samedi 17 janvier 2015

Tertullien et les confesseurs de la foi

Introduction
Le texte qui  fait l’objet de notre analyse est une lettre de Tertullien adressée aux confesseurs de la foi c’est-à-dire des personnes qui ont tenu mordicus à leur foi chrétienne malgré les persécutions  de tout genre. Dont certains sont jetés aux bêtes, d’autres brulés vifs et d’autres encore jetés en prison. Toutes ces personnes sont appelées des Martyrs, et c’est à elles que Tertullien s’adresse dans sa lettre intitulée, Ad Martyras.
Tertullien est un apologiste, un père de l’Eglise latine le plus remarquable au III è siècle, du fait de son intelligence. Dans ses ouvrages, l’on constate une richesse florissante en aspirations morales et religieuses. Tertullien est fils de son temps, contrairement aux  idéalistes, notamment les philosophes, à l’instar des Stoïciens, qui passent leur temps à spéculer et à pousser des débats contradictoires. Il aime plutôt traiter des sujets actuels. « Tertullien aime le paradoxe et aborde des questions au creux de l’actualité pour une réponse pratique et surtout dans la ligne de sa conviction de Chrétien. » [1] Dans le présent texte, Ad Martyras, Tertullien exhorte les confesseurs de la foi qui sont en prison à ne pas céder  devant les supplices  et les atrocités qu’ils rencontrent en prison, mais des les accepter comme une grâce venue de Dieu. La lettre en question est  un texte de six(6) chapitres qui développent  des thèmes différents mais étroitement liés les uns des autres.
Cependant, pour mieux cerner le contenu de cette exhortation, nous procéderons de manière suivante. D’abord, nous allons situer dans son contexte familial, religieux et si possible philosophique. Ensuite nous ferons un résumé général du texte, puis nous dégagerons les grandes idées de chaque chapitre. Enfin, nous donnerons notre appréciation personnelle en vue d’approfondir le thème. Toutefois, il est aussi important de rappeler que nous travaillons dans une discipline bien précise, la Patrologie, ce qui nécessite une connaissance du point de vue conceptuel avant toute autre démarche.
                                                                 
