est le temps de la ménopause vécu comme une crise, une mort. La femme porte dans son corps le fait que la vie ne peut pas retourner au point de départ. Cette expérience du temps vécu limité fait découvrir à la femme un avant-goût de la mort. A cause de l’absence  du sang régulier, la femme vit l’expérience de la finitude dans sa propre vie ; c’est une expérience « pédagogique » fondamentale, propre à la femme[82].






II. 3. Conséquences du langage du corps de la femme


          Porcile Santiso tire, du langage du corps de la femme, les conséquences à deux niveaux : les conséquences sociales et les conséquences théologiques.


II. 3.1. Conséquence sociale


          Le corps étant un corps de relation, une réflexion sur la corporalité de la femme doit avoir une répercussion personnelle et aussi des conséquences sociales[83]. L’auteur relève les conséquences sociales sur le plan spatial, la conséquence sociale du langage du sang et la conséquence sociale du langage de la nutrition.


II. 3.1.1. Sur le plan spatial

L’auteur rappelle que la femme dont le sein maternel est le premier lieu où un être humain cohabite avec un autre être humain en parfaite interdépendance, altérité et union, n’est pas un être isolé. Elle habite une société où se posent le problème de cohabitation et de compréhension ; des conflits de guerre à la suite soit des violations des frontières territoriales, des migrations forcées des refugiés soit pour des problèmes écologiques dont les causes résident dans la violation de l’espace vital[84] etc.

Dans cette crise des violations des espaces vitaux, celui du corps de la femme n’est pas épargné. En se basant sur les études biologiques, culturelles, psychologiques qui permettent d’établir une relation entre le mâle et l’agressivité[85], l’auteur fait recourt au corps de la femme en s’interrogeant : « Dans ce sens, un corps comme celui de la femme, vulnérable à l’action de l’autre et dans l’impossibilité de « violer » l’autre par pulsion naturelle, n’indiquerait-il pas une structure psychosomatique dépourvue d’agressivité dans sa forme extérieure ? Quel sens a le langage « formel » d’un corps « violable » ? Qu’aurait à dire à ce monde et à cette société où il y a tant d’espaces violés le corps de la femme ; espace de vie habitable et habité » [86]?

L’on peut alors écouter le corps-espace-vital de la femme inviter la société à devenir un espace d’accueil de la vie, de sa protection et de sa croissance, d’habitation et de cohabitation, de transformation et de maturation, comme il l’est lui-même. Il livre à la société son secret de réussite : la cohabitation pacifique avec l’autre qui l’habite. C’est un message de paix pour une société qui se veut un lieu de rencontre, de réunion des individus et des groupes et, dans son ensemble, un lieu de convergence ou de divergence des races et des cultures[87].

II.3.1.2. Conséquence sociale du langage du sang

Porcile Santiso présente aussi le corps de la femme comme une métaphore sociale. De la même manière que le corps de la femme se fait porteur de la vie lorsqu’il est habité, la société doit être aussi porteuse de la vie pour ceux qui y habitent[88].

C’est ainsi que le ventre-sein maternel est image de la communauté la plus absolue, dans une parfaite altérité et interdépendance. L’habitant et l’habité partage le même espace de la façon la plus absolue et la plus totale : liés par le même sang, le même oxygène, la même eau, ils demeurent ainsi jusqu’au moment où le plus grand laissera sortir le petit. L’acte de « laisser sortir », de « mettre au monde » est un acte de libération le plus total, l’acte de donner la vie[89].

Cet acte de donner vie commence avec l’écoulement du sang sans lequel le reste n’est pas possible. Considérant cet acte, la femme, à travers son corps, est en train de dire qu’il faut savoir donner la vie au risque de la propre vie. Porcile Santiso l’exprime mieux à travers ces questions : «  Si la société est d’une façon ou d’une autre le lieu d’échange de la vie, où les êtres humains entrent en contact, que se passerait-il dans notre société-où l’on fait couler le sang de l’autre par haine et violence-, si l’on voulait bien accueillir l’expérience irremplaçable de l’être de la femme- pour qui répandre le sang, c’est donner la vie ? Que se passerait-il si l’acceptation de ce mystère impliquait une totale participation-chacun selon son être propre-dans tous les domaines de la vie sociale » [90] ?



II.3.1.3. Conséquence sociale du langage de la nutrition

Un des rôles principaux de la société est de protéger et de répondre aux nécessités les plus élémentaires : toit, abri, aliment, santé. Le corps de la femme prodigue tous ces soins pour protéger la vie plus qu’aucune société[91]. Elle assure cela sans aucune menace, sans exploitation de qui que ce soit, elle a le pouvoir de le faire.

Il y a une double manière de saisir le message que le corps de la femme adresse à la société pour ce qui concerne la protection de la vie : D’une part, la société pour se renouveler doit prendre conscience de la différence et de l’apport irremplaçable de la femme[92]. Mais il faut que la femme retrouve, découvre et assume son identité propre, afin que son action dans la société dans toutes ses fonctions  qu’elle devra remplir et mener à bien, soit faite et exercée à partir d’elle-même sans copier les modèles masculins[93]. D’autre part, il faut que l’homme de son côté, découvre l’identité profonde de la femme, la puissance de son être, la capacité de sa créativité et se libère ainsi de la prétention d’être le centre du monde[94].

II.3.2. Conséquence théologique du langage du corps de la femme

       

Il s’agit de la conséquence  théologique du langage du corps de la femme sur l’espace, sur la relation espace-temps et de l’aspect de la nutrition.


II.3.2.1. Sur l’espace

L’Eglise est lieu de la convocation, de la réunion, de l’accueil, de la sainte Assemblée. Etant  Ekklésia, elle est un espace de naissance, d’accueil et d’hospitalité. Lorsqu’on met dans une relation de convergence la spécificité féminine de l’accueil et la vocation ecclésiale de l’appel, on découvre que la femme a une capacité « innée » privilégiée de permettre à l’Eglise d’être plus visiblement un espace de vie, de réceptivité, d’accueil, de portes ouvertes. C’est dire tout simplement que dans le langage du corps, la femme a une fonction originale et irremplaçable dans l’Eglise. Il s’agit ici des fonctions qui concernent l’ « être » et non le « faire ». C’est tout l’être de la femme qui doit imprégner tout l’être (corps) de la société et de tout l’être  (corps) de l’Eglise[95].

II.3.2.2. Sur la relation espace-temps

L’expérience d’être habité par l’autre est, a dit Santiso, spécifiquement féminin. A travers celle-ci, la femme vit les catégories de l’espace et du temps lorsque son corps offre un accueil à l’autre et laisse celui-ci s’y développer. Elle (l’expérience) est tellement profonde et spécifiquement féminine que seule la femme peut en parler avec autorité. Monique Dumais, une théologienne canadienne en témoigne par ces mots : « Les femmes qui ont conçu, porté en elles pendant neuf mois le corps d’un être nouveau, qui ont vécu dans les souffrances plus ou moins intenses l’accouchement et qui, ont pu enfin serrer dans leurs bras ce petit être aimé qu’elles ont procrée, disent avec émotion ‘ ceci est mon corps’» [96]. 

En cela, Parcile Santiso voit dans le corps de la femme un langage eucharistique. Elle l’exprime dans une relation « analogique » femme-Eglise en ces termes : « Si l’Eglise est le lieu, l’espace où se célèbre le Grand Sacrifice de la vie répandue, n’est-ce pas de toute évidence le corps de la femme qui exprime de la façon la plus appropriée ce que signifie donner la vie en donnant son sang ? N’est-ce pas elle qui porte inscrit dans son corps un temps évolutif, cyclique, et vital ? Le corps de la femme ne possède-t-il pas naturellement un langage eucharistique » [97]

II.3.2.3. Conséquence théologique de l’aspect de la nutrition

Dans cet aspect de la nutrition, il ya des conséquences incontournables lorsqu’on considère ce que la tradition de l’Eglise assume comme tâche nécessaire, celle d’être Mère-Eglise. Elle doit nourrir ceux qui, en elle, naissent à la vie par la foi et par d’autres moyens : évangélisation, prédication, catéchèse et surtout, vie liturgique et sacramentelle. La femme en ce sens, par tout son être, est signe et sacrement de tout l’être et toute la mission de toute l’Eglise[98].

Conclusion du deuxième chapitre

Dans ce chapitre, nous avons fait, avec Porcile Santiso, la lecture de la spécificité du corps de la femme comme lieu de redécouverte de sa dignité par elle-même, d’une part, et par la société et l’Eglise, d’autre part.

Nous avons vu que l’auteur, dans un effort de trouver ce qui est commun à toutes les femmes, centre sa réflexion sur trois expériences essentielles et spécifiquement féminin à savoir l’espace intérieur qui est un « espace ouvert » d’accueil qui justifie la capacité en la femme d’être porteuse de la vie, elle est en ce sens conditionnée potentiellement et non fatalement pour recevoir ; la deuxième expérience est celle du temps vécu qui est perçu par la médiation du sang et qui met la femme dans une structure corporelle grâce à laquelle, elle peut recevoir l’autre dans son sein. La lecture que Porcile Santiso fait du sang périodique de la femme vient bousculer toute une conception négativiste de cette expérience qui est régulièrement vécue par la femme. C’est un moment qui indique la puissance de la femme. Et enfin  l’offrande de la vie qui consiste à considérer en la femme, dans sa corporéité tout ce qui contribue à l’accueil, la protection, la croissance, la libération de la vie. La femme qui libère l’être à la vie au risque de perdre la sienne propre, continue à l’entretenir par son corps.

L’auteur résume la spécificité du corps de la femme dans ces trois expériences auxquelles les femmes sont « habituées » et que les hommes connaissent par oui-dire, mais expériences dont on ignore la profondeur, l’exclusivité et l’extension des conséquences au sein de la société. C’est à cause de cela que le corps de la femme, à la place d’être le lieu d’expression de sa dignité, il est le lieu de l’abaissement de celle-ci.

Eu égard à tout ce qui précède, une question se pose de savoir si la société est  consciente de la potentialité dont la femme est détentrice. Si oui, pour quoi la dignité de la femme semble toujours à définir comme si elle était une personne à part ? Pour quoi la femme est toujours en perpétuelle quête de sa dignité? Et si la société n’était pas encore consciente, comment construire un monde nouveau sans  l’apport de la femme ?  Comment parler de la dignité de la femme lorsqu’à travers le monde elle est encore victime des plusieurs maltraitances qui nient sa dignité ? Il est urgent de remarquer l’absence de l’apport spécifiquement féminin dans la conduite de la société. Il faut alors s’engager pour lutter contre tout ce qui enfreint  la femme à jouir pleinement de sa dignité. C’est à cette lutte que nous voulons nous engager dans le chapitre suivant.





















CHAPITRE  TROISIEME : ENGAGEMENT POUR DEFENDRE LA DIGNITE DE LA FEMME

Introduction

Dans ce chapitre, nous voulons, après avoir présenté la lecture du corps de la femme selon Santiso dans le chapitre précédent, poser le fondement d’un engagement en faveur  de la femme et de sa dignité. La prise au sérieux de la lecture du corps de la femme faite par Santiso pourrait suffire pour convaincre tout le monde à s’engager dans une lutte pour que la dignité de la femme soit toujours préservée. Celui qui a le sens d’humanité devrait se trouver acteur dans ce combat. La question, centrale que nous posons ici est : « pourquoi lutter pour la dignité de la femme ? En d’autres termes, quelles sont les raisons pour lesquelles engager une défense pour la dignité de la femme ? » 

Lutter pour la dignité de la femme, c’est s’inscrire dans le style de vie du Christ. Nous voulons aussi nous y inscrire en nous inspirant de la vie que le Christ a menée avec les femmes de son temps.  C’est pourquoi, après un tableau de l’entourage féminin de Jésus, nous allons retenir les figures de quelques femmes qui ont fait l’expérience de cette présence libératrice du Christ. Après nous verrons ce qu’enseigne l’Eglise sur la dignité de la femme. Cela nous permettra de voir quel type de regard il faut porter sur l’autre, sur la femme en particulier. Mais avant tout cela, présentons brièvement la situation de la femme au temps de Jésus pour bien saisir sa nouveauté dans le traitement de la femme.


III. 1. Condition de la femme au temps de Jésus

Pour bien percevoir la nouveauté de l’attitude du Christ envers la femme, il sied de commencer par présenter ce qu’était sa condition de vie.

