vendredi 3 octobre 2014

Missionnaires comboniens du cœur de Jésus (mccj)

             Daniel Comboni (1831-1881) en est le fondateur des Missionnaires Comboniens du Cœur de Jesus. Dans son plan de 1864, nous notons déjà l’idée centrale de sa mission :
        Ø  l’organisation des centres de formation pour les catéchistes. Il faut « sauver l’Afrique par l’Afrique ».
        Ø  la fondation d’Ecoles professionnelles en Europe, pour aider au recrutement des missionnaires.
        Ø  la fondation de Séminaires en Afrique, pour le recrutement d’un clergé indigène, tout en maintenant la présence de missionnaires étrangers tant que cela serait nécessaire.
        Ø  la fondation d’Ecoles professionnelles pour les jeunes Africains.
        Ø  la collaboration avec l’Europe dont les diocèses doivent fournir une aide matérielle et spirituelle, spécialement en envoyant des prêtres dans les missions : la mission doit être universelle.

1 Comboni Conformé au Bon Pasteur

     Ø  Le Cœur de Jésus et l’amour
            Daniel Comboni veut que ses missionnaires soient « saints et capables» E. 6655.
«Ah ! Ce Cœur béni, qui ne palpite que pour les âmes, qui est une victime éternelle et qui a été transpercé par une lance, sur la Croix (Jn 19, 31-39), est un grand secours pour moi. Je suis heureux, car le Sacré-Cœur de Jésus m'assiste puissamment» E.1732.
«Ce coup se répercutera aussi en Afrique» E.1733.
«Priez et faites prier pour la conversion des âmes les plus délaissées de la terre, les pauvres Noirs d'Afrique Centrale. Le Cœur de Jésus doit épancher davantage son amour dans ceux qui sont encore assis dans les ténèbres et à l'ombre de la mort» E.1736.
 «Nous-mêmes avec nos fidèles de tout le Vicariat Apostolique nous voulons nous recueillir sous l'égide du très aimable Sacré-Cœur de Jésus. Ce Cœur adorable n'a cessé depuis sa formation de battre du plus pur et du plus miséricordieux amour pour les hommes. Il partage son destin avec les pauvres et pardonne aux repentis ; mourant sur la Croix et plein de bonté et de patience, il prie pour ceux qui l'ont crucifié (Lc 23,34); il ressuscite glorieux et envoie les Apôtres prêcher le salut au monde entier» E.3323.
Il vit désormais sur nos autels, prisonnier d'amour et victime de propitiations envers le monde entier. (Jn 6, 34-56) ; E-3324.
 «Nous avons décidé de consacrer tout ce cher Vicariat Apostolique de l'Afrique Centrale au Sacré-Cœur de Jésus. » E.3325.
«Nous sommes profondément convaincu que de ce divin Cœur transpercé, jailliront des torrents de grâces et des fleuves de bénédictions célestes pour ce grand peuple d'Afrique Centrale qui nous est très cher» E.3330.

 

2 Devenir cénacle d’Apôtres, comme le veut Comboni

«Cet Institut devient donc comme un petit cénacle d’Apôtres pour l’Afrique, un point lumineux qui envoie en direction du centre de la Nigrizia autant de rayons qu'il compte de missionnaires zélés et vertueux qui sortent de son sein; ces rayons qui brillent et qui réchauffent à la fois, manifestent nécessairement la nature du Centre d'où ils sont issus. »       E. 2648 «Le missionnaire doit se considérer comme un individu inaperçu au milieu d'ouvriers qui attendent des résultats, non pas de leur travail personnel mais plutôt d’un ensemble et d’une continuité d’œuvres mystérieusement dirigées et utilisées par la Providence.» E. 2700. «Les Missionnaires doivent être saints et capables. Une de ces deux qualités, sans l’autre, a peu de valeur pour celui qui entreprend une carrière apostolique.
Le Missionnaire et la Missionnaire ne peuvent pas aller seuls au paradis. Seuls, ils iront en enfer. Le Missionnaire et la Missionnaire doivent aller au paradis avec les âmes qu’ils auront sauvées. Donc, avant tout il faut qu’ils soient saints, c’est-à-dire complètement étrangers aux péchés, et à l’offense faite à Dieu, et humbles; mais cela ne suffit pas, il faut la charité qui rend les sujets “capables.” Qui s’occupent comme il faut du salut et de la conversion des âmes.» E. 6655-6656.
 Je crois que nous pouvons considérer  «Le Cénacle d’Apôtres» dans notre vie actuelle comme :
     Ø  Une spiritualité.
L’icône de la cène : le «Cénacle» est un groupe de disciples unis entre eux en parfaite fraternité et tous unis au Christ. Le Christ est donc le centre de la fraternité du Cénacle : «Je vous donne un commandement nouveau: vous aimer les uns les autres; comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples: si vous avez de l'amour les uns pour les autres.» (Jn 13, 34-35).
«Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en mon amour, comme moi j'ai gardé les commandements de mon Père et je demeure en son amour. Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète. Nul n'a plus grand amour que celui-ci: donner sa vie pour ses amis» (Jn 15. 9-13).
«Vous n'avez qu'un Maître, et tous vous êtes des frères.» (Mt 23, 8…12).
Pendant la cène, Jésus promet l’Esprit  (Jn 14, 16-17.26 ; 16, 7-15), qui viendra le jour de Pentecôtes, quand les Apôtres se trouvent réunis au même lieu. La communauté réunie au Cénacle vient enrichie par le Don de l’Esprit Saint (Ac 2, 1ss) ; Rv. 37.
Lors de la cène, Jésus prie pour les Apôtres et pour tout le monde (Lc 22, 31 ; Jn 17).
     Ø  Un «style de vie».
Ce style de vie, cette façon d’être et d’agir devient un modèle pour notre société. Dans la société actuelle manque l’interaction. Chacun cherche à immerger individuellement pour acquérir sa place dans le monde, sans se soucier  des autres. Dans le cénacle, chacun s’efface pour faire émerger l’autre. C’est important l’esprit de service :
«Comprenez-vous ce que je vous ai fait? Vous m'appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. Car c'est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi j'ai fait pour vous. En vérité, en vérité, je vous le dis, le serviteur n'est pas plus grand que son maître, ni l'envoyé plus grand que celui qui l'a envoyé.  Sachant cela, heureux êtes-vous, si vous le faites. (Jn 13,12-17 ;  Mc 10, 35-40).
     Ø  Une méthodologie : Evangéliser comme communauté
            «Il appelle à lui les Douze et il se mit à les envoyer en mission deux à deux, en leur donnant pouvoir sur les esprits impurs… Etant partis, ils prêchèrent qu'on se repentît; et ils chassaient beaucoup de démons et faisaient des onctions d'huile à de nombreux infirmes et les guérissaient» Mc 6,13).
«Après cela, le Seigneur désigna 72 autres et les envoya deux par deux en avant de lui dans toute ville et tout endroit où lui-même devait aller» (Lc.10, 1).
C’est à partir de la communauté qu’on évangélise ; c’est au nom de la communauté que le disciple se présente pour annoncer l’évangile et promouvoir la libération intégrale de la personne humaine (RV. 36 ; 68 ; 70 ; 84 ; AC 1991, 28-33. Ac 13, 1-3).

3 «Régénération de l’Afrique par l’Afrique elle-même »

         Ø    Réalisation concrète :
 «Le nouveau Plan pour la Régénération de l’Afrique consiste à créer un nombre convenable d’établissements des deux sexes, que l’on placera sur tout le pourtour de l’Afrique, dans les endroits les plus convenables, aussi rapprochés que possible de l’intérieur, et dont le climat puisse convenir également aux Européens et aux indigènes, pourvu qu’on y jouisse d’une sécurité suffisante et qu’on y trouve quelques germes de civilisation» E.824.
     Ø  Pour un développement intégral :
 «La corporation des jeunes Africains, formée des individus que l’on aura jugés les plus capables de coopérer à la grande œuvre, comprendra :
1. Des catéchistes qui auront reçu une connaissance plus étendue des sciences sacrées.
2. Des maîtres instruits, autant que possible, dans les sciences de première nécessité, les plus appropriées aux habitants de l’intérieur de l’Afrique.
3. Des ouvriers et artisans à qui l’on donnera la connaissance pratique des arts et des métiers les plus utiles dans les régions du centre de la péninsule.
Ils formeront d’habiles et vertueux agriculteurs, des chirurgiens, des infirmiers, des menuisiers, des tailleurs, des tanneurs, des serruriers, des maçons, des cordonniers, etc.
Cette corporation des ouvriers formera en outre d’honnêtes marchands qui exerceront le commerce des articles nationaux et étrangers les plus nécessaires aux divers besoins de la vie, pour ouvrir peu à peu dans l’intérieur des terres une source de prospérité qui relève les peuples de la Nigrizia… jusqu’à la condition des peuples civilisés. Ces éléments de l’industrie indigène pourront, sans doute, fournir plus tard les moyens matériels propres à maintenir le développement des missions catholiques dans l’Afrique Centrale» E.833.
  Ø  Valorisation de la femme :
«La corporation des jeunes filles formée également des sujets les plus aptes à faire atteindre le but que l’on se propose, comprendra :
1. Des institutrices aussi instruites qu’il sera possible sur la religion et la morale chrétiennes, afin qu’elles puissent en répandre les principes et la pratique chez des femmes dont la position est si dégradée, et de qui dépend en grande partie, la régénération de la grande famille des Africains.
2. Des maîtresses de maison, de bonnes ménagères qui apprendront aux jeunes filles à lire, à écrire, à tenir les comptes, à filer, à coudre, à tisser, à soigner les malades, à exercer, tous les arts et les professions propres aux femmes, et les plus utiles aux habitants de la Nigrizia» E.834.
  Ø  Pour l’épanouissement du Christianisme :
«…catéchistes…le sacerdoce…Ordre religieux» E.836. «…Filles de la Charité… l’élite des femmes,… diriger les écoles de jeunes filles» E.837 «clergé indigène,… catéchistes,… maîtres,…artisans,…institutrices…ménagères, …familles catholiques, et ensuite des sociétés chrétiennes pleines d’avenir…» E.838.
«Dans la section des missionnaires indigènes,… des sujets intelligents,… mettre à profit leurs talents, fonder de petites universités théologiques et scientifiques » E.842 «écoles professionnelles,… instruction plus développée, tout en améliorant le sort matériel pour y introduire et enraciner solidement la Foi chrétienne» E.843 «petits séminaires» E.846.

