samedi 17 janvier 2015

La circoncision et la chasteté dans la tradition séréré au Sénégal

                                                                                       

. Présentation sommaire du Sénégal


Le Sénégal appelé aussi « pays de la téranga » (pays de l’hospitalité), se situe à l’extrême Ouest du continent africain. Il est limité au Nord par la Mauritanie, au Sud par la Guinée Bissau et la Guinée Conakry, à l’Est par le Mali et à l’Ouest par l’Océan Atlantique. Nous trouvons également la Gambie (un pays indépendant, colonisé jadis par l’Angleterre) qui est à l’intérieur du Sénégal. Colonisé par les français, le Sénégal acquis son indépendance le 04 Avril 1960 et s’étend sur une superficie de 196 192Km2. Actuellement le pays est réparti en 14 régions à savoir : Dakar (la capitale), Saint Louis, Ziguinchor, Kolda, Matam, Louga, Thiès, Kaolack, Tambacounda, Diourbel, Fatick, Kédougou, Kaffrine, Sédhiou.

De nos jours, « le pays de la téranga » compte une population de 13.75 million, nous rencontrons des ethnies comme les wolofs (dont la langue est devenue nationale), les sérères, les peulhs, les diolas, les mandingues, les mankagnes, les toucouleurs…Ces différentes ethnies cohabitent se côtoient et se taquinent dans la plus grande fraternité ; c’est ainsi par exemple qu’un sérère  se réclame être roi d’un diola. Notons ici au passage l’importance de cette relation très riche.

Faisant parti des ethnies les plus réputées au Sénégal, les sérères sont plus concentrés dans les régions de Fatick, Thiès, Kaolack, Kaffrine et une partie de Dakar. Ils sont reconnus comme de grands cultivateurs d’arachide et de mil mais aussi le commerce, l’élevage et la pêche ne manquent pas dans leurs différentes activités.  Avec la mondialisation les sérères sont connus dans presque toutes les activités qui servent de gagne-pain.

 Comme dans toute société chaque groupe a sa façon de faire et de concevoir la vie, c’est ainsi que chez les sérères la dignité est d’une grande importance. Le fils de sérère n’accepte pas l’humiliation et cherche toujours à se battre dans la vie pour ne pas être en reste. Ce qui nous a valu certainement jusque-là le fait le Sénégal n’a été dirigé que par des présidents sérères.

Cependant, jadis tout jeune garçon sérère devait passer par différentes épreuves pour prouver sa bravoure mais plus encore afin d’avoir une place et un mot à dire dans la société sérère. Nous voulons citer l’étape de la circoncision qui était une porte incontournable pour tout adolescent qui doit entrer dans la cours des grands.

I - Le rite de la circoncision et de l'initiation

Ce rite comporte deux aspects: l'opération ou l'ablation du prépuce, et la retraite Initiatique.   


a-  L'opération ou l'ablation du prépuce

L'ablation du prépuce qu'on appelle tout simplement la circoncision, est la première épreuve de courage et de maîtrise de soi, à laquelle les futurs initiés sont soumis. Elle est assurée par le "namaan", circonciseur choisi pour ses connaissances mystiques.

Les circoncis devaient donc marquer leur volonté de subir l'épreuve: ni de cris, ni de larmes par peur de devoir remplir de larmes une calebasse déposée sous ses yeux. Certains, pour se concentrer, serraient un bout de bois entre les dents. Pour le séreer en effet, c'est le sens de l'honneur qui fait l'homme. Rien de plus déshonorant pour un parent de savoir que son fils a crié ou pleuré au passage du couteau, de la chair au bout de bois de baobab placé sous le sexe.  

