dimanche 1 juin 2014

Abbé Alphonse NGINDU Mushete qui s’intitule : Pertinence et originalité de la théologie politique en Afrique subsaharienne. Un requestionnement.

Notre investigation consiste à analyser ensuite résumer l’article du Professeur ordinaire Abbé Alphonse NGINDU Mushete qui s’intitule : Pertinence et originalité de la théologie politique en Afrique subsaharienne. Un requestionnement. Cet article est publié dans les Actes de quatorzièmes journées scientifiques de l’Université Saint Augustin de Kinshasa du 15 au 18 décembre 2010 avec comme thème : Politique et Morale. Enjeux et Stratégies pour une Afrique nouvelle. Il sied d’indiquer que ce travail s’inscrit dans le cadre de l’approfondissement de notre cours de  Théologie Africaine, dispensé par l’éminent Professeur Docteur, l’auteur même de cet article. A travers ce travail pratique nous voulons bien saisir la pensée de notre auteur telle qu’elle est exprimée à travers cet article.
En effet, la grande Révolution théologique du XXe siècle comme l’auteur de cet article le souligne a pour noms : Théologie politique, Théologie de l’Esperance, Théologie sociale, Théologie de la Création, Théologie de la Culture ou de l’Inculturation, Théologie de Reconstruction, Théologie de la Paix, Théologie de la Solidarité et de la Paix ou Théologie de la Promotion humaine, ou de la Libération. Ces expressions sont courantes en Afrique, en Asie, en Amérique Latine mais aussi parmi les minorités noires aux Etats-Unis.
Pour mener à bien cette étude scientifique, nous voulons signifier avec les mots de notre auteur que toute théologie est historiquement située, socialement déterminée, culturellement et épistémologiquement définie. Notre travail sera subdivisé en cinq parties hormis l’introduction et la conclusion. Dans la première partie nous allons présenter l’apport des sciences humaines dans le domaine de la théologie africaine, ensuite, présenter l’analyse marxiste qui sera suivie par les caractéristiques des théologies africaines de Libération : poids de l’histoire sur la Race Noire. La quatrième partie sera consacrée sur le langage théologique : la pauvreté anthropologique et structurelle, le langage théologique et l’appel des béatitudes et enfin, la cinquième partie sera focalisée autour de  la Recommandation sur le rôle des Laïcs.
I. L’apport des sciences humaines : Une question de fond
Jadis les sciences dites humaines et sociales étaient regardée d’un mauvais œil par les théologiens. Aujourd’hui, l’on est presque unanime et convaincu que ces sciences constituent un instrument d’analyse indispensable pour le théologien africain que nous sommes. Pour le théologien, ces sciences nous aident à bien présenter non seulement  la Culture africaine, son anthropologie et sa cosmologie mais aussi nous aident à aborder valablement le contexte de vie des sociétés africaines. Cette exigence est reconnue même devant les institutions de formation théologique. D’où l’insertion des certains cours comme : Philosophie, histoire, géographie, sociologie, art, psychologie, psychanalyse, etc. Bref, sans une bonne base en sciences humaines, la théologie Africaine est désarmée devant l’analyse complexe de la société africaine ainsi que de son environnement spatio-temporel. Actuellement grâce à l’apport des  sciences humaines, l’on est convaincu que l’approche de la Vérité passe par des voies innombrables, autres que la logique aristotélico-thomiste ou la dialectique hégélienne.
En effet, comme dit l’auteur de cet article, « le contexte africain est un univers complexe, profondément enraciné dans son passé, tragiquement écartelé dans son présent et vertigineusement tendu vers son passé ».
Ceci veut dire que si l’on doit chercher à approfondir une réalité africaine, celle-ci doit être considérée dans sa totalité en évitant de ne rien sacrifier dans ses aspects même les plus minimes. Il est vrai que la nouvelle génération africaine face à son propre univers, est souvent désorientée car tournée vers l’Occident. Dans l’approche du contexte africain, du point de vue théologique, il est important de s’arrêter sur l’analyse marxiste ; ainsi la problématique des sciences humaines dans le discours théologique africain peut se trouver éclairée.
2. Analyse marxiste
            En effet, la théologie africaine fait partie des théologies du Tiers-Monde. Ces théologies dites « contextuelles » partent de l’analyse du monde de vie selon JM. Ela. La théologie africaine a souvent été taxée d’employer l’analyse marxiste chose au vue de notre auteur qu’on ne peut pas acceptée car cela n’est vrai que pour les théologies latino-américaines car cette analyse s’applique à la société bourgeoise et capitaliste de l’Occident, société à laquelle appartiennent les protagonistes de la théologie de libération.
            En fait, les théologiens africains insistent beaucoup sur le dilemme aliénation ou annihilation culturelle. Les catégories de l’aliénation marxiste s’appliquent imparfaitement à la société et à l’homme africain. Les peuples africains, à travers la traite négrière, l’esclavage, la domination coloniale et le racisme institutionnalisé ont été réduits à une situation sans commune mesure avec les classes prolétaires les plus exploitées des autres continents. Il est important de signifier que pour l’Afrique le concept d’aliénation ne rend pas compte de cette situation. Le concept qui pourrait être utilisé est celui d’annihilation pour essayer de cerner ce qui a été réellement la visée de la domination et de l’exploitation de l’Afrique. Il est important de dire que l’Afrique avait été niée dans son identité d’hommes et de cultures. Point n’est besoin de rappeler ici. Sinon la littérature anticolonialisme et anti-impérialisme est assez abondante. Ces situations que nous venons à peine d’évoquer à savoir : le colonialisme, l’esclavagisme, la traite négrière et autres sont actuellement encore visible sur le continent mais sous autres formes. L’Occident se montre toujours comme modèle pour l’Afrique, elle pense avoir à proposer à ce continent. Certes, un défi  est lancé à nous la jeune génération africaine face à cette situation de négligence, de paternalisme et de donneur des leçons de la part de l’occident.
3. Les caractéristiques des théologies africaines de libération :
                  Poids de l’Histoire      sur la Race Noire.
Comme nous l’avons signifié, les théologies du Tiers Monde sont souvent désignées comme des Théologies de Libération. Certes, il est important de spécifier ce qui spécifie les Théologies latino-américaine de Libération. Ces dernières sont récentes, elles sont nées vers les années 1960 et elles procèdent de deux sources. La première est la triple réaction contre de décollage économique, contre la domination du capitalisme et de l’impérialisme nord-américain qui engendrent le cercle vicieux du sous-développement et enfin contre l’impérialisme et l’arrogance des écoles théologiques occidentales totalement étrangères  aux réalités latino-américaine. La deuxième source est la lecture latino-américaine de la bible, et particulièrement de l’Evangile, dans les perspectives de le Libération.
En effet, contrairement à la théologie de Libération de l’Amérique latine, les théologies de libération africaines sont très anciennes. La plupart ont donnée naissance à ce que l’on appelle les  Eglises Indépendantes. En Afrique du sud, nous avons la fondation des Eglises Ethiopiennes, au Congo- Kinshasa comme au Brazzaville nous avons eu les Kimbanguismes et les Mutsutanisme voient le jour après la Première Guerre mondiale. Bref, un peu partout en Afrique de nouvelles sectes n’ont cessé de se multiplié. Pour désigner les mouvements qui ont donné naissances aux Eglises indépendantes africaines, les auteurs emploient les termes comme les Messianismes, les Prophétismes, les Millénaristes etc. Tous ces mouvements en effet, recouvrent une même réalité qui est l’effort de Libération et la recherche du salut des  peuples qui se sentent en danger de perdition.
En suite la problématique de la libération est une exigence réelle de l’Afrique d’hier et d’aujourd’hui. Elle se pose comme une réaction contre le racisme et l’apartheid sud-africains. Il est important de signifier que ce système qui se réclame de la bible constitue la négation même de l’Evangile. Fort malheureusement Les Eglises officielles ont pu s’accommoder à ce système. C’est important de faire savoir que les messianismes et les Eglises indépendantes en Afrique du sud  ne constituent pas le sous-produit d’une mentalité nègre sorcelleresque, capable seulement de syncrétismes grossiers. Il s’agit, au contraire, d’une lecture et d’une praxis africaines de l’Evangile, les seules possibles à des hommes bafoués, opprimés par les Occident qui se croyaient peuple élu. Ceci constitue à notre avis un défi pour le Christianisme, une interpellation adressée aux Eglises qui ont prophétisaient de ne pas trahir l’Evangile dans n’importe quelle circonstance.  Certes, l’expérience sud-africaine continue aujourd’hui sous des formes sans doute subtiles.
Comme on le voit bien, le contexte latino-américain est différent de celle de l’Afrique. En effet, en Afrique ce sont des masses des opprimés qui poussent leur clameur vers Dieu alors qu’En Amérique latine, le porte-parole de la théologie de Libération ne sont pas les autochtones moins encore les anciens esclaves noirs mais plutôt une élite intellectuelle issue des Occidentaux de la Diaspora.
En effet, comme l’affirme l’auteur de cet article, la problématique de la société africaine de la Libération se pose, en second lieu, en réaction contre la situation coloniale. C’est justement le cas des Eglises indépendantes et des sectes dans les anciennes colonies. La colonisation se présente en fait comme un système de domination politique, économique et culturelle. Dans un tel système, la réflexion théologique est inséparable d’une remise en question politique. Elle est une réaction contre toute entreprise d’annihilation culturelle des valeurs africaines.
En outre, la dimension politique de la théologie africaine peut se définir comme un effort de Libération de l’homme opprimé par les systèmes de domination. Cette dimension continue même après la colonisation, à l’intérieur  des systèmes politiques de l’Afrique indépendante. La mission prophétique de la théologie continue la mission prophétique de l’Evangile. Il est à noter que cette observation est d’une importance capitale par le fait que le système de paupérisation a été et demeure encore un affront plus grave porté contre l’Homme africain.
En effet, par la colonisation, la traite de l’homme noir, l’esclavagisme et autres, l’Africains a été nié non seulement à travers sa langue, son art méconnus et détruits mais aussi ses sociétés  avec leurs institutions politiques, économiques et culturelles. Ainsi donc, sauver l’Homme africain, c’est d’abord le tirer de son anéantissement culturel. La crédibilité même de l’Evangile est à ce prix. Et l’une des valeurs africaines que le Christianisme doit sauver c’est l’art africain[1]. En effet, l’Evangélisation de la Culture africaine doit veiller à ce que l’art africain puisse devenir un nouveau langage de créativité du peuple chrétien africain. On ne peut que se réjouir quand on constate le progrès en liturgie qui tient compte de l’africain.