Selon Anne-Marie Pelletier, Jésus a habité une société où la femme demeure une mineure, juridiquement parlant, confinée dans une partie réservée du temple, ou encore dispensée de la célébration des fêtes annuelles comme de la prière publique[99]. Pierre Mourlon Beernaert le dit autrement en affirmant qu’en Orient, la femme ne participait pas à la vie publique, hormis sa présence à des  funérailles au titre de pleureuse ; son domaine étant la maison[100]. La femme était assujettie par la loi juive. Elle restait juridiquement dépendante en tous points. Elle était soumise à toutes les défenses de la Torah et à toutes les rigueurs de sa législation civile et pénale, y compris la peine de mort[101]. Jésus qui a grandi dans cette culture où la femme « n’était pas plus qu’un enfant », a vu ce joug qui pesait sur ses épaules. Son attitude envers ces femmes qu’il va rencontrer sur son chemin sera choquante, étonnante et révolutionnaire. Il va agir pour que la femme retrouve sa dignité. Mais quel était l’entourage féminin de Jésus ?

III. 2. Entourage féminin de Jésus

Dans le parcourt terrestre de Jésus, l’on remarque plusieurs figures féminines depuis l’Incarnation jusqu’à la mort sur la croix. Anne-Marie Pelletier peint un beau tableau de cette présence féminine dans son ouvrage Le christianisme et les femmes de la manière suivante :

« Dès l’ouverture de l’Evangile de Luc, c’est autour de Marie, bien sûr, mais aussi d’Elisabeth, que se noue l’œuvre du salut, reconnue et célébrée par Anne, la prophétesse attendant dans le Temple, comme Syméon, la réalisation des promesses. A l’autre bout du récit, à la fin des Evangiles, des femmes, de nouveau, se hâtent vers le tombeau, au matin de Pâques, devançant les apôtres. Dans l’intervalle, d’autres se pressent, nombreuses et diverses, tout au long du ministère de Jésus. Il ya les femmes dont les synoptiques rapportent qu’elles le suivent depuis la Galilée et montèrent avec Lui à Jérusalem, à l’heure de sa Passion (Lc 8, 2-3 ; Mt 27, 55-56 ; Mc 15, 40-41). Mais il y a aussi celles qui ne croisent qu’un instant son chemin. Ainsi de la rencontre avec la samaritaine qui fournit une scène majeure à l’évangile de Jean (Jn 4, 1-42).Ainsi de la femme adultère, dans le même évangile, où le Christ dévoile crûment le péché de ceux qui s’abritent derrière la loi (Jn 8, 1-11). Il y a aussi les prostituées qui sont déclarées plus proches du Royaume de Dieu que les justes retranchés dans leur suffisance. Il ya des figures des veuves, telle celle qui va enterrer son fils unique au moment où elle rencontre Jésus  à la sortie du bourg de Naïm  (Lc 7, 11-17). Il y a la femme courbée qu’il guérit un jour de sabbat (Lc 13, 10-17). Il y a la femme qui perd son sang depuis douze ans et qui se glisse dans la foule pour toucher la frange de son manteau (Mt 9, 20-22). Il y a la cananéenne qui implore la délivrance de son enfant sans craindre d’affronter le refus de celui qui est venu d’abord pour les brebis perdus d’Israël (Mt 15, 21-28). Il y a Marthe et Marie, les sœurs de Lazare, qui reçoivent Jésus dans leur maison et enseignent au lecteur, outre les gestes de l’hospitalité, l’écoute de l’unique essentiel (Lc10, 38-42). Ce sont elles qui sollicitent Jésus pour leur frère Lazare : « Seigneur, celui que tu aime est malade » Jn 11, 3). Et il y a les femmes qui, après le sabbat de la Passion, se rendront au tombeau pour embaumer un corps mort, en portant dans leur corps, mystérieusement, la question de la bien-aimée  du Cantique des cantiques : ‘’Avez-vous vu celle que mon cœur aime’’  » [102] ?

 On le voit, Jésus n’a pas catégorisé son entourage. Tout le monde peut avoir accès à Lui. « Il est le seul  qui consacre la dignité de la femme[103] ». Avant que l’action de Jésus envers quelques femmes particulières ne retienne notre attention, disons succinctement ce que Jésus a vu en la femme, par delà le fait d’être un humain crée à l’image  et à la ressemblance de Dieu.

III.3. La femme sous le regard de Jésus

Jésus qui est venu à la rencontre de l’homme, ne saurait pas ne pas voir la misère dans laquelle vivait la femme. Il a vu sa misère[104]. Malgré cela, dans ses différentes rencontres avec des femmes, il ne s’est pas retenu à admirer les qualités spirituelles de la femme comme le souligne Anne Marie Pelletier. Plusieurs femmes sont des modèles d’intelligence spirituelle qui devancent bien des hommes de l’entourage de Jésus.  Ainsi, Jésus voit en Marthe qui, alors que son frère Lazare vient de mourir, une femme qui avance très loin dans la confession de sa foi. Il va encore se servir de geste d’une femme, pourtant de mauvaise vie  pour enseigner Simon le pharisien sur cette vérité vitale : la mesure de l’amour est la mesure du pardon dont on consent  à demander la grâce. Il n’a pas manqué de dire aussi son admiration devant la foi de la cananéenne (« O femme, grande est ta foi ? »), ou  devant le geste de Marie à Béthanie rependant le parfum de l’onction (Mt 23, 16). Sous le regard de Jésus, se trouvent des femmes modèles dont la fidélité va jusqu’au plus obscur chemin. Des femmes réputées faibles et frileuses sont les uniques accompagnatrices du condamné au Golgotha. Les synoptiques disent qu’elles suivaient  de loin. Jean les décrit entourant Marie au pied de la croix. Les récits du matin de Pâques mettent en évidence les visites des femmes au tombeau[105] pendant que les apôtres sont enfermés. Ils n’on même pas cru au message des femmes, car à leurs oreilles, ces paroles semblèrent du radotage ou du délire comme le dit Luc en soulignant à quel point ces femmes disciples sont dans le vrai, alors que les disciples masculins se montrent lents à croire (24, 25.41)[106].  Une autre qualité spirituelle est que les femmes de l’Evangile  ont une conscience toute spéciale d’avoir besoin de Dieu, qu’elles reconnaissent dans les œuvres du Christ. Elles sont à épargnées de l’orgueil qui est obstacle à la conversion du cœur. L’orgueil spirituel qui a envahi les contemporains de Jésus les tenait éloignés de Lui. Les femmes de l’Evangile ont aussi une capacité d’accueil et de fidélité privilégiée[107]. Habituées au service, elles sont moins effarouchées par le mystère d’un Messie venu pour servir et non pour être servi[108]. Jésus a porté un regard pur, libre et objectif sur la femme et sa situation propre. Cette liberté sera visible dans ses différentes interventions au profit de la femme. Son attitude sera choquante et étonnante, parce qu’extraordinaire. C’est une nouveauté que l’on ne pourrait passer sous silence.

III.4. La nouveauté de Jésus envers la femme

La question est de savoir en quoi consiste la nouveauté de Jésus dans la situation de la femme. L’on a vu brièvement ce qu’était cette situation. Plusieurs attitudes de Jésus marquent un tournant dans la manière de voir et de traiter la femme.

En effet, Jésus enseigne[109] aux femmes sans souci de la réaction  des disciples (Jn 14, 7), il les guérit, même le jour du Sabbat ; il les envoie témoigner de sa résurrection, il ne tient pas compte de l’impureté légale de l’hémorroïsse ; il suggère qu’il ne faut pas punir plus sévèrement l’adultère de la femme (Jn 8,11) ; il refuse le divorce aux hommes au point que ses disciples, habitués à un certain laxisme sur ce point ont cette réflexion désabusée : «  Si telle est la condition de l’homme à l’égard de la femme, il n’y a pas intérêt à se marier » (Mt 19, 10). Plus profondément, Jésus juge les femmes d’après leur foi, non d’abord d’après leur aptitude à remplir leur rôle d’épouse, de mère ou de maîtresse de maison[110].

Considérons maintenant  trois situations des femmes et voyons-y la nouveauté de l’attitude de Jésus. Nous retenons le cas de la femme courbée de Lc 13, 13-17 ; l’hémorroïsse de Mc 5, 25-34  et la femme surprise en adultère de Jn 8, 2-11. La raison de ce choix réside dans le fait que ces femmes sont touchées dans leur corps, elles ne jouissent pas pleinement de leur dignité.

III. 4. 1. La femme courbée (Lc 13, 10-17)       

            Jésus guérit cette femme le jour de sabbat[111]. Lorsque Jésus pose un regard sur un être souvent anonyme, et perdu dans la foule, il ne semble ne voir que lui, et en même temps, en lui, il voit et sauve les hommes et les femmes de tous les temps et de tous les lieux[112]. C’est le cas de la femme courbée. Voici la description que Blaquière fait de cette scène qu’elle qualifie facile à imaginer :

« A l’arrière (car dans les synagogues du temps du Christ les femmes sont séparées des hommes et à l’arrière, le plus souvent derrière les barreaux ou une grille), se tient une femme infirme à cause d’un « esprit de faiblesse » (pneuma echousa astheneias). Elle est là, perdue dans la foule, « recroquevillée sur elle-même » (le grec sugkuptousa est beaucoup plus fort que « courbée »). Elle est habituée, depuis dix-huit ans, à son infirmité qui l’empêche complètement de « lever la tête » (anakupsai). Jésus la voit. Pour lui, plus de barrières, de séparation. Les barreaux, réels ou symboliques, sont brisés. L’Evangile ne dit pas s’il l’appelle à lui ou s’il s’approche d’elle. Peu importe ! Il l’interpelle directement par delà les assistants : « Femme, sois libérée des liens de ta faiblesse » (apolelusai tês astheneias). Puis il la touche et lui « impose les mains ». Immédiatement, elle redevient droite (anôrthôthê) et elle rend gloire à Dieu » [113].

Avec cette femme, en faisant lecture de la réaction du chef de synagogue, l’on comprend que les pharisiens ont moins de miséricorde à la personne que pour leurs bêtes de somme. Cette femme ne jouissait plus de sa dignité à travers tout son être à cause de son infirmité physique. Mais Jésus qui sait regarder la femme au delà  de son corps lui rend sa dignité de « fille d’Abraham »[114]. Il lui redonne son identité, comme à Zachée en Lc 19, 9. Dans une lecture contemporaine, cette femme est le type de toutes les femmes que Jésus veut redresser et remettre droites. Car Jésus libère vraiment et rend la parole, pour glorifier le Dieu qui délie et pour entraîner l’assistance de la synagogue à la louange[115].

III.4.2. La femme au flux de sang (Mc 5, 25-34)

            Cette femme est en situation désespérée mais elle est un modèle de foi. Elle ne perd pas confiance. Sa maladie la retient dans un état prolongé d’impureté (Cf. Lv 15, 19. 23. 25). Par ailleurs, en considérant l’importance du sang dans la perspective biblique, le fait que «  la vie de toute créature, c’est son sang tant qu’elle est en vie » (Lv 17, 11.14), l’on comprend que quand le récit synoptique insiste sur les incessants écoulement de sang de cette femme (Mc 5, 25.29 ; Lc 8, 43.44= haima ; Mt 9,20= haimorroousa), il faut entendre à la fois qu’elle est blessée dans sa féminité même, qu’elle est exclue du culte et de toute vie sociale, et sa vie même s’en allait peu à peu, avec ses continuels flux de sang[116]. Ecrasée de culpabilité et de honte, cette femme qui n’était que malade et non pécheresse, ne peut plus agir librement. Elle doit se tenir écartée de la foule et vivre dans un isolement qui doit être plus dur à vivre que la maladie elle-même[117]. Jésus  va se laisser toucher par elle ; ce n’est plus l’impureté de la femme qui est contagieuse ici mais la force de vie qui vient de Dieu. Jésus s’arrête pour sortir cette femme de l’anonymat et établir une relation personnelle avec elle. Celle-ci ressentira la guérison dans son corps. En effet, cette force qui traverse Jésus n’est rien d’autre que l’énergie du Dieu Créateur et Père, à l’œuvre par delà même la volonté de Jésus pour venir guérir cette femme au plus secret de son corps de femme, dans sa sexualité même et au plus profond de son cœur de femme[118].


III.4.3. La femme adultère (Jn 8, 2-11)

            La femme dont il s’agit ici est une pécheresse. Elle est surprise en flagrant délit d’adultère. Mais l’accusation des scribes et des pharisiens est elle-même partielle. Alors que la loi prévoit la mort de l’homme adultère et de la femme adultère (Cf. Lv 20, 10 ; Dt 22,22-24), on peut se demander pourquoi seulement la femme pendant qu’il s’agit  d’une surprise en flagrance ? L’absence de l’homme laisse se poser la question de savoir les conditions dans lesquelles la femme est tombée en adultère. D’emblée, on peut imaginer aussi le regard que cet homme posait sur cette femme avant d’aller avec elle jusqu’en adultère. Si elle avait de l’estime aux yeux de cet homme, il serait solidaire avec elle dans l’adultère comme dans la souffrance et la honte d’être pris en flagrance et d’être accusé au vu et au su de tout le monde. Mais voilà que cet homme qui n’avait qu’un regard de convoitise et de désir, ayant atteint son objectif, va profiter de s’échapper à la surprise des scribes et des pharisiens qui le laisseront partir, on dirait qu’ils étaient ses complices. Le péché d’adultère va retomber sur la femme seule.