4 Les Saints Apôtres et missionnaires

Dans les Écrits de Comboni reviennent avec beaucoup de fréquence les noms de certains saints, à la protection desquels le Fondateur confie l’institut et chez qui il voit incarnés les dimensions essentielles de sa spiritualité missionnaire.
Saint Pierre, Saint Paul et Saint François Xavier, modèles de zèle apostolique, d’audace et de dévouement total à la cause missionnaire ; Saint Pierre Claver, exemple de dévouement pour les «plus pauvres et abandonnés» ; les Saints Mages, les premiers convertis ; les martyres africains, indication d’un choix préférentielle pour la première évangélisation et pour le continent africain ; Sainte. Marguerite Marie Alacoque, expression de la dimension contemplative de la vie missionnaire» (RF.67).
La grâce du Seigneur Jésus Christ, l'amour de Dieu et la communion du Saint Esprit soient avec vous tous!(2Co.13, 13).
Les débuts des Missionnaires Comboniens du Cœur de Jésus sont essentiellement d’aspiration séculière. Daniel Comboni avait lui-même privilégié une société de vie apostolique. Mais il ne fit pas une œuvre personnelle; car l’œuvre doit être Catholique. Ses compagnons et autres collaborateurs détermineront après lui l’orientation religieuse de ses missionnaires. Si à l’origine, les Missionnaires Comboniens ont eu de la résistance par rapport à l’orientation  religieuse, c’est parce que Daniel Comboni lui – même ne l’a jamais voulu ; ce qui explique les oppositions historiques que l’on relève  entre les missionnaires Comboniens et les nouveaux religieux. Les Missionnaires Comboniens du Cœur de Jésus (MCCJ)  ont subi aussi une très grande influence  jésuite du point de vue  de leur formation spirituelle ; ce qui facilitera plus tard la forme religieuse prise par l’Institut.

Notons toutefois le caractère éclectique (mélangé) de la  spiritualité combonienne qui s’est élaborée au fil des années en puisant en plusieurs sources lui permet aujourd’hui de viser l’intégrité de la personne. De nos jours, peut-on observer encore chez les MCCJ un problème  d’identité ? Le problème d’identité semble obvie à la nature même de l’institut,  ses effets se ressentent moins au fil des années, une stabilisation progressive est observable de génération à génération et à mesure que l’institut s’implante dans les nouvelles aires culturelles, et le XVIe chapitre général de 2009, montre ce long chemin en passant « Du plan de Comboni au plan des Comboniens ». De nos jours, les Comboniens sont dans les continents comme de bon soldats du Christ.

Les comboniens de la province du Togo-Ghana-Benin

                           L’histoire de notre province : Togo-Ghana-Bénin
Introduction
A la veille de sa mort, Saint Daniel Comboni disait : « Je meurs mais mon œuvre ne mourra pas ». Cette parole du missionnaire de l’Afrique n’a pas été une simple parole, mais plutôt une prophétie. Ainsi dans sa réalisation, elle n’a pas passé sous silence le Togo, le Ghana, ni le Bénin, trois pays limitrophes de l’Afrique de l’ouest situés sur les côtes de l’océan Atlantique. En effet, depuis presque 50ans au Togo, 40 ans au Ghana et au Bénin, les missionnaires comboniens du cœur de Jésus ont implanté et continué l’œuvre régénératrice de leur saint fondateur Daniel Comboni. Arrivés d’abord au Togo en 1964, les missionnaires de Comboni seront attirés plus tard par le Ghana situé à l’Ouest et le Bénin situé à l’Est ; les trois pays formant ainsi une province.
Quelles sont les causes maitresses de l’arrivée des comboniens dans cette province du Togo-Ghana-Bénin ? Comment s’y est déroulée leur installation ? Quelles réalisations peut-on y noter depuis leur installation jusqu’à aujourd’hui ? Qui ont été les différents supérieurs de cette province ? En fin Combien de prêtres, frères et scolastiques autochtones détient la province  aujourd’hui. Telles sont les questions qui attirent notre attention, parlant de l’histoire de la province.
Les éléments de réponses suivantes nous permettront d’entrer au plus profond de cette histoire de la province pour mieux la connaitre.
I -Les Causes de la venue des Comboniens au Togo
Deux évènements sont à l’origine du débarquement des Comboniens au Togo : L’expulsion en masse du Soudan et la demande de l’archevêque de Lomé. En effet, le Concile Vatican II où les évêques, réunis à  Rome, s’efforçaient de situer le peuple de Dieu au cœur du monde, a été l’occasion pour l’archevêque de Lomé, Mgr Dosseh-Anyron, qui avait  été consacré le 10 juin 1962,  de rencontrer le vicaire apostolique de Wau, au Soudan, Mgr Irénée Dud. Dans leur échange, où nos deux évêques discutaient de l’urgence de l’évangélisation du continent africain, l’évêque du Soudan profite pour parler à son collègue Togolais, des Missionnaires Comboniens qui ont œuvré avec zèle dans son diocèse, et qui se sont retirés, parce que persécutés par le pouvoir arabo-islamique qui dirigeait le pays depuis l’indépendance en 1956. Admiré par le partage, Mgr Dosseh présente sa demande au P. Gaétano Briani, Supérieur Général des comboniens d’alors, pour obtenir des Missionnaires pour son diocèse. Avant de S’engager, le P. Briani visite le Togo et, de retour à Vérone, informe ses confrères  avec une lettre du 03 avril 1963 : « il y en a qui aimerait connaître les résultats de mon voyage en Afrique Occidentale. Malheureusement, je ne suis pas encore en mesure de vous annoncer quelque chose de définitif, parce que la Congrégation de Propagation Fide attend une réponse de l’archevêque de Lomé, à propos d’un questionnaire qu’on lui a soumis. Je vous invite à prier le Cœur de Jésus afin qu’il nous illumine pour décider à sa plus grande gloire et pour le salut des âmes». Mais déjà le 05 mai suivant, le P. Briani a pu écrire de la maison mère à Mgr Dosseh : « Je peux finalement vous écrire que nous avons conclu de venir coopérer dans votre archidiocèse. Notre conseil général a approuvé le projet d’envoyer six Pères et deux frères ». Le 09 Octobre 1963, le P. Briani annonçait à ses confrères que désormais, était en train de se concrétiser le départ des confrères pour d’autres champs d’apostolat (Burundi, Congo et Togo). Et sur le Togo il affirmait : « Pour l’instant, nous prendrons des paroisses dans le même diocèse. Plus tard continuait le P. Briani nous développerons, avec l’aide de Dieu, d’autres paroisses, de manière à voir un territoire à nous ».
II- Installation
Monseigneur Dosseh en présidant à la célébration de la remise de la croix aux comboniens disait : « à ceux qui viendront dans mon diocèse, je veux leur dire que tous les gens les attendent et les accueilleront avec grande joie. » Ainsi donc les pères Francesco Cordero, Francesco Grotto, Ezio Rossi, Mario Piotti, Giovanni Radaelli, Alfonso Zulianello et les frères Nevio Calligaro et Adone Santi débarquèrent le dimanche 19 janvier 1964 à bord du bateau général Mangin. Un débarquement qui s’est fait à quelques centaines de mètres de la côte « en panier ». Les missionnaires étaient reçus par le curé de la cathédrale de Lomé, l’abbé Jean Gbikpi-Benissan qui leur présenta le crucifix que chacun d’entre eux a embrassé avec amour et profond respect. Les deux premières missions seront Kodjoviakopé, quartier situé à l’ouest de la capitale frontalier avec le Ghana, et Afagnan qui se trouve à 80km environs de Lomé, faisant frontière avec le Bénin. Après la réception de leur mission, dans un premier temps, les missionnaires sont répartis en trois groupes. Un premier groupe restera logé à la cathédrale, le second groupe à Amoutivé, un peu plus loin de la cathédrale, et le dernier groupe s’installera à Kpalimé à 40km de Lomé.
Le dimanche après leur arrivée, le 26 janvier, les missionnaires sont accueillis à Kodjoviakopé pour y être présentés à la communauté chrétienne, dépendante alors de la cathédrale. Accueillis à l’entrée du village vers la plage, ils sont conduits en procession à la mission avec différents chants religieux. A 8h30, le père Cordero célèbre la première messe à la petite chapelle-école. L’interprète du sermon était le père Gbikpi. Par la suite les missionnaires se sont adonnés  à l’étude de la langue éwé. Ce n’était qu’après pâques que les missionnaires avaient quitté  leur demeure provisoire pour s’installer dans les deux paroisses fondées par l’archevêque et érigées canoniquement le 5 mai.
A ce premier groupe viendront s’ajouter les pères Pio Depaoli, Fabio Gilli, Zanchanaro Augusto, Pegorao César, Roberto Pacis et le frère Luigi Salbego, en 1965. En 1966 viendra aussi le père Giovanni Trivella, et le nombre de comboniens sera de 15 membres dans l’espace de deux ans. Le 25 Aout 1967, en présence du père Briani le cardinal Zoungrana bénit la pose de la première pierre de l’Eglise paroissiale de Kodjoviakopé. Pour construire ces Eglises il va falloir  avoir recourt aux experts. Ainsi donc le frère Virgino Negrin, a dû quitter le Mexique pour être à la tête de la construction des Eglises telles que : Kodjoviakopé, Kouvé, Sogakopé et Akatsi (Ghana), Lobogo et Fidjrossè (Bénin) ; Afagnan, Aklakou, Adidogomé, Tabligbo, sans compter les innombrables chapelles. En plus du frère Negrin il y avait aussi le frère Santi, le père Grotto qui ont contribué à la construction des Eglises.
L’installation ne s’est pas faite sans épreuve. Compte tenu du changement du climat, certains missionnaires auront des ennuis de santé, notamment le père Rossi qui rentré en congé, a décidé ne pas revenir, car il fut obligé de rentrer en Italie à cause de sa santé. Fin Juillet ce fut le tour du frère Santi de partir pour les congés, il était fatigué. Le 13 septembre, plus grave, le p. Radaelli était obligé de quitter et de rentrer chez lui, il était question de poumons. Après un mois d’hospitalisation, il lui a été conseillé d’être rapatrié. Le frère Nevio quant à lui était rappelé dans sa province d’origine. Plus tard les pères Fabio et Grotto auront aussi des ennuis de santé. Nous arrivons au frère Bettani, qui mourut à Afagnan à l’âge de 28 ans et était rentré en Italie dans son cercueil avec le même avion qui aurait du l’amener en congés.
Après être installés, les comboniens chercheront à élargir leurs champs de pastorale notamment vers l’est du Togo c'est-à-dire le Ghana et vers l’ouest c'est-à-dire le Bénin. Ainsi, en 1993 l’évêque de Kéta au Ghana accepta  la demande du père Général pour l’installation des comboniens dans son diocèse. De même à l’est, des contacts ont été prises pour l’ouverture d’une mission à Lokossa c'est-à-dire au Bénin. Les négociations ont commencé depuis le printemps de 1973. Ce sera  finalement en 1974 que les comboniens arriveront au Bénin, d’abord à Lobogo et ensuite à Bopa en 1978. Ainsi prend naissance la vie des comboniens dans ces trois pays, qui plus tard deviendront ensemble une région et aujourd’hui une province.
III- Les réalisations
 A- Les paroisses
1-Kodjoviakopé : 1964-1993
L’installation canonique du premier curé en la personne du père Cordero s’est faite le dimanche 25 Octobre 1964 par Mgr Bernard Ogouki-Atakpa. La communauté était composée par les pères Cordero, Rossi et Piotti et le frère Nevio. Le 21 Novembre 1993, la passation de la paroisse au clergé diocésain.