4. Le langage théologique
a). La pauvreté anthropologique et structurelle.
            En effet, le concept « pauvreté » est beaucoup employé dans l’Eglise à partir du Vatican II. Certes, il n’a pas la même signification partout. Pour les théologiens africains le pauvre est celui qui ne possède pas les valeurs reconnues par la société en place, telle que l’honneur au Moyen-âge, l’argent de la société capitaliste, la technologie dans la société de demain. La pauvreté de la société africaine est liée au sous-développement que le continent connait. Mais aussi cette pauvreté se justifie d’autre part par la volonté expresse du colonisateur qui à travers son système politique, économique et  social mis sur pied n’a pas tenu compte des facteurs de développement. Cette approche de la pauvreté peut s’appliquer également en Amérique-latine. Là, la pauvreté se pose en termes de possession et non d’être. Dans un tel contexte, la lutte contre la pauvreté rejoint la lutte des classes. Comme nous venons de l’affirmer, la pauvreté latino-américaine peut s’exprimer en termes de possession et de non-possession ; celle de l’Afrique il faut le dire va plus loin. Elle s’exprime en termes d’être et de non être. En d’autres mots, la pauvreté que subit la société africaine n’est pas seulement le fruit du sous-développement structurel, elle est aussi et profondément comme l’auteur  l’affirme le résultat de processus d’annihilation que nous avons évoqué. Donc, la pauvreté pour l’homme d’Afrique et d’aujourd’hui, est d’abord au-delà du sous-développement, la négation de l’humanité négro-africaine par les forces d’oppression.[2]
En fait, l’homme africain a été dépouillé de son être, il a même été nié jusque dans sa propre culture par les forces d’oppressions. Ce qui est encore dure, l’éducation coloniale ne l’a pas vidé dans sa substance, elle lui a appris à se nier  et à se détruire lui-même. L’africain s’est donc trouvé étranger chez lui. Comme le souligne Fabien Eboussi Boulaga, la négation de l’homme africain avait atteint les racines éthiques et intellectuelles, ses facultés de créativité, son sens de l’histoire.

b). Le langage théologique et l’appel des béatitudes
En effet, le pauvre de la bible, est présenté comme un homme faible, chétif, sans ressources et sans appui humains. Il se reconnait pécheur et implore le secours de Dieu pour sa libération de son état de péché et de misère. Le pauvre dans ce contexte ici ne s’installe ni dans le péché moins encore dans la misère. Bien au contraire, c’est parce qu’il refuse qu’il s’adresse à Dieu. Les béatitudes pour notre auteur ne sont ni une canonisation, ni une institutionnalisation de la misère plutôt une mobilisation, un message d’espérance et de Libération pour les pauvres de Dieu.
En outre, grâce  à une lecture africaine des Saintes Ecritures le thème Libération, l’africain parvient à conclure que le Message du salut n’est pas seulement un refus et une condamnation de la paupérisation anthropologique mais encore un vaste programme de restauration de l’humanité à la suite du Christ. En fait, l’appel des béatitudes s’adresse aujourd’hui de façon particulière aux Eglises d’Afrique, terre des pauvres, du mépris de l’homme mais aussi terre de Vie et d’Espérance où l’Evangile annonce la restauration de l’Homme nouveau. L’humanité en siècle de l’épouvante et de la mort a plus besoin d’un Message de Survie et de l’Espérance. Voilà donc la signification profonde et peu remarquée de  la théologie africaine de Libération. En bref, il est question de libérer l’Eglise du Christ de la « captivité babylonienne », et cette libération  concerne les pauvres, les faibles, les opprimés, politiquement, économiquement, religieusement. Certes, nous savons théologiquement, que la libération est avant d’abord et avant tout Libération des enfants de Dieu que nous sommes, du péché et de l’oppression du Malin. Libération est aussi Libération de l’Evangile, prisonnier, des millénaires, des puissances de ce monde, qui, de message du Salut  et de Libération, en ont fait un outil de domination et d’oppression.
En suite, la théologie africaine de Libération se présente comme une réforme spirituelle des individus ainsi que des communautés à tous les niveaux, sur la base des Béatitudes. Cette réforme se présente sous une forme de remise en question en tout premier lieu, de l’Humanité moderne en tant qu’elle est divisée sur tous les plans : politique, économique, sociale, culturelle et religieux. Elle soumet ensuite à la critique les anthropologies modernes, dites capitalistes ou socialistes, parce qu’elles sont fondées sur la division du genre humain et la lutte pour le pouvoir et la domination. La théologie de libération est en aussi une remise en question du Christianisme venu dans les pays du nord en tant qu’il est divisé et ferment de division. Pour notre auteur, l’Evangile doit être libéré de ses captivités historiques, et tous les hommes sans distinction de race, de couleur, de race, de pays, de culture, d’origine doivent se mettre en jugement devant Dieu  et y trouver la Bonne nouvelle du Salut et de la Libération.
5. Recommandation sur le rôle des Laïcs
La fonction de la Promotion de l’homme est un devoir de tout chrétien. Les laïcs en effet, trouvent à travers cette tache le domaine le plus crucial et le plus enthousiasmant de leur participation à la vocation à la mission de l’Eglise. Dans ce domaine précis, il est important de souligner que le rôle des laïcs est irremplaçable.
Tel est l’enseignement de l’Eglise à travers le Concile Vatican II : «  Les chrétiens venus de tous les pays, et rassemblés dans l’Eglise, ne se distinguent des autres hommes, ni par leur pays ni par leur langue, ni par leur faconde se comporter dans la cité, aussi, doivent-ils vivre pour Dieu et le Christ selon les usages et le comportement de leur pays, pour cultiver vraiment et efficacement en bons citoyens, l’amour de la patrie, pour éviter cependant de manière absolue le mépris à l’égard des races étrangères, le nationalisme exacerbé, et promouvoir l’Amour universel des hommes … Dans l’obtention de ces résultats, ont une très grande importance et sont digne d’un intérêt particulier, les Laïcs autrement dit, ces chrétiens qui, incorporés par le baptême, vivent dans le monde. C’est leur rôle propre quand ils sont pénétrés de l’Esprit du Christ, d’animer de l’intérieur, à la façon d’un ferment, les réalités temporelles et les disposer pour qu’elles soient toujours selon le Christ ».
Nous voici au terme de notre investigation où il a été question de résumer l’article Pertinence et originalité de la théologie politique en Afrique subsaharienne. Un requestionnement. Cet article est publié dans les Actes de quatorzièmes journées scientifiques de l’Université Saint Augustin de Kinshasa du 15 au 18 décembre 2010 avec comme thème : Politique et Morale. Enjeux et Stratégies pour une Afrique nouvelle. Il est maintenant temps de justifier le choix  de l’ouvrage, de l’auteur et si il y éventuellement les difficultés rencontrés. Il est nécessaire de dire que le choix de ce sujet provient d’une inquiétude si pas d’un doute nous avons manifesté depuis longtemps. En effet, nous étions perplexe sur ce qu’est la Théologie Africaine ainsi que son contenu. C’est sur ce fond que nous nous sommes permis d’étudier cet article pour bien comprendre la pertinence, mieux l’intelligence et l’originalité de cette théologie. Après avoir rencontré le Professeur Alphonse NGINDU Mushiete à travers, ces conférences, ses livres, ses explications données au cours, nous sommes sure que toute notre inquiétude a été éclairée. Nous avons porté le choix sur l’article du Professeur Alphonse NGINDU car, d’aucuns n’ignore que ce dernier fait partie des défenseurs acharnés de la Théologie Africaine. Il est parmi les pionniers qui ont travaillé pour que la théologie Africaine puisse être reconnue et enseignée. Il est parmi les chercheurs qui font avancer cette science. Nombreux de ses ouvrages et articles en témoignent.