            Les scribes et les pharisiens amène triomphalement[119] la femme auprès de Jésus. Ils attendent que Jésus puisse ratifier la loi de Moïse pour que la femme soit lapidée. Il est intéressant de remarquer la différence entre le regard que Jésus pose sur cette femme pécheresse et celui des scribes et des pharisiens. Le regard de Jésus voit en cette femme pécheresse une femme ; celui des scribes et des pharisiens ne voit en elle que l’adultère[120].

            Mais Jésus, après avoir fait tourner le regard des accusateurs, chacun sur soi, ne condamnera pas la femme. Il va la décharger du mal du monde dont on fait peser la responsabilité sur ses épaules comme si les autres n’étaient pas pécheurs[121]. La recommandation de Jésus en renvoyant la femme : « Va, désormais ne pêche plus » (Jn 8,11), laisse voir la volonté de Jésus de libérer tout l’homme, car le péché rend esclave et altère la dignité de la personne humaine.

            L’agir de Jésus envers les femmes de son temps est une nouveauté. A travers ces trois visages ci-haut citées, l’on constate l’attention que Jésus porte aux différentes situations des femmes. Il sait voir ces femmes dans la foule, se laisse toucher par certaines et leur adresser la parole. Il les remet débout, les redresse, les fait parler et attend leur réponse. Il ne se laisse pas retenir par la loi lorsqu’il s’agit de redonner la vie. Il inaugure un nouveau regard, une nouvelle attitude à adopter envers la femme dans les différentes situations qui enfreignent sa dignité. Quel est alors l’impact de cette nouveauté de Jésus dans l’agir actuel ? Quelles initiatives faut-il inventer pour un engagement efficace dans la défense de la dignité de la femme ? Avant de proposer  quelques pistes d’engagement, exposons très brièvement la doctrine de l’Eglise catholique sur la dignité de la femme.

III.5. La doctrine de l’Eglise catholique sur la dignité de la femme

            Nous voulons présenter cette doctrine telle que formulée dans la Lettre Apostolique de Jean-Paul II Mulieris dignitatem sur la dignité et la vocation de la femme. Il s’agira de donner succinctement les grandes articulations de cette lettre.

            Ce document est articulé sur sept chapitres hormis l’introduction où le pape montre que la question de la dignité de la femme est un signe de temps. Cela s’explique par le fait qu’elle a suscité plusieurs interventions dans la littérature du Magistère. Déjà le Concile Vatican II affirmait dans son message final « L’heure vient, l’heure est venue où la vocation de la femme s’accomplit en plénitude, l’heure où la femme acquiert dans la cité une influence, un rayonnement, un pouvoir jamais atteints jusqu’ici. C’est pourquoi, en ce moment où l’humanité connaît une si profonde mutation, les femmes imprégnées de l’esprit de l’Evangile peuvent tant pour aider l’humanité à ne pas déchoir » (MD 1). A cela s’ajoutent les discours du pape Pie XII et l’encyclique Pacem in terris  du pape Jean XXIII;  et Paul VI confère, après le Concile Vatican II, le titre de Docteur de l’Eglise à sainte Thérèse de Jésus et à sainte Catherine de Sienne pour souligner ce signe de temps. Beaucoup d’autres documents traitent de cette question comme l’encyclique Redemptoris Mater  qui développe et actualise l’enseignement  du Concile Vatican II contenu dans le chapitre VIII de Lumen gentium qui parle de la présence spéciale de la Mère de Dieu dans le mystère de l’Eglise qui permet de penser au lien exceptionnel entre cette « femme » et la famille humaine toute entière (cf. MD 2) ; et la conclusion où le pape affirme que dans l’Esprit du Christ, la femme peut découvrir tout le sens de sa féminité et ainsi se disposer  au « don désintéressé d’elle-même aux autres, et, par là, « se trouver » elle-même (cf. MD 31).

            Dans le premier chapitre intitulé « femme-mère de Dieu (Théotokos) », le pape traite de la présence de la femme au cœur de l’événement central du salut, qui détermine la « plénitude du temps ». En effet, l’envoi du Fils, consubstantiel au Père, comme homme « né d’une femme » constitue l’étape culminante et définitive de la révélation que Dieu fait de Lui-même à l’humanité (cf. MD 3). Ainsi la « plénitude du temps » manifeste la dignité extraordinaire de la « femme ». Cette dignité consiste d’une part dans l’élévation surnaturelle à l’union à Dieu en Jésus-Christ qui détermine la finalité profonde de l’existence de tout homme tant sur la terre que dans l’éternité ; et d’autre part, elle consiste à une mise en relief d’une forme d’union à Dieu qui ne peut appartenir qu’à la « femme », à Marie : l’union entre la mère et son fils. La Vierge de Nazareth devient «Théotokos » (cf. MD 4). La « plénitude des grâces » accordée à la Vierge de Nazareth en vue de sa qualité de « Théotokos » signifie en même temps la plénitude de la perfection de « ce qui est caractéristique de la femme », de « ce qui est féminin ». Nous sommes ici, en un sens, au point central, à l’archétype de la dignité personnelle de la femme. La dignité de tout être humain et la vocation qui lui correspond trouvent leur mesure  définitive dans l’union à Dieu. Marie, la femme de la Bible, en est l’expression la plus accomplie (cf. MD 5). 

Dans    le deuxième chapitre intitulé « image et ressemblance de Dieu », le pape traite de la question de la création de l’homme et de la femme. Tous les deux sont des êtres humains, l’homme et la femme à un degré égal, tous les deux créés à l’image et à la ressemblance de Dieu. Cette vérité constitue la base immuable de toute anthropologie chrétienne. Cela signifie que l’homme et la femme, créés comme « unité des deux » dans leur commune humanité, sont appelés à vivre une communion d’amour et à refléter ainsi dans le monde la communion d’amour qui est en Dieu, par laquelle les trois personnes s’aiment dans le mystère de l’unique vie divine (cf. MD 7).

Le troisième chapitre de ce document intitulé «  Eve-Marie » est quant à lui consacré à une réflexion sur le péché et en particulier sur le premier péché, le péché « originel ». Il n’est pas possible de lire « le mystère du péché » sans se référer à toute la vérité sur l’image et ressemblance avec Dieu qui est à la base de l’anthropologie biblique. Cette vérité montre la création de l’homme comme don dans lequel sont contenus le fondement et la source de la dignité essentielle de l’homme et de la femme ; aussi l’origine de l’appel à participer tous les deux à la vie intime avec Dieu. Si l’homme  est déjà par sa nature  de personne,  l’image et la ressemblance de Dieu, sa grandeur et sa dignité  s’épanouissent dans l’alliance avec Dieu, dans l’union avec Lui, dans la recherche de l’unité fondamentale qui appartient à la « logique » interne du mystère même de la création (cf. MD 9). La référence au mystère de la création à l’image et à la ressemblance de Dieu permet de saisir aussi le mystère de la « non-ressemblance » avec Dieu qu’est le péché et qui se manifeste dans le mal présent dans l’histoire du monde (…). Le péché de l’homme a des conséquences  sur les rapports originels entre  l’homme et la femme qui répondaient à la dignité de personne qu’avait chacun d’eux.

Par ailleurs, le pape affirme : « La femme ne peut-au nom de sa libération de la « domination » de l’homme tendre à s’approprier les caractéristiques masculines, au détriment de sa propre originalité féminine. Il existe une crainte fondée qu’en agissant ainsi la femme ne s’épanouira pas mais pourrait au contraire déformer et perdre ce qui constitue sa richesse essentielle » (cf. MD 9-10). La dernière partie de ce chapitre présente la mission de la femme dans la lutte salvifique du rédempteur contre l’auteur du mal dans l’histoire de l’homme en faisant une comparaison entre Eve (mère de tous les vivants (Gn 3,20), témoin du commencement biblique, dans lequel sont contenues la vérité sur la création de l’homme à l’image et à la ressemblance de Dieu, et la vérité sur le péché originel) ;  et Marie ( témoin du nouveau « commencement » et de la « création nouvelle »), deux figures qui se rejoignent sous le nom de la femme. Marie est « le nouveau commencement » de la dignité et de la vocation de la femme,  de toutes les femmes et de chacune d’entre elles. En Marie, Eve redécouvre la véritable dignité de la femme, de l’humanité féminine. Cette découverte doit continuellement atteindre le cœur de chaque femme et donner un sens à sa vocation et à sa vie (cf. MD 11).

Le quatrième chapitre présente le Christ dans le monde féminin. Son  attitude envers les femmes est ici mise en évidence. La nouveauté que le Christ apporte apparaît dans ses paroles et dans toute son attitude à l’égard des femmes, attitude extrêmement simple et, pour cette raison, extraordinaire (…), c’est une attitude caractérisée par une grande profondeur et une grande transparence. Le Christ s’est fait auprès de ses contemporains l’avocat de la vraie dignité de la femme et de la vocation que cette dignité implique. Dans la suite de ce chapitre sont présentées les femmes que Jésus a rencontrées sur sa route. C’est ce que nous avons présenté dans les points précédents (cf. MD12-16).

Le cinquième chapitre traite de deux dimensions de la vocation de la femme : la maternité et la virginité. Ces deux dimensions trouvent, à la lumière de l’Evangile, la plénitude de leur sens et de leur valeur en Marie qui, Vierge, devint Mère du Fils de Dieu (cf. MD 17). La maternité est le fruit de l’union matrimoniale d’un homme et d’une femme, de « la connaissance » biblique qui correspond à « l’union des deux dans la chair » (Gn2, 24) et réalise ainsi, de la part de la femme, un « don de soi » spécial, expression de l’amour nuptial dans lequel les époux s’unissent si étroitement qu’ils constituent « une seule chair ». La maternité est liée à la structure personnelle de l’être féminin et à la dimension personnelle du don. Elle constitue un « rôle » particulier dans le rôle commun des parents et même le rôle le plus exigeant. La maternité de la femme exprime un appel et un défi particulier qui s’adresse à l’homme et à sa paternité. La maternité de toute femme comprise à la lumière de l’Evangile, n’est pas seulement « de chair et de sang » : en elle s’exprime la profonde « écoute de la parole du Dieu vivant »  et la disponibilité à « garder » cette parole, qui est  « la parole de la vie éternelle » (cf. Jn 6,68). La maternité de la femme est le premier seuil dont le franchissement est aussi la condition de la « révélation des fils de Dieu » (cf. Rm 8,19) (cf. MD 18-19). La maternité est rapprochée de la virginité en en étant aussi distinguée. Le sens de la virginité a été développé et approfondi comme une vocation de la femme, dans laquelle sa dignité est confirmée à l’image de la Vierge de Nazareth. Il convient de considérer également la virginité comme une voie pour la femme, la voie sur laquelle, d’une manière différente du mariage, elle épanouit sa personnalité de femme. On ne peut comprendre correctement  la virginité, la consécration de la femme dans la virginité, sans faire appel à l’amour sponsal : c’est en effet dans cet amour que la personne devient l’un pour l’autre. La prédisposition innée de la personnalité féminine à la condition d’épouse trouve une réponse dans la virginité ainsi comprise. La femme appelée dès le « commencement » à être aimée et à aimer, rencontre dans la vocation à la virginité d’abord le Christ, le Rédempteur qui « aima jusqu’à la fin » par le don total de lui-même, elle répond à ce don par le « don désintéressé » de toute sa vie. Elle se donne donc à l’Epoux divin, et le don de sa personne tend à une union de caractère proprement spirituel : par l’action de l’Esprit Saint elle devient  « un seul esprit » avec le Christ-Epoux. Tel est l’idéal évangélique de la virginité dans lequel se réalisent d’une manière spéciale à la fois la dignité et la vocation de la femme (cf. MD 20).

Dans le sixième chapitre intitulé « l’Eglise, épouse du Christ), l’on présente à travers les paroles de la Lettre aux Ephésiens 5, 25-32, la vérité sur l’Eglise comme Epouse du Christ, montrant aussi comment cette vérité se fonde dans la réalité biblique de la création de l’être humain, homme et femme. Comme le Christ a aimé l’Eglise et s’est livré pour elle (cf. Ep 5, 25) voulant qu’elle soit « resplendissante, sans tache ni ride » (Ep 5, 27), ainsi le mari doit aimer sa femme (cf. MD 23-24).