2- Afagnan : 1964-1998
Notons en passant que la paroisse d’Afagnan était sous la direction des SMA (P. Kennis). Ainsi le dimanche 19 Avril le père Kennis passa la paroisse aux comboniens en  présence  du père Grotto et  du Frère Santi auxquels se sont rejoignis plus tard  les pères Radaelli et Zulianello. Après 34 de présence combonienne sur cette paroisse, le 2 Aout 1998 fut la passation au diocèse.

3- Adjido : 1965-1985
La paroisse du Sacré–Cœur d’Adjido dirigée dans un premier temps par les diocésains sera passée au comboniens le 14 Mars 1965 a cause du fait que le curé D. Dosseh Anaté aurait été appelé à Lomé  comme vicaire général. La communauté combonienne était composée des pères Ezio Rossi et Radaelli. Ils resteront là jusqu’au 5 Décembre 1985, année où la dite paroisse fut passée de nouveau au clergé local.

4- Kouvé : 1965-1996
Les comboniens sont arrivés à Kouvé en 1965 et le 13 juin 1996, ils ont fait la passion de la paroisse aux clergés autochtones. 

5- Vogan : 1966-2000
Vogan a été fondé en 1908 et érigé canoniquement le premier juillet 1929 et dédié à Saint Ferdinand. Les Comboniens ne seront présent que le 17 juillet en 1966. Le groupe a été conduit par Père Augusto Zancanaro. Celui ci fut enterré là après sa mort.
6- Elavagnon : 1970-1972
Début mars 1970, le père Rossi, revenu au Togo, s’était installé à Elavagnon. L’archevêque avait proposé Noépé mais les confrères préfèrent Elavagnon, près du monastère de Dzogbegan. Ce pendant cette paroisse ne fera pas longue histoire. Elle passera de nouveau aux prêtres diocésains pour prendre celle de Togoville.

7- Togoville : 1972-1992
Au mois d’octobre 1972, le père Grotto revient du congé et passe d’Afagnan à Togoville et fut secondé par le père Sandro Cadei. Après 20 ans de présence des missionnaires Comboniens, ce fut ainsi la passation aux prêtres diocésains pendant le pèlerinage marial en décembre 1992.

8- Aklakou : 1973-1998
Le 18 avril 1973, le p. Pegoraro s’établit à Aklakou, et sera secondé plus tard  par le père. Luigi Gambi.

9- Logobo (Bénin) : 1974-1987
C’est finalement en 1974 que les comboniens arrivent au Benin et tout d’abord à Logobo dans le diocèse de Lokossa. Après 13ans de présence combonienne, tous les missionnaires furent chassés par l’évêque R. Sastre.

10. Abor (Ghana):1975-2003

11. Liati (Ghana) 1977-1994

12. Bopa: 1978-1999
Avril 1978 ouverture de la paroisse de Bopa et le 31 Juillet 1989 elle passe au clergé diocésain.

13. Sogakopé : 1979-1997
Confié aux comboniens le 22 Aout 1981 comme paroisse, en se détachant de celle d’Abor. Le 31 Aout 1997, la paroisse de Sogakopé passait dans les mains des clergés locales.



14. Tabligbo : 1986-….
Tabligbo est devenu  paroisse le 17 Aout 1986, et dédié au Saint Esprit en démembrement de la paroisse de Kouvé, elle demeure présentement une communauté des comboniens.

15 Anfoin : 1986-1997

16 Adidogomè : 1989-……
Adidogomè était déjà desservi par les comboniens depuis la paroisse de Kodjoviakopé dans les années 60. Puis, quand on a ouvert le postulat à Adidogomè en 1984, un des pères du postulat était leurs responsable direct de cette zone qui nous avait été confiée ; elle devient paroisse le 16 Avril 1989 sous l’invocation de « Marie, Mère du Rédempteur », jour aussi de la consécration de l’Eglise. Elle demeure encore sous la direction des comboniens.

17. Fidjrossè : 1989…
La paroisse de Fidjrossè, dédié à Saint François d’Assise est la onzième paroisse de l’archidiocèse de Cotonou a connu la première communauté combonienne le 29 octobre 1989 après avoir passé quelques moments dans une maison louée. La première communauté était composée des pères G. Montresor et  César Pegoraro et le frère A. Guzzardi. Tout comme celle d’Adidogomè, la paroisse de Fidjrossè, elle aussi reste encore dans les mains des comboniens.

18. Toffo : 1996-2008
Le 11 Juillet 1996, les comboniens prennent en charge leur deuxième paroisse au Benin. Elle passe entre les mains du clergé local en 2008.

19. Adidomé : 1997-2011
Après la paroisse de Sogakopé, c’est celle d’Adidomé qui passe à la charge des comboniens le 31 Aout 1997 compte de la non évolution de la mission elle fut confiée au clergé diocésain. La communauté s’est déplacée vers Mafi Kumassi.