1. Définition du concept de Patrologie
Selon le Dictionnaire de la théologie, la Patrologie est une partie de la Théologie qui traite de la littérature chrétienne de l’Antiquité et  les écrits des pères de l’Eglise. Dans son sen étymologique, la patrologie vient du Grec, Patros qui signifie père et logos qui veut dire parole ou discours. L’on peut ainsi la définir comme un discours, ou mieux un débat critique sur les écrits et sur les pères de l’Eglise. Pour reprendre un peu le père Cyrille, la patrologie est une étude historique, biographique, exégétique et critique des pères ou des textes des pères de l’Eglise. Cette étude vise concrètement à situer le père dans un espace et dans un temps bien précis, elle donne la possibilité, à travers les moyens qu’elle dispose, à comprendre mieux les ouvrages et les pensées des pères de l’Eglise. La Patrologie est une des disciplines indispensables de la Théologie.
2. L’environnement social et religieux de Tertullien
Tertullien est né à Carthage dans une famille païenne. La date de sa naissance et celle de sa mort restent incertaine. Son papa était un centurion dans une légion proconsulaire, il l’a perdu quand il est encore petit. Sa maman fait de lui un guide dévoué et éclairé grâce à ses études qui étaient centrées sur la pratique de la rhétorique et de la jurisprudence. En plus de ces deux disciplines, Tertullien avait de la passion pour la Philosophie, la science, antiquité et poésie qu’il qualifiait, la plus haute culture. Signalons aussi qu’avant sa conversion, Tertullien livrait sans retenue à tous les désordres et à tous les plaisirs que se permettait la jeunesse païenne de son temps.
En ce qui concerne son environnement religieux, Tertullien est fils de son temps. Nous le situons souvent vers les années 170 qui coïncide au règne de l’empereur  Marc Aurèle. Ce dernier avait déclenché une persécution terrible contre les chrétiens qui ont donné le témoignage du sang. Parmi ces Chrétiens, il se trouvait Polycarpe, le vieil évêque de Smyrne ; à Rome, le philosophe Justin qui, quelques heures avant sa mort reprenait quelque verset de la Bible en disant : « Des années, j’ai cherché la Vérité, mais quand j’ai connu Jésus Christ, j’ai su que j’avais enfin trouvé la lumière »[2]. Une telle déclaration a laissé ses bourreaux et ses persécuteurs dans une confusion totale. Blandine, la jeune esclave de Lyon fut torturée de manière horrible, mais dans sa douleur et son agonie, elle ne cessait de répéter  « je suis chrétienne, je suis chrétienne, non on ne fait pas de mal chez nous ! »[3]. Même les spectateurs qui assistaient à cette souffrance et cette mort atroce, étaient tous touchés par la douceur de Blandine et de son courage.
Avec l’empereur Commode, en 180, la persécution poursuit sa course contre les chrétiens. A Rome, Cécile va être décapitée avec son fiancé et le frère de son fiancé qu’elle venait de convertir au christianisme. Signalons que la persécution sous Commode s’était étendue jusqu’en Afrique du Nord, où c’est toute la communauté du petit village de Scili qui sera condamnée à mort. Ils sont au nombre de 13 dont sept(7) hommes et cinq (5) femmes. A la tête de cette communauté se trouve un certain Speratus. Ce dernier, au moment où l’on a annoncé la condamnation à mort, déclare avec douceur « nous remercions Dieu », et les autres, d’un même chœur répètent « oui, merci à Dieu ».
Ces différents exemples nous portent à dire sous réserve de critique que les principaux points qui ont conduit Tertullien à la conversion se trouvent dans la constance des chrétiens devant la persécution ; la sainteté et l’humilité de leur vie. Les chrétiens n’établissent pas de différence entre les hommes, ils se considèrent tous comme des frères et sœurs ayant pour Dieu le seul Père. Tertullien sera ému également par la supériorité de la doctrine chrétienne sur les systèmes philosophiques, sur les débâcles du démon qui confessent la divinité du Christianisme. En cela s’ajoute la puissance de la prière et des exorcismes pour la guérison des malades et l’expulsion du démon. Tertullien, comme la plupart de ses contemporains, croyait aux puissances surnaturelles, notamment le démon qu’il trouvait presque partout. Il s’est converti probablement vers 192 à Carthage où il résidait souvent.
Toutefois, Tertullien s’est vite identifié au christianisme avec un zèle de croyant convaincu de sa foi. Il s’est identifié avec la sublimité de la sagesse et de la droiture sans faille. Il applique à sa juste valeur la justice selon laquelle, il faut laisser à Dieu ce qui appartient à Dieu ; et qui interdit aux humains de pardonner les péchés mortels. Etant donné que le IIe, IIIe et IVe siècle était caractérisé par une ambivalence culturelle : d’un coté, les païens qui se livrent à des spectacles désordonnés voire même sanguinaires, et de l’autre coté, les Chrétiens qui cherchent à opposer une résistance à toutes ces pratiques en raison de leur foi. C’est dans ce monde, rempli de contradiction et des antis valeurs que notre néophyte devrait mettre par écrits ses pensées et ses convictions de chrétien.
3. Les écrits de Tertullien
Tertullien est le père de l’Eglise qui a beaucoup contribué pour que la littérature latine chrétienne entre dans l’histoire. Doué d’une faculté intellectuelle extraordinaire, il est devenu célèbre dans l’histoire de l’Antiquité chrétienne à cause de son éloquence. Les ouvrages les plus importants de Tertullien peuvent se résumer en trois recueils : les ouvrages apologétiques, les traités contre le gnosticisme et les livres à l’usage des fidèles. Notre travail ne consiste pas à faire la synthèse de chaque livre, mais nous allons dans la mesure du possible présenter ce qui nous parait utile pour notre travail. En voici quelques ouvrages de Tertullien :
-Ad Nationes, dans cet ouvrage, Tertullien s’attaque aux mœurs des païens qui nourrissent une certaine haine populaire contre les chrétiens
Apologeticum : C’est un ouvrage qui  a connu beaucoup de succès. Ici, Tertullien montre que la religion proscrite est exempte des crimes qu’on lui reproche et qu’elle est, elle-même le Bien. Il écarte toute accusation qui consiste à dire que les chrétiens égorgent les enfants pour manger et commettent des infamies  dans l’obscurité. Selon lui, ces crimes seraient plutôt le fait des païens habitués à faire des sacrifices des être humains.
-De Proescriptione Hoereticum ; dans cet ouvrage, Tertullien invoque contre les hérétiques, la prescription de la doctrine de l’Eglise, il soutient que les Ecritures appartenant à l’Eglise, non seulement par droit d’ancienneté, mais par héritage direct, les hérétiques n’ont pas le droit d’en disposer à leur guise pour étayer leur rêveries. Parce que leur doctrine n’est pas recevable du fait qu’elle est nouvelle.
Ad versus Marcionem.  

     

            








[1]  Cyrille ATITUNG, Cours de Patrologie I, du I e au IIIe siècle.2010-2011
[2]  Ecclésiastique 2, 1
[3] La vie des chrétiens

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