Le dernier chapitre montre que le Christ mort et ressuscité pour tous,  offre à l’homme, par son Esprit, lumière et forces pour lui permettre de répondre à sa très haute vocation. L’insistance  particulière sur la dignité de la femme et sa vocation (…) peut et doit être accueillie dans « la lumière et les forces » que l’Esprit du Christ accorde à l’homme, et cela aussi à notre époque fertile en transformation multiples. Nous ne pouvons faire face à ces changements de manière juste et appropriée que si nous revenons aux fondements qui se trouvent dans le Christ, aux vérités et aux valeurs « immuables » dont il reste  lui-même le « témoin fidèle » (cf. Ap 1,5) et le Maître (cf. MD 28). La dignité de la femme se mesure dans l’ordre de l’amour qui est essentiellement un ordre de justice et de charité. Elle est intimement liée à l’amour qu’elle reçoit en raison même de sa féminité, et d’autre part à l’amour qu’elle donne à son tour. La femme ne peut se trouver elle-même si ce n’est en donnant son amour aux autres. Si la dignité de la femme témoigne de l’amour qu’elle reçoit, pour aimer à son tour, le paradigme biblique de la « femme » semble montrer aussi que c’est le véritable ordre de l’amour qui définit la vocation de la femme elle-même. Il s’agit ici de la vocation dans son sens fondamental, on peut dire universel, qui se réalise et s’exprime par les « vocations » multiples de la femme dans l’Eglise et dans le monde (cf. MD 30). A la lumière de tout ce qui précède, quelles pistes d’engagement peut-on envisager pour  travailler en vue de la dignité de la femme ?

III. 6. Quelques pistes d’engagement pour la dignité de la femme

            La lecture du corps de la femme faite par Santiso est un argument suffisant pour que l’on s’engage dans la défense pour la dignité de la femme, dignité  bafouées dans son corps. Aussi, l’attitude du Christ envers les femmes qu’il a rencontrées est inspiratrice aujourd’hui pour savoir le regard qu’il faut poser sur la femme. Nous voulons proposer quelques pistes concrets susceptibles de rendre explicites ces deux arguments susmentionnées : la formation au respect de la personne humaine, la formation à la connaissance de soi et l’éducation du regard.

III. 6.1. La formation au respect de la personne humaine

            Il s’agit d’apprendre à reconnaître la dignité de toute personne humaine, c’est-à-dire en connaître le fondement ainsi que ce qui est obstacle à cette dignité.

III. 6.1.1. Le fondement de la dignité humaine

Le fondement de la dignité humaine repose sur deux bases qui se compénètrent : la création à l’image de Dieu et la rédemption en Jésus-Christ.

  1. La création à l’image de Dieu

L’individu humain a la dignité de personne, il n’est pas seulement quelque chose, parce qu’il est à l’image de Dieu. Il est capable de se connaître, de se posséder et de librement se donner et entrer en communion avec d’autres personnes (CEC 357). En d’autres termes de toutes les créatures visibles, l’homme est « capable de connaître et d’aimer son créateur » ; il est « la seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même » ; lui seul est appelé à partager par la connaissance et l’amour, la vie de Dieu. Il a été créé à cette fin et c’est là la raison fondamentale de sa dignité (CEC 356)

L’être humain créé à l’image de Dieu est homme et femme, car « être homme », « être femme » est une réalité bonne voulue par Dieu : l’homme est la femme ont une dignité inamissible qui leur vient immédiatement de Dieu leur créateur (cf. Gn 2, 7.22). L’homme est la femme, sont avec une même dignité, « à l’image de Dieu ». Dans leur « être-homme » et leur « être-femme », ils reflètent la sagesse et la bonté du Créateur (CEC 356).


B.  Le salut en Jésus-Christ

La plus grande expression de la dignité humaine vient à l’homme par Jésus-Christ. Entre toutes les créatures du monde visible et invisible, Dieu a choisi l’homme pour s’unir à lui consubstantiellement dans le mystère insondable de l’Incarnation. Et alors, l’homme a cessé d’être un peu moins qu’un être divin pour devenir véritablement Dieu dans la personne divine du Christ[122] (cf. Jn 1, 14).

Aux yeux de Dieu, l’homme a une telle valeur et une telle dignité que Dieu, par amour pour lui, a livré à la mort son Fils Jésus-Christ. Il n’ya pas de plus grande preuve d’amour, ni une plus grande expression de la grandeur de l’homme, en dehors de ce geste de Dieu. Qu’il soit un petit enfant encore dans le ventre de sa mère, qu’il soit un vieillard, un malade, un mutilé, une personne marginalisée, sa grandeur est telle que le Fils de Dieu a voulu donner sa propre vie pour. Tout homme a droit à la reconnaissance et au respect de sa dignité humaine. Il a une valeur par ce qu’il est, et non par le rendement que l’on prétend en tirer. Attenter à sa vie ou à ses droits, c’est violer les droits de Dieu, c’est attenter au Christ, qui s’est identifié à lui comme l’un d’entre nous[123].

Et concernant la femme, « tant que la dignité de la personne humaine, quels que soient son âge, son sexe, sa race, sa condition sociale, etc. n’est pas promue, la dignité de la femme sera toujours sujette à caution »[124]. Aussi, dans le même angle d’idée, tant que cette notion de la dignité sera obscure dans l’entendement de la femme, elle demeurera obnubilée  par « les pratiques coutumières qui contribuent à sa chosification et à son infériorisation  par rapport à l’homme et par les habitudes et les images qui la dévalorisent dans la culture ambiante »[125].

III.6.1.2. La perte de la dignité

  Cette notion de la perte de la dignité est complexe. Elle peut donner place à plusieurs points de vu suivant une critériologie de son fondement.

Mais en considérant le fondement de la  dignité telle que sus-posée, nous pouvons, certes affirmer que le péché est ce qui entraîne la perte de la dignité humaine. Il en est le « virus » si bien que là où il est, pas de dignité. Il amoindrit  ainsi l’image de Dieu à laquelle l’homme est crée. Il faut considérer le péché dans sa triple dimension :

Péché comme refus de Dieu : le péché, en effet, est une réalité essentiellement religieuse qui ne se comprend qu’en rapport avec Dieu. Il est une offense à Dieu en tant que Créateur et Sauveur, un refus de l’amour de Dieu et de son plan de communion[126].

Péché comme refus des autres : d’après la Bible et selon le Décalogue, l’amour de Dieu et l’amour du prochain sont inséparables, ils se présentent comme un seul oui au Dieu de l’Alliance. C’est ainsi dans cette perspective que les prophètes invitent à la fidélité à l’alliance en dénonçant en même temps aussi bien l’idolâtrie que les injustices du peuple. Dieu n’accepte aucun culte, si splendide soit-il, s’il est superficiel et formel, s’il n’est pas accompagné par le sens et l’exercice de la justice et du respect des autres hommes (cf. Am 2,6-8 ; Jr 5, 23-27 ; Ez 18,5-17)[127].

Péché comme refus de soi-même en tant que refus de son propre moi dans son être et dans son devenir être. L’homme est un être appelé à se réaliser dans la communion avec Dieu et les autres[128].

Cette triple dimension du péché aide à comprendre largement ce qu’on peut appeler la perte de la dignité de la femme à travers sa corporéité. Il s’agit de toute pratique qui « chosifie » la femme, qui ne respecte pas son statut d’ « être-humain-image-de-Dieu ». Cette perte de la dignité peut être provoquée par ce que fait la femme elle-même ou la conséquence des actes d’autres personnes sans moralité.

III.6.1.3. Les outils pour une catéchèse sur la dignité de la femme

La formation au respect de la personne humaine, et pour le cas de la femme, suppose une catéchèse appropriée dont nous voulons donner quelques outils et présenter brièvement les passages qui peuvent servir à cette catéchèse. Ces outils sont : Le Compendium de la Doctrine sociale de l’Eglise, le Catéchisme de l’Eglise Catholique, la lettre apostolique mulieris dignitatis, que nous avons déjà résumée dans les pages précédentes et l’Exhortation Apostolique post-synodale Africae munus.

  1. Compendium de la Doctrine sociale de l’Eglise

Ce document offre beaucoup de matières sur l’égale dignité de toutes les personnes (p. 79-81 ; 144-148). Nous pouvons y lire ce qui suit : «  Dieu ne fait pas acception de personne (Ac 10,34 ; Cf. Rm 2,11 ; Ga 2,6 ; Ep 6,9), car tous les hommes ont la même dignité de créature à sa ressemblance. L’Incarnation du Fils de Dieu manifeste l’égalité de toutes les personnes quant à leur dignité (…). Etant donné que sur le visage de tout homme resplendit quelque chose de la gloire de Dieu, la dignité de chaque homme devant Dieu constitue le fondement de la dignité de l’homme devant les autres hommes. C’est aussi le fondement ultime de l’égalité et de la fraternité radicale  entre les hommes, indépendamment de leur race, nation, sexe, origine, culture et classe » (CDSE 144). On peut encore lire ce qui suit : « Seule la reconnaissance de la dignité humaine peut rendre possible la croissance commune et personnelle de tous (Cf. Jc 2,1-9). Pour favoriser une telle croissance, il est particulièrement nécessaire de soutenir les plus petits, d’assurer effectivement des conditions d’égalité entre l’homme et la femme, et de garantir une égalité objective entre les diverses classes sociales devant la loi» (CDSE 145) .

Au n°146 de ce même document, on trouve un moyen pour assurer aux femmes la place à laquelle elles ont droit dans l’Eglise et dans la société. Ce moyen consiste à l’étude sérieuse et approfondie des fondements anthropologiques de la condition masculine  et féminine, visant à préciser l’identité personnelle propre de la femme dans sa relation de diversité et de complémentarité réciproque avec l’homme, et cela, non seulement pour ce qui regarde les rôles à jouer et les fonctions à assurer, mais aussi et plus profondément pour ce qui regarde la structure de la personne et sa signification ».

Par ailleurs, le document traite de la question des femmes et le droit au travail. Il montre que : «  Le génie féminin est nécessaire dans toutes les expressions de la vie sociale ; par conséquent, la présence des femmes dans le secteur du travail aussi doit être garantie. (…) La reconnaissance et la tutelle des droits des femmes dans le contexte  du travail dépendent, en général, de l’organisation du travail, qui doit tenir compte de la dignité et de la vocation de la femme, dont la vraie promotion (…) exige que le travail soit structuré de manière qu’elle ne soit pas obligée de payer sa promotion par l’abandon de sa propre spécificité (…). C’est une question à partir de laquelle se mesurent la qualité de la société et la tutelle effective du droit au travail des femmes» (CDSE 295).

  1. Le Catéchisme de l’Eglise Catholique

Le Catéchisme de l’Eglise Catholique traite de la création de l’homme du n° 335 au n°379. Il montre la dignité dont jouit l’homme par le fait d’être crée à l’image de Dieu (cf. CEC 357). Il est la seule créature que Dieu a voulu pour elle-même ; il est appelé à partager la vie de Dieu (cf. CEC 356). Le Catéchisme montre que l’égalité et la différence entre l’homme et la femme sont voulues par Dieu : l’égalité dans le fait d’être personne  humaine et la différence dans le fait d’être homme et d’être femme (cf. CEC 369). C’est pourquoi, l’homme et la femme crées ensemble sont voulus par Dieu l’un pour l’autre (cf. CEC 371). Cela ne signifie pas que Dieu les ait créés à moitié ou incomplets ; mais Il les a créés pour une communion des personnes, en laquelle chacun peut être « aide » pour l’autre parce qu’ils sont à la fois égaux en tant que personnes (« os de mes os… ») et complémentaires en tant que masculin et féminin (cf. CEC 372). C’est dans ce sens que l’homme et la femme, dans le dessein de Dieu, ont la vocation de « soumettre » la terre (Gn 1,28) comme « intendants » de Dieu (…) (cf. CEC 373).

Il faut considérer aussi tout ce que le Catéchisme enseigne sur le sixième commandement : Tu ne commettras pas d’adultère (cf. CEC 2331-2391). Dans cette section, sont développés les thèmes de la création de l’homme et la femme, la vocation à la chasteté qui traite de l’intégrité de la personne, de l’intégralité du don de soi, des divers régimes de chasteté, des offenses à la chasteté (luxure, masturbation, fornication, pornographie, prostitution, viol),  de chasteté et homosexualité ; de l’amour des époux où l’on développe le sous thèmes sur la fidélité conjugale, la fécondité du mariage et le don de l’enfant ; les offenses à la dignité du mariage ( adultère, le divorce) et les autres offenses à la dignité du mariage ( polygamie, inceste, union libre, droit à l’essai). Tout cet enseignement est à connaître pour que chaque homme et chaque femme puisse reconnaître et accepter son identité sexuelle. La différence et la complémentarité physiques, morales et spirituelles sont orientées vers les biens du mariage et l’épanouissement de la vie familiale (cf. CEC 2333).