Certaines familles enterrent le prépuce, tandis que d'autres l'attachent au poignet ou au pied du circoncis jusqu'au jour de sa sortie. Evidemment, les règles d'hygiène manquent de rigueur et les cas de décès durant la retraite initiatique sont souvent dus à cela. L'opération se faisait  avec un couteau bien aiguisé : il fallait couper d'un seul coût le prépuce. L'opération terminée, on accueille les circoncis dans le "ndut" en leur remettant chacun un bâton sur lequel ils pratiqueront chaque jour une encoche jusqu'à leur sortie. Ces bâtons servent donc de calendrier et de mains pour saluer tout initié qui voudra les saluer.


b -  La retraite initiatique

L'entrée en initiation ou la retraite initiatique, "rok ndut" symbolise l'entrée dans le nid qui abrite les oiseaux mineurs dépendant en tout et pour tout des parents: nourriture, protection. Ce "ndut" ( nid d'oiseau) devient la hutte ou l'enclos des circoncis où les adultes initiés transmettent toutes leurs connaissances pratiques et techniques: la révélation des usages, des coutumes, des croyances qui permettent à l'individu d'être un membre actif de la communauté. Par les exemples, les exhortations, le jeune s'imprègne progressivement de l'idéal. Car, à l'image de son corps qui se développe, sa personnalité sociale était incomplète. Cela commençait par la retraite dans les bois sacrés, loin du village et de toute personne non initiée.


Pendant leur retraite, les initiés étaient placés sous la garde d'un Maître initiateur
( le Kuma) qui avait la charge de leur sécurité physique et mystique, contre tout malfaiteur de jour comme de nuit, homme comme femme. Il a souvent un assistant qui est le berger des circoncis ( o kaynak jul).


Les anciens et les "saltigi" ayant assuré que la période était sans danger pour les circoncis, les moniteurs ( selbé") , assuraient l'initiation au quotidien, en particulier durant les veillées initiatiques, une promenade diurne ou à l'occasion  des visites imprévues d'adultes initiés. Il fallait savoir réciter les formules d'entrée permettant de recevoir les bâtons appelés "a linj", et marquer le couvre feu par un chant. Durant ces veillées, coudes et genoux à terre, les initiés frappent énergiquement la terre avec leurs bâtons ou avec la pomme de leurs mains, selon le rytme et la signification du chant. Une vraie école de la vie, mais aussi une  occasion d'un vrai règlement de compte, surtout à l'égard des enfants impolis. Une réponse ratée est l'occasion  d'un bon coût de bâton ou d'une méchante verge. Traités sans pitié et l'attention étant de rigueur, ils devaient rivaliser de science pendant les veillées initiatiques.

En voici des exemples: " A lukukuk ndeb na loy, loy a ndeb na samban; o nak o hu garna meen roog seen mbar yo. Te fania, te diaba, roog seen mbar yo; te ref o kor, te ref o tew, roog seen mbar yo"Ce sont là trois oiseaux nocturne maléfiques ( lukukuk, loy, samban) de la même espèce, craints pour leur  présence symbolisant celle d'un esprit maléfique, et qui sont  cités par ordre de grandeur. En un mot: quelque soit le sorcier qui se présente, qu'il accepte ou non, qu'il soit homme ou femme, tuez-le.

Et voici un chant typique pour le couvre feu: "girgik tam a tong ala hirva mbip nder o yeng". Après ce chant, survint alors un silence absolu jusqu'au petit matin. Tous allongés, gardent la même position sur une natte: jamais de côté ni à plat ventre.               
        
Cette retraite qui concernait de nombreux jeunes du même groupe d'âge, d'un village ou même d'un ensemble de villages, durait de un à trois mois, mais n'avait lieu que tous les trois à cinq ans ou plus.

Certains vieux s'en souviennent ! Ce qui était fréquent, c'était le "moroh" : l'opération du prépuce suivi d'une initiation rudimentaire. De ce fait, un "moroh" n'était pas un vrai initié au vrai sens du mot, mais un circoncis tel qu'il se  pratique depuis une cinquantaine d'années.

Dans le "ndut", on apprend à sublimer ses instincts, ses penchants, ses pulsions, c'est-à-dire être capable d'une certaine maîtrise de soi afin de parvenir à gérer ses désirs, mêmes les plus élémentaires: manger, boire, dormir…; savoir observer une certaine rupture, un renoncement, en sachant éduquer son corps. Il devait en quelque sorte permettre à l'initié d'atteindre, en matière de rapport avec les autres, une personnalité sociale complète au moment où le corps physique accède à son plein développement physique adulte.