20. Asrama : 1998
Le 18 Juin 1997, le Fr. Oscar, le père C. Besigye et le provincial se mettent en route à la recherche d’une paroisse dans le diocèse de Kpalimé. Mais après la rencontre avec l’évêque de Kpalimé, les comboniens sont prêts à prendre en charge le village d’Asrama. Ainsi le 1er  Octobre 1998, la communauté combonienne s’installe à Asrama avec les premiers pionniers comme le père J. Francisco de matos Dias et le frère  G. Luciano. Bientôt cette paroisse passera au clergé local.

21. Akoumapé : 2000-2008
 Avec la passation de Vogan au diocèse le 24 Avril 2000, les comboniens s’installent à Akoumapé. Le 13 Mars 2008, Hahotoé, démembré d’Akoumapé devient paroisse, dédié à Saint Joseph et ainsi Akoumapé sera confié au diocèse le 11 Mai 2008.

22. Ola : 2002
 La paroisse de « Our Lady of Assomption » de la ville d’Accra a été confiée aux comboniens le 1 Octobre 2002. Elle demeure jusqu’ à présent une communauté combonienne.

23. Toko-toko : 2008
L’érection de la paroisse de Saint Tamaro de Toko-Toko a été faite le 24 Décembre 2008 en présence de l’évêque Paul Vieira. La communauté est présentement composée des pères Juan Joé Ténias, Salvador et  le frère Alfio Guzzardi.

24. Manigri : 2010
Mgr Paul V. a proposé aux comboniens une deuxième paroisse dans son diocèse (Manigri), a environ 80kms au Sud de Djougou. Les comboniens s’installaient le 8 Décembre 2010, date de la consécration de la paroisse. La communauté est composée des pères Paul Djago et p. Girau et le scolastique  Dohou Igor.

B- Les maisons de formations
1. Postulat candidats prêtres
Le postulat des candidats prêtres était ouvert dans l’année 1983. Pour la première année on a loué une maison à Wuiti. Et l’année suivante le postulat s’est déplacé pour Adidogomè où il est présentement. Il est dédié à Saint Pierre Claver.

2. Postulat candidats frères
En 1987 le postulat des frères était à Afagnan. Mais il fut transféré à Lomé-Cacaveli le 1er Octobre 1991 et dédié au Frère Giosué Dei Cas. Depuis 2009 il est fermé provisoirement par manque de candidats. Cependant les candidats frères sont ensemble avec les candidats prêtres à Adidogomè. Les premiers formateurs étaient le frère Alfredo do Rosario le responsable et le frère B. Avo Tanzi et le père de Oliveira comme collaborateur.


3. Noviciat
Au commencement, les novices de la province TGB  allaient au Congo. Mais avec le temps la maison du noviciat sera, au début, l’ex-postulat frère à, Cacaveli. Le noviciat est ouvert le 1 Juillet et érigé le 10 Octobre 2003 comme noviciat interprovincial de l’Afrique francophone, dédié à Saint D. Comboni. Il sera déplacé à Cotonou au mois de Septembre 2005 et la maison inaugurée en la fête de St D. Comboni le 10 Octobre 2005. Les premiers formateurs furent le Père Sandro Cadei comme p. Maître et le Père Norbert Rangu comme socius.

4. Scolasticat de Cape Coast
Le scolasticat  dans la province TGB est ouvert le 29 Juin 2009 avec les Pères Percassi Vincenzo et Kornu Godwin Kwamé comme les formateurs.

C- Centre d’apprentissage ou apostolat social
*Ecole ménagère créé par la Fr. Santi A. à Afagnan, permet la réalisation d’œuvres sociales et le développement du milieu. La couture, la broderie, la cuisine, le ménage de la maison, lecture en éwé et en français sont les matières de base dans cette formation de la femme africaine et de l’épouse de demain. Cette école fut confiée aux Sœurs Missionnaires de l’Immaculée Conception d’origine espagnole. Aussi le 10 Octobre 1992 était ouvert le Centre Emmaüs dans la même localité.
*Centre d’apprentissage : fondé par le frère Santi en vue de former des maçons, des menuisiers. En outre le centre prendra le nom du fondateur et où il fut enterré après sa mort en1988.
*La présence du frère Alfredo rend plus sensible à d’autres problèmes et naissent la pisciculture à Togoville et le centre de développement pour la culture attelée à Sevagan. Par ailleurs, la présence du Père Fabio GILLI aide à réfléchir sur l’attention qu’il faut prêter aux handicapés : voit le jour un projet pour une école d’aveugles, d’où le centre Kekeli Neva pour la formation des aveugles en vue d’être autonome dans la société.
*Dans le souci de la promotion humaine, le père Ricardo Novati a fondé Comboni Center à Sogakopé qui s’étend sur plusieurs domaines à savoir : la santé et école technique.
*De même, le père Lino Negrato, a construis plusieurs écoles primaires au Togo, ce qui a valu son élévation  à l’ordre des chevaliers du Mono, à travers une cérémonie de décoration faite par le chef de l’Etat d’alors, le feu General Gnassingbé Eyadema.
*Nous ne pouvons pas passer sous silence la station  radio Esperanza de Tabligbo, ni l’orphelinat « my father’s house construit par le père Joe Rabiozi, à Habor.

IV- Les provinciaux.
Dès l’arrivé des comboniens dans ces trois pays ils avaient que des supérieurs de communauté, parce qu’ils étaient en nombre réduit. Le père Francesco Cordero de 1964 1969 était nommé supérieur religieux. Mais plus tard la mission sera appelé délégation et verra de 1969 en 1971 le père Augusto Zanchanaro comme supérieur, avec les pères Lino Negrato et Fabio Gilli comme conseillers. Le père Augusto sera remplacé par le père Nazareno Contran. En 1975 quand la zone du Togo Ghana Benin devient région, le père Jiménez devient le premier supérieur régional. Ceci n’a pas duré longtemps parce que dès octobre de la même année le père Cesare reprend les règnes de la région pour finir en 1978. Ce n’est qu’après, en 1981, que la région devient province avec à sa tête le père Contran. Vont donc se succéder à la tête de cette province le père Antonio Del Pozo en 84 avec comme conseillers le père Sandro Cadei et le frère Baudouin, ensuite le père Girolamo Mianté en 1990 avec deux mandats. En 1996 se sera le tour du père Sandro de s’installer avec quatre conseillers dont le frère Oscar da Cunha. En 2002, le père Sandro fut remplacé par le père Savero Perego qui n’a fait qu’un seul mandat. En 2005 le père Manuel João prend la direction de la province, pour deux mandants, avec quatre conseillers dont le père Habtû Teclai et le frère Alfio Guzzardi. Actuellement nous avons comme supérieur provincial le père Mianté Girolamo qui revient en province après quelques années d’absence. 
Outre ces provinciaux que nous venons de citer nous avions eu la chance, des visites des pères généraux tels que les pères Gaetano Briani, deux fois de suite en 1963 et en 1967. Le père Tarcisio Agostoni qui est passé cinq fois en province en 1970-71-72-74-78. Le père Salvatore Calvia en Février en 1984, le père David Glenday en février 1992 fait une visite accompagnée du frère Casas un conseiller général. Au cours de sa visite il a rencontré les évêques Kpodjro, Kouto du Togo et Adamyty du Ghana ainsi que des prêtres religieux. Le 1er Mai 2002 ce fut le tour du père Manuel Augusto Lopez Feirreira et le père Rafael Ponce conseillers de visiter notre province, puis en 2007 le père Teresino Serra, et en 2011 le père général passe ici pour prêcher la retraite spirituelle des comboniens, et visite le postulat où nous avions eu la chance de discuter avec lui.  

V-   Le nombre des pères,  des frères et scolastiques
Le nombre total de tous ceux qui ont fait la première profession de 1988 à 2011 est de 114. Parmi eux nous avons présentement :
*Prêtres : 36
*Frères : 12           
*Scolastiques : 31
*Parmi les 41 restants, il y a 1 est décédé et les 40 sont sortis.
Conclusion
En sommes, la présence de l’institut Combonien est une œuvre divine. Cette présence se fait remarquer tant par la mission évangélique de l’institut que par ses œuvres caritatives et humanitaire. Ainsi, la province est à pieds d’œuvre pour la célébration des cinquantenaires en 2014 au Togo, et 40 ans au Ghana et au Bénin. En  nous laissant envahir par le même amour pour le christ et pour l’Eglise, nous pourrons traduire existentiellement que le Christ par la présence de l’institut a dressé sa tente au milieu des trois pays qui composent la province ; à l’œuvre en nos temps. Dans l’accueil reconnaissant de cet amour débordant puissions-nous même devenir amour et bénédiction pour l’humanité à travers la mission.