  1. L’exhortation apostolique post-synodale « Africae munus »

Ce document de 177 paragraphes ne réserve que 5 aux femmes (n°55-59). Dans ce document, le pape affirme : « Les femmes en Afrique apportent une grande contribution à la famille, à la société et à l’Eglise avec leurs nombreux talents et leurs dons irremplaçables. Comme le disait Jean-Paul II : « La femme est celle en qui l’ordre de l’amour dans le monde créé des personnes trouve le lieu de son premier enracinement ». L’Eglise et la société ont besoin que les femmes aient toute leur place dans le monde  afin que l’être humain puisse y vivre sans se déshumaniser complètement » (AM 55).

Par ailleurs, le pape reconnaît le travail qu’il y a encore à faire dans la lutte pour la dignité de la femme en disant : «  S’il  est indéniable que des progrès ont été accomplis pour favoriser l’épanouissement et l’éducation de la femme dans certains pays africains, il reste cependant que, dans l’ensemble, sa dignité, ses droits ainsi que son rapport essentiel à la famille et à la société ne sont pas pleinement reconnus et appréciés. Ainsi la promotion des jeunes filles et des femmes est-elle souvent moins favorisée que celle des garçons et des hommes. Trop nombreuses sont encore les pratiques qui humilient les femmes, les avilissent au nom de la tradition ancestrale. Avec les Pères synodaux, j’invite instamment les disciples du Christ à combattre tous les actes de violence contre les femmes, à les dénoncer et à les condamner (…)»(AM 56) . Il continue en rappelant qu’ « il faut reconnaître, affirmer et défendre l’égale dignité de l’homme et de la femme : tous les deux sont des personnes, à la différence de tout autre être vivant dans le monde autour d’eux » (…). L’Eglise se doit de contribuer à cette reconnaissance et à cette libération de la femme en suivant l’exemple donné par le Christ qui la valorisait (cf. Mt15, 21-28 ; Lc7, 36-50 ; 8, 1-3 ; 10, 38-42 ; Jn 4, 7-42). Pour cela il faut créer pour elle un espace de prise de parole et d’expression de ses talents par des initiatives qui affermissent sa valeur, son estime de soi et sa spécificité, lui permettant alors d’occuper dans la société une place égale à celle de l’homme-sans confusion ni nivellement dans la spécificité de chacun-, car ils sont tous deux « images » du Créateur (cf. Gn1, 27) (AM 57). Le pape termine en invitant les femmes à se former au catéchisme et à la Doctrine sociale de l’Eglise pour se doter des principes qui les aideront à agir en véritables disciples. Ainsi elles pourront s’engager avec discernement dans les différents projets relatifs aux femmes. Il les invite de continuer à défendre  la vie car Dieu les a constituées réceptacles de la vie. (…); d’aider par leurs conseils leur exemple les jeunes filles afin qu’elles abordent sereinement  la vie adulte. L’Eglise compte sur les femmes pour créer une « écologie humaine » par l’amour et la tendresse, l’accueil et la délicatesse, et enfin la miséricorde, valeurs qu’elles savent inculquer aux enfants et dont le monde a tant besoin (cf. AM 59).

III.6.2. La formation à la connaissance de soi

Cette formation aidera la personne à se connaître dans ce qu’elle a de spécifique, ses capacités, ses valeurs les plus profondes sans ignorer ses limites. Elle vaut pour un homme comme pour une femme. Pour ce qui concerne la femme, cette formation  consistera à vulgariser les nouvelles réflexions sur l’être de la femme en vue d’approfondir la connaissance de soi et changer la conception antique de l’être femme qui traînent les idées négativistes sur celle-ci. Alors dans le cas précis de notre  travail sur la dignité de la femme à travers sa corporéité, la réflexion de Santiso est digne d’être vulgarisée. On peut imaginer l’apport d’une telle pensée dans le changement de mentalité. Si la femme pouvait comprendre la potentialité de son corps telle que nous présenter par Santiso, elle s’engagerait davantage à lutter pour son inviolabilité, et sa dignité ne serait plus à marchander ou à négocier. Cette formation à la connaissance de soi permettra de savoir découvrir l’autre à travers ses spécificités et développer une attitude d’estime, de révérence et de vénération de l’autre plutôt que de chercher à se l’approprier. Une éducation du regard s’impose.

III.6.3. L’éducation du regard

            Il s’agit ici, de considérer l’éducation du regard comme moyen de préserver toujours la dignité de l’autre ; et pour notre cas de la femme à travers son corps. La connaissance de soi  que nous avons évoquée ne se limite pas seulement au seul sujet. Mais en se connaissant, la personne est capable de connaître l’autre et de poser sur lui un regard qui sort de l’ordinaire, un regard converti[129] à l’exemple du regard du Christ. Cela implique une éducation du regard, toute éducation devant rechercher avant tout le respect de l’autre[130].

En effet, différents regards sont possibles lorsqu’on est en face de l’autre : on peut avoir un regard d’indifférence  qui consiste à ne pas reconnaître la présence de l’autre. Alors on s’érige comme le seul existant, comme étant le centre du monde, insensible à la vie des autres. L’autre regard est un regard utilitaire car, comme le dit Xavier Lacroix, « il arrive que notre regard ne s’arrête pas au corps d’autrui, que ce dernier soit même transparent, au profit de la visée d’actions, des projets ou d’entreprises par rapport auxquelles il n’est qu’un moyen. L’autre est alors interlocuteur, partenaire, collaborateur, avant d’être une personne » [131]. Un autre regard, c’est le regard désirant. Ce dernier est celui qui cherche à franchir la distance qui le sépare du corps appréhendée dans sa beauté. Sous ce regard, le corps apparaît comme étant proche et lointain, saisissable et insaisissable, personnel et impersonnel[132]. C’est un regard qui vise à posséder l’autre. Et comme dit le pape Jean-Paul II : « Il s'agit d'un “acte intérieur bien défini”: le regard “pour désirer”, c'est à dire celui qui se pose sur l'autre pour se l'approprier, pour s'en servir, pour se satisfaire. Autrement dit le regard “prédateur” ou “séducteur” qui réduit l'autre à l'état d'objet de satisfaction et aboutit à la “chosification” de la personne qui, de sujet qu'elle est par essence, devient simple objet que l'on tente de s'approprier. Cet acte intérieur du “regard pour désirer” conduit ainsi à la négation de la qualité de personne chez l'autre en tant que sujet du don et aboutit à la falsification de la communion auxquelles sont appelées les personnes à travers l'attraction mutuelle» [133]. Ce regard crée une relation perverse, car il se fixe sur une partie ou sur un élément du corps[134] ; c’est un regard qui dénude. Or, « la nudité est humiliante ou offensante lorsque le corps y est réduit à l’état d’objet ou lorsque l’une de ses parties devient fascinante, se substituant, dans les yeux de l’autre, à la perception du corps dans sa globalité[135] ». Lacroix Xavier exprime mieux cette pensée à travers une peinture de René Magritte qui présente la perception du sexe dans le visage de l’autre. Il fait ce commentaire  en disant lorsque le sexe efface le visage, c’est comme si le regard porté sur ce visage effacé, disait : « Sois désirable et tais-toi. Tu n’as pas droit au regard, à la parole, à la respiration. Tu n’as ni yeux, ni nez, ni bouche. Lorsque le corps n’est plus perçu à partir du visage, nous sommes sur le chemin de la violence (…)»[136] . C’est un regard de celui qui ne connaît pas l’unité et la vraie dignité de tous les hommes (cf. CEC 225).

L’autre type de regard, c’est le regard personnalisant que l’on peut aussi qualifier de chaste[137]. Dans ce regard, le désir ne sera pas absent car, il y a toujours une part de désir dans l’appréhension de la beauté. Mais le désir n’est pas seulement « concupiscence », c'est-à-dire appétit ; il est aussi célébration, reconnaissance, hommage, ferveur[138]. Ce regard chaste, poursuit Lacroix Xavier, est celui qui supporte la distance, qui n’est pas fasciné par la chair ou par une vision morcelée du corps. C’est un regard pour lequel,  la forme même ou l’aspect, aussi séduisants soient-ils, ne l’emporte jamais totalement sur l’expression et sur la présence. C’est aussi un regard pour lequel le corps est d’abord corps-sujet, et non pas objet. C’est un regard pur, la pureté étant la capacité de percevoir la chair d’un regard sans mélange, plus disposé à accueillir le corps de l’autre qu’à se l’approprier. Alors, entre le corps et la personne, entre le visible et l’invisible, il n’y a plus d’obstacle. Lacroix Xavier voit dans ce regard la contemplation de Dieu lorsqu’il dit : « Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu »… dans le corps d’autrui[139]. C’est à ce type de regard qu’il faut éduquer le regard pour avoir un regard humanisant comme celui du Christ.

Le Catéchisme de L’Eglise Catholique donne des moyens pour grandir dans la pureté. « La pureté du cœur  est le préalable à la vision. Dès aujourd’hui, elle nous donne de voir selon Dieu, de recevoir autrui comme un prochain ; elle nous permet de percevoir le corps humain, le nôtre et celui du prochain, comme un temple de l’Esprit Saint, une manifestation de la beauté divine» (cf. CEC 2519). Ce combat pour la pureté peut être vaincu par la vertu et le don de chasteté, car la chasteté permet d’aimer d’un cœur droit et sans partage ; par la pureté d’intention  qui consiste à viser la fin véritable (…) : trouver et accomplir en toute chose la volonté de Dieu ; par la pureté du regard, intérieur et extérieur ; par la discipline des sentiments et de l’imagination ; par le refus de toute complaisance dans les pensées impures qui inclinent à se détourner de la voie des commandements divins : « la vue éveille la passion chez les insensés » ; et aussi par la prière[140] (cf. CEC 2520). En plus de cela, le CEC donne un autre moyen en montrant que la pureté a besoin de la pudeur qui  est une partie intégrante  de la tempérance. Elle préserve l’intimité de la personne et désigne le refus de ce qui doit rester caché (...).  Elle guide les regards et les gestes conformes à la dignité des personnes et de leur union. La pudeur protège le mystère des personnes et de leur amour. Elle demande que soient remplies les conditions du don et de l’engagement définitif de l’homme et de la femme entre eux. La pudeur est modestie. Elle inspire le choix du vêtement. (…). Enseigner la pudeur aux enfants et aux adolescents, c’est éveiller au respect de la personne humaine (cf. CEC 2521-2527).

Conclusion du troisième chapitre

Dans ce chapitre, il était question de poser le fondement d’un engagement en vue de la dignité de la femme. Ayant remarqué la pertinence de la réflexion de Porcile Santiso, qui fait une lecture du corps de la femme en montrant ce qu’il a de spécifique, nous trouvions suffisante cette réflexion comme un argument anthropologique pouvant susciter l’engagement de quiconque a quelque chose d’humanité pour la dignité de la femme. Mais comme si cela ne suffisait pas, nous nous sommes réalisé que celui qui s’engage dans la défense pour la dignité de la femme s’inscrit dans la dynamique du Christ.

C’est pourquoi nous nous y sommes inscrits en montrant comment le Christ s’est engagé pour cette cause. Pour y arriver, nous avons présenté la situation de la femme au  temps de Jésus, situation où la femme  ploie sous le poids du fardeau de la loi. Dans son entourage féminin, on peut remarquer qu’il réserve un accueil digne à tous ; il sait voir la femme à travers toutes les femmes qu’il a rencontrées. C’est ce qui va marquer sa nouveauté dans le rapport avec les femmes de sont temps. Il se laisse toucher par la femme hémorroïsse, il guérit la femme courbée le jour du sabbat, il prend la défense de la femme adultère et non de l’adultère etc. Il agit librement pour promouvoir la dignité de la femme à travers sa corporéité.

Cela nous a conduits à présenter la doctrine de l’Eglise catholique sur la dignité de la femme avant de tracer quelques pistes d’engagement à savoir la formation au respect de la personne humaine en présentant le fondement de la dignité de la personne ; la formation à la connaissance de soi qui aboutit à la connaissance et l’estime de l’autre, et permet de poser un regard humanisant sur celui-ci. C’est ainsi que nous avons trouvé nécessaire de vulgariser les réflexions qui présentent une nouvelle manière de comprendre l’héritage culturel dans le traitement de la femme. Alors Santiso trouve ici  droit de cité. Enfin  nous avons considéré l’éducation du regard comme moyen pour promouvoir la dignité de la femme à travers sa corporéité et de toute personne humaine.





















