jeudi 11 décembre 2014

POUR QUE L’ENFANT JESUS NAISSE AUJOURD’HUI EN RD CONGO, merci Armel

POUR QUE L’ENFANT JESUS NAISSE AUJOURD’HUI EN RD CONGO.
« -Noel, rumeur de joie au cœur de Dieu.
   -Un enfant nous est né. Un fils nous est donné.
   -Le peuple qui marche dans les ténèbres, a vu se lever une grande lumière ».
Voila tant d’expressions qu’on entend pendant le temps de Noël. Dieu a visité l’humanité à travers l’incarnation de son Fils Jésus-Christ. Celui-ci s’est inséré dans le cours de l’histoire de l’humanité, non pas par complaisance, mais pour une Mission bien déterminée : celle de vivre devant les hommes la plénitude de la vocation de l’homme tel que voulu par Dieu, afin d’emmener l’homme à une véritable conversion. Il s’agit de la conversion  qui vient du cœur, et non celle conçue au niveau  de la tête. En effet, la conversion du cœur  réconcilie l’homme avec Dieu et le situe dans une vraie relation avec le prochain ; ceci en vue de la construction du bien commun. Renouveler donc l’homme et son contexte de vie, transformer la face de la terre en vue du salut de l’homme est la mission du Christ. « Sikawa Ngombolo ekohabiter esika yoko avec mpata, nkoi ekolala près na mwana ntaba, mwana ngombe et mwana ntambwe bakomanger esika yoko, ata mwana moke ndakoki koconduire yango. Ngombe na ngombolo ikomanger matiti esika yoko, bana ba yango bakocoucher esika yoko. Ntambwe na ngombe ikomanger matiti makauki. Mwana moke ako s’amuser o libulu lya nyoka., mwana moke akoétendre loboko o lilusu lya etupa » (Is11, 6-8). « O Yerusalem, teleme mpe ongenge, zambi mwinda mwa yo mozali kotana, nkembo ya Mokonzi ebimeli yo » (« Lève-toi, et resplendis, car ta lumière paraît, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi » (Is 60, 1). 
Reprenant ces paroles remplies d’espérance adressée par le Prophète à ses frères Israélites  longtemps croupis sous le lourd fardeau de l’exil, l’Episcopat du Congo s’adresse au peuple congolais en ces termes : « O Congo, teleme mpe ongenge.». Mais bien avant lui, nos aïeuls n’ont pas trouvé mieux que le cri d’espérance jailli du cœur du Prophète, pour nous exhorter à assumer notre histoire commune, afin de bâtir un Congo plus beau : « Toteleme bana ya Congo (Debout Congolais)… ; totelemisa bilongi bya biso egumbami kala (dressons nos fronts longtemps courbés)… ;… bobanda nzembo esantu ya mokangano mya bino (…entonnez l’hymne sacré de votre solidarité)…. » Nous aïeuls nous invitent à entonner notre hymne national, le « DEBOUT CONGOLAIS ».
Mais, au lieu d’entonner ici le « DEBOUT CONGOLAIS » dans ce cadre-ci, nous voulons nous arrêter, un temps soit peu, pour nous interroger sur ce que nous sommes en train de devenir ou, du moins, le stade où nous sommes présentement. Nous Congolais, pouvons-nous affirmer, aujourd’hui, sans trouble ni honte au visage, que nous nous sommes déjà mis debout ? Quels noms pouvons-nous attribuer, nous-mêmes,  aux différentes chaînes, qui nous empêchent de nous mettre debout ? Dans le contexte de crise, qui caractérise actuellement le pays, que peut faire l’Eglise particulière du Congo afin que l’espérance annoncée par le Prophète,  et reprise par notre Episcopat (CENCO) à la suite de nos aïeuls, soit effective ?