Marie y trouvera une place matériellement peu importante, mais profondément significative d'apèrs le P René DE HAES

INTRODUCTION
            Il nous semble que nous ne comprendrons jamais le rôle que la Très sainte Vierge Marie exerça auprès du Christ Souverain Prêtre si nous ne nous plaçons pas dans la lumière de Dieu. Par conséquent, il faut que nous contemplions Marie, celle qui a dit oui, comme Dieu la voit de toute éternité, ou ce qui revient au même, que nous la regardions dans sa prédestination.
1.  Le fondement scripturaire de Marie
La première explication du rôle de Marie est contenue dans le Nouveau Testament dont la rédaction se poursuit durant un demi-siècle. « Marie y trouvera une place matériellement peu importante, mais profondément significative »[1] ; telle est aussi l’opinion du Père René DE HAES. En comptant objectivement les textes où il est question d’elle, on constate que le Nouveau Testament accorde une place discrète à la Vierge Marie. C’est ainsi que notre auteur nous invite à nous arrêter avec une attention particulière à ces données de base qui sont la parole même de Dieu. Ainsi, signalons en passant que Marie est présente à tout le Mystère chrétien, à tous les temps du salut. Pour le Concile, « elle tient la première place auprès du Christ, et de nous la plus proche »[2]. Elle le premier membre du Christ, membre fondateur du corps mystique, le plus important, le plus universel dans la communion des saints, depuis l’origine : la pentecôte où elle fut présente. Elle reste le sommet et le cœur ardent de l’Églises en Jésus-Christ.
La question est sérieuse, la problématique actuelle du portrait de Marie doit être éclairée et jugée, selon l’Abbé R. Laurentin, en fonction des Écritures Saintes. Donnons la parole à notre auteur. Pour lui, les Évangiles sont très laconiques sur Marie. Chez Mgr Laurentin ; seul l’Évangile de Luc nous fait vraiment connaitre sa physionomie spirituelle. Ce médecin de haute culture, au fait des nouvelles méthodes grâce auxquelles les Grecs donnèrent naissance à l’histoire, a enquêté près des témoins oculaires (1, 2). Il n’était pas difficile d’en trouver dans la communauté de Jérusalem qu’il a plusieurs fois visitée (Ac. 11, 27-28 selon le texte occidental et 21, 12-17). Il cite les témoins de l’enfance : voisins de Jean-Baptiste qui gravaient ces paroles-événements en leurs cœurs (Lc. 1, 60), Marie, qui faisait de même, selon le refrain qui revient à deux moments clés de son Évangile :
1. A la fin du récit de Noel (2, 19) : Elle gardait toutes ces paroles et événements dans son cœur ;
2. A la fin de l’Évangile de l’enfance (2, 51) : Elle gardait toutes ces paroles et événements dans son cœur. Le verbe principal « gardait » est nuancé par deux préfixes :
a) elle les «  rassemblait », collationnait, engrangeait (Verbe grec SYN-terein Lc. 2, 19) ;
b) elle les parcourait, entretenait, conservait avec diligence (verbe grec DIA-terein 2, 51).
c) elle les confrontait, précise Luc 2, 19. Pour nous, il est question ici du rapprochement des signes et souvenirs, d’où jaillissent la lumière et le sens. L’Évangile de Luc (1-2), ultime expression de ces souvenirs, confirme qu’ils étaient bien une confrontation vivante et contemplative des événements de la vie du Christ avec l’Écriture. Ce récit est littéralement tissé d’allusions bibliques manifestant que la venue de Jésus accomplit toutes les Écritures. Cette confrontation (le midrash) était le processus courant de la prière et de l’exégèse juive. La venue du Christ l’a en quelque sorte renversée. Avant c’était l’Écriture qui éclairait l’événement. Maintenant c’est l’événement-Christ qui éclaire toute l’Écriture.
Ainsi dit, nous trouvons le modèle dans l’Écriture : Marie est présente à toute la vie du Christ, nous l’avons vu. Elle l’a préparé, au sommet de l’Ancien Testament qu’elle achève. Elle introduit dans la famille humaine (Lc. 1, 28-56), l’éveilla à l’humanité, l’accompagna toute sa vie jusqu'à trente ans, l’engagea dans son ministère, en lui suggérant le signe de Cana (Jn. 2, 1-22). Durant les trois ans de séparation, sa communion spirituelle s’approfondit encore. Elle le retrouva physiquement et moralement, dans la souffrance et la mort du calvaire, en compassion à sa passion. Quant à nous la présence réciproque de Marie à son Fils est pour nous un modèle, puisque, par cette Mère, Dieu est devenu notre Frère et nous l’a donnée pour Mère, en nous identifiant à lui. Toutefois, notre rapport filial est différent de celui d Jésus, car Il est Dieu. Nous sommes d’humbles enfants de cette Mère, qui nous a si profondément et spirituellement adoptés en Lui.
2.  Marie et le sacrifice pour les prêtres
            Il nous semble que le texte complexe du Pseudo-Épiphanie ne considère pas seulement le pain de vie comme une nourriture ; la mention de l’autel et de la rémission des péchés font allusion à sa valeur sacrificielle. Cela nous invite à la suite de notre auteur à examiner dans quelle mesure les homélistes grecs envisagent le rapport de Marie au sacrifice[3]. Car le point est d’importance pour ce sujet. L’Écriture (He. 5, 1) définit le sacerdoce par l’oblation de sacrifices. L’idée de sacerdoce marial ne peut guère prendre consistance qu’en fonction d’un tel rôle à notre avis. Posons-nous un peu cette question ; trouve-t-on vraiment chez les auteurs anciens l’idée que Marie a offert son Fils en sacrifice ? Certains défenseurs de la Co-rédemption l’insinuent. On invoque des textes de Saint Ambroise, de « Quodvultdeus »[4], ou de Siméon Métaphrase sur le rôle de Marie au pied de la croix. L’idée de l’oblation ne s’y trouve pas encore. Sur la présentation de Jésus au temple, un texte d’ Hesychius fait impression : ce n’est point pour elle que Marie fit oblation, mais pour tout le genre humain. G. Roschini commente : « cela semble exprimer une coopération immédiate de Marie à la Rédemption. C’est beaucoup dire, car le contexte diminue la portée de cette phrase massive. Marie n’offre point ici Jésus, mais seulement les deux colombes : l’idée, c’est que Marie étant Vierge, l’oblation qu’elle présente pour sa purification n’a point d’utilité pour elle et tourne au bien de tous les autres »[5]. Donc, on pourrait être tenté de voir plus dans un autre texte, attribué à Saint Cyrille d’Alexandrie, qui semble reconnaitre une part active à la Vierge dans le même de la Présentation de Jésus au temple. Pour notre auteur, Marie conduit  son Fils au temple, mais c’est lui qui sacrifie.
            De ce qui précède, l’Abbé René précise  nettement que les Peres et auteurs anciens n’attribuent aucunement à Marie la fonction d’offrir des sacrifices. Ainsi, la base essentielle manque pour qu’on puisse parler théologiquement de sacerdoce. L’idée que Marie offre son Fils en sacrifice) à Dieu n’a jamais été exprimée avant le 12e siècle. On doit donc se contenter de mentionner quelques pierres d’attente de ce thème encore inexistant : le rôle ministériel de la Vierge, notons sur sa médiation et son rôle dans la Rédemption.
 3.  Rapport Marie et le sacerdoce
            Le thème qu’l nous reste à traiter est bien proche du précédent. Tous les textes que nous allons présenter tournent autour de cette idée que Jésus a pris de la Vierge le corps en lequel il devient prêtre et victime[6]. Ce rapport insiste sur le fait que Jésus prend de Marie sa condition de victime, mais pour lui ; l’état victimal et l’état sacerdotal sont presque identifiés : le Christ, dit-il, est prêtre parce que sacrifice ; aussi passe-t-il souvent d’un concept à l’autre, de là des textes comme celui-ci : Prêtre pur…(le Christ) s’est offert lui-même (comme une) victime pure. Il a offert ce qu’il a reçu de nous et (ce qu’il) a offert (était) pur. C’est de nous qu’il a reçu sa chair, et il l’a offerte. Mais d’où l’a-t-il reçue ? Du sein de la Vierge Marie afin de l’offrir pure pour (nous) impurs, lui le Roi, lui le Prêtre Saint Jérôme, dans sa célèbre lettre sur la virginité de Marie, compare celle-ci à la porte orientale d’Ézéchiel par laquelle notre Pontife selon l’ordre de Melchisédech  entre dans le monde ; c’est en quelque sorte dans le sanctuaire de son sein que Marie porta mystérieusement le Prêtre ; car tout ce qui devait sauver le monde, vient de son sein : le Dieu, le Prêtre et la Victime, le Dieu de la Résurrection, le prêtre de l’oblation.
            Rapportons que Marie, en vertu de son rôle à l’Incarnation, ferait le lien entre le sacerdoce de l’Ancien Testament et celui du Christ[7]. Sur la nature de ce lien, on retrouve un conflit qui préoccupe la pensée chrétienne depuis les origines, c’est-à-dire dans quelle mesure y a-t-il continuité ou rupture entre l’Ancienne Loi et la Nouvelle ? Entre l’erreur des judaïsant et celle de Marcion, il reste une marge pour bien des nuances. Toutefois, Saint Jean Damascène met en valeur l’aspect discontinu. Ainsi, Marie transfère le sacerdoce de la race lévitique à la race royale. Nous pensons qu’il s’agit là d’un transfert opéré par Marie, de la loi à la grâce. Or, en matière sacerdotale, nous soulignons la continuité des deux Testaments : la race lévitique se prolonge en Marie et aboutit au sacerdoce du Christ comme un rameau donnant sa fleur. Cela signifie que dès la naissance de Marie, cet épanouissement commence, et l’homéliste discerne déjà en cette petite fille sans tache qui vient de naitre, l’ébauche du sacerdoce du Christ. Marie, dès le jour de sa naissance avait les traits du sacerdoce du Christ. Néanmoins notre auteur reconnait que cette affirmation est peu scripturaire[8].
            De ce qui précède, notons que l’auteur de l’Épitre aux Hébreux avait opposé avec netteté le sacerdoce héréditaire d’Aaron et le sacerdoce transcendant de Melchisédech. Qu’eût-il pensé de cet Aaron qui exerce les fonctions du sacerdoce de Melchisédech ? Le rattachement du Christ à la race sacerdotale était devenu une idée presque classique[9]. La mention de quelques prêtres dans la généalogie du Christ, certains mariages entre la tribu de Juda et celle de Lévi, enfin le fait que Marie était la cousine du prêtre Zacharie, fournirent argument à cette thèse. Toutefois, en discernant typologiquement en Marie, dès le jour de sa naissance, le germe de l’ébauche du sacerdoce nouveau, il est, à notre avis celui qui s’approche le plus de l’idée de sacerdoce marial. De ce qui précède, l’affirmation selon laquelle Marie est mère du Christ-prêtre, on ne saurait déduire qu’elle possède un sacerdoce. Quoiqu’il en soit nous pouvons retenir ce qui suit : Marie, mère de Dieu a engendré le Christ pain de vie, sacrifice, victime et prêtre. Le glissement de cette fonction et qualité sacerdotale est exceptionnel.
            Par conséquent, à la lumière de ce qui vient d’être dit, notre grand souci est celui de savoir si réellement la participation de Marie au sacrifice rédempteur du Christ implique-t-elle un sacerdoce ? Nous estimons que la bienheureuse Vierge se tint debout près de la Croix de son Fils comme les prêtres ont coutume de se tenir debout au saint autel lorsque, sous les espèces du pain et du vain, ils sacrifient et offrent à Dieu le corps sacré et le sang précieux de son Fils. En se tenant ainsi debout, faisant l’office de grande prêtresse, nous estimons que la Vierge très Sainte, l’esprit élevé vers le ciel discourait ainsi en elle-même ; car son esprit n’était point seulement uni avec celui du Christ, il était plutôt avec lui un seul esprit. Certes, Marie n’est point seulement au pied de la Croix ; mais vraiment sur la Croix avec son Fils, là même, crucifiée avec lui[10].  Ce qui nous dispose à dire que Marie a reçu l’onction du sacerdoce royal pour offrir le Christ.   Si le sacerdoce n’a aucun vice ; il n’en peut avoir aucun : donc un prêtre peut en avoir, non le sacerdoce ; puisque la Vierge est sacerdoce comment ne serait-elle pas aussi Sainte, innocente et sans tache, séparée des pécheurs, non sous le rapport de la nature, mais de la faute et de la dette ? Nous sommes d’avis jusqu’ici que la mère de Dieu a rempli des fonctions de prêtre.
Pour nous comme pour notre auteur : La  Mère de Dieu n’a point part au sacerdoce ecclésiastique ou sacramentel hiérarchique ; mais nous ne saurons dire qu’elle a seulement le sacerdoce spirituel commun à tous les chrétiens. Sa participation au sacerdoce du Christ, supérieure à celle des prêtres est hors pair en vertu de trois titres qui lui sont propres : Mère du prêtre eternel, coopératrice au sacrifice de la croix et médiatrice des grâces de rédemption[11].  Signalons toutefois notre recommandation à nos lecteurs une grande prudence de vocabulaire. Si nous pouvons parler de sacerdoce mystique de Marie, mieux vaux s’abstenir d’autres titres comme Co-rédemptrice et Vierge sacerdotale, qui sont sujets à confusion. Au plan ontologique, comme au plan fonctionnel, nous mettons en relief l’analogie étroite entre le sacerdoce du Christ et celui de Marie tout en reconnaissant la subordination du sacerdoce de Marie à celui du Christ. Ontologiquement le sacerdoce de Marie est définit par sa plénitude de grâces. C’est que la grâce capitale est au sacerdoce du Christ, le caractère sacerdotal au sacerdoce hiérarchique, le caractère du baptême et de la confirmation au sacerdoce commun, la plénitude de grâce qui lui est propre l’est au sacerdoce de Marie.