           




1.       E. MVENG, L’art d’Africain noire. Liturgie cosmique et langage religieux, in bulletin de Théologie Africain, 1979, vol.1, p.99-102.
2.       Sur la problématique africaine de la pauvreté. Cfr E. MVENG et J-M. ELA : Eglise et Solidarité des pauvres en Afrique.

Le prix de la grâce selon Dietrich BONHOEFFER

Notre investigation consiste à résumer une partie du livre « le prix de la grâce » dont l’auteur est Dietrich BONHOEFFER. Cette partie s’intitule « la grâce qui coute ». Il est important de signifier que Bonhoeffer fut un théologien allemand riche de promesses et de dons, mais aussi un homme d’exception. Opposé au nazisme, il fut impliqué dans un complot contre Hitler et mis à mort en Avril 1945 à l’âge de 39 ans. Martyr, témoin, prophète et précurseur, il reste l’une des grandes voix de l’Eglise aujourd’hui. Dans cet ouvrage, il développe un cheminement étroit  et rude sur la ligne des crêtes où « l’essentiel est de régler ses pas sur ceux de Dieu »[1]. En fait, la grâce est un don, une faveur  que l’homme reçoit de la part de Dieu. Cependant, cette faveur réclame une réponse libre de la part de la personne humaine. La grâce divine fait appel à l’obéissance de la part de l’homme, cette grâce coute chère puisqu’il elle a coutée cher à  Dieu.
En effet, avec l’extension du christianisme et la sécularisation croissante de l’Eglise, la notion de la grâce qui coute se perdit de façon graduelle. La vie chrétienne est confrontée à un relativisme. Avec la mondialisation, tout semble être permis. En fait, les vices d’alors sont entrain de s’ériger en vertu ; nous pensons à l’homosexualité, pédophilie, relativisme dans la vie spirituelle, le syncrétisme religieux, la superstition etc. Avec toutes ces anti-valeurs qui menacent la vie chrétienne, la grâce divine est devenue comme un bien commun d’un monde chrétien. On peut l’avoir à bon marché, à vil prix, bref, sans aucun effort.  
1. La grâce à bon marché
            En fait, la grâce à bon marché est comprise par notre auteur comme étant une marchandise à liquider, quelque chose à vendre, l’auteur la nomme comme «  le pardon au rabais, consolation au rabais, le sacrement au rabais ; la grâce est servant  de magasin  intarissable à l’Eglise, où des mains inconsidérées puisent pour distribuer  sans hésitation ni limite ; la grâce non tarifié, la grâce qui ne coute rien»[2]. Cette grâce est acquise gratuitement. Non seulement cette grâce s’obtient sans aucun effort, mais elle se conçoit aussi comme le pardon des péchés. La grâce est envisagée ici en tant que doctrine, en tant que principe, système ; c’est le pardon des péchés  considéré comme une vérité universelle. C’est l’amour de Dieu pris comme une idée chrétienne de Dieu. L’affirmer, c’est posséder  déjà le pardon des péchés. 
            L’Eglise qui prône cette doctrine est dorés et déjà, par elle, participante de la grâce. Dans cette Eglise, le monde y trouve un voile pour couvrir ses péchés, lesquels, il ne se repent pas et dont il ne désire pas se libérer. La grâce à bon marché est la négation de la Parole vivante de Dieu, celle qui invite à la conversion en vue du royaume. Cette grâce se présente comme étant la justification du péché et non du pécheur puisque la grâce fait tout toute seule, tout n’a qu’à rester comme auparavant, «  toutes nos œuvres sont vaines ; le monde reste monde et nous, nous demeurons pécheurs même avec la vie la meilleure »[3].
La grâce à bon marché est cette grâce que l’on obtient par soi-même. La  justification du péché est mise en exergue que la justification du pécheur repentant. Elle est la prédication du pardon sans repentance, le baptême sans discipline ecclésiastique, c’est la sainte cène sans confession des péchés, c’est l’absolution sans confession personnelle. Cette grâce ne se fait pas accompagner par l’obéissance, elle est une grâce sans la croix, la grâce où  l’abstraction est faite de Jésus-Christ vivant et incarné.
            Par contre, la grâce qui coute est conçue comme le trésor caché dans le champ, la perle de grand prix, le royaume du Christ. A cause d’elle, on va et vend tout ce qu’on a, on n’abandonne tout ces biens pour l’accueillir. Elle est l’Evangile qu’il faut toujours chercher de nouveau, le don pour lequel il faut prier, la porte par laquelle il faut frapper. Elle coute puisqu’elle fait appel à l’obéissance ; elle est aussi grâce parce qu’elle appelle à l’obéissance de Jésus-Christ ; elle coute car elle est pour l’homme au prix de sa vie ; elle coute parce qu’elle condamne les péchés ; elle est grâce parce qu’elle justifie le pécheur. La grâce coute cher d’abord puisqu’elle a couté cher à Dieu, elle a couté à Dieu la vie de son fils[4]. La grâce qui coute c’est la grâce en tant qu’elle est le sanctuaire de Dieu qu’il faut protéger du monde; aussi est-elle grâce en tant que Parole vivante, Parole de Dieu qu’il prononce lui-même comme il lui plait. Cette parole nous atteint sous la forme d’un appel miséricordieux à suivre le Jésus sur la voie de l’obéissance, elle se présente à l’esprit angoissé et au cœur abattu sous la forme d’une parole du pardon. La grâce coute cher car elle contraint l’homme à se soumettre au joug de l’obéissance de Jésus- Christ[5].
Dans partie suivante nous allons essayer de voir comment l’Eglise malgré la pression venant  du monde a pu conserver la notion de la grâce qui coute. Aussi, nous essayerons de montrer que dans la même Eglise, certains des pasteurs au cours de son histoire ont failli quelque peu à leur mission en annonçant  la grâce à bon marché, au lieu d’annoncer la grâce qui coute, à travers différentes pratiques comme la simonie. D’où certaines exhortations à la conversion et à la réforme comme celui de son fils prêtre Martin Luther qui par la suite va déchoir de même plus bas en prônant aussi la grâce à bon marché.
En effet, l’Eglise à travers le monachisme conserva la notion de la grâce qui coute, celle qui implique l’obéissance. En fait, des hommes et des femmes pour l’amour du Christ quittaient tout ce qu’ils avaient et se forçaient d’obéir dans une pratique quotidienne aux sévères commandements de Jésus-Christ, de sorte que la vie monacale devient une vivante protestation à l’endroit de la sécularisation du christianisme et de la grâce à prix réduit. Cependant, l’Eglise en supportant cette protestation, en ne la laissant pas se développer jusqu’à son éclat final, elle l’a relativisée ; bien plus, elle en a même dès lors tiré la justification de sa propre vie sécularisée ; car, désormais, la vie monacale se trouva être la prouesse isolée des quelques-uns, prouesse  à laquelle il n’était pas question d’astreindre la masse du peuple de l’Eglise. Le monachisme commettra donc l’erreur, celle de ne pas suivre l’itinéraire de la grâce dans une stricte obéissance. « Il s’est bien plutôt éloigné fondamentalement de ce qui est chrétien en laissant son itinéraire devenir la prouesse isolée et facultative de quelques-uns et, ce faisant, en revendiquant pour cet itinéraire un caractère méritoire particulier »[6]. C’est ainsi que Dieu lors de la réforme réveilla par le canal de son serviteur Martin Luther, l’Evangile de la pure grâce qui coute. Luther dut quitter le couvent et rentrer dans le monde, non que le monde fût en soi bon et sain, mais le couvent n’était rien d’autre que le monde.
En effet, dans le monachisme, l’humble entreprise de l’obéissance était devenue une œuvre méritoire  des saints. La négation de soi-même de celui qui obéit à Jésus  s’y révélait ultime affirmation d’eux-mêmes par des dévots. Ainsi le monde pénétra de force en plein milieu  de la vie monacale où il se remettait dangereusement à l’œuvre. C’est dans cet échec de l’ultime possibilité de mener une vie pieuse que Luther saisit la grâce. Il vit dans la faillite du monde monacal. La grâce qui s’offrit à lui coutait chère, elle brisa toute son existence. C’est la justification du pécheur et non point justification du péché qui amène Luther à sortir du couvent. Et la grâce dont il fit l’objet était une grâce qui coute cher, elle était le pardon des tous les péchés. Elle coutait chère  car elle ne dispensait pas de travailler ou d’obéir.
Toutefois, dans l’histoire de la réforme, ce n’est pas la reconnaissance par Luther de la pure grâce qui coute qui a fini par remporter la victoire mais ce fut au contraire, « l’instinct religieux de l’homme toujours en éveil pour découvrir l’endroit où l’on peut acquérir la grâce au prix le plus bas ».[7] En découvrant la pure grâce, il a proclamé une dispense d’obéissance à l’égard du commandement de Jésus dans le monde. En fait, si la grâce est le «  résultat » donné par le Christ lui-même, de la vie chrétienne, cette vie n’est alors à aucun moment dispensée d’obéissance. Si par contre, la grâce est l’hypothèse de principe de ma vie chrétienne, je possède alors, par là-même, d’avance la justification des péchés que je commette pendant cette vie dans le monde.
En proclamant ouvertement « Pecca fortiter, sed fortius fide et gaude in Cristo » qui veut dire : Pèche courageusement, mais crois et réjouis-toi en Christ d’autant plus courageusement, Luther proclame la grâce à bon marché.  Selon sa pensée, on peut donc continuer à pécher puisque le monde est en principe justifié par grâce. Par conséquent, la vie chrétienne consiste à vivre dans le monde comme tout le monde, à rien se distinguer du monde. Le chrétien est dispensé de l’obéissance de Jésus par la grâce à bon marché.
En fait, la critique que nous comptons formuler à l’endroit de notre auteur c’est d’apprécier les arguments avec lesquels il a su défendre sa thèse. Notre auteur s’est montré honnête et vrai quand il présente les deux types de grâce à savoir la grâce à bon marché et la grâce qui coute. Egalement en présentant la position de l’Eglise au cours du monachisme et celle de Martin Luther à travers l’histoire,  il s’est montré encore une fois de plus crédible et franc.
Nous voici au terme de notre travail où il a été question de donner le résumé du livre  « le prix de la grâce » dont l’auteur est Dietrich BONHOEFFER. En fait, nous retenons que la grâce reste une participation, une ressemblance à la vie divine qui réclame une réponse libre de la personne humaine. Cette grâce est acquise au bout d’un effort, c’est-à-dire, l’homme est appelé à collaborer avec Dieu pour son salut.  La grâce de Dieu n’efface pas la liberté de l’homme mais plutôt, elle l’humanise et la perfectionne.