Ainsi, allons-nous, dans un premier moment, nous saisir de grandes lignes que renferme cet hymne pour réfléchir sur le chemin parcouru par notre cher pays le Congo, depuis son indépendance jusqu’à nos jours (I). Cela nous permettra, dans un second moment, de nous intéresser à la catéchèse comme l’un des moyens dont dispose l’Eglise particulière du Congo pour hâter la venue du Christ dans le cœur du Congolais et de la Congolaise, en vue de leur action transformatrice au cœur de la société congolaise.(II)  

I- Analyse de l’hymne national de la RD Congo
Symbole d’identité d’un peuple, l’hymne national renferme en même temps son passé et son futur. En lui, le présent remonte continuellement le cours de l’histoire, pour aller puiser dans le passé les données nécessaires à la construction du futur. Comportant, de façon patente, le passé du peuple et, de façon latente, son avenir, il paraît à la fois comme un héritage et un défi, une tradition et un engagement. En effet, il permet à la génération présente de s’approprier des aspirations majeures contenues dans la tradition laissée par les générations passées, afin de s’engager activement dans la création d’espaces de vie plus beaux aux générations à venir. L’hymne national est donc un ʽʽvéritable programme d’actionʼʼ pour un avenir meilleur. Guy MASIETA le qualifie de : « ʽʽpoteau indicateurʼʼ qui marque la voie à suivre pour le développement du peuple »[1].
Ainsi, nous Congolais, en chantant le « DEBOUT CONGOLAIS », comme un seul homme, nous devons continuellement renouveler notre disponibilité à œuvrer pour le bien être de chacun et de tous, sur toute l’étendue du territoire.
Mais que dit au juste l’hymne national ? En méditant sur notre hymne, nous y découvrons six idées forces : mouvement, ouverture, abnégation pour le travail bien fait, pleine liberté, reconnaissance, promesse du témoignage de vie.
1- Le mouvement
« Debout Congolais, unis par le sort, unis dans l’effort pour l’indépendance. »
Notre hymne commence par une expression qui exprime un ordre appelant à un mouvement : « Debout Congolais ». Le Congo actuel peut-il être comparé à l’homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho, tombé entre les mains des brigands qui l’ont roué de coups et l’ont laissé à demi mort, après l’avoir dépouillé (Lc10, 30-37) ? Ou était-il assis devant le temple comme l’aveugle guéri par Pierre au Nom de Jésus (Ac3, 6) ? Tout compte fait le Congo n’était pas debout. Le bilan dressé en 1992 par la Conférence Nationale Souveraine (CNS), après 32 ans d’expérience de la RD Congo comme pays indépendant, montre largement que le pays a été profondément affecté par le mal zaïrois[2]. Ce mal porte les noms de libéralisme, de totalitarisme et d’authenticité mal conçue et mal appliquée. Il s’agit d’un libéralisme qui met, sans grand effort, le bien commun au profit d’une minorité intouchable ; d’un totalitarisme qui a fourni, pendant longtemps, à nos gouvernants, les méthodes de conquête et de maintien du pouvoir ; et d’une authenticité mal conçue et mal appliquée, qui a, de tout son poids néfaste, servi à l’inversion des valeurs au sein de la société congolaise. Aussi, il est à mentionner la recherche des intérêts égoïstes, tant par des nationaux que par des étrangers, qui a été la principale cause des rebellions et des sécessions qu’a connus le pays. Aussi, assiste-t-on à un laxisme moral dans le domaine de la gestion des affaires publiques. Les institutions financières étatiques et para-étatiques sont, en effet, gérées comme une caisse du Parti-Etat. Le pays, privé de modèles de référence était tombé dans la médiocrité ; son image à l’extérieur avait été ternie. Le système éducatif et la recherche scientifique avaient reçu un coup. Le Congo est donc, depuis sa transformation en colonie belge jusqu’à la Conférence Nationale Souveraine en passant par l’organisation hâtive de son indépendance, allongé par terre ou assis. Il avait besoin de se lever. C’est normal que le « DEBOUT CONGOLAIS » retentisse encore.
Mais aujourd’hui, peut-on affirmer, sans aucun retenu, que le Congo s’est déjà mis debout ? L’abondante littéraire sur la situation du Congo, toutes pertinentes, venant aussi bien de Congolais que d’étrangers[3], nous poussent malheureusement à répondre par le négatif. Il est impérieux que, comme un seul homme, tous les fils et filles de notre pays se mettent debout en vue de sa construction.