 4. 1.  L’assistance de la Très sainte Vierge Maie dans le ministère sacerdotale
            Appelée à collaborer avec notre Seigneur à l’œuvre su salut, Marie continue cette coopération avec ses ministres. Elle aide pour ainsi dire dans leur ministère, avec une sollicitude et une délicatesse incomparables. Mais c’est parce qu’elle retrouve en eux le sacerdoce du Christ. Par conséquent si notre Seigneur a daigné avoir besoin de Marie dans l’œuvre de la Rédemption, c’est sans doute, en partie, parce qu’il voulait nous apprendre que nous ne pourrions pas nous passer de l’assistance de la Très Sainte Vierge dans le ministère sacerdotal. Signalons que le premier acte du ministère public de Jésus fut accompli à la prière de la Très Sainte Vierge. Ce fut le miracle des noces de Cana (Jn. 2, 1). C’est elle encore à notre connaissance qui obtint, par sa prière l’abondance des grâces du Saint Esprit dont les apôtres avaient besoin pour être des colonnes de l’Église, comme une mère qui prie à la veille de l’ordination de son fils, de sorte que si les apôtres ont pu faire l’œuvre gigantesque qu’ils ont accomplie, c’est grâce à l’intercession de marie. Nul doute qu’elle ne les ait assistés de sa prière durant les années qu’elle passa sur terre, chez saint Jean. Elle demandait et elle obtenait pour eux les grâces nécessaires à leur mission, les grâces de prédication, les grâces de conversion des païens, les grâces des premiers témoins de la foi. Elle était là, comme une mère cachée, pour veiller à la fondation des églises.
            Mais au ciel sans doute, nous sommes sûrs que sa royauté n’a plus d’obstacle ; elle voit et fait quoi qu’il en soit tout avec le Christ-Roi, nullement limitée par le nombre ou l’espace. Dès lors Paul Philippe concède qu’elle prie pour chaque prêtre afin que leur ministère soit fécond, elle les obtient des lumières et des forces qu’ils n’auraient pas eues sans elle et que peut-être ils n’avaient même pas demandées[12]. Marie exerce sur le prêtre un rôle spécial, un rôle qui lui est propre, en raison de sa maternité et de son union avec eux : elle apprend aux prêtres à être non seulement des pères pour les âmes, des directeurs qui les guident et des maitres qui leur enseignent la vérité, mais aussi à être des mères. Car sans doute, le prêtre pouvait apprendre de notre Seigneur ce rôle maternel, car Jésus et éminemment Père et mère des âmes.
            Par ailleurs, Marie donne aux prêtres une compassion inépuisable pour ceux qui souffrent et pour ceux qui sont faibles. C’est elle, enfin qui les enseigne à allier la simplicité de la colombe à la prudence de serpent. Pour nous tout ce qui, chez Ève, devient duplicité, est chez Marie, magnanimité et rectitude parfaites, en même temps qu’humilité supérieure. Elle sait se taire quand il faut ; elle a préféré garder silence plutôt que de se justifier devant Joseph avant l’heure de Dieu (Jn. 2, 1-11).
            Si le prêtre a besoin de la Très Sainte Vierge, en revanche elle a également besoin du prêtre. Rien donc qui puisse nous étonner en cela, puisque le Christ lui-même a voulu avoir besoin de prêtres pour continuer son action sacerdotale dans le monde, pour appliquer ainsi les fruits de la Rédemption à chaque âme. Certes, dans l’ordre actuel de la providence et sauf exception individuelle, sans les prêtres le Christ ne peut rien faire pour établir son règne dans les âmes. On ne s’étonnera pas que la Très Sainte Vierge, qui de plus en plus, n’est pas prêtre au sens sacerdotal du mot, ne puisse rien sans les prêtres. Donc elle a besoin du prêtre pour établir son règne, qui est le règne du Christ. Elle attend par le fait même que les prêtres lui donnent des âmes, qu’ils la fassent connaitre aux fideles et qu’ils leur apprennent à se livrer à elle.
            De ce qui précède, n’oublions pas que le rôle de la Très Sainte Vierge Marie dans la vie du prêtre découle de celui qu’elle tient auprès de notre Seigneur. Marie est la mère du prêtre parce qu’elle est la mère du Christ. Ce don gratuit du sacerdoce de Jésus qui fait de chrétientés prêtres, s’accomplit à la prière et sous le regard de notre mère. C’est elle qui forme les prêtres aux vertus du Christ Prêtre et qui révèle en eux l’amour infini dont ils sont aimés, comme elle forma les apôtres au Cénacle, avec une exquise discrétion et par le rayonnement de sa présence. Mais elle veut être aimée des prêtres comme elle le fut de Jésus, et elle veut s’unir à eux d’une union qui ressemble à celle qu’elle eut avec Jésus et qui continue et multiplie celle qu’il a consacrée lui-même entre elle et saint Jean.
 4. 2.  La prière de Marie pour les prêtres
            Aux prêtres, Marie, qui a réalisé en elle l’unité entre ministère et sainteté subjective, dit de façon pressante : faites de même à votre tour ! Effectivement que Marie soit la mère des prêtres, cela peut aisément en ce qui nous concerne se conclure du fait qu’elle est mère du Souverain Prêtre, puisque c’est de lui qu’ils tiennent tous leur sacerdoce. C’est donc dès l’Annonciation et par ce fiat qui a tout décidé, que la Très Vierge pure est devenue notre mère et/ou des prêtres. Mais ce n’est là qu’une maternité en germe, en puissance, pour emprunter l’expression de Phillipe Paul. En réalité, c’est à la croix, dans son union à l’action sacerdotale par excellence de Jésus, dans sa collaboration au sacrifice Rédempteur, que Marie est devenue la mère de chacun d’entre nous, car c’est alors que Jésus nous a engendrés vraiment à la vie nouvelle. C’est à ce moment que Marie a mérité, avec et dans le Christ, toutes les grâces de leur vocation et de leur vie sacerdotale. Certes, marie ne voyait pas chacune des âmes sacerdotales, mais Jésus savait et voyait, et cela suffisait, puisqu’elle lui était unie et qu’elle n’avait d’efficacité sur le cœur de Dieu que par le cœur sacré de Jésus[13].
            Paul Phillipe  estime sans doute que, ceci est vrai de tous les hommes, mais il convient de l’appliquer spécialement aux prêtres, puisqu’ils ont pour mission de travailler au salut des âmes[14]. C’est pourquoi nous disons qu’ils y sons invités par Jésus lui-même ; n’a-t-il pas, du haut de la croix, confié sa mère à l’un d’entre nous ? « Voilà ton fils » dit-il à sa mère en indiquant saint Jean : « Voilà la mère » ajouta t-il en s’adressant à l’apôtre bien aimé. Et celui-ci nous confie que, depuis cette heure là, il la prit chez lui (Jn. 20, 25-27), marquant bien ainsi le caractère très spécial de la maternité de Marie à son égard. Marie lui est vraiment confiée par notre Seigneur avant de mourir. La question que nous pouvons nous poser ici, est celle de savoir si nous ne pouvons pas voir dans ces paroles de Jésus, l’annonce de la maternité de Marie sur tous les prêtres ? Nous sommes d’avis que saint Jean tenait sans doute notre place et/ou celle des prêtres, nous aussi, les enfants de Marie, comme tous les autres apôtres. N’oublions pas surtout que les Actes des apôtres nous disent en effet, que pendant les jours qui séparèrent l’ascension de la pentecôte, les douze se tenaient au Cénacle, tous ne formant qu’une seule âme, persévérant dans la prière avec Marie, mère de Jésus (Ac. 1, 14). Toutefois, nous pouvons bien penser qu’elle répondait volontiers aux questions posées par les disciples de Jésus, mais son recueillement, à cette heure si grave, devait imposer une grande discrétion et pousser les apôtres à la prière silencieuse.
            Marie, en effet pressentait que des grâces immenses allaient descendre du ciel et transformer ces hommes encore si faibles et si pleins de vues hues en colonnes de l’Église[15]. Elle priait de toute la puissance de son cœur, elle demandait au Saint Esprit de se répandre avec abondance en chacun d’eux, et de les transformer de fond en comble, de leur donner l’Esprit de Jésus, de faire d’eux d’autres christs, des prêtres.
            C’est sûr qu’au ciel dans la vision béatifique, elle voit les prêtres et même elle agit sur eux sans que leur nombre l’entrave ; elle aime tous les prêtres et elle veille sur chacun d’eux autant que s’ils étaient seuls au monde. C’est elle qui a demandé, conjointement à Jésus, qu’ils soient prêtres ; ou plutôt pour parler en toute rigueur théologique, disons que l’amour infini a décrété dans ses desseins eternels qu’ils seront appelés au sacerdoce en vertu des mérites du Christ et de ceux de sa mère, en réponse à leur commune prière. C’est elle qui encore maintenant, demande sans cesse toutes les grâces dont les prêtres ont besoin pour persévérer dans l’amour du Christ et des âmes, pour marcher dans la voie étroite de la perfection, souvent si contraire à leurs inclinations, pour exercer avec zèle leur ministère, pour célébrer chaque messe avec plus de ferveur que la précédente[16].  C’est elle, enfin, qui pria pour les prêtres et qui les assistera à l’heure de leur mort.
 4. 3.  La grandeur du sacerdoce et le respect de Marie pour les prêtres
            Si Marie prie toujours pour les prêtres, c’est parce qu’elle sait mieux qu’eux ce qu’est ce sacerdoce qui est imprimé dans leur âme. A l’ordination le prêtre est d’office marqué au sacerdoce même du Christ. Il reçoit par le fait même le caractère du sacrement de l’ordre qui lui a conféré un pouvoir spirituel. C’est le pouvoir permanent indélébile de faire de ce que faisait le Christ comme Prêtre ; rendre le Fils de Dieu présent sur l’autel, offrir au Père le sacrifice même du Christ d’une manière sacramentelle, donner aux hommes le corps et le sang du Christ en nourriture, réconcilier les pécheurs avec Dieu, enseigner les vérités éternelles, etc.[17]Autrement dit, le caractère sacerdotal donne aux prêtres le pouvoir d’être des médiateurs entre Dieu et les hommes. C’est pourquoi d’ailleurs Saint Thomas fait sien le souci des prêtres en leur rappelant leur grandeur : « Le prêtre doit être un intermédiaire entre l’homme et Dieu. Par la faveur de sa prière, il doit toucher Dieu comme l’un des extrêmes, et par la miséricorde et la compassion, il doit toucher l’autre extrême, à savoir l’homme »[18].
            Le prêtre dispose de deux actes, l’un qui est principal et qui concerne le corps réel du Christ et l’autre qui concerne le corps mystique. D’où les prêtres peuvent user de ce pouvoir comme ils veulent, célébrer la messe à l’heure qu’ils choisissent, refuser le pardon aux âmes qu’ils ne jugent pas prêtes à le recevoir, hélas ils peuvent abuser de pouvoir en crucifiant à nouveau le Fils de Dieu (He. 6, 6) et en perdant les âmes qui les sont confiés. Mais ce pouvoir sacerdotal n’est qu’un pouvoir instrumental. Les prêtres n’agissent pas seulement au nom du Christ comme un ambassadeur chargé de plusieurs pouvoirs, mais ils agissent sous la motion actuelle du Christ. Il n’y a en effet qu’un prêtre, nous dit Saint Paul (1Tm. 2, 5). Les prêtres ne sont qu’en lui et par lui. Si par l’impossible, le Christ cessait d’être Prêtre au ciel, immédiatement tous les prêtres de la terre redeviendraient des hommes comme les autres. C’est pourquoi lors de l’ordination l’évêque ne transmet son sacerdoce, comme le pontife de l’ancienne loi ; et quand les prêtres exercent leur ministère, ils ne donnent pas de leurs mérites, mais ils communiquent la grâce même du Christ. Les prêtres sont donc rendus participants et, en quelque sorte, sacramentellement identifiés à l’être même du Christ Prêtre, par le seul fait qu’ils sont prêtres et indépendamment de leur sainteté ou de leur misère personnelle.
            Néanmoins toute cette grandeur du sacerdoce, ce pouvoir formidable qui fait trembler les démons et que reconnaissent les anges, comme le dit Saint Cyrille de Jérusalem, tout ce que les prêtres essayent de deviner un peu mais qu’ils comprennent si mal, Marie, elle, le sait et le voit dans la lumière du Christ Prêtre. Cependant, ce pouvoir n’est qu’un pouvoir ministériel, car ces âmes, en définitive, ne leurs appartiennent pas. Elles sont au Christ, à Dieu, et les prêtres ne sont que des serviteurs inutiles, des instruments par eux-mêmes très limités et très faibles, mais forts par lui (1Co. 3, 9). Aussi, les prêtres doivent avoir un immense respect des âmes, ne pas les accaparer, ne pas leur imposer leur façon de voir, ne pas abuser de leur pouvoir, mais ils doivent chercher plutôt à discerner les intentions du Grand Prêtre, Jésus Crist sur chacune d’elles et les conduire selon les vouloirs de Dieu.
La Très Sainte Vierge Marie les voit comme son prolongement, elle contemple en eux le sacerdoce de son Fils bien aimé. Et alors, quelles que soient leurs misères personnelles, elle a pour chacun d’entre eux une vraie vénération. Pour Marie, un prêtre est toujours un prêtre, une image vivante de son Fils et, si cette image est défigurée par le péché, elle n’en a qu’un désir plus ardent de lui rendre la ressemblance avec le Christ, car elle voit dans la vision de Dieu.