[1]. BONHOEFFER D., Le prix de la grâce, Suisse, Delachaux et Niestlé, 1967,p.256.
[2] . Ibidem, p.19
[3] . Ibidem, p.19
[4] . Ibidem, p.21
[5] . Ibidem, p.21
[6] . Ibidem, p.23
[7] . Ibidem, p.25

Jesus et Nicodeme

Dans ce travail, nous allons essayer de commenter le troisième chapitre de l’évangile de Saint Jean  afin de bien comprendre le message que l’évangéliste Jean nous propose. Il sied de noter que cet évangile est subdivisé en deux grandes parties à savoir : l’entretien de Jésus et le docteur de la loi, Nicodème et le nouveau témoignage que Jean Baptiste porte sur Jésus. Au-delà des discussions sur la composition de cet évangile, une opinion réunit les spécialistes autour d’une subdivision en deux grandes parties à savoir : Jean 1,19-12,50 : Cette séquence est nommée livre des signes, et Jean 13,1-20,31 : Celle-ci est appelée  livre de l’heure ou livre de la gloire [1]
I. JESUS ET NICODEME : Jésus, docteur venu de Dieu et auteur de la renaissance spirituelle
En effet, les signes prodigieux donnés par Jésus attirent sur lui l’attention des autorités juives de Jérusalem, chargées par Dieu de veiller sur l’orthodoxie et de dépister l’imposture  des faux prophètes. Le Sanhedrin l’espionne et l’harcèle de questions insidieuses. Les pharisiens nationalistes lui tendent des pièges partout en lui demandant par exemple si un juif pieux doit payer le tribut à César païen pensant l’enfermer dans le dilemme de soumission à Rome avec infidélité à la loi ou fidélité à la loi avec rébellion contre Rome.( Mt 12,13-17).    A ces espions malveillants, auxquels Jésus se garde bien de se confier, succède un docteur de la loi en quête de lumière. Nicodème se montre comme un simple juif pieux et qui connait la loi, mais il apparait aussi comme un homme sagace et de sens mesuré dans ses jugements ; encore que ne craignant pas de prendre parti nettement au moins dans sa conscience, mais il reste marqué par le réalisme terre à terre de la sagesse juive[2].
En effet, Nicodème est bien connu comme docteur de la loi, membre du Sanhédrin (Jn 3,10 ; 7,48-50) qui vint trouver Jésus la nuit. Serait-ce parce que la coutume juive recommande l’étude nocturne de la Torah ou par peur des juifs ? (Jn19, 36 ; 12,46). Pour Saint Jean, la démarche extérieure de ce pharisien implique une démarche intérieure correspondante, un élan de foi naissante. Il vient de nuit ce qu’il veut avoir avec le maitre éminent un entretien prolongé et ouvert, chose impossible dans une rencontre publique troublée souvent les hargnes des adversaires. Nicodème cherche aussi à ne pas être vu des ses collègues, qui ne manquent pas de railler les partisans de Jésus (Jn7, 52) en attendant de les frapper d’anathèmes (Jn9, 22 ; 12,42-43).
En soulignant cet aspect, l’évangéliste veut suggérer que cet homme, bien que docteur, se trouve encore dans les ténèbres de l’ignorance, il vient consulter le maitre qui est venu de la part de Dieu. Comme un bon juif, il souhaite rencontrer Jésus celui en qui il a reconnu un être ayant une relation avec Dieu. Au dire de certains exégètes, ce pharisien qui se laisse impressionner par les miracles de Jésus espère de lui quelques lumières. Chemin faisant, on le verra s’élever contre le jugement sévère des pharisiens, même il s’engagera pour assurer une sépulture digne à Jésus. (Jn19, 39).
Par ailleurs, en abordant Jésus, Nicodème utilise la même déclaration comme celle de ses collègues pharisiens : « Maitre, nous savons que tu dis la vérité, tu n’as pas peur de ce que pensent les autres et tu ne tiens pas compte de l’apparence des gens, mais tu enseignes la vérité sur la conduite qui plait à Dieu… » (Mc12, 14). Ceci nous montre que, pour ce pharisien et certains de ses collègues au cœur droit, les signes que Jésus opère manifestent à suffisance que Dieu est avec lui et qu’il agit intimement avec lui et en lui.                        Guichou P.  pense que Jésus suggère à cette âme assoiffée  un monde  de lumière à découvrir et à conquérir. Ce monde nouveau ne rien d’autre que le royaume de Dieu. Dans une déclaration solennelle, Jésus révèle à Nicodèmes ce royaume, mieux pour entrer sous la domination paternelle de Dieu, il faut renaitre d’en haut, être engendre de Dieu, devenir son enfant (Jn1, 12-13).
En suite, Xavier DUFOUR pour sa part  « Cet homme qui vient, au fond pour solliciter une lumière veuille d’abord poser une borne qu’il décide à ne pas franchir.»[3] Ce qui manifeste cette attitude c’est la perplexité dont manifeste Nicodème à l’égard de la réponse de Jésus. Il essaye donc d’échapper à l’idée de renaitre car il ne peut concevoir une vie réellement au dessus de la nature humaine.  Il n’est pas possible qu’un vieillard comme lui puisse naitre de nouveau. Jésus écarte cette idée qui semble être absurde et précise de quelle  naissance il est question, une naissance de l’eau et de l’esprit, mieux, le baptême de l’Esprit. Pour Jésus, le seul moyen pour entrer dans le domaine spirituel qu’est le règne de Dieu, c’est d’être engendré et naitre dans cette eau vivifiante.
Face à cette attitude de Nicodème, Jésus l’interpelle car, étant chargé d’interpréter et transmettre le message des textes de la loi, Nicodème était censé de connaitre le sens de ces textes. (Mc 3,9-10).
En constatant en effet, le non-accueil de son interlocuteur, Jésus n’a pas fin à l’entretien, il l’amplifie par ailleurs dans une interrogation soulignant les difficultés pour le peuple d’Israël de croire à la parole du Christ.
Nicodèmes, chemin faisant, se rend compte qu’il s’agit de tout autre chose qu’il pouvait supposer ou imaginer. Il vient d’apprendre que l’on peut et que l’on doit même être régénéré spirituellement par Dieu. C’est ainsi qu’il veut savoir de quelle manière elle se réalise, à quelle condition il pourra lui-même obtenir cette régénération car il est désormais éclairé sur la nécessité en même temps que sur la possibilité d’une telle renaissance.