2- l’ouverture
« Dressons nos fronts longtemps courbés, et pour de bon, prenons le plus bel élan dans la paix. »
Notre hymne invite chacun de nous à adopter une attitude qui n’est réservée qu’aux hommes libres et fiers : « Lever le front ; marcher la tête haute ». Le Congolais doit être fier pourquoi ? Parce qu’étant intendant d’un nombre incommensurable de richesses. La RD Congo n’est-il pas considérée comme un scandale sur les triples plans agricole, hydrographique et géologique ? En effet, avec une population qui s’élevait en 2003 à 57.596.000 hts répandus dans les 11 Provinces qui constituent le pays, le Congo est riche en production agricole. On y trouve en grande quantité le maïs, le riz paddy, le sorgho, le manioc, la patate douce, l’igname, le haricot, la banane plantain, la banane douce…. Au niveau de la production animale, citons les bovins, les ovins, les lapins, les porcins, les volailles. La production agro-alimentaire donne entre autres le café, le cacao, le thé, le tabac, le bois, l’huile de palme, le coton fibre, le quinquina, le caoutchouc, la canne à sucre…. La flore est témoin de la capacité du pays à porter des cultures. Il n’y a pas de paysage à caractère semi-désertique ou désertique. Le pays est couvert à 48% par la grande forêt équatoriale, soit plus ou moins 1,125millions de km2, et à 52% par la savane, soit 1.220 millions de km2. Ces deux types de végétation renferment environ 10.000 espèces de plantes et nourrissent près de 409 espèces d’animaux et d’oiseaux. Plusieurs sortes de plantes des climats tempérés se cultivent en haute montagne comme le blé et la vigne. Le sous-sol congolais recèle entre autres du niobium, du germanium, du zinc, du molybdène, de la cassitérite, du fer en abondance, de la bauxite, du titane, du magnésium, du wolframite, du cadmium, du béryl, des phosphates, de l’absinthe, du barythène, du diatomite, du mica, du plomb, de l’émeraude, de la topaze, des terres rares comme la monazite, la bastnaésite, le calcaire, le cuivre, le zinc métal, le cobalt, le coltan en grande quantité, l’or fin, le diamant, le charbon, le pétrole…[4]. Le Congo n’a rien à envier à aucun autre pays du monde. Le Congolais a de quoi être fier.
Mais peut-on affirmer, aujourd’hui qu’il a le front levé, qu’il est libre et fier ? La négative court plus vite que la positive dans notre cas d’espèce. Qui peut être fier devant le nombre d’enfants accueillis par la rue ou produits par elle ? Ils portent plusieurs noms selon les réalités vécues : ʽʽenfants sorciersʼʼ, ʽʽenfants de la rueʼʼ ( Shege ), ʽʽKulunaʼʼ, ʽʽenfants soldatsʼʼ…. Que dire des politiques salariales et d’habitation, des transports urbains, de la fourniture d’électricité et d’eau potable ? A cœur de ce contraste où le Congo, en même temps qu’il est tellement riche, est pauvre parmi les pauvres, qui peut donc avoir le front levé parmi nous ? Il est urgent que nous nous mettions vite au travail ; notre avenir commun en dépend.