 4. 4.  Le dévouement  de Marie pour la sanctification des prêtres
            Notons que la grâce sacerdotale est le principe de l’union du prêtre avec le Christ-Prêtre ; elle lui donne de vivre en prêtre. Ainsi par le caractère, il est le Christ, instrument du moins ; il est un autre. Par la grâce sacerdotale, il vit en autre Christ. Ce n’est plus moi qui vis, nous dit Saint Paul, c’est le Christ qui vit en moi (Ga. 2, 10). Par ailleurs, Jésus est dans son prêtre et le fait vivre de sa propre vie sacerdotale[19]. C’est-à-dire, les prêtres ne sont plus des simples serviteurs, ils sont ses amis. Ils y sont spécialement invités par  Jésus, puisque ce sont ses premiers prêtres qu’il a appelés ses amis (Jn. 15, 15).
            En effet, cette intimité n’est pas un privilège réservé aux seuls prêtres. Toutefois, tout chrétien en état de grâce peut aspirer à une pareille union avec Jésus, puisqu’il possède la charité, cette vertu qui crée entre l’homme et Dieu une véritable amitié à notre avis. Disons même qu’il y a des laïcs qui parviennent à un degré d’intimité avec Dieu, supérieur à celui de bien des prêtres. Cependant en recevant l’onction sacerdotale, le prêtre ne cesse pas d’être un chrétien et lui aussi est capable, à ce titre de vivre dans l’amitié de Jésus.
            Marie a pour le caractère sacerdotal un respect et une vénération immenses avions-nous dit. Elle a une soif ardente de trouver en leurs âmes le Christ lui-même, de voir, de voir la grâce sacerdotale fructifier au centuple dans leurs vie de prêtres. Pour le bien heureux Grignion de Montfort, Marie leurs veut des prêtres tout de feu, des apôtres ardents dans l’amour infini des cœurs vivant du Christ son Fils. Marie apporte sur les prêtres l’amour maternel qu’elle avait pour Saint Jean et le zèle dont elle brûlait pour sa sanctification. Marie les aime, chacun en particulier avec une tendresse et une sollicitude indicibles, en sorte qu’ils puissent, en toute vérité, l’appeler leur mère, comme Jésus sans doute le faisait ici-bas. Nous pensons que si vraiment nous voulons être de vrais prêtres selon le cœur de Jésus, il faut que les candidats prêtres et/ou les prêtres doivent être  plus que les fideles les plus fervents, des fils de Marie. 
Quoiqu’il en soit, nous sommes tous ; prêtres et laïcs les enfants de Marie, toutes les grâces qui nous viennent de Dieu passent par son  cœur Immaculé, en même temps que par le cœur Sacré de Jésus. D’où, nous ne seront pas à notre avis d’autres Christ si nous ne sommes pas des enfants de la Vierge Marie. Voila pourquoi l’abandon total à Marie semble être urgent, l’abandon au bon plaisir de Marie dans tous les événements de notre vie est le plus sûr moyen pour apprendre à pratiquer l’abandon à la volonté de notre Père qui est aux cieux. Si nous nous sommes vraiment donnés à Marie, si nous lui confions le soin de notre sanctification, nous pouvons être sûrs qu’elle nous formera dans la pratique des vertus sacerdotales avec le zèle immense. Marie est vraiment la mère du prêtre et son modèle dans la croissance de la charité.
 4. 5.  De l’union du prêtre avec Marie
            Puisque nous admettons que  continue  et reproduit à l’autel le sacerdoce du Christ dans son acte principal, il faut que l’union mariale au sacrifice de Jésus se continue et se reproduise, elle aussi. Sans doute, cette union du prêtre avec Marie peut ne pas être consciente, tout comme le prêtre peut être distrait en consacrant l’hostie ou le calice sans que la consécration soit rendue invalide, car Jésus, lui n’est jamais distraite. Et, de même au ciel Marie n’oublie jamais de s’unir au prêtre qui représente le Christ et d’offrir avec lui le sacrifice au Père, comme ici-bas, elle s’est unie à Jésus pour offrir avec lui le sacrifice de la croix. Le prêtre communie donc aux sentiments de Jésus crucifié, il fait sien l’amour du Christ pour Marie et il accueille l’amour de Marie pour le Christ qui est en lui[20]. Et ainsi, à l’autel, le prêtre reçoit lui-même l’aide que celui qu’il représente a reçu à la croix, l’assistance bénie de Marie. Comme Jésus a voulu avoir besoin d’elle au calvaire, ainsi, le prêtre a vraiment besoin de cette présence sainte chaque jour à la messe, présence invisible mais combien efficace sur son pauvre cœur d’homme.