Le 12 et le 13 verset de ce troisième chapitre semble constituer une transition où l’on passe du baptême, répandant le don de l’Esprit sur les hommes à l’œuvre de salut opéré par le fils de l’homme, source de ce baptême et cause de cette effusion de l’Esprit. L’entretien de Jésus et Nicodème reprend à partir du verset 14 par un monologue qui est formulé à la troisième personne. Cette partie  essaye  donc d’esquisser une synthèse du dessein du salut. Jésus y aborde des différents sujets comme la descente du ciel du fils de l’homme et son élévation (3,13-14), l’amour de Dieu envers le monde (3,16). Ces révélations débouchent sur la vie éternelle laquelle est obtenue par la foi au fils de Dieu (3,15-16).
Bref, cette première partie résume l’enseignement sur la vie donnée par Dieu. En effet, pour Saint Jean, Dieu a comme caractère essentiel un amour sans mesure pour ses créatures, amour dont  la force incomparable et la liberté souveraine s’unissent dans un don aussi gratuit que total. Le but de ce don est que les hommes aient « la vie ». Jusque ici, nous avons remarqué que la vie est rendue accessible à l’humanité par la mort et la glorification du Christ, puis communiquée à chaque homme par le baptême ; nous apprenons maintenant comment l’homme peut jouir effectivement de ce don du fils de Dieu par la foi. La venue du fils de Dieu sur la terre n’a pas été le jugement comme le messianisme imaginait. Sa venue a eu comme but de conduire à la vie ceux qui acceptent de se conformer à la lumière.
II. LE DERNIER TEMOIGNAGE DE JEAN BAPTISTE
A la place de Nicodème, qui après un dialogue riche de sens, a disparu de la scène, voici que Jean Baptiste proclame la foi en Jésus. En effet, pendant que Jean baptise à Anion près de Salim, soit 30 kilomètre au sud du lac Tibériade, Jésus baptise aussi non loin de lui. C’est ainsi qu’une discussion éclate entre les disciples de Jean et un juif au sujet de la purification. (Jn 3,25).
 L’affaire est soumise par la suite à Jean par ses disciples et ce dernier au lieu de constater chez eux un motif de jalousie, il convient de penser à un désir d’éclaircissement. Ainsi, Jean prépare ses disciples donc pour le maitre qui viendra les prendre plus tard (Jn 10,40-42)
En effet,  pour Xavier DUFOUR, Jean rend témoignage à Jésus en répondant  à la question posée par les johannites. Avec la présence de Jésus, on tend vers la réalisation de la promesse, vers la croissance de Jésus qui seul compte.[4] A travers ce témoignage, Jésus prend la place du Baptiste. Celui-ci a été l’ami de l’époux qui a préparé sa venue. L’époux venu, il n’a qu’à disparaitre, à se retirer donc devant le seul maitre de la fête. Dans le récit de noces à Cana (2,1-11), Jean nous a déjà présentés en Jésus l’époux divin de l’Eglise et de chaque croyant. Il nous invite donc à nous réjouir de l’avènement de ces noces spirituelles, à vivre dans la foi dans cette mystérieuse communion de vie et d’amour avec le Christ. Il est impérieux de faire savoir que ce retrait n’est pas pour lui une humiliation douloureuse car il n’avait que cela comme mission. Ainsi donc « Jean n’est que de la terre et son témoignage bien qu’inspiré par Dieu, reste le témoignage porté par un homme. Jésus vient du ciel et par conséquent il ne saurait être mis sur le même plan que Jean. Il parle des choses divines avec assurance et clarté car il les a vues et entendues comme nous voyons et entendons les choses du monde »[5]
Enfin, nous entendons certaines personnes dire souvent que l’homme ne peut ni se refaire, ni refaire sa vie. Certaines d’autres affirment souvent : « Il faut me prendre comme je suis ; je ne puis changer à mon âge ». Toutes ces expressions dans le domaine naturel demeurent vraies. Dans notre travail nous avons  démontré que Nicodème, pharisien, docteur de la loi n’y a pas échapper en demandant à Jésus « Peut-on par hasard rentrer dans les seins de sa mère et renaitre ?»(Jn3, 4).  Dans le domaine spirituel, ces expressions ne sont pas vraies car le Christ offre la possibilité de naitre à une vie nouvelle, à une nature renouvelée : en plongeant le croyant dans l’Esprit Saint, il fait de lui un être à son image, un homme spirituel, vivant de vie divine.  C’est de ceci qu’il s’agit dans la première partie de notre travail. Le premier entretien met en lumière deux faits inséparables : l’œuvre  du salut accomplie en Jésus Christ, le don de la vie céleste par sa mort et sa résurrection, ensuite, l’appropriation du salut à chaque homme, la réception de cette vie céleste par le sacrement du baptême.
 Dans l’entretien avec Nicodème, Jésus part de ce deuxième fait pour s’élever jusqu’au premier. En outre, en proclamant la foi en Jésus, le baptiste le fait en deux temps :                 Jean premièrement interpellé au sujet de Jésus qui baptise avec succès, il en exalte la supériorité et dit la joie parfaite que suscite en lui sa présence. (Jn 3,22-30). Il fait en suite l’écho à des paroles que Jésus a prononcées dans le discours précédent (Jn3, 31-36). En Jésus, Dieu a tout remis ; il est son envoyé et son témoin direct, enfin son révélateur. N’étant pas le Messie, ni le fils de Dieu mais simplement témoin et l’ami de l’époux, Jean a  reçue de Dieu comme mission de préparer la venue du Messie. Il connait la plénitude de la joie en son humble rôle. Ainsi il se caractérise par un admirable désintéressement qui exclut toute recherche personnelle et qui lui fait trouver son bonheur dans le service et toute sa joie dans la joie de son ami. C’est ainsi qu’il peut dire : « Il faut que lui grandisse et que moi, je décroisse» (Jn3, 30).














Bibliographie
1. GEORGE A et GRELOT M. ; Introduction à la bible tome III, vol 4, Tradition johannique, Paris, Desclée, 1977.
2. BOUYER L. ; Le quatrième évangile,  Paris, Casterman, 1955.
3. DUFOUR X. ; Lecture de l’évangile selon Saint Jean, tome I, Paris, Seuil, 1970.



1. GEORGE  A et GRELOT : Introduction à la bible tome III, vol 4, Tradition johannique, Paris, Desclée, 1977, p.136.
2. BOUYER  L;  le quatrième évangile, Casterman, Tournai, Paris, 1955, p.90
3. DUFOUR  X.; Lecture de l’évangile selon saint Jean, tome I, Paris, Seuil, 1970.p.90
4. Ibidem, p.323.
5. BOUYER L. ; Le quatrième évangile, Paris, Cerf, 1958.