CONCLUSION GENERARALE

« De la dignité de la femme à travers sa corporéité. Lecture compréhensive de la conception du corps selon Porcile Santiso ». Tel est le thème qui a constitué l’objet de notre recherche. Tout est parti du constat que la femme est toujours victime de la violence à travers sa corporéité. Sa dignité est alors mise en difficulté, bafouée, réduite à sa plus simple expression. Pour Porcile Santiso, la corporéité de la femme est un lieu où sa dignité doit être redécouverte par elle –même et aussi par tout  le monde en vue de toujours la respecter. C’est ce que nous avons taché de faire tout au long de ce travail.

Dans le premier chapitre nous nous sommes préoccupé de scruter le sens des concepts clés de notre sujet pour fonder déjà la dignité de la femme à travers le sens que nous offrent ces concepts. En étudiant  le concept corps, nous avons retenu des considérations de l’Encyclopedia Universalis que la conception du corps, de sa composition, de son traitement social ainsi que  de sa relation avec autrui et avec le monde varie selon les sociétés. Après cela nous avons cherché à comprendre le même concept dans la Bible  et nous avons retenu que dans l’Ancien Testament, le corps comme la chair est désigné par le terme « basar ». Il n’est pas opposé à l’esprit. Il signifie au sens propre le tissu musclé mais aussi l’homme tout entier. C’est cette notion de totalité, d’unité qui est fréquente dans le Nouveau Testament. L’homme existe à travers le corps duquel on voit l’unité des divers membres rassemblés  harmonieusement. C’est ce corps qui participera à l’existence future comme corps spirituel.

Du concept femme, nous avons vu  que la femme qui est l’être-humain-féminin partage avec l’être-humain-masculin certains caractères auxquelles elle est plus identifiée  que l’homme. Et c’est en cela que se comprend sa féminité. Ayant revisité le contenu des noms de la femme dans la Genèse, nous avons perçu d’emblée l’abîme qui sépare l’image d’Eve dans l’imaginaire d’Occident-la tentatrice, la femme fatale,- de sa définition, voire de sa destination originelle : « donner la vie» [141]. Finalement nous avons montré que l’histoire est porteuse d’une conception dualiste de la femme. Elle est, d’une part, présentée comme être inférieur, comme responsable des malheurs de toute l’humanité. Malgré cela, la tradition biblique n’a pas passé sous silence les exploits des femmes qui ont marqué le peuple d’Israël. Egalement, d’autres Pères de l’Eglise n’ont pas manqué d’accorder grâce aux femmes dans leurs littératures. Cette ambivalence montre que le regard porté sur la femme est encore imbu de plusieurs conceptions qui ont consacré l’amoindrissement de la dignité de la femme.

Dans le deuxième chapitre, nous avons présenté la manière dont Porcile Santiso présente la richesse de la corporéité de la femme. Cette lecture suscite une grande admiration en remarquant comment le corps de la femme est mis en valeur même à travers ce qui traditionnellement a été objet de mépris et de dénigrement de celle-ci. C’est ce que nous avons appelé spécificité dans la pensé de Porcile Santiso. Dans sa démarche, elle s’évertue à  trouver ce qui est commun à toutes les femmes. Sa réflexion est centrée sur trois expériences essentielles et spécifiquement féminin qu’elle nomme : espace intérieur qui est un « espace ouvert » d’accueil qui justifie la capacité en la femme d’être porteuse de la vie, elle est en ce sens conditionnée potentiellement et non fatalement pour recevoir ; la deuxième expérience est celle du temps vécu qui est perçu par la médiation du sang et qui met la femme dans une structure corporelle grâce à laquelle, elle peut recevoir l’autre dans son sein. La lecture que Porcile Santiso fait du sang périodique de la femme vient bousculer toute une conception négativiste de cette expérience qui est régulièrement vécue par la femme. C’est un moment qui indique la puissance de la femme. Et enfin  l’offrande de la vie qui consiste à considérer en la femme, dans sa corporéité tout ce qui contribue à l’accueil, la protection, la croissance, la libération de la vie. La femme qui libère l’être à la vie au risque de perdre la sienne propre, continue à l’entretenir par son corps.

De cette triple spécificité du corps de la femme, l’auteur dégage les différentes conséquences sur le plan social et théologique. Elle montre par exemple combien l’acte de donner vie qui commence avec l’écoulement du sang sans lequel le reste n’est pas possible est riche d’enseignement. Considérant cet acte, on comprend que la femme, à travers son corps, est en train de dire qu’il faut savoir donner la vie au risque de la propre vie. C’est ce que Porcile Santiso exprime mieux à travers ces questions : «  Si la société est d’une façon ou d’une autre le lieu d’échange de la vie, où les êtres humains entrent en contact, que se passerait-il dans notre société-où l’on fait couler le sang de l’autre par haine et violence-, si l’on voulait bien accueillir l’expérience irremplaçable de l’être de la femme- pour qui répandre le sang, c’est donner la vie ?Que se passerait-il si l’acceptation de ce mystère impliquait une totale participation-chacun selon son être propre-dans tous les domaines de la vie sociale» [142] ?

Aussi, comme conséquence théologique, lorsqu’on met dans une relation de convergence la spécificité féminine de l’accueil et la vocation ecclésiale de l’appel, on découvre que la femme a une capacité « innée » privilégiée de permettre à l’Eglise d’être plus visiblement un espace de vie, de réceptivité, d’accueil, de portes ouvertes. C’est dire tout simplement que dans le langage du corps, la femme a une fonction originale et irremplaçable dans l’Eglise. Il s’agit ici des fonctions qui concernent l’ « être » et non le « faire ». C’est tout l’être de la femme qui doit imprégner tout l’être (corps) de la société et de tout l’être  (corps) de l’Eglise[143].  Cette lecture porcilienne du corps nous a permis de comprendre que l’être féminin est encore méconnu par elle-même et par la société. Et c’est pourquoi elle est la cible des violences  qui sont fruit de cette ignorance.

Voilà pourquoi nous avons consacré le troisième chapitre à un engagement pour défendre la dignité de la femme. Tout en considérant le changement que peut opérer une réflexion comme celle de Porcile Santiso, nous avons fondé cet engagement sur le Christ qui n’a pas été indifférent à la situation des femmes de son temps durant son séjour terrestre. C’est ainsi que de la Condition de la femme et de l’entourage féminin de Jésus,  nous avons contemplé la femme sous le regard de Jésus, un regard pur, libre, objectif et personnalisant. C’est ce regard qui définit la nouveauté de l’attitude de Jésus envers les femmes : la liberté d’accueillir les marginalisées de la société, de se laisser toucher par elles, de leur adresser et accorder la parole, de les guérir etc. Et pour que notre engagement ne soit pas une action isolée, nous avons présenté la doctrine de l’Eglise catholique sur la dignité de la femme en scrutant les documents du Magistère qui insistent sur le fondement de cette dignité, c'est-à-dire la création à l’image et à la ressemblance de Dieu et le fait que Jésus Lui-même a redonné cette dignité à l’homme à travers le don de sa vie.

 Pour ne pas être trop théorique, nous avons proposé quelques pistes concrètes pour cet engagement à savoir : la formation au respect de la personne humaine et à la connaissance de soi. La première consiste à dire pourquoi la personne humaine doit être respectée ; et la seconde permettra à la personne de se connaître à travers sa spécificité, ses qualités comme ses limites. Elle ne passera pas sous silence les réflexions qui soutiennent le changement de la conception archaïque de la femme. La dernière piste que nous avons proposé c’est l’éducation du regard. Il y a en effet différents types de regard : le regard d’indifférence  qui consiste à ne pas reconnaître la présence de l’autre, il y a aussi le regard utilitaire ; le regard désirant qui cherche à franchir la distance qui le sépare du corps appréhendée dans sa beauté, c’est un regard qui vise à posséder l’autre. Il y a aussi le regard personnalisant, c’est un regard pour lequel le corps est d’abord corps-sujet, et non pas objet. C’est un regard pur, capable de percevoir la chair d’un regard sans mélange, plus disposé à accueillir le corps de l’autre qu’à se l’approprier. C’est à ce type de regard que notre éducation veut porter avec l’espoir de modeler notre regard à celui du Christ et ainsi devenir un moyen de préserver toujours la dignité de l’autre ; et pour notre cas de la femme à travers son corps.

Au demeurant, il est intéressant de remarquer que la dignité de la femme est souvent recherchée là où elle n’est pas, c’est-à-dire dans ses différentes activités. Il est urgent de comprendre qu’il n’y a pas de meilleur endroit où la femme pourrait retrouver sa dignité si ce n’est qu’à travers son corps et sa spécificité. C’est à cela que s’est évertuée Porcile Santiso en montrant qu’on peut parler autrement du corps de la femme. D’où l’engagement de l’homme et de la femme à se battre pour que la femme jouisse pleinement de sa dignité à travers sa corporéité.











BIBLIOGRAPHIE

I. BIBLE

Ø La Bible de Jérusalem, traduite en français sous la direction de l’Ecole biblique de Jérusalem, Paris, Cerf et Verbum Bible, 2001, 1889 p.


II. DOCUMENTS DU MAGISTERE

Ø  BENOIT XVI, Exhortation Apostolique Post-synodale « Africae munus » du 19 novembre 2011.

Ø  Catéchisme de l’Eglise Catholique, Paris, Mame et Plon, 1992, 676 p.

Ø  CONSEIL PONTIFICAL JUSTICE ET PAIX, Compendium de la Doctrine sociale de l’Eglise, Paris, Cerf, 2006, 530 p.

Ø  JEAN-PAUL II, Lettre Apostolique Mulieris dignitatem sur la dignité et la vocation de la femme, du 15 août 1988, Saint Paul Afrique, 1998, 135 p.


III.    DICTIONNAIRES ET ENCYCLOPEDIES

Ø  EICHER Peter (dir.) Nouveau dictionnaire de théologie, Paris, Cerf, 1996, 1136 p.

Ø  LEGRAIN Michel (dir.), Le Nouveau  Petit Robert, Paris, dictionnaire le Robert, 1995, 2551 p.

Ø  LEON-DURFOUR Xavier-  (dir.), Vocabulaire de théologie biblique, Paris, Cerf, 1995,1404 p.

Ø  Dictionnaire encyclopédique de la Bible, Paris, Brepols, 1960, 1963 p.

Ø  Encyclopedia Universalis, corpus 6, climatologie-cytologie, Paris, 1996, 1048 p.

Ø  VON ALLMEN J.-J. (dir), Vocabulaire biblique, Paris, Delachaux et Niestlé, 1964, 313 p.

IV.  OUVRAGE  DE L’AUTEUR

Ø  PORCILE Santiso, La femme espace de salut, Paris, Cerf, 1999, 417 p.




V.  LES AUTRES OUVRAGES

Ø  BLANQUIERE Georgette,  La grâce d’être femme, Saint-Paul, Paris-Fribourg, 1980, 207 p.

Ø  CASTEL Edith,  L’éternité au féminin. La femme dans les religions, croire aujourd’hui n°18, Paris, Assas, 996, 235 p.

Ø  CLEMENT Olivier, Corps de mort et de gloire. Petite introduction à une théopoétique du corps, Paris, Desclée de Brouwer, 139 p.

Ø  COMMISSION SOCIALE DES EVEQUES DE FRANCE,  Les violences envers les femmes, Paris, Cerf, 2003, 132 p.

Ø  GENTILI Antonio, Si vous ne devenez pas comme des femmes. Symbole religieux du féminin, Paris, Médiaspaul, 1991, 200 p.

Ø  LACROIX Xavier, Le corps et l’esprit, Paris, Assas, Sd., 83 p.

Ø  MOURLON BEERNAERT Pierre, Marthe, Marie et les autres. Les visages féminins  de l’évangile, Bruxelles, Lumen vitae,  255 p.

Ø  MWANAMA F., Notes de théologie sacramentaire Pénitence et Onction,  2011-2012

Ø  NGALULA Josée, Dieu dénonce et condamne les violences faites aux femmes, Kinshasa, Mont  Sinaï, 2005, 68 p.

Ø  NGALULA Josée (dir.), Oser la défendre dans son inviolabilité. Actes de l’atelier « Religion et violences faites aux femmes. » Kinshasa, 2-4 juin 2005, Kinshasa, Mont Sinaï, 2006, 182 p.

Ø  NGALULA Josée et IKANGA Jean,  Les femmes qui peuplent la Bible. Anthologie des thématiques et références sur les 250 femmes de la Bible, Kinshasa, Mont Sion, 2006, 144 p.


Ø  PELLE-DOUEL Yvonne, Etre femme, Paris, Seuil, 1967, 266 p.

Ø  PELLETIER Anne-Marie, Le Christianisme et les femmes. Vingt siècles d’histoire, 2ème édition, Paris, Cerf, 2001, 189 p.

Ø  QUERE France, Les femmes de l’Evangile, Paris, Seuil, 1982, 185 p.