3- L’abnégation pour le travail bien fait
« Oh peuple ardent par le labeur, nous bâtirons un pays plus beau qu’avant, dans la paix. »
Notre hymne nous invite à rejeter tout ce qui concourt à la paresse et à nous appliquer au travail, dans la paix. Mais de quel travail s’agit-il ? Peut-on construire une nation dans un système où les services publics sont en grande partie défectueux  et où les salaires sont généralement payés en retard ? En fait, la politique salariale du Congo n’encourage pas la grande partie de la population en âge de travailler à s’engager dans le secteur public. Le formel cède le pas devant l’informel ; la recherche de subsistances à court et moyen termes oblige. Aussi, peut-on attendre grand-chose d’une jeunesse qui, dans sa grande majorité, se consume  dans la boisson, la danse et le sexe ? Au même rythme effréné que les sectes, les débits de boisson ʽʽterrassesʼʼ poussent comme des champignons le long des rues et ruelles. Comment récupérer la masse d’énergie qu’on dépense dans la boisson et la danse, pour l’investir dans le travail bien fait ? La ʽʽdébrouillardiseʼʼ doit être découragée au profit du sérieux dans le travail en vue de la pleine libération de notre pays. Avec nos dirigeants, nous persistons à chanter : « nous bâtirons un pays plus beau qu’avant ». Où se trouve-t-il ce pays beau qu’avant ? Le constat, c’est que le peuple meurt de faim ; il n’a pas accès aux soins de santé ; l’éducation est confrontée à des problèmes presque insolubles ; il n’y a pas de route et les infrastructures laissées par nos colonisateurs sont en état de délabrement. Aujourd’hui, le modèle référentiel de la jeunesse, c’est les musiciens. Chanter, danser, boire avec tous les vices qu’ils drainent derrière eux peuvent-ils nous emmener à bâtir un pays plus beau qu’avant ? Comment construire un pays plus beau dans un système de violence où la société tue ses propres fils. « Le ʽʽKulunaʼʼ ne mérite pas la prison, mais le tombeau », dit une expression populaire. Mais nous oublions que le ʽʽShegeʼʼ et surtout le ʽʽKulunaʼʼ constituent, aujourd’hui, le reflet parfait de notre société. Ne nous arrive-t-il pas, en blaguant, de parler de ʽʽKuluna en cravateʼʼ pour fustiger le comportement de nos politiciens, de ʽʽNsango kulunaʼʼ pour indexer certains prêtres ou personnes consacrées, de ʽʽSoda kulunaʼʼpour certains abus venant de nos militaires … ! L’avortement ne dérange plus les consciences individuelles. A moins que pour nous, bâtir un pays plus beau qu’avant signifie vivre dans la médiocrité et faire de la violence l’ultime moyen pour arriver à la pleine liberté.
4- La pleine liberté
« Citoyens, entonnez l’hymne sacré de votre solidarité ; fièrement, saluez, l’emblème d’or de votre souveraineté. » 
Notre hymne nous invite à ne jamais perdre de vue que nous constituons un peuple ʽʽlibre à jamaisʼʼ. Un peuple souverain, est un peuple libre, libre de toutes contraintes étrangères. Responsable premier de la destinée nationale, c’est à lui de choisir ses dirigeants par le jeu d’élections libres et transparentes. Sur le plan économique, c’est à lui de définir le prix de ses services au niveau des marchés internationaux. Sur le plan culturel, il lui revient d’apprécier et d’adopter le système éducatif qui répond le mieux à ses exigences culturelles, son contexte de vie.
Constituons-nous vraiment un peuple souverain ? Sur le papier, cela ne souffre de l’ombre d’aucun doute. Mais dans la réalité, le Congo demeure encore, dans tous les domaines, un pays sous tutelle, totalement dépendant. La politique et l’économie du pays sont dirigées par les ʽʽgrands de ce mondeʼʼ. Notre système de formation (enseignements primaire, secondaire et universitaire) est conçu de telle sorte que nous n’apprenons pas à penser par nous-mêmes, mais à penser comme les autres veulent que nous pensions : à penser par procuration, à reproduire la pensée des autres devant nos défis propres. Ce que disent Washington, Bruxelles et Paris sont plus importants aux yeux de nos dirigeants que ce que nous disons[5]. Ils financent nos élections, nous imposent nos dirigeants par le biais même des urnes. Sur les quatre présidents, qui se sont succédés au pouvoir aucun n’a été réellement choisi par nous les Congolais. Joseph Kasa-Vubu a été élu au second degré par les parlementaires de l’époque. Joseph-Désiré Mobutu est arrivé au pouvoir par un coup d’état militaire. Laurent-Désiré Kabila est arrivé au pouvoir au terme d’une guerre de conquête et d’occupation. L’actuel président Joseph Kabila a accédé au pouvoir par une sorte de succession dynastique[6]. Et toutes ces manières non démocratiques d’accession au pouvoir ont été légitimées par des pays qui se réclament, à travers le monde, du titre de gardiens de la démocratie.