Le Magnificat de Martin LUTHER

Notre travail consiste à résumer  l’ouvrage de Martin LUTHER dont le titre est  Le Magnificat Commentaire l’un des  précurseurs du Protestantisme. En effet, ce travail s’inscrit dans le cadre de notre cours d’Initiation à la Mariologie qui a comme objet de nous aider à bien saisir le mystère de la bienheureuse Vierge Marie, comprendre sa place et son rôle dans la vie du Christ, de l’Eglise et de la vie chrétienne , connaitre et réfléchir sur les questions de doctrine et de piété liées à la Mère de Dieu[1].
En effet, notre choix a été porté sur l’ouvrage de Luther pour diverses raisons. D’abord la méconnaissance de cet ouvrage de la part d’un bon nombre des chrétiens alors qu’il contient un excellent enseignement autour de la personne de la vierge Marie; ensuite la pertinence de la pensée de l’auteur et sa compréhension du Magnificat et enfin, à travers ce travail, il faut le reconnaître, nous avons été stimulé dans notre dévotion mariale, cet ouvrage nous a fournir un utile sujet de réflexion profonde à beaucoup des questions que nous avons en commun ou qui nous séparent avec nos frères protestants autour de la personne de  Marie.                                                                                                                                        Pour ce qui est du plan du travail, nous préférons garder le plan de l’ouvrage qui est subdivisé en onze parties correspondant à la prière du Magnificat telle qu’elle est exprimée dans l’Evangile de Lc 1, 46-55.
I. Mon âme exalte le Seigneur
Marie formule ses paroles avec une grande ferveur et une allégresse débordante où s’exalte tout son être. En d’autres termes : «  Tout mon être, toutes les puissances de mon âme tressaillent d’allégresse pour louer Dieu et lui dire mon amour. Je ne peux pas ne pas faire monter vers Dieu ma louange et j’ai comme l’impression d’être élevée au-dessus de moi-même ».[2] Voilà donc ce que ressentent  en effet les âmes qui sont habitées par la présence de Dieu et de l’Esprit Saint. Car ce n’est pas une œuvre humaine pense l’auteur que de louer Dieu  dans l’allégresse. L’âme se trouve dans un état de passivité joyeuse et c’est Dieu qui agit en elle. Les mots manquent souvent et sont impuissants quand l’âme se trouve en extase ;  il est difficile voire impossible de décrire cette sorte d’extase, il faut seulement en avoir soi-même fait l’expérience.
      Le mot magnificat en effet, vient de latin « magnificare » qui veut dire magnifier,  glorifier, exalter. On l’emploi pour célébrer celui qui est capable de réaliser beaucoup de grandes et bonnes choses, qui sait et veut les réaliser. Dans notre cas le terme est appliqué à Dieu seul qui est capable de tout. Le mot Magnificat prononcé par Marie renferme un triple but à savoir :  louer Dieu,  célébrer les grandes choses qu’il a faites pour fortifier notre foi, enfin consoler tous les petits et faire trembler tous les puissants de la terre.               En entonnant le Magnificat, Marie ne l’a pas fait seulement pour elle-même, plutôt pour nous tous afin qu’après elle, nous puissions le chanter aussi pour louer, glorifier le Seigneur pour les bienfaits qu’il réalise dans notre vie. Ceci demande au préalable la foi en Dieu et pas une foi imparfaite qui conduirait aux doutes  et aux hésitations plutôt la foi authentique, celle qui doit nous transformer tout au long de notre vie.  Haut placé, elle nous oblige à craindre ; abaissés, elle nous invite à la confiance. Plus le rang est élevé, plus grande doit être notre crainte ; plus grand est notre abaissement, plus ferme doit être notre confiance en Dieu[3]. La foi en Dieu doit être ferme et constante, elle doit nous pousser à aimer Dieu, à le louer, le magnifier et le glorifier comme il convient.
      En suite, la grandeur de Dieu est ce qu’elle est, nous n’y pouvons rien ajouter. Néanmoins, nous pouvons faire grandir en nous la connaissance que nous avons de lui, celle qui nous incite à le louer, à le glorifier  pour sa bonté et sa bienveillance à notre égard.   « Mon âme exalte la Seigneur » veut dire que c’est tout son être, toutes ses puissances et ses facultés qui sont mis en mouvement. L’expression « mon âme » pour Gallot signifie : moi-même, dans ce que j’ai de plus profond. C’est toute la profondeur de mon être qui veut attester les magnificences divine.[4] Marie est pour ainsi dire, perdue en Dieu et se sent parfaitement unie à sa volonté sainte, comme elle en témoigne « mon cœur est plein de joie à cause de Dieu, mon sauveur » Lc 1,47.
Dans cette première partie, l’accent est placé sur les deux derniers mots à savoir : Le Seigneur mon Dieu. Marie ne s’exalte pas soi même et son âme se ne complait pas en elle-même. C’est plutôt Dieu qu’elle exalte, elle s’oublie elle-même pour rapporter tout à Dieu. Bien que Dieu ait réalisé de si grandes choses en elle, Marie continue à se considérer comme la dernière des créatures. Marie est habitée par une grande humilité, face à la grâce de Dieu dont elle est comblée, elle ne s’en est donc pas prévalue d’aucune façon. Elle a laissé à Dieu ce qui était à Dieu et une seule chose la préoccupait : recevoir de son mieux l’Hôte divin qui venait en elle.
En effet, Marie a été exposée à une grande tentation cependant, elle s’en est gardée. Elle a évité de s’exposer de tout orgueil et de toute suffisance à travers sa merveilleuse humilité qui n’avait d’égale que l’importance des grâces reçues.  C’est cela glorifié Dieu seul en n’avoir pour soi que le mépris. Mère de Dieu, Marie se voit élevée au-dessus de toute créature sans se permettre pour autant de sa tranquille simplicité. Marie nourrit son cœur par les mêmes sentiments d’humilité, laissant le Seigneur agir en elle de son guise, mais, elle redoute seulement de joyeuse confiance en Dieu.
II. Et mon esprit tressaille de joie en Dieu mon sauveur
En effet, Marie nomme Dieu son sauveur ou sa félicité suprême quand bien même elle ne le voit. C’est l’Esprit qui lui permet de saisir par la foi les insondables mystères de Dieu. Elle croit seulement, avec une ferme confiance que Dieu est son sauveur et sa félicité suprême. Marie appelle d’abord Dieu son Seigneur et en suite son Sauveur ceci n’est pas sans raison. Avant qu’elle n’énumère les œuvres de Dieu, Marie loue d’abord la toute puissance de Dieu. Il est celui qui l’a crée et qui le sauve. C’est par la suite que Marie passe à énumérer les ses œuvres. Ainsi, Marie nous apprend de quelle façon nous devons aimer et louer Dieu pour lui-même, sans retour intéressé d’aucune sorte. Aimer et loué Dieu comme il le mérite, c’est le louer pour sa bonté et sa bienveillance. Voilà une façon d’aimer Dieu sublime, délicate et pure, celle qui convient à la personne si sublime et si aimable de la Vierge.[5]
En suite, certains personnes font semblant d’aimer Dieu d’aimer Dieu. Avides de consolations, elles ne cherchent dans la piété que leur avantage. Elles songent d’abord à elles mêmes avant d’aimer Dieu pour sa bonté. Elles sont attirées seulement par les bienfaits dont Dieu les comblent. Dieu est donc célébré et loué dans la joie aussi longtemps qu’elles jouissent des ses consolations dans le cas contraire, pas des louanges moins encore l’action de grâce car ces personnes sont bien incapables d’aimer te de louer la bonté de Dieu d’une façon désintéressée. Elles ont appréciée le salut plus que le Sauveur, les dons plus que le Bienfaiteur, la créature plus que le Créateur. Elles sont donc incapables de garder comme le souligne Luther les mêmes sentiments de piété dans l’indulgence comme dans la prospérité, dans la pauvreté comme dans la richesse.
Enfin, la Vierge Marie a un mérite exceptionnel car bien que comblée des honneurs les plus inouïs, elle ne se laisse pas éblouir par eux. Une chose comble à ses yeux :
La bonté de Dieu, réalité pourtant invisible et non sentie. Le cœur de Marie incarne le parfait modèle des cœurs droits, humble et dépouilles, qui ont faim de Dieu et qui le craignent.
III. Parce qu’il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servant, oui désormais toutes les nations me diront bienheureuse.
Notre auteur traduit ce passage par : Dieu a jeté yeux sur moi, pauvre petite fille insignifiante et méprisée[6]. Marie est consciente qu’elle a été choisie par Dieu par pure bonté et sans aucun mérite de sa part. Car le Seigneur aurait bien voulu choisir les jeunes filles de la classe de nobles, les reines ou les princesses. C’est pourquoi Marie a pensé qu’il ne fallait pas qu’on put se glorifier d’être ou d’avoir été digne de la faveur divine. Elle s’est donné pour proclamer bien haut la bonté de Dieu. Comme le pense Galot, Marie par ces mots exprime son entière soumission au Seigneur. « Cet état de servant bien humble, ne semblait pas destiné à attirer l’attention ; au contraire, il paraissait vous anéantir, vous faire passer pour peu de chose. Mais le regard divin a tout transformé. Dieu a jeté les yeux sur vous  et vous a proposée à l’admiration de tous les hommes ».[7]
En fait, Marie est identifiée aux vrais humbles affirme notre auteur ceux qui ne pensent nullement aux avantages  qu’ils pourraient retirer de leur humilité. Quand l’on est humble de cœur, on n’aspire qu’aux bas emplois, aux besognes et aux situations les moins reluisantes ; l’on ne s’aperçoit même pas qu’on est humble. Ici l’on se trouve dans le domaine du vrai, du naturel, de l’authentique. « C’est une humilité de bon aloi qui dicte gestes et paroles ; qui explique cette prédilection marquée pour les emplois les plus modestes, pour les vêtements simples et pauvres ; cet empressement à fuir les postes honorifiques.[8] 
Marie, en effet, dans son humilité trouva fort étrange qu’un messager de Dieu vint la saluer et elle se demande ce que signifiait cette salutation inattendue. Luther pense que si cette salutation avait été adressée à la fille de Caïphe, cette dernière ne se serait pas posé des questions. Elle aurait plutôt accepté sans hésitation la proposition de l’Ange, trouvant fort naturel d’être ainsi honoré. Ceci se justifie par le fait qu’on est en poursuite des  honneurs sans se rendre compte qu’on est habité par un grand orgueil.