Ø  SEMEN Yves, La sexualité selon Jean-Paul II, Paris, Presse de la Renaissance, 2004, 230 p.

Ø  VARILLON François, Joie de croire, joie de vivre, Paris, Centurion, 1981, 299 p.



VI.             ARTICLES ET  REVUES

Ø  DERMIENCE Alice, « Femme et ministères dans l’Eglise primitive » in Spiritus n° 137,  décembre 1994, p. 382-395.

Ø  Documentation Catholique, 19 mars 1989, n°1980.

Ø  LAURENTIN René, « Jésus et les femmes : une révolution méconnue », in  Concilium 154, 1980, p. 97-108.

Ø  MERODE Marie de Croy, « Rôle de la femme dans l’Ancien Testament » in Concilium, n° 154, avril 1980, p. 87-95.



















TABLE DES MATIERES

DEDICACE .............................................................................................................................. I

EPIGRAPHE........................................................................................................................... II

REMERCIEMENTS ............................................................................................................ III

SIGLES .................................................................................................................................. IV

INTRODUCTION GENERALE ........................................................................................... 1

PREMIER CHAPITRE :

APPROCHE DEFINITIONNELLE ET  CLARIFICATION DES CONCEPTS             3

Introduction................................................................................................................................ 3                              

I.1. Le corps................................................................................................................................ 3

     I. 1. 1. Le mot « corps » ........................................................................................................ 3

     I.1.2. La signification du corps du point de vue anthropologique et dans quelques

               cultures  ....................................................................................................................... 4

     I.1.3. Le corps dans la Bible ................................................................................................. 6

               A. L’Ancien  Testament ............................................................................................... 6

               B. Le Nouveau Testament ........................................................................................... 6

     I.1.4. La valeur du corps ....................................................................................................... 7

I.2. La femme ............................................................................................................................. 9

     I.2.1. Les mots « femme » et « féminité » ............................................................................ 9

     I.2.2. Le concept « femme » dans le livre de Genèse ......................................................... 10

I.2.3. L’image de la femme dans la tradition religieuse d’occident ......................................... 12

     I.2.4. La violence ................................................................................................................ 15

I.3. De la dignité de la personne humaine ................................................................................ 16

Conclusion du premier chapitre ............................................................................................... 17


DEUXIEME CHAPITRE :

LA PENSEE DE PORCILE SANTISO SUR LA   SPECIFICITE DU CORPS DE LA FEMME            18

Introduction.............................................................................................................................. 18

II.1. Présentation de l’auteur et de son ouvrage ...................................................................... 18

II.2. Spécificité du corps de la femme selon Porcile Santiso ................................................... 19

     II.2.1. Le corps comme langage .......................................................................................... 20


     II.2.2. Le corps comme parole............................................................................................. 20


     II.2.3. Espace intérieur ........................................................................................................ 21

     II.2.4. La femme et le temps ............................................................................................... 22

     II.2.5. L’offrande de la vie ................................................................................................. 22

     II.2.6. La femme et le sang ................................................................................................. 23

II. 3. Conséquences du langage du corps de la femme ............................................................ 25

     II. 3.1. Conséquence sociale ............................................................................................... 25

         II. 3.1.1. Sur le plan spatial ............................................................................................. 25

         II.3.1.2. Conséquence sociale du langage du sang ......................................................... 26

         II.3.1.3. Conséquence sociale du langage de la nutrition ............................................... 27

     II.3.2. Conséquence théologique du langage du corps de la femme .................................. 27

         II.3.2.1. Sur l’espace ....................................................................................................... 27

         II.3.2.2. Sur la relation espace-temps .............................................................................. 28

         II.3.2.3. Conséquence théologique de l’aspect de la nutrition ........................................ 28

Conclusion du deuxième chapitre ............................................................................................ 29

TROISIEME CHAPITRE   :

ENGAGEMENT POUR DEFENDRE LA DIGNITE DE LA FEMME ....................... 30

Introduction.............................................................................................................................. 30

III. 1. Condition de la femme au temps de Jésus .................................................................... 30

III. 2. Entourage féminin de Jésus ........................................................................................... 31

III.3. La femme sous le regard de Jésus .................................................................................. 32

III.4. La nouveauté de Jésus envers la femme  ........................................................................ 33

     III. 4.1. La femme courbée (Lc 13, 10-17) ......................................................................... 34

     III.4.2. La femme au flux de sang (Mc 5, 25-34) ............................................................... 35

     III.4.3. La femme adultère (Jn 8, 2-11) .............................................................................. 36

     III.5. La doctrine de l’Eglise catholique sur la dignité de la femme .................................. 37

     III. 6. Quelques pistes d’engagement pour la dignité de la femme .................................... 42

     III. 6.1. La formation au respect de la personne humaine .................................................. 42

          III. 6.1.1. Le fondement de la dignité humaine ............................................................. 42

                A. La création à l’image de Dieu ............................................................................. 42

                B. Le salut en Jésus-Christ ....................................................................................... 43

          III.6.1.2. La perte de la dignité  ..................................................................................... 43

          III.6.1.3. Les outils pour une catéchèse sur la dignité de la femme ............................... 44

               A. Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise .................................................... 45

               B. Le Catéchisme de l’Eglise Catholique .................................................................. 46

                C. L’exhortation apostolique post-synodale « Africae munus » ............................... 46

III.6.2. La formation à la connaissance de soi  ........................................................................ 48

III.6.3. L’éducation du regard ................................................................................................. 48

Conclusion du troisième chapitre ............................................................................................. 51