Conclusion
            A la communion, le prêtre a plus particulièrement encore besoin de la Très sainte Vierge Marie, non pas pour être le Christ puisque c’est par le caractère sacerdotal qu’il est marqué au sacerdoce de Jésus, mais pour profiter lui-même d’une telle grâce d’identification au Christ. Elle lui enseigne à s’unir à la victime sainte du calvaire, en conformité à l’hostie de son sacrifice. Toutefois, tout nous vient par Marie ; puisqu’elle est médiatrice de toutes les grâces.
            Une véritable union d’amour s’établit, en effet, entre Marie et le prêtre, une amitié toute spirituelle, toute divine même. C’est Dieu qui est le lien de leurs cœurs ; c’est en lui qu’ils s’aiment et en lui seul, car l’amour qui unit Marie au prêtre et, le prêtre à Marie est un amour de charité, et il n’est que cela. Cependant, cette union revêt des modalités différentes selon qu’elle est réalisée par des simples fideles ou par des prêtres. Pour des laïcs, en effet, elle consiste à s’identifier tellement à Vierge Marie par l’imitation de ses vertus, et à entrer si profondément dans sa propre vie intérieure par les intuitions de l’amour, qu’ils en arrivent à revivre, en quelque sorte, et à continuer à travers les siècles l’union de mariale avec Jésus. Mais lorsqu’il s’agit du prêtre, la perspective change. Le caractère de l’ordre a marqué son être au sacerdoce du Christ et lui a donné le pouvoir  de reproduire les actions mêmes du souverain Prêtre, en outre, la grâce sacerdotale lui permet de vivre en prêtre, en autre Christ.
            Lorsqu’un prêtre a compris cela, sa vie en est toute transformée. Et, dans les heures d’isolement ou peut être de tentation, il voit en elle la confidente sûre dont son cœur humain sent la nécessité ; le cœur Immaculé de Marie est ce cœur complémentaire dont le prêtre a besoin afin qu’il ne soit pas seul (Gn. 2, 18). Certes, la charité établit entre Marie et lui est une véritable amitié pour qu’il comprenne tout ce que cela comporte d’intimité avec elle, dans et par le Christ ; cette charité, c’est celle qui brûlait dans le cœur de notre Seigneur pour la Vierge Marie et que le prêtre fait sienne pour continuer ici-bas cette amitié sainte.




[1] Cf. René LAURENTIN, Court Traité de Théologie Mariale, Paris, éd., P. Letheilleux, 1953, p. 17.
[2] Lumen Gentium n° 54.
[3] Cf. René LAURENTIN, Marie l’Église et le sacerdoce II, op.cit. p. 47.
[4] H.SELLER et P. STRAETER (De modalitate corredemptionis, dans Gregorianum 28, 1947, p. 302) citent en tête d’une liste d’auteurs défendant la coopération formelle de Marie au sacrifice du Christ un texte de QUODVULTDEUS + 453) dont on doit l’édition à Dom A. WILMART (Rev. Bénédictine 42 (1930) pp. 5-18). Marie, aux noces de Cana, aspire au jour où le raisin-Christ sera pressé pour la Rédemption du monde. Ce n’est point encore l’idée d’oblation.
[5] S. sur la Prés. PG LXXVII, cité par René LAURENTIN, op.cit, p. 48.
[6] Cf. René LAURENTIN, op.cit, p. 62.
[7] Ibid., p.66.
[8] Ibid., p. 67.
[9] Ibid.
[10] Ibid. p. 238.
[11] Ibid. p. 577.
[12] Ibid. p. 97.
[13] Ibid. p. 24.
[14] Ibid.
[15] Ibid.
[16] Ibid., p. 25.
[17] LUYEYE LUBOLOKO François, Les sacrements dans l’Église Catholique, Kinshasa, éd.,     Médiaspaul, pp. 35-38.
[18] S. THOMAS, « Sacerdos debet esse medius inter hominem et Deum, cum per devotionem orationis debet tangere Deum tanquam unum extremum, sic per misericordiam et compassionem debet tangere alterum extremum scilicet hominem », In Ep. Ad Hebr., V, lect. 1.
[19] Ibid. p. 31.
[20] Ibid., p. 63.