Bref, le présent verset  du Magnificat nous apprend à connaitre Dieu qui dans son grand amour et dans sa miséricorde a jeté les yeux par prédilection sur les petits et les méprisés. Et cette connaissance plus poussée de Dieu ne peut que nous inciter à l’amour, à la confiance et à un joyeux abandon.
Après avoir loué son Dieu et son Sauveur pour ses bienfaits, La mère de Dieu en vient maintenant à louer ses œuvres et ses biens. On louera la Vierge Marie de génération en génération  et cette louange jamais ne cessera. Marie est proclamée bienheureuse par toutes les générations jusqu’au dernier des nos descendants. Cette déclaration aux yeux de Galot ne cesse de se vérifier. Toutes les générations humaines chantent le bonheur de Marie et elles le font de plus en plus. «  Elles reconnaissent que le Tout Puissant a fait en vous des merveilles, comme il n’en a fait en aucune autre créature. Nous aussi, en ce moment, nous nous associons à tous ceux qui, dans le passé, à l’heure actuelle et dans le temps à venir, ont célébré, célèbrent et célébreront la splendeur dont le Seigneur vous a revêtue ».[9]
IV. Car le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses ; saint est son nom.
            Maintenant la Vierge Marie évoque les œuvres et les dons que le  Seigneur a accompli en sa faveur. En effet, en posant sur elle son regard, Dieu se donne lui-même. Son regard bienveillant c’est sa bonté  gratuite, et ceci est expliqué par son libre choix. Voilà pourquoi Marie considère comme primordiale ce regard divin posé sur elle. Avant de proclamer : «  Toutes les générations me diront bienheureuse, car le Tout- Puissant a fait pour moi de grandes choses», elle commence par dire : « Le Seigneur a daigné jeter les yeux sur la bassesse de sa servante ».
 En effet, Marie nous montre en la circonstance que plus l’âme est pieuse et recueillie, plus elle est sobre en paroles. Elle sent en effet, son incapacité absolue à exprimer avec des mots ses pensées et ses sentiments.[10] En parlant des merveilles que Dieu a accomplies pour elle, Marie fait uniquement allusion à la maternité divine. Cette grâce initiale explique toutes les autres faveurs si nombreuses que Dieu lui a comblée. Elle résume ce qui fait son honneur et sa félicité, elle nous permet aussi de comprendre pourquoi Marie occupe, à la tête de l’humanité, un rang unique et absolument exceptionnel. Ce quatrième verset du Magnificat se conclut par ces mots : « Saint est son nom ».
Saint  désigne ce qui est mis à part, réservé pour Dieu, ce que personne ne doit ni toucher ni souiller, mais que l’on doit entourer d’honneur. C’est dans ce contexte que le nom du Seigneur doit être respecté car prétendre se l’approprier serait un crime de lèse-majesté.
V. Et sa miséricorde s’étend de génération en génération sur ceux qui le craignent.
Ce présent verset pourrait à la vue de notre auteur se traduire en ces termes : « Sa miséricorde s’étend du père sur les fils et sur tous leurs descendants ». Marie après avoir célébrer les œuvres que Dieu a accompli en sa faveur, elle passe à célébrer maintenant les œuvres que Dieu réalise en faveur de l’humanité toute entière. Tout au long de ces quatre versets, Marie évoque six œuvres divines. La première œuvre de Dieu est la Miséricorde.
En effet, Marie commence par ce qu’il y a de meilleur et de plus grand dans l’homme, c’est-à-dire les dons de l’esprit et de l’intelligence. Dieu est plein de miséricorde envers ceux qui se laissent dépouiller des biens moraux en leur possession, tels que leurs droits, leur sagesse etc. et, ce par esprit de détachement et de pauvreté. Ils ne se croient jamais digne de la moindre chose, si insignifiante soit-elle. Ils préfèrent se présenter dénués de tout devant Dieu et devant les hommes. Quand à leurs qualités, ils considèrent que Dieu les leur a données sans aucun mérite de leur part et ils les utilisent avec retenue en louant et remerciant le bon Dieu[11]. Ce n’est pas leur volonté qu’ils veulent faire,  mais uniquement celle de Dieu. Ceci se  justifie par le fait que les louanges ainsi que la gloire, ils ne les recherchent pas pour eux-mêmes, pour Dieu seul. Et Marie nous fait clairement comprendre que Dieu préfère nous témoigner sa bienveillance plutôt que sa sévérité.
VI. Il a déployé la force de son bras, il a dispersé les hommes au cœur superbe.
Cette sixième partie constitue la seconde œuvre de Dieu : confondre l’orgueil de l’esprit. Dans les saintes Ecritures, le bras de Dieu désigne sa toute puissance qui lui permet d’agir sans aucune intervention des créatures. Quand Dieu agit par intermédiaire des créatures, on voit de façon claire où se situe  la force et où se trouve la faiblesse.
Si un prince gagne la guerre, c’est que Dieu s’est servi de lui pour battre les adversaires. Quelqu’un qui subit un dommage quelconque c’est par l’intermédiaire d’une créature que cela lui arrive. Dieu donc fait et brise ainsi une créature par une autre. Dieu permet souvent que les bons soient dépouillés de leur force, de leur assurance.
Mais c’est en ce moment là qu’ils sont plus près de Dieu même s’ils ne se rendent pas compte suite aux épreuves qu’ils subissent. C’est à partir du moment comme le signifie Luther où la  faiblesse de l’homme est à son comble que Dieu intervient avec le plus d’éclat pourvu qu’on est une foi vive et confiante. Ainsi, « sur la croix, le Christ avait été réduit à une totale impuissance et c’est justement là qu’il releva le mieux le défi de ses ennemis, remportant une éclatante victoire et sur la mort, sur le monde, sur l’enfer et sur le mal ».[12]
En effet, la perte des superbes dont nous parle le Magnificat est certaine et fatale dès hors qu’ils se sentent surs de leur prudence et de leur sagesse puisque la sagesse de Dieu n’est plus en eux. Marie les nomme des hommes au cœur superbe car seules leur semblent bonnes leurs opinions, leurs pensées, leur manière de voir ; non pas celles que Dieu pourrait leur inspirer. Ils se prennent comme source prétendue de toute sagesse et ils se dressent contre Dieu et contre ses amis.
VII. Il a renversé les potentats de leurs trônes
Cette septième partie constitue également la troisième œuvre de Dieu. Le Très-haut en use avec les potentats comme avec les sages et les prudents. Cependant, Dieu les abandonne à leur propres lumières et aux pensées de leur cœur puisqu’ils ne mettent leur confiance en eux-mêmes. Dieu les renverse en permettant qu’ils soient entrainés à leur perte par leur puissance puisqu’en mettant toute leur confiance en eux, ils se comportent en arrogant envers les petits, les vrais humbles.
En effet, ce passage ne dit que Dieu brise les trônes mais chasse les puissants de leur trône, non plus qu’il laisse les petits dans leur abaissement, mais qu’il les élève ; ceci veut signifier que tant que le monde sera monde, il faudra de toute nécessité des pouvoirs publics, des gouvernants. Ce que Dieu déplore c’est profité du pouvoir, des ses fonctions pour faire peser sur les bons, les petits un régime d’injustice et de violence.
VIII. Et il a élevé les humbles
En fait, les humbles ne sont pas d’abord et surtout ceux qui pratiquent l’humilité, mais « ceux qui, aux yeux du monde, ne sont rien et ne jouissent d’aucun prestige ».[13]Les humbles dont il est question sont ceux-là qui se complaisent dans leur misère et leur néant et rejettent toute ambition. Comme le signifie Luther, Dieu élève les humbles ne veut pas dire qu’il les met sur des trônes à la place de ceux qu’il en a fait descendre, moins encore qu’il témoigne sa miséricorde à ceux qui le craignent en les installant dans la chaire des grands docteurs. Cela veut dire tout simplement que c’est en lui-même et par son Esprit qu’il les élève, pour les établir juges sur les rois, les puissants et les sages.