Nous pouvons énumérer beaucoup d'acquis dus à la retraite initiatique. Ces acquis à un état social particulier, ne sont que le résultat des vertus que tout homme doit posséder pour vivre avec ses semblables dans une société: le courage, l'endurance,  la force morale et physique, l'obéissance, la solidarité, la responsabilité, la capacité de gagner sa vie, savoir se taire et garder le secret… Beaucoup de mots de passe
( langage secret), faisaient aussi partis des éléments de la pédagogie initiatique ( "a jax" ).

c- La sortie

A la veille de la sortie du "ndut", se produisait un cérémonial impressionnant durant lequel, les circoncis passaient entre les jambes de "Maam", d'où le nom de "Maam" a dudaan (Maam l'a avalé). Le génie "Maam" depuis sa résidence de Sangomar à quelques kilomètre de Jahanor, visitait les circoncis afin de les avaler et de parachever ainsi leur naissance.

Devenus des nouveaux hommes, les initiés sont lavés de bon matin, vêtus de chemises ( njor bal ou njor ndan) d'une couture très simple qui terminait en bandelettes aux manches et aux reins, aux couleurs et dessins variés, selon la famille à laquelle on appartient. Puis, un chapeau ovale décoré de perles de toutes couleurs, de clochettes et de petits miroirs couvrait la tête de chaque initié.

Les initiés étaient remis à leur parent par le Maître initiateur. Ceux dont les enfants étaient morts durant la retraite initiatique, voyaient les habits portés sur un bois en forme de croix. Cette rentrée, marquée par des très belles danses était très attendue. C'était l'occasion de beaucoup de cadeaux en nature ( argent, poulets et même parfois un bœuf). C'est ce que l'on appelait le "vong". Le dernier en mémoire fut celui de la génération de Moussa Mossane, le danseur par excellence qui vaincu tout Palmarin.

En voici son chant initiatique : " O kor no ndew a bol a kongos, dibam o kor jayi; kavat jayi, a dako kavat jayi ". Refrain qui lui a valu beaucoup de succès. Il nous l'a raconté les larmes aux yeux.

Le jour de sortie, ces danses et processions célébraient à leur manière le mystère de l'initiation humaine qui conduit l'homme - enfant vers l'homme - adulte et social. Expression de joie et de triomphe, les initiés dansaient en entrant dans le "ndut" et sortaient en dansant après les épreuves. C'était là une occasion de jouissance et de processions qui pouvaient durer une semaine entière à travers ruelles et maisons du village ou de la contrée. Ce jeune initié est désormais un adulte prêt à assumer ses responsabilités sociales et sa propre vie.

Comme circoncis, la tendance est qu’il faut fonder une famille et se faire beaucoup d’enfants, ce qui était une bonne main d’œuvre à l’époque. Mais tous ne sont pas appelés au mariage ou ne désirent pas fonder un foyer, qu’en est-il alors au juste de la chasteté en Afrique. Sur ce point nous avons préféré sortir de la particularité afin d’enrichir notre travail.



II. LA CHASTETE DANS LA TRADITION AFRICAINE

a- Quelques généralités

Il est vrai que les jeunes africaines grandissaient dans une ambiance où l’on exaltait le mariage. La vraie richesse, c’était d’abord les enfants. Si l’on ne se moquait pas ouvertement des couples stériles, on en avait pitié et on les considérait comme des malheureux. Mais est – ce pour autant qu’il faut avancer que la chasteté n’existait pas en Afrique et que l’éducation que recevait les jeunes gens, n’y préparait pas ?

Il faut aussi rappeler que, prises dans leur matérialité, les prohibitions et les prescriptions de la morale chrétienne en matière sexuelle ne lui sont pas propre, sauf peut – être en ce qui concerne l’interdiction absolue du divorce. Partout la sexualité est vécue de manière culturelle.

Nos cultures africaines pré – chrétiennes ont interdit l’homosexualité, les relations pré – conjugales ou extra – conjugales, les pratiques abortives ou anticonceptionnelles, le coït « per anum », etc. La jeune fille devait se réserver entièrement pour l’homme qui sera son époux.

            Aujourd'hui, le constat est amer. La plupart des jeunes en formation ont vécu dans l'univers de la mixité. Ils ont pu lors de l'adolescence vivre quelques attachements sentimentaux et des relations de couple provisoire, voire même des expériences sexuelles.