Il urge que tous, comme un seul homme, nous les fils et filles de ce beau pays, nous nous levions pour nous réapproprier notre destin, notre histoire et notre terre, don béni.
5- La reconnaissance
« Congo. Don béni, Congo ; oh pays, Congo ; des aïeux, Congo. »
Notre hymne nous invite à être reconnaissants envers le Créateur et envers nos aïeux. Si le premier a fait don, à nos aïeux, de ce pays où coulent ʽʽle lait et le mielʼʼ, un pays qui regorgent d’un nombre impressionnant de richesses humaines et matérielles, ceux-ci ont su les préserver et nous les léguer en héritage. A nous aujourd’hui d’entretenir cet héritage pour le léguer aux générations futures.
« La négligence d’un don laissé par les aïeux apporte toujours malheur », dit-on souvent. Qu’avons-nous fait, nous Congolais, du don béni laissé par nos aïeux ? Aujourd’hui, le Congo est devenu un pays pauvre parmi les pauvres. La misère noire est en train de décimer une grande partie de la population ; et cette faim ouvre grandement la porte à la violence sociale. Le pays est immensément riche avec une population extrêmement pauvre. Nombre d’adultes et jeunes préfèrent aller vivre et mourir à l’extérieur, en particulier en Occident, qui offre, à leurs yeux, des conditions de vie paradisiaques. Le déboisement sauvage, c’est-à-dire non organisé, provoque inévitablement la disparition de plus en plus de nos espaces verts. Les richesses du sol et du sous-sol sont continuellement pillés par des puissances étrangères avec la complicité de certains fils du pays. L’égoïsme, la paresse et la négligence sont des vices qui bloquent la société et constituent des freins au progrès du pays. Nous devons, à tout prix, les bannir en cultivant l’esprit de solidarité à tous les niveaux pour construire un pays plus prospère. Ainsi notre cher pays sera-t-il à jamais un pays libre, et fera-t-il le bonheur de nos enfants.
6- La promesse du témoignage de vie
« Nous peuplerons ton sol et nous assurerons ta grandeur. Trente juin, o trente juin, jour sacré, soit le témoin ; jour sacré de l’immortel serment de liberté que nous léguons à notre postérité pour toujours. »
Notre hymne nous pousse à faire un vœu, dans l’aujourd’hui de notre histoire ; celui de lutter de toute notre force pour maintenir ou, du moins, améliorer la liberté acquise par nos aïeux le 30 juin 1960. En effet, ce serment de liberté, nos aïeux l’ont légué à leurs postérités de générations en générations, et c’est à nous de le prononcer aujourd’hui ; non seulement le prononcer, mais aussi et surtout l’assumer. Nous avons alors la lourde responsabilité d’assurer paix et liberté à tous nos concitoyens, sans exception aucune.
Mais qu’en est-il au juste ? La situation à l’Est du pays, les tensions post-électorales fréquentes ; la faiblesse de l’Etat et de ses institutions ; la grande promiscuité dans plusieurs  parcelles donnant lieu à des conditions précaires de logement et d’hygiène ; l’insécurité grandissante avec le phénomène ʽʽKulunaʼʼ ; la corruption ; le détournement des deniers publics ; les conflits interethniques ; la sous information d’une grande portion de la population ; le manque de liberté suffisante de la presse, surtout celle privée ;;la difficulté de paiement des salaires, la fragilité et la vulnérabilité du milieu rural ; la recherche effrénée du profit individuel…. Tous ces maux nous mettent en demeure, et exigent une action convergée de toutes les couches de notre société.
