jeudi 3 juillet 2014

De Jérusalem à Antioche – De Antioche à Jérusalem » paru dans ce premier numéro d’aout-décembre 1994, de la page 205 à la page 214, le Père Oscar Bimwenyi Kweshi

Introduction
          La mission de l’Eglise a-t-elle changé, ou demeure-t-elle la même ? Ne s’agit-il pas d’un « nouvel âge de la mission » quand on parle plus d’évangélisation et de témoignage que de « mission » ? Les défis culturels, les changements de paradigmes tant en Philosophie qu’en Théologie n’ont-ils pas rongé sa contexture ? Le dialogue qui s’impose aujourd’hui avec d’autres religions et qui n’est vrai que si elles partent toutes « à pied d’égalité » n’entame–t-il pas l’urgence de cette mission ? Si « l’Eglise est missionnaire par essence et par nature », quelles orientations s’imposent dans l’actualité de cette mission au sein de nos Eglises ?[1] Voila tant de questions qui ont permis à l’Institut Africain des Sciences de la Mission (I.A.S.MI) d’ouvrir, sur la somptueuse cour de la réflexion théologique en Afrique aujourd’hui, les portes de la Revue Africaine des Sciences de la Mission (RASM). Nombreux ont été les grands esprits qui ont contribué à la naissance de ce nouveau creuset de réflexions. Avec son article d’une pertinence remarquable intitulé « De Jérusalem à Antioche – De Antioche à Jérusalem » paru dans ce premier numéro d’aout-décembre 1994, de la page 205 à la page 214, le Père Oscar Bimwenyi Kweshi ne se fera pas raconter l’événement. Et c’est justement cet article que nous essayerons d’élucider dans le développement de notre travail. Mais avant cela, il sera intéressant que nous présentions brièvement la personne de l’auteur, à travers sa biographie et certaines de ses œuvres. Ainsi aurons-nous, en amont, la vie de l’auteur et son parcours(I) et, en aval, un bref exposé de la pensée de l’auteur (II).

1-     Vie et œuvres de l’auteur
           Par rapport à sa vie, soulignons que né le 04 décembre 1939 à Bena-Monyo près de Luebo en République Démocratique du Congo, de père Zébebée Bende et de mère Anne Matshingi, le Professeur Oscar Bimwenyi Kweshi a fait les études primaires à Luebo. Après ses études secondaires à Kabwe, il entre au Grand Séminaire pour y faire la Philosophie et la Théologie. Ordonné Prêtre le 04 aout 1968 après une année d’études à l’Université de Lovanium, il assuma la charge de Vicaire paroissial à Luebo-Kasenge de 1968 à 1970. De 1970 à 1977, il étudie à l’Université Catholique de Louvain (Belgique), d’abord dans le cadre du Second Cycle de Théologie où il s’intéresse surtout au problème fondamental du « langage religieux ». Il produit alors en 1973 un Mémoire de Licence en Théologie intitulé : « Pertinence et originalité du langage religieux : les donnés du problème. » Ensuite, ayant poursuivi l’approfondissement de la base anthropologique et de la Philosophie du langage, il défendra sa Thèse de Doctorat en Théologie, sous le titre : « Discours théologique Négro-africain. Problème des fondements. » De retour au Congo, il assumera respectivement une fonction à  la Paroisse de Ndjoko-Punda de 1977 à 1979 ; une fonction à la Commission dogmatique de la Conférence Episcopale du Congo (C.E.C.) de 1979 à 1981 ; Secrétaire Général de la C.E.C. de 1981 à 1984. Pendant la période de sa charge comme Secrétaire Général, il exerçait aussi la charge de Professeur aux Facultés Catholique de Kinshasa jusqu’en 1986 où il sera nommé Vicaire Général à Luebo. Cette charge, il l’assumera seulement pendant quelques mois au Monastère, d’abord à Kalenda, ensuite à partir de 1997 à Yangala. Soulignons aussi que durant cette même période où il assumait sa charge de Vicaire Général, il dispensait des cours non seulement au Grand Séminaire Malole, mais aussi à l’Institut de Théologie Saint Eugène de Mazenod à Kinshasa.[2]
          Par rapport à ses œuvres, nous devons soulignons que nombre important sont les réflexions, les ouvrages qui ont porté la signature de l’auteur. Aussi doit –on noter le souci majeur qui l’anime, et qui donne une marque particulière è tous les sujets qu’il a à aborder, malgré leurs diversité et densité. Il s’agit en fait du souci de formuler un discours théologique véritablement africain à partir du dialogue entre l’héritage religieux africain et l’héritage chrétien universel. Ainsi, durant ses études du Premier Cycle de la Théologie à la Faculté de Théologie de Kinshasa (FTK), le jeune Etudiant s’est manifesté, très tôt, habité par le souci de l’« africanité » à mieux connaitre, promouvoir et, du point de vue religieux, à intégrer dans les structures mentales et rituelles du Christianisme implanté en Afrique. Ses jeunes recherches ont aboutit à la publication d’articles portant sur les aspects de la vie religieuse des peuples « Bantu » face au Christianisme. Il a, en effet, publié entre autres :
1-     « Le muntu à la lumière de ses croyances en l’au-delà », Cahiers des Religions Africaines, juin 1968.
2-     « Le Dieu de nos ancêtres », Cahiers des Religions Africaines, juillet 1970.
3-     « Le problème du Salut de nos Ancêtres. Le Christ, pole d’attraction de toutes choses. », Revue du Clergé Africain, janvier 1970.
4-     « Problème du Christianisme, ferment de développement. », Revue du Clergé Africain, mai 1970.
          Mais que dit-il au juste par rapport à la brulante question des nouveaux appels de la mission, question à laquelle ce premier numéro de la Revue Africaine des Sciences et de la Mission veut tenter des approches de réponse ?