La mixité entre garçons et filles, qui s’est considérablement développée aujourd’hui, n’avait pas cours dans nos traditions. "Les garçons avec les hommes, les filles avec les femmes" était le mot d’ordre. Cela comportait certes des inconvénients, mais avait des avantages.

Il y avait donc un langage social qui contrôlait et organisait la sexualité. Il y avait tout un « encadrement » des jeunes gens et une éducation aux valeurs. Il existait des circonstances, des périodes où les hommes n’approchaient pas des femmes. Cela a fait dire au Père Matungulu OTENE que « bien avant l’annonce de l’Evangile, les ancêtres avaient donc perçu que dans la continence, il pouvait y avoir une force vitale, une source de vie et de croissance humaine » (Conférence, septembre 1997 à Yaoundé). C’est l’amour de vie qui était cause de la continence dans nos traditions et non la continence pour elle – même.

La prudence fait que, dans nos cultures négro – africaines, les relations d’amitié entre homme et femme n’étaient pas vues en général d’un bon œil.

Bien entendu, les cultures africaines avaient des griefs contre le célibat qui était regardé comme un corps étranger, quelque chose de difficile voire impossible, un rétrécissement de la famille, un désaveu de l’affectivité et de la sexualité.

 Dans la mentalité de la plupart des gens, même si heureusement se trouvent des jeunes qui se battent pour conserver leur virginité, aussi longtemps que possible, il est impensable que des personnes normales puissent se passer de relations sexuelles à partir d'un certain âge. Si bien qu'ils doutent même de la chasteté des consacrés.

A côté de ces signes négatifs, il y avait cependant des aspects positifs reconnus au  célibat. On avait, par exemple, en haute estime la virginité et la pureté. Il y avait, d’une certaine manière, un caractère prophétique du célibat ou de la continence : certains guérisseurs vivaient seuls et n’étaient pas mariés. Leur état de célibataire était le signe de leur mise à part; on observait la continence pour conjurer un mauvais sort.

La chasteté entre dans le respect de soi et du aux autres. Dans les cultures africaines, il y avait une façon de se comporter avec les autres en respectant ce qu’ils sont et représentent : leur âge, leur sexe, leur fonction. Il y avait particulièrement une manière de se tenir en face d’un homme ou d’une femme. Pour sauvegarder la pureté des jeunes gens, la Tradition insistait surtout sur ces points :

-          la garde des sens
-          la fuite des personnes et des circonstances qui peuvent faire « tomber ».
      -    le refus de la médiocrité : ne pas se complaire dans les bassesses, ni le laisser aller aux  
            jeux frivoles d'un amour passager.

Ces généralités que nous venons de voir (à grands traits) ne doivent pas nous faire oublier que le célibat dans la chasteté était un cas exceptionnel pour nous en convaincre, voyons plutôt la place de l’enfant dans le monde traditionnel africain. Cela montrera mieux la valeur des consécrations d’aujourd’hui.

b-  L’enfant dans le monde traditionnel

« Mieux vaut mourir pauvre, mais laisser des enfants, que mourir sans enfant, mais riche ». Ce dicton populaire que l’on retrouve à peu près partout dans les différentes traditions africaines, montre l’importance attachée à l’enfant. C’est le don le plus précieux, la synthèse de toutes les espérances. L’absence d’enfant est ressentie comme un échec et le mariage est alors vécu dans la détresse.

La maternité, c’est la vocation fondamentale de la femme. Elle est d’abord mère avant d’être épouse. Sans enfant, sa situation d’épouse reste très précaire. Ecoutons plutôt la complainte de cette femme Agni de la Côte – d’Ivoire pour son enfant perdu :

« Mon cher enfant qui me sert de jeu, le jeu de ma vie, a disparu de mes   mains. Avec quoi jouerai – je encore ? Je suis privée de jeu et de joie, plongée dans la tristesse, au milieu des mères innombrables, qui portent, joyeuses, leur enfant dans les mains jeu qui ne se remplace pas ! » (J. P. ESCHLIMANN, Naître sur la terre africaine, Inadès, Edition, Abidjan, 1982, P. 1).