Cependant, pour arriver à ce stade, il faut nécessairement une transformation des mentalités. A qui incombera ce travail ardu de transformer l’homme congolais et la femme congolaise ? José MPUNDU répond en ces termes :
« Travailler à la création d’une nouvelle mentalité est la mission primordiale de la famille (donc des parents), de l’école (donc des enseignants et de tous les éducateurs), des églises (donc des serviteurs de Dieu de tout genre), des organisations de la société civile et des partis politiques (donc des leaders politiques). Toutes ces institutions sociales doivent, dès à présent, prendre à cœur la transmission au congolais et à la congolaise, dès le berceau, des valeurs d’égalité, de respect, de participation, de justice et de liberté comme points de repère et guides de leur vie personnelle »[7].
Ainsi devant cet appel urgent que lance la société congolaise à tous ses fils et filles, pensons-nous réfléchir dès à présent sur la contribution que pourra apporter l’Eglise particulière du Congo.

II- Action de l’Eglise particulière du Congo dans la perspective de l’incarnation
Voila là le carrefour des contrastes sur lequel nous nous situons présentement. Et c’est, justement, au cœur de cette situation que nous nous préparons à fêter la Nativité de Jésus. Quel sens voulons-nous donner à cet Evénement ? Pourrions-nous saisir cette opportunité pour  réfléchir sur le destin commun de notre pays ? Si oui, quelle peut être la contribution de l’Eglise particulière du Congo ? Selon nous, pour que l’incarnation du Fils de Dieu devienne source de l’engagement social des Congolais, l’une des pistes pastorales primordiales que l’Eglise locale doit emprunter de façon pressante est la formation catéchétique, non de tous les Congolais ; ce qui est impossible à tous égards, mais de ses propres fidèles.
Mais pourquoi donner une place de choix à la formation catéchétique ? En effet, forme particulière du ministère de la Parole, la formation catéchétique naît de la profession de foi de l’Eglise et vise la naissance et la consolidation de la foi chez le croyant[8]. Elle vise la gestation de la vie divine et la maturation de notre filiation divine acquise dans le Christ ; ceci en vue de notre plein engagement dans l’Eglise et dans la société. Elle est donc l’acte d’éducation à travers une formation initiale et continue, qui conduit à une vie d’imitation du Christ. Nous, fils et filles du Congo, avons donc besoin d’une catéchèse  qui puisse nous amener à reproduire, de façon authentique, les actes et les paroles du Christ dans notre vie et dans notre société. Un travail de fond doit donc être fait, par notre Eglise particulière, pour repenser et redynamiser la catéchèse dans son contenu, ses méthodes et à tous les niveaux de la formation. En fait, telle qu’elle se donne aujourd’hui, cela n’éveille pas réellement notre conscience à l’engagement chrétien dans la société. Nous avons l’impression que le formalisme est dominant dans notre pratique catéchétique. Le contenu de la catéchèse que nous recevons actuellement, surtout celle initiatique, est sérieusement en déphasage par rapport à la réalité sociopolitique, économique et culturelle de notre pays. Elle nous parle, certes, de grandes figures de l’Ancien Testament; des actes et paroles du Christ et des Apôtres; de la liturgie sacramentelle ; de la doctrine de l’Eglise catholique romaine sur telles ou telles autres vérités de la foi chrétienne. Mais, on a l’impression qu’apparemment, nombre important de ces données n’apportent une réponse concrète aux questions existentielles que la culture et la société congolaise sont en train de poser à l’Homme Congolais d’aujourd’hui. Il sort alors de la catéchèse tel qu’il y est entré, sans aucune transformation. Le contenu de la catéchèse doit donc être centré, certes sur la Bible, la liturgie et la doctrine ; mais tout ceci doit nécessairement conduire le Congolais à rencontrer Christ au cœur des valeurs positives de sa culture et au milieu des défis que présente aujourd’hui la société congolaise.
Le problème du contenu fait donc appel à celui des méthodes. Quelles méthodes catéchétiques nous faut-il aujourd’hui en RD Congo ? Nous ne serons pas longs. Que ce soit la méthode traditionnelle, celle passive encore qualifiée de ʽʽvoie descendanteʼʼ, ou la méthode active encore qualifiée de ʽʽvoie ascendanteʼʼ, nous devons arriver à une pratique catéchétique dans laquelle l’apprenant est mis au centre de la recherche ; une recherche qui exige de lui un recours constant aux données bibliques, liturgiques et doctrinales afin de mieux comprendre ses propres données culturelles et vis-versa.  