1-     De Jérusalem à Antioche – De Antioche à Jérusalem
          Dans cet article, le Père Bimwenyi Kweshi cherche à répondre aux questions de la Mission et de l’Evangélisation, mais surtout celle de l’inculturation aujourd’hui. En effet, dans quelles conditions la Mission, voire l’inculturation doit se faire aujourd’hui ? En d’autres termes, quelle doit être aujourd’hui la spécificité du dialogue entre Eglises du Nord et Eglises du Sud, entre « Centre » et « Périphérie ».
           Selon l’histoire, ce titre « De Jérusalem à Antioche – De Antioche à Jérusalem » fait allusion aux circonstances dans lesquelles le Concile de Jérusalem s’était tenu, et les résolutions salutaires de ce Concile pour la survie de l’Eglise naissante. Il s’est en effet posé, tout au début de l’Eglise du Christ, une question de fondement. Il s’agit de savoir quelles sont les conditions du salut ? Pour être sauvé, suffit-il de recevoir le baptême au nom du Christ ; ou bien, en plus de cela, faut-il pratiquer certaines coutumes propres aux Juifs ? Faut-il donc renoncer à sa propre culture pour embrasser la culture juive ? A cette question, le Concile répondit  explicitement en ces termes :
« Attention, n’allons pas mettre sur les épaules des païens un poids lourd à porter, que même nous sommes incapables de porter ? N’allons pas lier le salut à des histoires qui ne sont pas vraiment nécessaires. Les coutumes et les habitudes des Juifs, laissons-les aux Juifs. S’ils y tiennent, qu’ils y tiennent. Mais quand à les imposer aux autres, non ! N’abusons pas : la foi les a purifiés, tous comme nous »[3].
          Il apparait donc que ce qui fait vivre, ce n’est pas l’observance de la loi, mais la foi en l’amour gratuit de Dieu. En effet dans son processus d’expansion, le Message chrétien se trouve inconditionnellement et constamment confronté aux interrogations existentielles que lui pose sa culture spécifique d’accueil. Et pour y répondre, l’interprétation qu’il fait de son propre contenu, diffère selon son interlocuteur culturel. Ainsi, même si le fond du Message demeure inchangé, le cadre juridique ou la forme subit quelque modification due aux besoins spécifiques de chaque culture. Voilà justement ce que Pierre a compris dans sa rencontre avec le Centurion romain Corneille quand celui, possédé par l’Esprit, lui annonce la vérité du dessein de Dieu. En fait dans ce dialogue avec le Païen Corneille, Pierre comprend mieux le contenu du message et du projet de Dieu, grâce à l’Esprit Saint qui parlait par la bouche du Païen. Pierre comprend alors que « Dieu ne fait acception de personne. Mais chez toutes les nations, quiconque le craint et pratique la justice lui est agréable »[4]. Ainsi la relation qui doit exister entre Eglises du Nord et Eglises du Sud, doit être une relation de collaboration dans la différence, de complémentarité dans la diversité ; l’Esprit ne faisant donc pas acception d’aucune d’elle, mais produisant des merveilles en leur sein. Le « Centre » doit pouvoir être humble pour reconnaitre et accepter les richesses que lui propose la « Périphérie ». De même la « Périphérie » doit être humble pour continuer à recevoir du « Centre ». Aujourd’hui, la Mission doit donc se faire dans une relation d’échanges et de respect mutuel entre les deux pôles.
          Cependant, devant la question de savoir  s’il faut d’abord renoncer à sa propre culture avant d’être sauvé, n’est-il pas légitime de comprendre, par là, qu’il faut avant tout renoncer à soi-même ? Il est en effet évident  que renoncer à sa culture, c’est renoncer à soi-même, car c’est elle qui transmet à la personne la toile de fond de sa personnalité. Et si nous comprenons la question de la sorte, dans ce débat entre les Eglises dans le cadre de la Mission, alors il y a lieu que soit levée cette ambiguïté. En effet le Christ nous recommande impérativement de renoncer à nous-mêmes si nous voulons le suivre. Dans ce sens, renoncer à soi-même constitue la condition sine qua non pour être sauvé. Mais dans ce contexte-ci de la relation entre Eglises du Nord et celles du Sud, renoncer à soi-même ne veut nullement dire renoncer à sa propre culture. Cette expression veut en fait dire renoncer au péché ; éviter le centrisme culturel ou racial en tant qu’individu, collectivité ou culture ; découvrir et reconnaitre la présence et la manifestation de l’Esprit Saint dans le cœur de tout individu, au cœur de toute collectivité et de toute culture. Renoncer à soi-même, c’est en fait faire comme le Christ : lui, qui est d’une autre condition, a accepté la condition humaine, le cadre socioculturel et juridique d’une culture spécifique pour annoncer la Parole de Vie à l’humanité entière.   
          Mais concrètement, quelle doit être la spécificité du dialogue entre les Eglises aujourd’hui ? Ce dialogue ne doit pas se fonder sur les principes qui gouvernent la coopération Nord-Sud entre les Etats sur les plans politique et économique. Il ne doit pas non plus être influencé par les cofinancements dans lesquels l’Eglise s’engage aux cotés de des Gouvernements étatiques. Ce dialogue doit se fonder sur le seul et unique principe du « même Dieu, même foi, même baptême »[5] qui fait que l’Eglise du Nord et l’Eglise du Sud, le Chrétien du Nord et le Chrétien du Sud ne font qu’une même réalité : Corps mystique du Christ.