CONCLUSION GENERARALE ........................................................................................ 52

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................ 56



[1] Cf. SANTISO  P., La femme, espace de salut, Paris, Cerf, 1999, p. 27.
[2] En  lisant certains passages de la Bible, l’on remarque la mise en épreuve de la femme à cause de sa beauté et virginité: En Gn 19,6-8 Loth expose ses propres filles à des violeurs, pour préserver son honneur face à ses trois visiteurs. (V 8 Ecoutez : j’ai deux filles qui sont encore vierges, je vais vous les amener ; faites-leur ce qui vous semble bon…). En Jg 19,22-24 la fille vierge de Guivéa est proposée par son propre père à une bande des violeurs,… (V 24 : Voici ma fille qui est vierge, je vous la livrerai. Abusez d’elle et faites ce que bon vous semble…). En Gn 12,11-16 Sara portée à l’adultère par son mari. (V11… «  Vois-tu, je sais que tu es une femme de belle apparence. » V14 « …les Egyptiens virent que la femme était très belle. » En Gn 26,6-7 Rebecca est portée à l’adultère par son propre mari Isaac. (V 6(…) les gens du lieu me feront mourir à cause de Rebecca, car elle est belle. ») En 2S 11, 2-4 le roi David use de son pouvoir de chef pour convoquer la femme d’Urie et coucher avec elle. (V2 …  s’étant levé de  son lit, alla se promener sur la terrasse de la maison du roi et aperçut, de la terrasse, une femme qui se baignait. Cette femme était belle.) En Lm 5, 11 : Ils ont violés des femmes dans Sion, des vierges dans les villes de Juda. En 2S13, 1-22 Tamar est piégée et violée par son frère Amnon. V1 … Absalon avait une sœur qui était belle… En Est 2,2-8 le roi Assuérus possédait un harem composé des filles vierges enlevées de force. V2… Que l’on cherche pour le roi des jeunes filles vierges et belles… En Dn 13,1-27 : Suzanne et les deux anciens. V2… Il avait épousé une femme du nom de Suzanne, fille d’Helcias ;  elle était d’une grande beauté et craignait Dieu. En Est 1, 10-19 la reine Vasti désobéit à l’ordre du roi qui, à l’état d’ivresse, la fit venir pour montrer au peuple et aux ministres sa beauté : ce qu’elle était belle à regarder. (Cf. NGALULA J., Dieu dénonce et condamne les violences faites aux femmes, Kinshasa, Mont Sinaï, 2005.)
[3] Cf. CLEMENT O., Corps de mort et de gloire. Petite introduction à une théopoétique du corps, Paris,  Desclée de Brouwer, 1995, p. 10.
[4] SANTISO  P., Op. cit., p. 113-114.
[5] Cf. Le Nouveau  Petit Robert de 1995.
[6] Cf. Encyclopedia Universalis, corpus 6, climatologie-cytologie, Paris, 1996, p. 598.
[7] Il existe universellement une pensée de la conformité corporelle, qui sépare le normal de l’anormal, les « membres » du groupe des « étrangers ». La sémiologie de l’appartenance sociale revêt ainsi des formes variées, qui consistent fréquemment en un marquage tégumentaire. Pour être socialement approuvés, les corps sont « retravaillés ». La capacité (au sens juridique) d’occuper certains statuts ou de remplir certains rôles sexuels par exemple, ne s’effectue qu’au prix de l’exhibition d’un corps immédiatement signifiant, laquelle  permet  de situer d’emblée l’appartenance ethnique ou la position sociale d’un individu ; afin de différencier « nous » et « eux ». Des nombreuses sociétés pratiquent le marquage ethnique : peintures corporelles dans les sociétés sud-américaines, tatouage et scarification dans les sociétés africaines, procédés qui peuvent coexister avec diverses mutilations (avulsion dentaire, ablation d’un doigt, etc). Un tel système des signes, dont le code est connu de tous, permet à chacun d’identifier par le regard tout individu rencontré.
[8] Cf. Encyclopedia Universalis, corpus 6, climatologie-cytologie, Paris, 1996, p. 599.
[9] Cf. LEON-DURFOUR X., (dir.), Vocabulaire de théologie biblique, Paris, Cerf, p. 201.
[10] Cf.  Dictionnaire encyclopédique de la Bible, Paris, Brepols, 1960, p. 358.
[11] Ibidem, p.832.
[12] Ibidem, p.358.
[13] Cf. VON ALLMEN J.-J. (dir), Vocabulaire biblique, Paris, Delachaux et Niestlé, 1964, p. 126.
[14] Cf. Ibidem, p. 126.
[15] SANTISO P. La femme espace de salut, Paris, Cerf, 1999, p. 125.
[16] Cf. SEMEN Y., La sexualité selon Jean-Paul II, Paris, Presse de la Renaissance, 2004 p.72.
[17] Cf. Ibidem, p. 72.
[18] Cf. Ibidem, p. 72.
[19] Cf. Ibidem, p.74.
[20] Cf. Ibidem, p.74.
[21] GENTILI A. Si vous ne devenez pas comme des femmes, Paris, Médiaspaul, 1991, p. 53.
[22] Ibidem, p. 52-53.
[23] CASTEL E., L’éternité au féminin. La femme dans les religions, croire aujourd’hui n°18, Paris, Assas, 1996, p. 24.
[24] Cf. Ibidem, p. 25.
[25] Cf. Ibidem, p. 30.
[26] Cf. Ibidem, p. 30.
[27]Cf. Ibidem, p. 30.
[28] Cf. Ibidem, p. 31.
[29] Cf. Ibidem, p. 31.
[30] SANTISO P., op. cit., p. 157-158.
[31] DUMAS A., L’Anthropologie, p. 33 cité par P. SANTISO, op. cit., p.158.
[32] TRIBG, p. 90 et p. 140, cité par P. SANTISO, op. cit., p.158.
[33] CASTEL E., op. cit., p.31.
[34] Ibidem, p.51.
[35] Pour approfondir les thématiques sur les femmes, le livre : Les femmes qui peuplent la Bible. Anthologie des thématiques et références sur les 250 femmes de la Bible, écrit par la Sœur Josée Ngalula et Jean Ikanga, publié aux Editions Mont Sion en 2006 est incontournable.
[36] Cf. CASTEL E., op. cit., p. 52.
[37] Cf. CASTEL E., op. cit., p. 53.
[38] Ibidem, p. 53.
[39] Cf. Ibidem, p. 54.
[40] Cf. Ibidem, p. 56-57.
[41] Ibidem, p. 58.
[42] Ibidem, p.  59.
[43] Ibidem, p. 59.
[44] Ibidem, p. 59.
[45] Ibidem, p. 60. Pour mériter cet éloge, l’intéressée avait décidé de « garder sa foi à un fiancé en voyage (dans l’autre monde, après un départ prématuré de cette terre) » et donc, en langage clair de rester dans l’état de virginité.
[46] Ibidem, p. 60.
[47] Cf. Ibidem, p. 60-61.
[48] NTIMA NKANZA, préface de J. NGALULA (dir.), Oser la défendre dans son inviolabilité. Actes de l’Atelier « Religion et violences faites aux femmes ». Kinshasa, 2-4 juin 2005.
[49] Le self est la capacité à être soi-même, à assurer sa continuité psychique et à savoir maîtriser l’expression de ses pulsions sexuelles.
[50] CSEF,  Les violences envers les femmes, Paris, Cerf, 2003, p. 79.
[51] Comme nous traitons du thème du corps et non de la violence, le livre J. NGALULA (dir.), Oser la défendre dans son inviolabilité. Actes de l’Atelier « Religion et violences faites aux femmes ». Kinshasa, 2-4 juin 2005, est très éclairant et abondant sur ce thème de la violence avec toutes ses conséquences sociales, les enjeux théologiques ainsi que les pistes pour une pastorale de victime de la violence. C’est tragique « d’assister impuissant, « L’exploitation éhontée de la femme, prix à souhait comme butin de guerre et poussée plus que jamais à la chosification… » Cf. CENCO, Défis pastoraux au seuil du XXIème siècle, n° 160-161.
[52] Cf. CSEF, op., cit., p. 22.
[53] CSEF, op., cit., p. 23.
[54] Cf. En dos du  livre SANTISO P., op. cit.
[55] SANTISO P., La femme espace de salut, Paris, Cerf, p. 12.
[56] Cf. En dos du  livre SANTISO P., ibidem.
[57] Cf. Ibidem, p. 227.
[58] Cf. SANTISO P., op. cit., p. 230-231.
[59] Ibidem, p. 231.
[60] Cf. Ibidem, p. 229.
[61] Cf. Ibidem, p. 235.
[62] Cf. Ibidem, p. 235. Le symbole universel est le seul dans lequel la relation entre le symbole et ce qu’il symbolise n’est pas une simple coïncidence mais plutôt quelque chose d’intrinsèque (…). FROMM E., The forgotten language, New York Toronto, 1959, p. 18, cité par Santiso P., op. cit, p. 236.
[63] Cf. SANTISO P., op. cit., p. 236.
[64] Cf. Ibidem, p. 237.
[65] La structure c’est quelque chose qui constitue la forme et l’identité profonde de l’être. L’analyse de la structure que l’auteur entreprend, s’applique à tirer les conséquences qui émanent des éléments constitutifs, morphologiques qui rendent différents l’être de la femme à partir de sa corporalité spécifique. Cf. SANTISO P., op. cit., p. 241.
[66] Cf. Ibidem, p. 237.
[67] Cf. Ibidem, p. 239-240.
[68] Cf. Ibidem, p. 241.
[69] Cf. Ibidem, p. 242.
[70] Cf. Ibidem, p. 244.
[71] Cf. Ibidem, p. 245.
[72] Cf. Ibidem, p. 246.
[73] Cf. Ibidem, p. 247.
[74] Cf. Ibidem, p. 250.
[75] Cf. Ibidem, p. 251.
[76] Cf. Ibidem, p. 251.
[77] Cf. Ibidem, p. 251.
[78] Cf. Ibidem, p. 252 : Il n’y a aucune référence sur le rôle social et domestique de la femme comme « épouse et mère » ; on ne parle pas ici de rôles ou de fonctions sociales, mais plutôt d’un langage ouvert sur un plan anthropologique, on lit ce corps comme symbole-parole, avec des sens multiples. Il y a et il y aura des femmes qui, pour différents motifs, ne sont ni ne seront épouses ou mères. Cependant elles auront en elles ce qui les constitue comme « femmes » : un corps ouvert à la rencontre, un temps rythmé par le sang ; une capacité structurale, interne et externe de porter, de libérer et d’alimenter la vie.
[79] Cf.  Note de bas de page  Ibidem, p. 255.
[80]  Ibidem, p. 253-254.
[81] Cf. Ibidem, p. 254.
[82] Cf. Ibidem, p. 255-256.
[83] Cf. Ibidem, p.256-257.
[84] Cf. Ibidem, p. 257.
[85] Cf. Ibidem, p. 257.
[86]Cf. Ibidem, p. 257.
[87] Cf. Ibidem, p. 258-259.
[88] Cf. Ibidem, p. 259. Cela signifie que la société doit être un lieu où l’être humain pourra jouir de tous les droits que sa dignité mérite. Elle doit accorder un temps de maturation et de croissance qui la conduira à une véritable et entière libération.
[89] Cf. Ibidem, p. 259.
[90] Cf. Ibidem, p. 260.
[91] Cf. Ibidem, p. 260.
[92] Cf. Ibidem, p. 260. Les femmes en Afrique apportent une grande contribution à la famille, à la société et à l’Eglise avec leurs nombreux talents et leurs dons irremplaçables (BENOIT XVI, Exhortation Apostolique post-synodale Africae Munus, n° 55).
[93] Cf. Ibidem, p. 261.
[94] Cf. Ibidem, p. 261.
[95] Cf. Ibidem, p. 262-263.
[96] Cf. Ibidem, p. 263-264.
[97] Cf. Ibidem, p. 263.
[98] Cf. Ibidem, p. 264.
[99] Cf. PELLETIER A. M., Le christianisme et les femmes, Paris, Cerf, p. 26-27. Dans le judaïsme, les femmes n’appartenaient pas à l’assemblée liturgique (d’où l’expression : « sans compter les femmes et les enfants ») Ex 12, 37. LAURENTIN R.,  « Jésus et les femmes : une révolution méconnue »  in Concilium n° 154, Paris, Beauchesne, 1980, p. 98. Aussi, les coutumes relatives au pur et à l’impur, tout en excluant la femme de la vie de la communauté, n’indiquaient pas en soi une qualification morale, mais simplement un état d’aptitude ou d’inaptitude au culte et à la vie de communauté cultuelle.
[100]Cf. BEERNAERT P. M., Marthe, Marie et les autres. Les visages féminins  de l’évangile, Bruxelles, Lumen vitae, p. 34. Anne-Marie Pelletier objecte cette idée en disant  qu’on ne peut pas s’en tenir à l’image d’une femme confinée à l’espace domestique et qui serait tenue à distance des grands des grands événements qui ont eu lieu avec l’Eventus Christus. Elle s’appuie sur le fait que Jésus a rencontré des femmes sur sa route. Cf.  PELLETIER A. M., op. cit., p. 28.
[101]Cf. BEERNAERT P. M., op. cit., p. 45. Pour les commandements positifs de la Torah, on se servait d’une expression : « Les mâles sont tenus à tous les commandements liés à un temps déterminé ; les femmes par contre en son libérées » Quiddushin 1,7).
[102] PELLETIER A. M., op. cit., p. 27-28.
[103]LEON- DURFOUR X., Vocabulaire de théologie biblique, Paris, 1970, coll 441.
[104] Cette misère consiste au joug de la Loi qui pesait plus sur la femme, par exemple la plupart des lois de l’Ancien Testament et du judaïsme concernant les femmes dans le cadre du mariage, voient les femmes essentiellement comme des épouses, des mères, des maîtresses de maison. Ces lois sont généralement pour protéger le mari(…). La législation concernant le mariage est beaucoup plus sévère pour la femme que pour le mari. La femme compte parmi les possessions de son mari avec la maison (et même après la maison ; en Ex 20,17). Son mari peut la répudier tandis qu’elle ne peut demander le divorce. L’inconduite de l’épouse est réprimée beaucoup plus sévèrement que celle du mari. Bref, la femme est traitée comme une « perpétuelle mineure ». Au temps de Jésus, la répudiation en cas d’adultère ou même en cas de stérilité après dix ans de mariage était considérée comme une obligation. Pour certains rabbins, on pouvait même répudier sa femme si elle avait brûlé un plat ou si on en avait trouvé une autre plus belle. Marie de MERODE de CROY, « Rôle de la femme dans l’Ancien Testament » in Concilium, n° 154, avril 1980, p. 89.
[105] Cf. PELLETIER A. M., op. cit., p. 28-29.
[106] Cf. BEERNAERT P. M., op. cit., p. 213.
[107] Il faut remarque que, parmi les ennemis de Jésus, les évangiles ne mentionnent aucune femme. Signe que les femmes étaient plus ouvertes à accueillir le message du Christ sinon on ne pourrait ne pas parler de telles femmes. On ne rapporte pas non plus la moindre parole péjorative ou de réprobation que Jésus aurait rapporté à l’endroit de l’une d’entre elles, quelle que fût son audace ou sa déchéance. Cf. DERMIENCE A., « Femme et ministères dans l’Eglise primitive » in Spiritus n° 137,  décembre 1994, p.388.
[108] Cf. PELLETIER A. M., op. cit., p. 31.
[109] Le noyau dur de l’enseignement de Jésus c’est l’annonce de la proximité du Règne de Dieu en paroles et en actes. Pour le redire avec Marc « le temps est accompli, le Règne de Dieu s’est approché : convertissez-vous (changez vos cœurs)  et croyez à l’Evangile » (Mc 1,15). Cet enseignement concerne tous les contemporains de Jésus, sans faire des différences entre les sexes ; il lançait son appel au ‘’cœur’’ et à la conscience de chacune et de chacun. L’attitude de Jésus de se faire accompagner par des disciples hommes et femmes qui écoutent le même enseignement, donne la mesure de l’envergure d’esprit et de la liberté intérieure de Jésus, dans un milieu juif qui n’accordait aux femmes qu’une considération fort mesurée et ne les situait dans leur rôle qu’à la maison, chez  elles (c’est-à-dire chez leur mari) et avec leurs enfants. Pour Jésus, l’écoute de la Parole prime tout le reste. Cf. BEERNAERT P. M., op. cit., p. 223-224.
[110] MERODE Marie de Croy, op. cit., p. 90.
[111] Le caractère commun  des guérisons sabbatiques est  qu’elles ne sont pas, en quelque sorte arrachées à la miséricorde de Jésus malgré le sabbat, mais volontairement données justement le jour du sabbat, car  toutes accomplies à l’initiative de Jésus et sans que le malade l’ait demandée (…) En prenant l’initiative de guérir, il veut manifester clairement l’initiation de Dieu qui vient sauver et libérer son peuple (Cf. BLAQUIERE G., La grâce d’être femme, Paris-Fribourg, Saint-Paul, 1981, p. 24-25).
[112] Cf. BLAQUIERE G., op.cit., p. 23.
[113] Ibidem, p. 27-28.
[114] Cf. Ibidem, p.28.
[115] Cf. BEERNAERT P. M., op. cit., p.96.
[116] Cf. Ibidem, p. 126.
[117] Cf. BLAQUIERE G., op. cit., p. 62.
[118] Cf. Ibidem, p. 64.
[119] QUERE F., Les  femmes de l’Evangile, Paris, Seuil, 1978, p. 20.
[120] Cf. BEERNAERT P. M., op. cit., p. 97.
[121] Cf. BLAQUIERE G., op. cit., p. 73.
[122] Documentation Catholique, 19 mars 1989, n°1980, p. 299.
[123] Ibidem, p. 300.
[124] NGALULA J., (dir.), Oser la défendre dans son inviolabilité. Actes de l’Atelier « Religion et violences faites aux femmes », Kinshasa, 2-4 juin 2005, p. 134.
[125] Ibidem, p. 136.
[126] Cf. MWANAMA F., Notes de théologie sacramentaire Pénitence et Onction,  2011-2012, p. 9.
[127] Cf. Ibidem, p. 9.
[128] Cf. Ibidem, p. 10.
[129] Cf. CSEF, op. cit., p. 26.
[130] Cf. Ibidem, p. 27.
[131] LACROIX X., Le corps et l’esprit, vie chrétienne, Paris, Assas, Sd.,  p. 11.
[132] Ibidem, p. 24.
[133] Cf. SEMEN Y., La sexualité selon Jean-Paul II, Paris, Presse de la Renaissance, 2004, p. 141-142.
[134] Cf. LACROIX X., op. cit., p. 18.
[135]  Ibidem, p. 19.
[136] Ibidem, p. 20.
[137] Cf. Ibidem, p. 18.
[138] Cf. Ibidem, p. 19. Lorsque Rembrandt peint, nu, le corps de sa bien-aimé, sous le titre de « Bethsabée au bain », celle-ci est comme habillée de gloire par la qualité  du regard que son amant porte sur elle et qui ruisselle sur sa peau, sur sa chair célébrée.
[139] Cf. Ibidem, p. 19.
[140] Je croyais que la continence relevait de mes  propres forces, (…) forces que je ne me connaissais pas. Et j’étais assez sot pour ne pas savoir que personne ne peut être continent, si tu ne le lui donnes. Et certes, tu l’aurais donné, si de mon gémissement intérieur, j’avais frappé à tes oreilles et si d’une foi solide, j’avais jeté en toi mon soucis (Saint Augustin, Confessions 6, 11, 20).
[141] Cf. CASTEL E., L’éternité au féminin. La femme dans les religions, croire aujourd’hui n°18, Paris, Assas, 1996, p.31.
[142] Cf. SANTISO  P., La femme, espace de salut, Paris, Cerf, 1999, p. 260.
[143] Cf. Ibidem, p. 262-263.