IX. Il a rassasié de biens les affamés et renvoyé les riches les mains vides
Comme nous venons de le signifier tantôt, les humbles selon notre auteur sont ceux qui aiment vivre dans cette condition, surtout s’ils y sont contraints à cause de la Parole de Dieu et  de la justice. L’intervention de Dieu ressort d’autant plus que l’impuissance de la créature  est absolue et totale. Il faut se voir abandonné de tous pour que Dieu intervienne. Marie en disant que le Seigneur rassasiait les affames cela suppose que cette abondance, loin d’être nuisible, sera utile et bienfaisante non seulement pour le corps, mais aussi pour l’âme. Les affamés sont ceux qui sont privés non seulement de la nourriture mais aussi des autres biens temporels. Dans cette partie de Magnificat nous sommes devant choses impressionnantes et insondables : Dieu comble et Dieu abandonne. Il comble ses faveurs à ceux qui mettent leur confiance en lui et abandonne les suffisants, les orgueilleux.
X. Il a porté secours à son serviteur Israël, se souvenant de sa miséricorde
Marie en effet, conclut le Magnificat en revenant sur ses premières paroles comme nous l’avons déjà évoqué dans nos parties précédentes. Marie évoque ici le chef d’œuvre de Dieu par excellence, c’est-à-dire l’Incarnation. Les grandes choses accomplies en elle seront la source de grâces précieuses, non seulement pour elle mais aussi pour le peuple d’Israël. Dans la bouche de Marie, le mot Israël désigne le peuple juif lui-même quand bien même ce dernier ne voulut pas recevoir l’Homme Dieu. 
XI. Ainsi qu’il avait promis à nos pères, en faveur d’Abraham et de sa descendance à jamais.
En effet, si le Très-Haut a porté secours à Israël et à ses descendants, ce n’est pas à cause de leur mérite. C’est uniquement à cause de sa promesse. C’est donc par pure bonté que Dieu a fait cette promesse. Et dans le Magnificat, la Vierge Marie, Mère de Dieu essaye souligner  cette promesse absolument gratuite que Dieu fit à Abraham.
La première conclusion que l’on peut tirer des paroles de Promesse aux yeux de notre auteur est que « sans le Christ, le monde malgré toute sa science et ses œuvres, est voué à la malédiction, au péché et à la damnation éternelle ».[14] C’est en s’appuyant  sur l’expression employée par Dieu lui-même que l’on arrive à cette conclusion. En effet, Dieu ne dit pas :     «  En ta postérité seront bénies quelques nation, mais toutes les nations ». Dans ces paroles de la  promesse, les prophètes en ont tiré nombreuses déductions entre autres : «  il n’y avait partout sur la terre que méchanceté, misère, mensonge, déloyauté, aveugle, bref, absence de Dieu».[15]                                                                                                                                      La seconde déduction suggère par les paroles de la promesse : « cette postérité d’Abraham ne devait pas lui être donnée par un homme et une femme, selon les lois ordinaires de la nature ». Car, ainsi comme nous l’avons vu, quiconque voit le jour dans ces conditions est maudit dès sa naissance. Si les fils de la promesse devaient délivrer le monde de cette malédiction, il devait donc être préservé de toute malédiction et de toute souillure pour être fils de bénédiction, plein de grâce et de vérité.
En effet, Dieu a donc donné à Abraham le vrai et authentique fils promis en le faisant naitre d’une de ses descendantes la Vierge Marie, sous l’action du Saint-Esprit sans l’œuvre d’un homme. Ce fils est un fils et un authentique descendant d’Abraham et représentant vraiment cette postérité en qui seront bénies toutes les familles de la terre. « Il suffit en effet, de croire au Messie, de l’invoquer, de le confesser et de s’attacher à lui pour échapper à toute malédiction et recevoir la bénédiction promise ». Jésus est donc la postérité d’Abraham non parce qu’il est  né d’un descendant du patriarche comme les juifs  s’y étaient attendus mais plutôt car né d’une de ses filles, la vierge Marie. C’est ce que veut signifier ici la vierge Marie en rappelant la promesse de Dieu en faveur d’Israël. Elle voyait cette promesse déjà réalisée en elle et le proclame disant que Dieu a porté secours à Israël, qu’il s’est souvenu de sa miséricorde.
La dernière expression : « En faveur d’Abraham et de sa descendance à jamais » veut signifier  que la promesse faite à la descendance d’Abraham reste toujours valable, à travers les siècles jusqu’au dernier jour. En effet, bien que dans leur immense majorité, les juifs s’obstinent dans leur aveuglement, il y en a cependant toujours si peu nombreux soient-ils qui se convertissent au Christ et qui croient en lu puisque la promesse renfermée dans le dernier verset du Magnificat  tiendra toujours.
Nous voici au terme de notre travail où nous nous sommes efforcé à résumer le Commentaire de Luther sur le magnificat. Il est certain de signifier que la dévotion Martin à la Mère de Dieu est profonde. Dans son sermon de Noel 1523 il déclare : «  Je crois, qu’il n’y a personne parmi nous qui n’abandonnerait  sa mère pour être fils de Marie…»[16]. Jusqu’ à la fin de sa vie Luther conserva les fêtes de l’Annonciation, de la Visitation et de la Purification.
Qui est Marie selon Martin Luther ?
Pour Luther Marie est la « bienheureuse vierge », mère de Dieu. Cependant il la présente comme une simple femme, méprisée et indigne de l’honneur qui lui est fait. Alors qu’elle n’est qu’une pauvre jeune fille sans apparence extraordinaire, Dieu a jeté son regard sur elle et l’a utilisée afin que « personne ne puisse se glorifier devant lui d’avoir été ou d’être digne »  de la grâce qu’il accorde. Cette grâce n’est pas une récompense accordée pour un quelconque service que Marie, ou toute autre personne, aurait rendu à Dieu. Cette jeune femme humble est « l’atelier » que Dieu s’est choisi et dans lequel il travaille pour le bien de tous. En Marie « se sont rencontrés la richesse surabondante de Dieu avec sa profonde pauvreté, l’honneur divin avec son « néant » (c’est ainsi que Luther traduit le mot « humilitas »), la dignité divine avec sa petitesse, la bonté divine avec son absence de mérite, la grâce divine avec son indignité »[17]. Ce n’est donc pas le « néant » de Marie qu’il faut louer mais seul le regard que Dieu a posé sur elle.
Bien que se sachant mère de Dieu, au-dessus de tous les hommes, elle n’en demeure pas moins simple car d’elle-même, elle ne se situe pas au-dessus de l’homme le plus humble. « Si elle l’avait fait, elle serait tombée avec Lucifer dans les abîmes infernaux », nous dit Luther. Elle n’a pas succombé à cette tentation. D’ailleurs Luther insiste pour dire qu’elle ne veut pas que nous nous tournions vers elle mais, par elle, vers Dieu. Elle confesse, dans sa prière, qu’elle n’est qu’une servante du monde entier car l’œuvre, accomplie en elle, de l’incarnation n’est pas pour son seul bénéfice mais pour celui de « tout Israël », c’est-à-dire de toute l’humanité. La mère de Dieu rend grâce à Dieu pour la promesse faite et tenue à Abraham. Elle loue Dieu. Elle ne se loue pas elle-même.




[1] . Cfr. Notes du cours préparées par le prof. P. Abel NSOLO
[2] .  LUTHER M. ; Le Magnificat, commentaire, Paris, Salvator, 1967, p.21
[3] . Ibidem  p.34.
[4] . GALOT J. ;  Pleine de grâce, Paris, Desclée, 1960, p.79.
[5] . LUTHER M.; Op.cit, p.40
[6]. Ibidem, p.48
[7] . GALOT J. ; Op. cit, p.80
[8] . LUTHER M.; Op. cit, p.49
[9] . GALOT J.; Op.Cit. p.80.
[10] . LUTHER M.; Op.cit , p. 67
[11] . Ibidem, p.86.
[12] . Ibidem, p.89.
[13] . Ibidem, p.101.
[14] . Ibidem, p.118
[15] . ibidem. p. 119
[16] . CHAVALLIER B. ; Je vous salue Marie, Paris, Fayard, 1981, p. 42
[17] . LUTHER M. ; Oeuvres, Labor et fides, tome III, p.41