Quand aux différents niveaux de la catéchèse, remarquons d’entrée que lorsqu’on parle de catéchèse, plusieurs d’entre nous ne pensent qu’à l’initiation, tout comme si la catéchèse se limite à cela. En fait, il existe principalement trois niveaux de l’instruction catéchétique, à savoir : la catéchèse de base encore appelée catéchèse d’initiation, la catéchèse permanente ou catéchèse ordinaire, et la catéchèse de perfectionnement ou catéchèse spécifique ou encore catéchèse fonctionnelle. [9]
La catéchèse d’initiation se présente parfois sous deux aspects qui s’entremêlent et se complètent : la catéchèse pré-baptismale qu’on désigne également sous les vocables de pré- catéchuménat, pré-catéchèse ou catéchèse kérygmatique ; et la catéchèse baptismale ou élémentaire. Tandis que la première intervient comme première annonce pour susciter d’abord la conversion chez des personnes ayant débuté la formation catéchétique sans aucune conversion authentique préalable ; la seconde est donnée aux adultes convertis, pour les préparer au baptême, ou aux enfants déjà baptisés dès le bas âge, pour les préparer aux autres sacrements de l’initiation chrétienne. Cette seconde catéchèse, en transmettant donc les données de la foi, conduit à la profession de foi : elle fait naitre la foi.
La catéchèse permanente, pour ce qui la concerne, est celle que les chrétiens doivent recevoir continuellement pour nourrir et développer leur vie de foi. Le lieu ordinaire de cette catéchèse est l’homélie dominicale ; elle en est la forme privilégiée. Mais il est aussi d’autres lieux, qui ne sont pas pour autant intégrés à l’acte liturgique comme l’éducation familiale continue, les formations dispensées dans les différents mouvements de paroisse, les sessions de formation, les conférences, les recollections et retraites, etc.
Relativement à la catéchèse perfective, elle approfondit, de façon systématique, le message chrétien par un enseignement théologique qui éduque vraiment à la foi, fait grandir dans l’intelligence de la foi et donne au chrétien la capacité de rendre compte de son espérance dans le monde de son temps. Il s’agit de la catéchèse théologique donnée aux futurs pasteurs dans les séminaires de formation, celle donnée à certaines catégories de laïcs appelés à défendre la foi dans la société contre certains de ses détracteurs.
La question des niveaux de la catéchèse fait naitre, entre autres, celle de la formation des agents pastoraux et celle des structures de la formation. Nous avons besoin de structures adéquates, à ces différents niveaux de la catéchèse, pour que toute la vie du fidèle chrétien congolais soit une vie maintenue sous l’emprise de la formation catéchétique. Ainsi, en dehors du ʽʽCentre Lindongeʼʼà Kinshasa par exemple, on peut chercher à créer, au niveau de chaque doyenné, des centres de formation pastorale pour faciliter la formation des catéchistes et autres agents pastoraux. Au niveau des paroisses, une formation régulière des parents chrétiens, sous forme de recollection, peut être organisée par les curés et leurs collaborateurs en vue de solidifier la catéchèse familiale et celle qui se donne au niveau des CEVB (Communautés Ecclésiales Vivantes de Base).
Les  mass médias ne doivent pas faire piètre figure dans l’effort à fournir par l’Eglise aujourd’hui dans le pays. Comme Eglise, nous devons chercher à étendre nos informations sur une longue distance, et vers toutes les couches de la société, afin d’apporter une certaine éducation chrétienne à chacune d’elles. L’Eglise particulière du Congo a donc besoin de revoir aujourd’hui sa pratique catéchétique pour permettre au fidèle chrétien congolais de rencontrer réellement le Christ, en vue de la transformation de sa société qui passe par celle de sa vie.