Conclusion
          En somme, par rapport à l’urgente question de savoir les conditions dans lesquelles la Mission doit se dérouler aujourd’hui, le Père Oscar Bimwenyi Kweshi a tenté une réponse. En se fondant sur les questions ayant poussé à la tenue du Concile de Jérusalem, il préconise une relation d’échange et de respect entre le « Centre » et la « périphérie ». En effet, ces deux pôles sont tous riches en expériences, à cause de la présence agissante de l’Esprit de Dieu en leur sein. Ils doivent donc tous deux « chausser Jésus-Christ et ses exigences particulières »[6]. En d’autres termes, ils doivent devenir  chacun « alangwa Kristu »[7] dans un monde qui a besoin de témoins.    




[1]  Institut Africain de Sciences de la Mission, « les nouveaux appels de la Mission, in  Revue Africaine des Sciences de la Mission, no 1, aout-décembre 1994, p. 3.
[2]  OZANKOM Claude, Oscar Bimwenyi. Fin d’une Période de Discussion sur la Possibilité d’une Théologie Africaine, in Théologie africaine au XXIe siècle. Quelques figures ( BENEZET Bujo/MUYA Juvénal Ilunga), Vol. 1, p.98-110, Fribourg Suisse, Editions Universitaires, 2002, p. 98-99. 
[3]  Bimwenyi Kweshi Oscar, « De Jérusalem à Antioche – D’Antioche à Jérusalem » in Revue Africaine des Sciences de la Mission, no 1, aout-décembre 1994, p. 212.
[4]  Ibidem, p. 210.
[5]  Ibidem, p. 214.
[6]  Ibidem, p. 207.
[7]  Ibidem, p. 213

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