Tout ce qui constituait une entrave à la fécondité, était vu comme un pas vers la « mort ». L’enfant épargne de cette mort définitive. Le jeune Ndut (Ethnie sénégalaise au nord de Thiès), en âge de procréer et non marié, qui mourait dans cet état, était soumis, avant son enterrement, à une cérémonie d’imposition de cendre sur les parties génitales. La cendre est symbole de sa mort. Il ne laisse rien derrière lui qui le rappelle à la mémoire des vivants. Et pour que cette malédiction ne s’acharne pas contre sa famille, on procédait à cette cérémonie.

Chez les Baluba du Kassaï, en République démocratique du Congo, lors de l’enterrement d’un homme ou d’une femme stérile, un ancien lui plantait une flèche dans le ventre pour éviter qu’il ne puisse à jamais renaître. Parfois, on retournait une marmite noire sur la tombe. Ce faisant, on empêchait la mort de reconnaître la voie vers la famille.

Le temps n’est pas loin où les jeunes gens qui, malgré les supplications des parents et les conseils de l’entourage, voulaient se consacrer à Dieu dans « la chasteté pour le Royaume », se voyaient prodiguer gravement un ultime conseil ou faire une dernière demande: « Laissez – nous au moins des enfants de ceux, nombreux, que vous portez dans vos reins avant de vous engager » et l’on s’étonnait qu’ils ne « pleurent pas sur leur virginité ».

Les autres jeunes gens ne comprenaient pas non plus et souvent se moquaient de ceux qui renonçaient au mariage. Ils les chansonnaient parfois ; « Amis, malheur au jeune homme qui se prive de descendance : il devra « se pleurer » tout seul ! Amies, bien à plaindre la jeune fille sans enfants : elle devra « se pleurer toute seule ! ».

Le griot sénégalais chante la grandeur de la paternité et la dimension d’éternité qu’elle procure : « Il n’y a qu’un seul moyen pour ressusciter, il n’y a qu’un seul moyen pour échapper à l’oubli, c’est notre fécondité ».

La fécondité de nos vies dépend beaucoup du degré de conscience que nous avons de notre identité. Les religieux, créés à l'image de Dieu, sont tout de même des créatures tissées d'humanité, cousues de passions et de désirs, et restent donc des êtres de chair; non pas des célestes ou des extraterrestres.

Après tout ce que nous venons de dire sur l’importance et la place de l’enfant, comment    peut – on parler de chasteté dans le monde traditionnel ? Il faut préciser que l’enfant dont il est question dans le monde traditionnel, c’est l’enfant issu d'une famille (d’un mariage régulièrement contracté ou non), où l'on a une conception toute spéciale du mariage. Il portera au fond de son être, toute sa vie durant peut-être, des images riches en couleurs en ce domaine.

Il faut noter aussi une  réalité qui ne facilite pas de vivre le célibat consacré : c'est la polygamie de nos parents. Aussi le fait de voir autour de soi ou dans sa propre famille, des enfants d'une même mère avec des pères différents. L'influence du milieu psychosociologique sur le jeune africain n'est pas à minimiser. Pourtant, c'est dans la complexité de ces situations que le Seigneur continue à choisir des célibataires pour son Royaume (cf. Matungulu OTENE, p.23-24).

Cette chasteté vécue dans le monde traditionnel est surtout avant le mariage. Durant cette période, il y a une éducation sexuelle qui est donnée, même si elle demeure très discrète.

c-  L’éducation sexuelle dans le monde traditionnel

De manière générale, il faut dire que le discours sur la sexualité était massivement dissuasif et même culpabilisant. Le sujet est complexe et difficile. Dans toutes les cultures, on a d’abord cherché à le résoudre par la fuite et le néant. Cela peut conduire hélas aux pires catastrophes psychologiques ou morales.

La société traditionnelle n'avait pas pour autant capitulé. Sans se substituer aux parents, elle avait un regard vigilant sur la sexualité. La tâche était surtout confiée à des adultes du village qui veillaient sur les jeunes gens. C'était comme des informateurs.

L’éducation sexuelle avait pour tâche de veiller à la saine croissance de l‘amour et de toutes les puissances d’amour : sensibilité, sensualité, émotivité, etc. Il n’y avait pas que la considération pour le développement des organes sexuels ou des formes du corps. Tout en comportant une part d’information objective, l’éducation sexuelle était l’éducation d’une croissance intérieure.

 Pour la jeune fille par exemple, l’apparition de phénomènes psychologiques était l’occasion pour la maman ou la tante de compléter l’information par une conversation en famille, dans une atmosphère de franche intimité. Il fallait éviter à la fille nubile les surprises catastrophiques, mais la note morale semblait aussi très importante. Elle ne devait surtout pas être une femme au pagne léger demain.

La morale traditionnelle déconseillait unanimement les fréquentations prénuptiales. C’est ainsi que les fiancés ne devaient jamais être seuls si toutefois ils se connaissaient. Car dans la pratique, ils restaient longtemps sans se connaître. On informait seulement le garçon qu’on lui avait trouvé une fiancée. Pour la fille, il en était de même. De sorte qu’ils pouvaient vivre dans la même concession sans savoir ce qui se passait. Une nécessaire austérité était exigée.

La compagnie d’un sexe différent était jugée dangereuse à cause de la fragilité humaine trop grande. Une fille ne se trouvait point avec les garçons. Un garçon, craignant de s’exposer, regarde la compagnie des filles très dangereuse pour lui.

            Ceci nous montre combien était sérieuse la question de l'éducation sexuelle dans le monde africain. On ne pouvait pas minimiser la force redoutable de la sexualité. Chacun de nous, en effet, se sent attiré par le charme du sexe opposé, même si sentir qui est du domaine de l'instinct animal n'est  pas consentir, lequel est du domaine du libre arbitre, de la volonté libre.

            Cette liberté nous distingue de toutes les autres créatures terrestres. C'est là qu'intervient l'engagement : engager sa vie pour une cause qui vaille la peine, pour un idéal et des principes de vie.

Point n’est besoin d’entrer dans les détails pour dire que les séances d’initiation, tant pour les jeunes garçons que pour les jeunes filles abordaient abondamment le thème sexualité avec toutes sortes de recommandations et de prescriptions pour demeurer chaste avant le mariage et pour demeurer fidèle durant toute la durée du mariage.

Pour conclure cette partie, disons que la chasteté continente avant le mariage était de règle en Afrique traditionnelle. Elle était aussi de règle dans le mariage suivant les événements et les circonstances. Si les naissances étaient si espacées (3 ans), c’est bien grâce à une certaine chasteté maritale.  Les fautes contre celle – ci étaient sévèrement punies. On peut dire que la chasteté comme disposition intérieure qui pousse une personne à réguler sa sexualité de façon libérant (pour soi et pour les autres) était bel et bien vécue dans les cultures africaines.

            Nous pouvons repérer ce système dans notre histoire personnelle et familiale. Pour se faire, chacun a intérêt à se poser ces questions :

                        -  Quel est mon propre système familial ?
                        -  Quels sont les différents éléments en interaction qui ont eu une influence sur
                            ma manière de vivre ma propre sexualité ?

Méditer les réponses qui en sortent, est bénéfique car elles nous aident à comprendre notre propre humanité. En effet, chaque fois qu'un événement douloureux se produit, chaque personne est déstabilisée en profondeur et les difficultés et les blessures des stades de sa petite enfance se réveillent.


Conclusion
La circoncision et l’initiation rendent le jeune adolescent un homme capable de… dans la mesure où elles lui permettent de comprendre les aléas de la vie qui l’amènent à exprimer sa maturité et d’avoir le sens de la responsabilité dans son engagement.

Ce que les cultures africaines traditionnelles et la Tradition de l’Eglise nous disent de la chasteté est très enrichissant. Cela nous montre l'importance de la chasteté pour la fécondité de nos vies et peut permettre de dégager pour aujourd’hui de nouveaux chemins pour son vécu.

Tout en restant fermement convaincu que le secret d’une vie chaste se trouve dans l’initiation même du Christ, nous demeurons persuader que le discours sur le corps est à revoir. Il faut former les jeunes à l’amour vrai du corps, à une connaissance et à une compréhension du corps. La dignité du chrétien n’est pas à situer du côté d’un contrôle répressif du corps ou dans l’immunité par rapport à ses sollicitations.

            

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