En somme, ʽʽgémissant et pleurant dans cette vallée de larmesʼʼ, le peuple congolais a besoin de secours. Et le seul que l’Eglise catholique sise en son sein a à lui proposer, c’est le Christ. Il faut que sa naissance soit vraiment une réalité transformatrice  de notre histoire aussi bien individuelle que commune. Mais pour que cela advienne, l’Eglise a la lourde responsabilité d’organiser la formation catéchétique de ses fidèles, de telle sorte que celle-ci soit en mesure de les amener à se pencher continuellement sur la Bible, la liturgie et la doctrine afin de répondre aux défis sociaux. Notre témoignage de vie chrétienne authentique deviendra alors ferment de transformation de la société congolaise.   
Yaka kofanda o kati ya mokili moye opesaki na bankoko ba biso. Mbotama ya yo o kati ya biso ekobongola mpasi ya biso na nkembo ya yo. Oh, visite cette terre que tu as donnée à nos ancêtres. Viens, Sauveur du monde, lève-toi, Clarté d’en haut ; Vrai Soleil du jour nouveau, viens percer notre nuit profonde. Ta naissance au cœur de notre histoire transfigurera nos tourments en douleurs d’enfantement où, déjà, surgit ta gloire. Nos douleurs ne disparaitront donc pas, mais elles seront christifiées ; désormais vécues dans la pleine conscience de ta présence. Vois donc le mal et la souffrance qui nous tiennent jusqu’au cou ; vois tant de Congolais chancelant dans l’immense enchainement du mépris et des violences[10]. Oh Notre Frère Christ et Seigneur, nous périssons, descends vite à notre secours ».
Comlan Armel ATOHOUN




[1] Guy MASIETA, « Debout Congolais. (Lève-toi et marche) », in Revue Engagement social, no.20, Limete-Kinshasa, L’Epiphanie, 2006, p.9
[2] Mgr I. MATONDO kwa NZAMBI, « Déclaration de la Conférence Episcopale du Zaïre à la Conférence Nationale Souveraine (C.N.S.) », in Revue Eglise africaine et dialogue, no.12, Kinshasa, Facultés Catholiques de Kinshasa, 1993, pp.5-23
[3] MPUNDU José, Un autre Congo est possible si…, …… ; TALA-NGAI Fernand, R.D.C. de l’an 2001 : déclin ou déclic ?, Kinshasa, Analyses sociales, 2001, 220 p ; MASIETA Guy, Debout Congolais (Lève-toi et marche), in revue Engagement social, no.20, Limete-Kinshasa, L’Epiphanie, 2006, 39 p ; KAMA FUNZI MUDINDAMBI Firmin, Le Congo : un mendiant assis sur un montagne d’or, Kinshasa, Amimweni, 2008, 165 p ; Revue Eglise africaine en dialogue, no.12 ; Revue Congo-Afrique ; Revue Renaitre, bimensuel chrétien d’information et d’opinion, SANTEDI Kinkupu Léonard, Les défis de l’évangélisation dans l’Afrique contemporaine, Paris, Karthala, 2005, 162 p ; Conférence Episcopale Nationale du Congo, Nouvelle évangélisation et catéchèse dans la perspective de l’Eglise famille de Dieu en Afrique. Instruments à l’usage des agents de l’évangélisation et de la catéchèse en République Démocratique du Congo, Kinshasa-Gombe, Secrétariat Général de la CENCO, 2000, 142 p…
[4]Cf. Firmin KAMA FUNZI MUDINDAMBI, Le Congo : un mendiant assis sur une montagne d’or.
[5] Cf. José MPUNDU, Un autre Congo est possible si….
[6] Idem, p.11-12
[7] José MPUNDU, Op.cit, p. 28
[8]  DUBUISSON Odile, L’acte catéchétique; son but, sa pratique, Paris, le Centurion, 1982, p. 26.
[9] Ibidem, no. 61-71.
[10] Livre des heures. Prière du temps présent, Paris, Cerf - Desclée - Desclée de Brouwer - Mame, 1980, p. 2 et 7

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire