lundi 3 novembre 2014

" L’amour des ennemis" : utopie ou réalité vitale ? Etude exégétique et théologique de Lc 6, 27-36.

1.  INTRODUCTION GENERALE

01.  CHOIX DU SUJET
Les relations humaines, socio-politiques, économiques et religieuses sont marquées par les injustices sociales de toutes sortes, les guerres ethniques et régionales, la haine, la violence. Devant tous ces problèmes, la question de l’amour des ennemis ou le pardon des ennemis tel qu’enseigner par Jésus-Christ et transmis par la première communauté chrétienne est d’actualité.
Voyant tout ce qui se passe dans le monde, cela a poussé les dirigeants de chaque génération ou les présidents de chaque régime à chercher des solutions pour pallier à ces problèmes.
En outre, en milieu du 20ème Siècle de notre ère, l’organisation des Nations Unies a eu le mérite d’instituer le droit de l’homme, des forums et des panels sont organisés partout, pour la résolution des conflits et la réconciliation.
Devant ces belles résolutions pour préserver la vie humaine, les gens  assistent chaque jour à des frustrations, des déceptions, des ennuis, des trahisons, des conflits interpersonnels, dans les familles, entre amis, dans le milieu du travail, entre des peuples et des nations, et même dans les milieux religieux. Voila pourquoi Duplex écrit dans son ouvrage sur la force du pardon que : « le message de l’évangile et du christianisme ose affronter directement les déséquilibres et les menaces d’anéantissement en proposant une autre voie, celle de l’amour, celle d’un Amour qui pardonne »[1]
Notre choix de ce thème va de paire avec l’enseignement de Jésus sur l’amour : « l’amour de Dieu et du prochain » (Cf. Dt 6, 5 ; Mc 12, 29-31) qui s’explique par le fait que ce commandement de l’amour doit être l’unique moyen de vaincre le mal par le bien, la guerre par la paix.
Dans tout ce qui se vit dans le monde, notre contribution est une réflexion sérieuse sur l’amour des ennemis. Raison pour laquelle nous avons intitulé notre thème : « l’amour des ennemis : utopie ou réalité vitale ? Etude exégétique et théologique de Lc 6, 27-36».
La guerre, la haine, l’injustice, l’inimitié, la violence et la vengeance sont de tous les temps. Jésus lui-même l’a vécu avec ses apôtres, c’est pour quoi il prévenait ses disciples contre tout esprit de vengeance devant tous les maux. Le christ invite aussi les chrétiens de ne pas cultiver cet esprit de vengeance devant le conflit qui se vit dans les milieux chrétiens.

02.  PROBLEMATIQUE
Il est difficile de parler de l’amour des ennemis, sans recevoir des critiques acerbes ou sans être traité d’irréaliste ou de pacifiste utopiste. Le problème de notre contexte est de savoir si l’amour des ennemis est tel que le Christ l’exige et que la tradition chrétienne nous le recommande de pratiquer dans la vie chrétienne quotidienne.
Ce que le Christ et la tradition chrétienne recommandent aux chrétiens, c’est le désir croissant du maintien de l’ordre social ou la recherche de la paix dans le monde, même si  il est difficile d’abolir complètement les conflits, les guerres, la haine, la jalousie entre les hommes.
Ces paroles de Jésus, «aimer vos ennemis »,  ne sont pas une  théorie ex nihilo, ni une utopie en dehors de la réalité, mais Il les a lui-même prononcées dans des circonstances bien précises, pour en servir d’exemple aujourd’hui.
Dans tout ce qui s’est passé par le peuple d’Israël, en quête  d’un libérateur ou d’un Messie politique et religieux qui viendrait le sauver de l’esclavage et de la persécution. C’est dans ce contexte, outre les conflits, les inimitiés intercommunautaires et interpersonnelles, les mépris et les divisions entre juifs et païens, que Jésus commence sa vie publique et qu’on peut comprendre son discours sur la montagne introduit par les béatitudes en Mt 5,1-12, suivies des malheurs en Lc 6, 27-36 d’abord et puis en Rm 12, 14.17-21  où Paul prévient les chrétiens et les exhorte contre les divisions et le manque de sincère amour-charité entre eux et envers les personnes extérieures à la communauté.
Sur le plan humain, nous nous trouvons ici devant une situation dont l’homme n’est pas le maître car, par lui-même et sans la foi, il est dans l’impuissance pour vivre quotidiennement ce commandement de l’amour des ennemis. C’est d’ailleurs sur ce point que certains se basent pour affirmer le manque de réalisme et l’impossibilité de cette nouveauté évangélique qu’est l’amour des ennemis. En fait, ils s’arrêtent à l’aspect humain  de ce commandement, oubliant son aspect divin et ne tenant pas compte de la nature humaine et divine des disciples du Christ.
Voilà pourquoi, au début de cette étude, la formulation de ces questions nous a parue incontournable. Qui sont les ennemis que Jésus nous demande d’aimer ? Pourquoi et comment aimer les ennemis ? Peut-on aimer ou pardonner quelqu’un qui a tué nos parents ou qui a massacré notre peuple ?

03.  METHODOLOGIE
Pour mener à bon port notre travail, nous allons plus nous focaliser sur l’enseignement et la vie de Jésus. Nous allons montrer comment Jésus est parti dans la situation historique, socio-politique et religieuse de son peuple, pour lui proposer une nouvelle manière de vivre.
Pour cela, nous allons procéder par l’analyse exégétique et théologique sur l’enseignement de Jésus et la vie de son peuple.

04.  DIVISION DU TRAVAIL
Pour aborder convenablement les points principaux de notre problématique, cette étude s’est articulée sur deux chapitres.
Ø Le premier chapitre portera sur l’analyse exégétique de Lc 6, 27-36.
Ø Dans le deuxième, il est question de la théologie de cette péricope de Lc 6,27-36.
Ø Une conclusion mettra terme à notre investigation, où nous allons montrer que l’amour des ennemis est une réalité difficile, mais possible avec Dieu, en Dieu et par Dieu, en prenant pour modèle la vie et la croix de Jésus-Christ.













CHAPITRE PREMIER : ANALYSE LITTERAIRE DE Lc 6, 27-36

1.0.        Introduction
L’analyse littéraire de Lc 6, 27-36 constitue le point saillant de notre travail. Cette analyse s’articulera autour des cinq points essentiels, à savoir la délimitation; la critique textuelle; l’étude du contexte  et aussi l’étude de vocabulaires. C’est alors qu’interviendra une petite conclusion.

1.1.        Délimitation du texte de Lc 6, 27-36
Pour  bien analyser le texte présenté à l’étude, à savoir Lc 6, 27-36, il est important de connaître où ce texte commence et où il se termine, ce que nous avons nommé « terminus a quo et terminus ad quem », qui n’est rien autre que le début de Lc 6, 27-36 et sa conclusion.
Ceci dit, nous pouvons passer à la délimitation du texte de Lc 6, 27-36 en établissant le terminus a quo et le terminus ad quem, c’est-à-dire nous allons procéder à découvrir le début et la fin de Lc 6, 27-36.

1.1.1.Terminus a quo
En suivant pas à pas l’enchaînement logique de l’évangile de Luc, l’on se rend compte que, « c’est après les avertissements donnés aux riches et aux mondains qui ne songent qu’à jouir de la vie et à satisfaire  leur égoïsme que Jésus s’adresse de nouveau aux disciples qui l’écoutent ».[2] Il montre à ses disciples quel esprit doit animer celui qui aspire à se mettre parmi les fidèles. Cette disposition foncière sera l’amour du prochain, c'est-à-dire les chrétiens doivent pratiquer la charité sous sa forme la plus parfaite.
Ainsi, « quant à vous qui m’écoutez, aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient » (Cf. Lc 6, 27-28),  constitue le terminus a quo du texte de notre étude. Qu’en est-il alors du terminus ad quem ?


1.1.2.Terminus ad quem
Lc 6, 27-28 constitue le terminus a quo du texte de notre étude, il s’en suit que: « donc aimez vos ennemis … Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Cf. Lc 6, 35-36), forme à son tour le terminus ad quem.  Le texte à notre examen est constitué de dix versets dans le sixième évangile de Saint Luc.
Lc 6, 27-28 est le terminus a quo, tandis que Lc 6, 35-36 à son tour est le terminus ad quem. Notons également que cette partie, c’est-à-dire Lc 6, 27-36, qui est une conclusion du texte de notre étude, contient des éléments qui sont en rapport avec ce qui précède: « Béatitudes et malédictions » (Cf. Lc 6, 17-26) et ce qui suit : « Miséricorde et Bienfaisance » (Cf. Lc 6, 36-38). Notre texte de Lc 6, 27-36 étant ainsi délimité, nous pouvons maintenant passer à la critique textuelle.

1.2.        Critique textuelle
Nous voici à une étape essentielle à toute étude scientifique des textes bibliques. Il s’agit de la critique textuelle. Cette dernière  vise à établir un texte le plus proche de l’original, comme le souligne Valentin NTUMBA, «  pratiquée depuis longtemps et utilisée par la grande majorité des exégètes de toutes dénominations, cet outil vise à établir le texte le plus en conformité possible avec l’original. Son point de départ est un constat : les documents anciens ont été copiés et recopiés pendant les siècles »[3].
 Lc 6, 27-38 est une partie du sermon dans la plaine, où nous avons noté la rareté, voire l’inexistence des études consacrées sur l’amour des ennemis, car, la plupart des exégètes et des théologiens ont traité ou traitent ce thème dans le Sermon sur la Montagne en Mt 5, 38-48, en signalant ou en mettant Lc 6, 27-36 (le Sermon dans la Plaine) entre parenthèse, comme texte parallèle seulement.
 Ainsi, notre critique textuelle de Lc 6, 27-36 s’effectuera en deux moments, à savoir la critique externe et la critique interne.





1.2.1.Critique externe
Avant toute analyse, notons que la critique externe est « l’évaluation d’une leçon de la qualité des manuscrits qui la contiennent ».[4]  Elle consiste à établir l’arbre généalogique des manuscrits qui rapportent les différentes leçons ou variantes dans le but de les comparer. Mais comme le note Valentin NTUMBA, « les manuscrits les plus anciens du texte biblique que l’on ait découverts et comprenant quasiment la Bible en entier, ne remontent qu’au IVème siècle de notre ère. Lorsqu’on compare l’ensemble de ces témoins de textes bibliques découverts en différents endroits et datant de périodes très échelonnées, on constate qu’il existe des divergences entre eux »[5].
En ce qui concerne notre texte de Lc 6, 27-38, qui est une partie du sermon dans la plaine, nous utiliserons la grammaire grecque du Nouveau Testament « avec exercices et plan de travail »[6], et  Nouveau Testament Interlinéaire Grec/Français[7], avec en regard, le texte de la traduction œcuménique de la Bible(1988)  et de la Bible « en français courant »(1992) par le même auteur. Dictionnaire Grec-Français[8] ; Verbum Salutis III. Evangile selon Saint Luc, Traduction et commentaire[9] ; Evangile selon Saint Luc par le P. M.-J. LAGRANGE[10] ; La lecture Chrétienne de la Bible par Dom Célestin CHARTIER[11].
Dans cette étude nous voulons voir si le texte de Lc 6, 27-38 dans sa forme actuelle en usage s’approche de l’original, et si certaines variantes diverses en des différents endroits ne corrompent pas la pensée de l’auteur.
            Le v. 27 se souderait mieux au v. 23 ; après avoir dit que les disciples seront haïs, Jésus leur enseignerait à aimer les ennemis ; le contexte serait excellent. Mais comme les béatitudes ont été interrompues par des vae qui s’adressent à des absents, le prêcheur revient  à ceux qui l’écoutent.
L’opposition assez forte de άll  ne s’expliquerait pas sans la présence des vae.
            Au v. 28, le parallélisme avec le v. 22 est, selon Lagrange, la raison de traduire phrezw par "diffamer"[12], comme a traduit la Vulgate et probablement Syrsin.
            Au v. 29, Luc a le mieux conservé dans le N.T. la distinction de teroV et de  lloV. Il n’est que plus étrange qu’il ait écrit ici  llhn comme Mathieu au lieu de tn  tέran. Cependant, d’après Blass[13], c’est surtout quand il s’agit d’une partition par deux que  lloV a envahi le domaine de teroV. D’ailleurs dans ce verset et le suivant, Luc se distingue de Mathieu par l’impératif présent au lieu de l’aoriste. Luc insistant plus, à son ordinaire, sur le thème général, Mathieu spécialisant un ordre général pour chaque cas particulier.
            Dans Mathieu, le v. 31 se trouve presque à la fin des instructions (Mt 7, 12). Ce n’est point une raison, selon Lagrange, pour l’expliquer dans Luc comme la conclusion de ce qui précède, car il n’a été question jusqu’ici que de la charité envers les ennemis, et Jésus ne dit pas à ses disciples : « traitez les autres comme vous voudriez être traités si vous étiez agresseurs »[14], car cette hypothèse ne doit même pas  être posée. Le pluriel au lieu de singulier indique par lui-même une transition. Le v. 31 est donc un principe général, qu’il faut prendre comme tel, et qui sert de base à ce qui va suivre(Schanz).
            Au v. 32, cάriV est non pas la reconnaissance, mais la faveur de Dieu. Quand on aime ceux qui vous aiment, on ne fait rien pour Dieu. L’amour désintéressé ne s’explique que par une charité exercée en vue de Dieu, qui lui est donc agréable. C’est à peu près le même sens que Mathieu avec un mot cher à Paul (Holtz.). Les pécheurs au lieu des publicains (Mt.) avec plus d’affectation dans le parallélisme verbal que dans Mathieu.
            Au v. 34, danezw signifie ordinairement prêter à intérêt, parce que l’antiquité grecque ne connaissait guère d’autre forme de prêt. Mais il peut signifier simplement prêter : toV deomέnoiV danzwn cwrV tkwn  ( 4 Macc. 2, 8). Ce doit être ici le sens. On prête en espérant recevoir ; il s’agit d’une espérance ferme, peut-être même garantie.
            Au v. 35, il faut que les disciples fassent quelque chose de plus. Mais quoi ? C’est une difficulté célèbre :
1)           La correction ntelpzonteV proposée par M. Th. Reinach (Cf. RB. 1895, p. 116) fournirait une base au sens de la vulgate ; elle est ingénieuse à cause de la confusion possible de N.T.  avec P; mais comment serait-on écarté d’un texte si clair pour chercher en divers sens ? Comment admettre cette leçon sans aucune autorité grecque ?
2)            La leçon  mhdέna ( pelpzonteV) de  À X P* 489 est soutenue par les syrr. (syrsin. pes. hier. hrcl. Diat. –ar.) ; selon Lagrange, « les syrr. ont entendu  mhdέna d'une  personne, et non d’un pluriel neutre, ce qui est de beaucoup le plus vraisemblable »[15]. Comme ils ont séparé danzete par une ponctuation, et ajouté ensuite la copule, leur sens pourrait bien être : « et ne désespérez de personne »[16], comme a compris M. Burkitt : do not give up hope of any one. A supposer que le sens soit : « et n’enlevez l’espérance à personne, ne désespérez personne » (Merx, Gwilliam), on peut se demander s’ils ont bien compris le grec ? Merx le soutient avec force et  cite pour le sens actif de désespérer Sir. 27, 21, qui signifie plutôt perdre l’espérance. C’est probablement encore le sens de l’Anthologie XI, 114,  llon  pelpzwn,  « lui qui désespérait d’un autre », malgré l’accusatif, et de Saint Irénée (I, 7, 6) suc d tV autV phlpkuai tV zwV to qeo, qui ne signifie pas que ces âmes se sont rebutées elles-mêmes, mais ont désespéré d’elles-mêmes. A supposer donc qu’il faille lire  mhdέna,  et d’une personne, le sens du grec serait bien celui que M. Burkitt a donné du syrien : « ne désespérant de personne, espérant que les pauvres vous rendront »[17], disposition peu conforme au contexte. Mais si le sens était par impossible : « ne désespérant, ne rebutant personne, ne refusant à personne »[18], comme dans Mathieu (Mt 5, 42) : m postpojV, ce sens ne conviendrait pas au contexte, parce que le désespoir ici doit être en parallèle avec l’espoir du v. 34, de sorte que ce sentiment doit être dans l’âme du prêteur ; c’est pour son compte que, au lieu d’espérer, il ne doit pas désespérer.
3)           Désespérer au neutre est le sens des latt. nihil desperantes, préféré par beaucoup de modernes (Schanz, Plum. Fillion, etc.). C’est la seule signification connue de pelpzein,  terme récent, mais assez fréquent dans le grec hellénistique ; c’est le sens normal (exemple dans Sophoclès), des médecins (Hobart, p. 118), de la Bible (Cf. Sir. 22, 21 ; 27, 21 ; 2 Macc. 9, 18), de Josèphe (Bll. V, IX, 1). On prétend même que la Vulgate « nihil inde desperantes » n’est pas le texte de Saint Jérôme mais une corruption de « nihil desperantes », devenu « nihil sperantes ». Mais comment l’entend-on ? « ne désespérant pas de recouvrer un jour ou l’autre votre argent »[19], admis comme plausible par Plum. est absolument répugnant dans ce contexte héroïque ; « ne désespérant jamais de la récompense de la part de Dieu », exigerait ensuite « car » et non pas « et votre récompense sera grande ». Dans ce sens,  m  serait à tout le moins plus naturel que mhdn qui ne peut guère se justifier que par Ac. 4, 21,  mhdn erskonteV.
4)        Il faut donc revenir au contexte de la Vg.-Clém., maintenu par WW nihil inde sperantesinde est ajouté pour la clarté, danscet plusieurs mss. Hiéronymiens. Ce doit être une correction de Saint Jérôme qui a écrit in Ezech. 18 : a quibus non speratis recipere ; (Cf. AMBR. in Tobiam XVI, 54 et Chrys. VII, 199 A). Les versions boh. et sah., arm. (d’après Merx) vont avec Vg. (Field, Knab., Loisy, etc.). Le contexte est tout à fait satisfaisant selon Lagrange. Les gentils prêtent avec espérance de retour, prêtez sans espérance de retour, sans espérer recevoir.  pelpzw n'a jamais ce sens, il est vrai, mais il a pu être forgé par Luc comme parallèle à  polamϐάnein qui a aussi les deux sens de recevoir et d’abandonner. Le moyen âge a entendu ce verset du prêt à intérêt, mais il n’y a point là de tradition exégétique.  « Renoncer seulement aux intérêts serait peu conforme à la disposition de dépouillement complet dont tout ce passage esquisse l’idéal »[20]. Il ne s’agit point ici d’un ordre, mais d’un conseil. « Si l’on objecte que prêter est synonyme de donner, on méconnait une nuance. Celui qui emprunte rougirait souvent de recevoir un don »[21]. On lui prête donc, disposé à recevoir le remboursement s’il est offert, mais on prête tout disposé à faire le sacrifice du tout à l’occasion, nihil sperantes mhdn pelpzonteV polaϐen (Field).
            Au v. 38, Luc revient à l’idée du don, préparée par celle d’absolution, et interprète dans ce sens la mesure de Mt. 7, 2, qui était une mesure de justice. Ce logion avait une forme approchante dans Mc. 4, 24, par l’addition de 𝑥a prosteqsetai mn. D'ailleurs, si Luc eût pu ajouter de sa plume ddote, 𝑥a doqsetai mn pour faire la transition, ce qui suit a une saveur si réelle, d’après « les usages journaliers, qu’on ne peut en constater l’authenticité comme parole de Jésus»[22]. La bonne mesure est déjà quelque chose de plus que la quantité strictement exigée ; la denrée est encore pressée pour que le récipient contienne davantage ; secouée, pour que les intervalles soient remplis, s’il s’agit par exemple de fruits, et elle déborde encore au moment où on la verse.
-dsousin est un pluriel qui équivaut à doqsetai dans le style impersonnel des apocalypses qui comprend Dieu et ses anges (Cf. Lc 12, 20). Cette surabondance exprimée si fortement fixe le sens des derniers termes : « on ne vous donnera pas exactement ce que vous aurez donné ; mais si vous êtes larges et bons, on sera large et bon, avec cet excès dans la récompense qui appartient aux dons de Dieu par rapport à ceux de l’homme »[23].
Le 𝑥lpoV est formé par les plis de la tunique (Cf. Is. 65, 7 ; Jér. 32, 18 ; Ps. 78(79), 12) ; de même chez les Grecs : 𝑥a 𝑥lpon baqn 𝑥atalipmenoV to 𝑥iqnoV  (HER. VI, 125), d’autant plus large qu’on remontait davantage d’étoffe au-dessus de la ceinture ;  le sinus des Romains était le pli de la toge (Cf. LIV. XXI, 18.10=POL. III, 33, 2) qui servait de poche (sinu laxo, HOR. Sat. II, 3, 172) ; l’usage palestinien consiste aussi à recevoir la denrée dans le manteau (Cf. Ruth. 3, 15) parfois relevé comme un tablier.
            La sentence qui termine le verset était probablement un proverbe courant. Merx cite Targ. (Cf. Is. 27, 8) : לך   בה    כילון כאל  דהויחא בםאחא « avec le boisseau dont tu te sers pour mesurer, on mesurera pour toi »[24] ; de même (en hébreu) Sanhedr. 100a et Sota I, 7.  



1.2.2.                Critique interne
La critique interne consiste en « l’évaluation d’une leçon à partir de son contenu littéraire spécifique »[25], c’est-à-dire évaluer certaines variantes en fonction de la théologie ou du style de l’auteur ou de son vocabulaire. A ce niveau-ci, qu’il existe certains principes d’évaluation, par exemple le texte court est à préférer au texte long, ou le texte difficile est à préférer au texte facile.
Le sermon dans  la plaine sera autrement court en Saint Luc (30 versets) que le sermon sur la Montagne chez Saint Matthieu (106 versets), raison pour laquelle  nous avons préféré le texte de Saint Luc qui est très court  pour l’étude de notre texte. « Cette brièveté n’est pas obtenue par la condensation en formules concises des idées exprimées dans le texte parallèle de Saint Matthieu : elle est plutôt obtenue par des nombreuses omissions »[26].  
Matthieu a deux impératifs : « aimez et priez (Cf. Mt 5, 44) »[27], tandis que Luc en a quatre : « aimez ; faites du bien ; bénissez et priez » (Cf. Lc 6, 27-28) et les trois derniers « montrent comment pratiquement Jésus comprenait le mot aimez ».[28]
A la place de « quelle récompense aurez-vous ? »(Cf. Mt 5, 46) chez Matthieu, Luc utilise l’expression de reconnaissance pour un bien fait : « quel gré vous en saura-t-on ? »(Cf. Lc 6, 32).
Nous retrouvons en d’autres passages du troisième évangile des enseignements que Saint Matthieu nous a cités en rapportant avec le sermon sur la Montagne : « ce sont des passages simplement déplacés par Saint Luc et utilisés ailleurs. Beaucoup d’autres sont franchement omis »[29]. Voilà pourquoi Soubigou souligne dans son ouvrage que :
« le parallèle entre la Loi Ancienne et la Loi Nouvelle, et le parallèle entre la piété pharisienne et la piété chrétienne, qui occupent de longs passages du discours en Saint Matthieu, ont laissés de côté sans doute à cause de l’intérêt moindre qu’ils pouvaient  avoir pour les lecteurs de Saint Luc : il s’adresse à des Gentils et ce qui est trop spécifiquement juif importe moins à son but ».[30]
 Saint Luc a conservé le cadre général du discours : s’il ne suit pas Saint Matthieu dans les développements du sermon sur la Montagne, il débute pourtant, comme lui, par les Béatitudes, et termine aussi, comme lui, par l’invitation à construire sur le roc et non pas sur le sable.
Ainsi, nous pouvons faire recours à l’étude de vocabulaires. Cependant, avant d’arriver là, il convient de passer à l’étude du contexte.

1.3.        Etude du contexte
Jésus s’en alla dans la montagne et y passa la nuit à prier Dieu. Avant de constituer le groupe des douze apôtres qui se mettront à sa suite, il s’entretient avec son Père qui l’a envoyé (Cf. Lc 6, 12).  Et par cette longue prière nocturne, Jésus révèle une fois de plus dans la vertu de quel Esprit, il va prêcher l’Evangile du royaume de Dieu.
 Nous ferons cette étude en deux moments, à savoir le contexte lointain et le contexte immédiat.

1.3.1.Le contexte lointain ou Lc 6, 12-26
Le sermon dans la plaine comprend d’abord le choix des Douze (6, 12-16), ensuite la foule et Jésus (6, 17-19), les béatitudes et les malédictions (6, 20-26), et enfin vient le texte sur l’amour des ennemis  et le refus de juger (6, 27-49).

1.3.1.1.       Le choix des douze apôtres (Lc 6, 12-19)
Ce passage à son tour comprend trois parties selon la proposition de Roland MEYNET : la première partie est le début de l’institution des douze apôtres (Cf. Lc 6, 12-13), la deuxième partie ou la partie centrale, établit la liste des Apôtres (Cf. Lc 6,14-16) et la troisième partie constitue l’auditoire de  Jésus (Cf. Lc 6, 17-19).

1.3.1.1.1.          La première partie (12-13)
En notant que Jésus s’en alla dans la montagne pour prier, et en insistant  sur « il passa toute la nuit à prier Dieu » (v.12), Luc a souligné avec force l’importance de l’événement. « Cette retraite, cette nuit de prière, cette localisation dans la montagne qui ici ne manque pas de symbolisme, confèrent à l’appel et aux choix la valeur d’un acte officiel d’investiture ».[31]
Luc ajoute en effet, à : « en choisit Douze, auxquels il donna le nom d’apôtres» (v.13). Or il est certain que « le groupe apostolique, du vivant de Jésus, a pu se nommer les Douze, mais pas Douze apôtres ».[32] Le nom d’apôtre est postpascal.

1.3.1.1.2.   La deuxième partie ou la partie centrale (14-16)
 La liste des noms est un peu différente de celle de Marc : Thaddée est remplacé par Jude, fils ou frère de Jacques, comme dans Ac. 1, 13. Nous disons plutôt frère de Jacques, d’après l’indication qui nous est fournie par l’épitre de Jude (v. 1). Le traîte Judas est toujours mis le dernier. Luc a déjà nommé Simon-Pierre (Cf. Lc 5, 8), mais il se conforme à Marc pour mentionner ce changement de nom.
 En nommant André frère de Pierre, il supplée au silence qu’il avait gardé sur André lors de la vocation de Simon (Cf. Mc. 1, 16), tandis que pour Jacques et Jean, il ne répète pas qu’ils sont fils de Zébédée (5, 10), et il juge inutile de faire connaitre leur surnom sémitique.

1.3.1.1.3.   La troisième partie (17-19)
 Dans cette troisième partie qui est l’auditoire de Jésus, Luc s’inspire de Marc (Cf. Mc 3, 7-12), mais le transforme, parce qu’il remplace les bords de la mer par un endroit plat (Cf. v. 17a) et ne parle pas de demande d’une barque par Jésus.
La pointe de sa présentation est la multitude du peuple qui vient entendre Jésus et se faire guérir (vv. 18b-19). La triple répétition du mot « guérir », qui s’applique « aux maladies et à la délivrance des tourmentés par des esprits impurs, ainsi que la  guérison de tous par simple attouchement»[33], donnent à la personne et au rayonnement de Jésus le caractère d’extraordinaire puissance par ses œuvres. Sa parole et ses exigences en acquièrent toute leur autorité.



1.3.1.2.       Les béatitudes et les malédictions (Lc 6, 20-26)
Bien que la foule soit présente, c’est au groupe des disciples et des apôtres que Jésus s’adresse directement (v. 20).
Dans quatre bénédictions, que suivent avec un parallélisme parfait quatre malédictions, Jésus a explicitement en vue les disciples qui, en réalité, sont pauvres, affamés, persécutés (vv. 20 et 21).
Ces béatitudes ont leur parallèle dans Mathieu. Luc ne dépend pas de Mathieu. « Ce sont deux versions d’un discours rapporté et déjà consigné par écrit en Grec ».[34] Dans la première béatitude, Luc déclare bienheureux les pauvres (v. 20). Mathieu a ajouté : « en  esprit » (Cf. Mt. 5, 3). Luc interpelle ses auditeurs et le fera dans toutes les béatitudes et dans les malédictions. Dans la seconde, Mathieu explicite qu’ « elle s’adresse aux affamés de justice » (Cf. Mt. 5, 10). Luc ne voit que les affamés (v. 21a). Dans la suivante, Mathieu s’adresse « aux affligés, qui seront consolés » (Mt. 5, 5) ; par contre Luc s’adresse « à ceux qui pleurent et qui riront » (v. 21b). La formule lucanienne selon B. Rigaux, semble bien primitive. Mathieu substitue deux fois « moi » à Fils de l’homme (10, 32). La mention du Fils de l’homme, « donne aux béatitudes un surcroît de signification eschatologique »[35]
L’étude des malédictions ne manque pas d’intérêt. Les quatre malheurs reprennent les quatre béatitudes. Mais est-ce une composition de Luc ou les reprend-il à sa source ? Deux fois, dans le premier et le quatrième malheur, Luc reprend des mots qui rappellent de très près le texte des béatitudes de Mathieu : la consolation de Luc (6, 24) est parallèle à celle de la seconde béatitude de Mathieu que Luc omet ; « parleront de vous » (v. 26) correspond à « diront toute sorte de mal contre vous » (Cf. Mt. 5, 11).
De plus, dans les malédictions, Luc « reprend à ses béatitudes plusieurs tournures qui sont propres à son style »[36]. Luc maintient les « maintenant » (v. 25) et le style direct dans les malédictions.
Les malédictions semblent interrompre le mouvement de pensée entre la fin des béatitudes et le commencement du discours : « mais je vous dis, à vous qui m’écoutez : aimez vos ennemis » (Cf. Lc 6, 27), qui constitue le contexte immédiat du texte à notre étude, à savoir : Lc 6, 27-38.
1.3.2. Le contexte immédiat ou Lc 6, 27-38
 Lc 6, 27-38  vient juste après les bénédictions et les malédictions (6, 20-26) et est suivi par Lc 6, 39 qui amorce une nouvelle unité littéraire moyennant la formule d’introduction : « or il leur dit aussi une parabole … ». En fait, il  est question d’un proverbe : « un aveugle peut- il guider un aveugle ? » celui-ci est ensuite explicité et actualisé par une série de logia dont l’enchaînement ne paraît guère logique.
 Selon Roland MEYNET ce contexte immédiat peut être intitulé : « A l’image et à la ressemblance de Dieu » (Lc 6, 27-38). Ici l’auteur montre l’emplacement de l’unité étudiée, à découvrir son rapport avec ce qui précède et ce qui suit. Il cherche aussi à connaitre le pourquoi de sa collation à cet endroit-là, et la dynamique que l’unité étudiée donne à l’ensemble du texte. C’est ici que l’auteur examine les problèmes de la composition et l’organisation interne.
Après la phrase d’introduction (27), ce passage comprend trois parties reliées ensemble par deux segments (31 et 36).

1.3.2.1.       La première partie (27b-30)
Elle est composée de deux sous-parties : la première (27b-28) est formée de deux segments dont les deux membres sont parallèles termes à termes. Chacun des quatre membres de ces deux segments comprend un impératif aux mêmes modalités, suivis des compléments également aux pluriels. La deuxième sous-partie (29-30) compte à son tour deux morceaux formés de deux segments bimembres de même construction syntaxique.
L’introduction de Luc : « mais je vous dis à vous qui m’écouté » (v. 27a) pourrait rappeler Mt. 5, 44 qui commence par « l’apodose des antithèses : Moi, je vous dis »[37]. Le texte de Luc semble plus près de la source. Il respecte le parallélisme et le mouvement ascendant : ennemis, ceux qui vous haïssent, qui vous maudissent, vous calomnient ; aimez, faites du bien, bénissez, priez.  
Dans le second cas, les situations ne sont pas tout à fait les mêmes. Mathieu suppose un procès, Luc un vol et intervertit l’ordre du manteau et de la tunique, ce qui est plus logique (v. 29). Il remplace l’emprunt par le vol.
Luc place la conclusion : « Et comme vous voulez que vous fassent les hommes, faites de même pour eux» (V. 31). Cette règle d’or a été transposée par Mathieu bien plus loin dans son discours (Mt 7, 12).

1.3.2.2.       La partie centrale (32-35)
Cette partie est composée de deux morceaux. Le premier (32-34) comprend trois segments tri membres : les deuxièmes membres sont identiques. Quant aux premiers et troisièmes membres, ils sont parallèles entre eux (avec cependant abréviation en 33c et adjonction en 34c).
Le deuxième morceau (35) répond le rythme ternaire, mais sous une forme allégée différente (au lieu de 3x3 membre, c’est maintenant 1x3, 1x2, 1x1 membres). Ce sont d’abord trois impératifs (35abc) « agapate....; danizete ....; etc.), qui s’opposent aux premiers membres de la sous-partie symétrique (32a, 33a, 34a ; « ceux qui vous aiment » et « vos ennemis » etc.), puis deux membres (35de) énoncent des conséquences qui s’opposent à « quelle reconnaissance vous revient » (32b, 33b, 34b). Le dernier membre enfin (35f) qui commence avec « parce que » donne la raison de ces récompenses et reprend en s’y opposant les troisièmes membres du morceau symétrique (32c, 33c, 34c ; le premier de ces trois derniers membres (32c) commence avec « car », synonyme de « parce que » en 35f).

1.3.2.3.       La dernière partie (37-38)
Cette partie est composée, elle aussi de deux sous-parties.  Mais, à l’inverse de la première partie, c’est la deuxième sous-partie (38cd) qui est plus courte. Les quatre épithètes du premier segment reprennent sous mode mineur le rythme à quatre temps de la première sous-partie.
Cette fois-ci, au lieu de l’alternance des négations de la sous-partie correspondante de la première partie, ce sont d’abord deux segments négatifs (37ab) suivis de deux positifs (38 ab).

1.3.2.4.       Segment de reliure (31 et 36)
Entre les trois parties du passage, se trouvent deux segments (31 et 36) qui n’entrent pas dans la construction d’aucune de trois autres parties ; ils sont également formés d’une principale à l’impératif et d’une comparative introduite par le même « comme ».
L’ordre des propositions est inverse, ce qui accentue l’organisation concentrique du passage. Chacun de ces segments est en outre lui-même construit en concentrisme (ordre des mots de l’original) autour du mot qui désigne ce qui est en relation avec le disciple.
Voilà en bref ce que l’auteur nous présente par ce petit schéma :

a  Comme vous voulez que                       a    Devenez
b  fassent pour vous les HOMMES          b  compatissant comme      VOTRE PERE                  b´ faites pour eux                                         b´  compatissant
a´ semblablement                                      a´   est

1.3.3. Rapport entre les parties (Lc 6, 27-38)
Les liens entre les parties sont marqués par la reprise, en termes initiaux de deux versants du passage, de « Aimez vos ennemis » + « faites du bien » en 35 comme en 27 (opposé à 32 et 33). La deuxième partie reprend les négations de la première partie.  Par ailleurs,  le « donner » (38a) rappelle celui du v. 30 ; « prêter sans espérer en retour » (34 et 35)  équivaut à « donner ».
 Ainsi la partie centrale se rattache par « aimer » (27-32),  faites du bien (33-37b), prêtez (34) qui n’a de correspondant  que dans Mathieu (42b) donc dans la source, aimez, - faites du bien- prêtez qui est une reprise de Lc 6, 27 ; la péricope de Lc 6, 27-35 présente ainsi un phénomène d’« l’inclusion »[38] qui finit dans un climat rappelant Mt 5, 45 : « vous serez les fils du Très Haut, car lui est bienfaisant pour les ingrats et les méchants ». Luc va plus loin : « Devenez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (v. 36). Mathieu présente là le fameux logion : « Vous serez donc, vous, parfait, comme votre Père céleste est parfait » (5, 48).
L’étude du contexte (lointain et immédiat) étant faite, nous pouvons maintenant passer à celle de vocabulaires de notre texte de Lc 6, 27-38.


1.4.        Etude de vocabulaires
  Etant donné que Lc 6, 27-38, constitue à notre avis une partie de sermon dans la plaine, il est important d’étudier de façon profonde les vocabulaires utilisés par cet auteur sacré.  Cette étude nous permettra d’entrer dans l’esprit même de notre texte et, ainsi, comprendre la théologie qui en découle :
ll   seul, peut marquer une opposition après une phrase négative, ll  dans ce cas, est employé plus souvent au sens de « mais ».
 mn,  c’est un pronom personnel non réfléchi au datif pluriel, qui veut dire « à vous » ;κoύousin, vient du verbe κouw, qui se traduit par « entendre, écouter », dans le texte, ce mot est à l’impératif Aoriste I passif, 3ème  personne  du pluriel. Jésus parle aux disciples qui sont présents dans toute sa puissance : « mais à vous qui m’écoutez, je dis » (6, 27). Après avoir dit que les disciples seront haïs, Jésus leur enseignerait à aimer les ennemis, « sa parole est une annonce venant de Dieu, il parle comme quelqu’un qui a toute puissance et non comme les docteurs de la loi et les pharisiens (Cf. Mt, 7, 28) ».[39]
gapte est à l’impératif présent pluriel du mot gpan  (aimer) et gph  (dans le sens biblique d'amour divin et humain) que dans la suite nous distinguerons de qila (amitié, affection) et de rV  (comme affection physique, sensuelle ou charnelle) ; et en latin : amare, amor et amicia.
cqpoV vient de cqpoV, a, on, qui se traduit en français par « ennemis ». Selon Albert VALENSIN et Joseph HUBY dans Verbum  Salutis III, « ces exhortations générales de Jésus à l’amour des ennemis sont souvent suivies de quelques recommandations particulières, dont une exégèse trop littérale a souvent méconnu le sens ».[40]
elogeĩte est à l’impératif présent actif à la 3ème  personne du pluriel du verbe  "elogen" qui se traduit par « bénir », et qui se construit avec l’accusatif  "κatarwmέnouV"  qui vient du verbe "κatarwmai"  signifie « maudire », tandis que  proseύcesqe  est à la 2ème personne du présent impératif passif du verbe "proseucesqe" (prier), accompagné de "phreazntwn", qui est au génitif pluriel du verbe "phreazntw", « menacer, calomnier, nuire ». Les impératifs « bénissez et priez » pour les ennemis prononcés par Jésus devant ses disciples et les foules des gens venus l’écouter et se faire guérir de diverses maladies, font partie de son sermon sur la Montagne (Mt 5–7) ou dans la Plaine (Lc 6, 20-49).
t   est le datif de tiV qui est un adjectif indéfini et se traduit par « quelqu’un » dans le sens de notre contexte. tύptont est au participe présent actif et au datif singulier du verbe "tύptw" « frapper, blesser », dont ep est une préposition à l’accusatif qui signifie « sur » avec mouvement, et siagna  est au datif féminin singulier.  prece  qui est au présent de l’indicatif singulier à la 2ème personne du verbe "precw" (donner, offrir, présenter). Présenter la joue gauche à qui vous frappe sur la droite, laisser prendre la tunique par qui enlève déjà le manteau, donner à qui demande et s’abstenir de réclamer à qui vous vole. Par ces aphorismes gnomiques, « Jésus exige de ne pas rendre le mal pour le mal, et même qu’on ne fasse aucune opposition au mal, il exige de vaincre le mal par le bien. »[41]
e est une conjonction de subordination, introduisant des propositions subordonnées. Elle en précise la signification par rapport à l’action de la proposition principale ou de la proposition subordonnée dont elle dépend. Les propositions principales que composent ces versets (32-35) sont les suivantes : 
Ø   "e agapte toV  gapntaV  mV ; έὰn  gaqopite  toV   gaqopoiontaV  mV ;  έὰn danshte  par n   lpzete   laben",  ce dernier, c’est-à-dire "laben"  est un aoriste second à l’infinitif actif du verbe   "lambanw"  (recevoir);
Ø   "gr  o  martwlo toV  gapntaV  atouV  gapwsin;  o  martwlo t  at  poiosin.   martwlo  martwloV  danzousin  na polbwsin  t  sa".   Toute différence est la conduite des pécheurs. Ils aiment ceux qui les aiment. Ils font du bien à ceux qui leur font du bien. Ils prêtent à ceux dont ils espèrent recevoir autant qu’ils ont donné. Si nous, les fils du Royaume, nous contentons de les imiter, sans rien faire de plus, quel sera notre mérite, ou plus exactement, en quoi plaisons-nous à Dieu et attirons-nous sa faveur ? Pour être les fils de Dieu et se préparer une grande récompense dans le ciel, nous devons régler notre conduite sur celle du Père qui est bon pour les ingrats et les méchants.
La conjonction adversative  pln montre à suffisance l’opposition entre la manière de faire des pécheurs et la conduite des fils du Très-haut qui indique nettement qu’il s’agit au v. 35 du prêt, sans espérance de retour.
Gnesqe  oκtrmoneV, est une « conjugaison périphrastique »[42], c’est-à-dire eimi + participe présent se traduit par « soyez compatissants ». Suivie de la conjonction comparative "kaqV" (comme), dans le sens où la miséricorde des disciples de Jésus prendra de même modèle de la miséricorde divine, et non pas la miséricorde humaine, toujours courte par quelque endroit : « soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6, 36).
Ø   m   krnete;   m  katadikzete, .........  polete,  :   « ne jugez pas, ne condamnez pas, ....... absolvez » (Lc 6, 36). Les jugements dont il faut se garder, sont ceux qui par-delà les actions extérieures, manifestes (1Tim 5, 24-25), prétendraient apprécier l’intention même de la conscience et mesurer la culpabilité intérieure. Dieu seul, qui connait le fond des cœurs, peut prononcer les sentences décisives.
Ø   "ddote,  ka doqsetai  mn·  mtron kaln pepiesmenon sesaleumnon  perekcunnmenon.....: « donnez et on vous donnera, c’est une bonne mesure, tassée, secouée, débordante….. », c’est-à-dire dans les plis de la tunique ou du manteau qui forment poche.
Ø      gr  mtr  metrete ntimetrqsetai  mn. ; car, c’est la mesure dont vous servez qui servira aussi de mesure pour vous (Lc 6, 38). Pareille mesure dépasse les exigences de la justice stricte, elle n’est pas due, mais  elle est donnée.          La largesse de l’homme appellera la largesse de Dieu, qui, à sa manière, sera surabondante.


1.5.       Conclusion partielle
Au terme de cette analyse littéraire de l’Evangile de Saint Luc (6, 27-38) récapitulons, de façon synthétique les idées maîtresses qui l’ont marquées.
 Lc 6, 27-38 se trouve à la troisième partie dans l’ensemble de l’Evangile de Saint Luc, qui est le ministère de Jésus en Galilée, dont Lc 6, 27-28 constitue le terminus a quo et Lc 6, 35-36, le terminus ad quem. La critique textuelle de Lc 6, 27-36, est effectuée en deux moments, à savoir la critique externe et la critique interne. La critique externe est  l’évaluation d’une leçon de la qualité des manuscrits qui la contiennent, tandis que la critique interne consiste en  l’évaluation d’une leçon à partir de son contenu littéraire spécifique.
 L’étude de vocabulaires de cette péricope avec son analyse dans sa langue  d’origine qu’est le Grec, quant à elle, nous a montré qu’à côté de cet amour que l’homme doit avoir envers son Dieu, l’amour envers le prochain a certainement  aussi un caractère surnaturel puisque c’est un précepte du Seigneur : « …tu aimeras ton prochain comme toi-même… » (Cf. Lv 19, 18).  
Cet amour entre Dieu et les hommes qui, après les prophètes et les promesses de l’Ancien Testament, s’est révélé et manifesté dans le Nouveau Testament en Jésus-Christ, est un don d’amour gratuit de Dieu le Père de miséricorde.


CHAPITRE DEUXIEME: THEOLOGIE DE Lc 6, 27-38

2.0. Introduction
Le texte  sous  examen  a comme thème : « Amour des ennemis : utopie ou réalité vitale ? », exige en quelque sorte des notions préalables qui le motivent. En effet, cette exhortation sur l’amour des ennemis est le résultat d’un long cheminement qui vient d’un simple constat de l’existence permanente de la guerre dans le monde, la haine ainsi que la violence dans nos sociétés.
 En réfléchissant sur  ce thème, nous voulons, en même temps répondre aux questions suivantes : pourquoi et comment la haine se présente-t-elle dans l’humanité? Les conséquences logiques de la haine étant l’inimitié, la violence et la vengeance, quelle a été l’attitude ou la réaction des sages dans l’Ancien et le Nouveau Testament, des guides de nos sociétés de tous les temps ?
Ces questions nous aideront à bien cerner le thème sur «l’amour des ennemis» et à brosser d’une manière succincte son interprétation au cours de l’histoire, c’est-à-dire avant, pendant et après la vie et l’enseignement de Jésus.

2.1. L’amour des ennemis
Il est important de prévenir de prime abord, que nous n’avons pas la prétention d’inventorier tous les auteurs qui ont réfléchi sur ce thème de l’amour des ennemis, mais nous voulons davantage insister sur l’authenticité, la nouveauté et la spécificité de l’amour des ennemis comme enseignement de Jésus. « L’ordre ancien demandait au juif d’aimer son frère juif. L’ordre nouveau demande au nouvel Israël un amour sans frontière ».[43]
A ce propos, s’agissant spécifiquement   de l’amour envers l’ennemi, nous considérons que Saint Paul est le premier qui nous a aidés à comprendre cette règle de vie chrétienne dans l’Eglise primitive (Cf. Rm 12, 14.17-21).
              Comme les interprétations divergent, nous préférons  prendre  l’interprétation du sermon de Matthieu comme point de référence, pour le fait que les deux versions (Matthieu et Luc) sont toutes de la même nature et que, par leur origine littéraire et historique, viennent de Jésus ou du témoignage de son entourage.
              Par contre, le grec de la septante et du Nouveau Testament utilise surtout cqrός pour « ennemi », puisque polmioς, assez rare dans le N.T., vient de polmoς qui signifie guerre, combat, bataille et donc s’emploie surtout pour la partie adverse contre laquelle on fait la guerre.
              Le Nouveau Testament utilise parfois aussi ntidikoς pour designer la partie adverse, ntikemenon, et satn pour l’adversaire.

2.1.1. L’ennemi dans l’Ancien Testament et les Psaumes
Dans l’histoire du Salut, et même dans la vie sociale, la réalité d’ennemi ou d’inimitié est permanente. A ce propos, LEON-DUFOUR écrit : « la présence des ennemis est une donnée constante dans la Bible ».[44] Outre les cas déjà cités à propos de la haine, nous pouvons encore relever le récit de Sara et Agar (Cf. Gn 16, 1-7) ; celui de Anne et Pennina (Cf. 1Sm 1, 4-8).
Un ennemi dans l’Ancien Testament et les Psaumes peut être ton proche (Cf. Mi 7, 6 ; Jr 12, 6), tout comme un ancien ami (Cf. Ps 55, 13-15), mais aussi l’étranger, même si l’étranger ne veut pas dire nécessairement l’ennemi. Les idolâtres ou ceux qui n’adorent pas le Dieu d’Israël deviennent ipso facto ennemis de la nation et de Yahvé (Cf. Gn 15, 13-16 ; Dt 20, 16-17 ; Ex 23, 22).
En effet, il convient de préciser que cette inimitié ou toutes les guerres que le peuple Israël menait contre les peuples alentours, font partie de la  pédagogie de Dieu pour l’accomplissement de ses promesses dans l’histoire du Salut et pour conduire son peuple vers la terre promise.
Les guerres d’Israël sont aussi les guerres de Yahvé contre les ennemis communs. Il en est de même pour l’individu, qui considère ses propres ennemis comme les adversaires de son Dieu (Cf. Ps 73, 19 ; 139, 19ss).
De ces textes vétérotestamentaires et  psalmistes émerge alors un cadre plutôt complexe concernant les ennemis de Dieu. Puisqu’ils attaquent le peuple de Dieu et qu’ils résistent à la volonté salvatrice, ils sont ennemis de Yahvé.

2.1.2. L’ennemi dans le Nouveau Testament
A son époque, Jésus connaissait parfaitement la loi juive concernant l’ennemi et comment on devait se comporter à son égard. C’est pourquoi, nous voyons Jésus dans son sermon sur la Montagne chez Saint Matthieu (Cf. Mt 5, 38-48), commencer avec le rappel de ce que disait la loi ancienne : « vous avez entendu qu’il a été dit … » et il profite à ce même moment pour édicter une nouvelle loi : « … moi je vous dis…. » (v.43).
Selon le Nouveau Testament, « il y a un seul vrai adversaire, l’ennemi par excellence, c’est le démon, le diable qui sème la zizanie dans le champ de blé du Seigneur » (Cf. Mt 13, 24-30; Lc 10, 19). En conséquence, nous comprenons alors qu’avec Jésus,  il n’existe plus d’ennemi mortel ou juré comme les juifs considéraient les Samaritains (Cf. Lc 10, 29-37) mais, les ennemis sont seulement les alliés et les instruments du démon, c'est-à-dire ceux qui tendent des pièges au peuple de Dieu et à ses témoins (Cf. Lc 1, 17. 74 ; Ap 11, 5.12).
 Malheureusement, nous déplorons le fait que bon nombre de ceux qui ont entrepris de réfléchir sur l’amour des ennemis n’ont pas accordé beaucoup d’importances à la définition de l’ennemi selon les différents contextes.
En ce sens, Jésus lui-même a connu l’hostilité, il a eu des ennemis. Pendant toute la période de la prédication du Royaume de Dieu, il y en a qui s’y sont farouchement opposés,  ils l’ont pourchassé, arrêté, flagellé, crucifié et tué (Cf. Mt 26–27 ; Mc 14–15 ; Lc 22 –23 ; Jn 18 –19).
Par conséquent, ces chefs des prêtres et scribes juifs étaient en même temps les ennemis de Jésus (Cf. Lc 19, 17). Mais, par sa mort sur la croix et par sa résurrection, il a vaincu le dernier ennemi qu’est la mort (Cf. 1Co. 15, 26).
Ainsi, tout disciple est appelé à suivre Jésus son maître qui ne cesse de lui donner pouvoir sur ces inimitiés, en menant un combat spirituel contre toutes les manœuvres du diable (Eph. 6, 11-13).

2.2. L’amour des ennemis au cœur de l’enseignement chrétien
Marcel DUMAIS révèle que, « l’amour des ennemis est au cœur de l’enseignement chrétien selon le sermon sur la Montagne et le sermon dans la Plaine »[45].  Il trouve que ce commandement de Jésus s’explique dans certains autres passages du Nouveau Testament  tels que : la prière pour les ennemis prononcée par Jésus à Etienne au moment de mourir (Cf. Lc 23, 34 ; Ac7, 60) ; l’invitation paulinienne à bénir ceux qui nous persécutent (Cf. Rm 12, 14; 1Co 4, 12) ; l’invitation pétrinienne « à ne pas rendre le mal pour le mal, ni l’insulte pour l’insulte, mais de bénir » (Cf. 1P 3, 9).
En fait, bien que l’impératif « aimez  vos ennemis » ne soit pas présent dans toutes les références que nous avons citées  précédemment, l’idée de ces références parlent de la réalité  de l’amour des ennemis en termes de  bénir les persécuteurs, de ne pas rendre le mal pour le mal, de vivre en paix avec tout le monde, de donner à manger et à boire à l’ennemi et vaincre le mal par le bien (Cf. Rm 12, 14.17-21).

2.2.1. Le mal de la persécution
Selon Roland MEYNET, « La persécution n’est pas un bien qu’il faudrait rechercher. Les disciples, comme tout le monde, désirent qu’on leur fasse du bien »[46]. C’est  pourquoi  les hommes sont appelés à rechercher le bien, pour soi et aussi pour les autres.
 Prier et appeler la bénédiction de Dieu sur les persécuteurs, c’est pour que ceux-ci se détournent de leur mal et qu’ils se convertissent et deviennent bons, de mauvais qu’ils sont.

2.2.2. L’amour est un remède
Dans les enseignements de Jésus, ceux qui sont appelés à le suivre ne peuvent pas rendre le mal pour le mal, ni l’insulte pour l’insulte (Cf. Rm 12, 17).    Puisque les pécheurs aiment ceux qui les aiment, il faut dans ce sens renoncer au mal pour ne laisser la place qu’à l’amour. C’est la seule façon de mettre fin à la persécution pour laisser la place à l’amour qui est le seul remède.

2.2.3.  La manifestation de l’amour du Père par Jésus
Cet amour du Père manifesté par le Christ se montre par le fait qu’il a accepté d’être giflé par le serviteur du grand-prêtre et n’a pas refusé d’être flagellé (Cf. Jn 18, 22 ; 19, 1). Il a été dépouillé non seulement de son manteau, mais de tous ses vêtements (Cf. Jn 19, 23-24). Il a tendu ses deux mains et ses deux pieds pour être attaché à la croix.
Voilà comment  le Père dans son amour pour les mauvais et les ingrats, n’a pas refusé de donner son propre fils. En Jésus s’est manifesté l’amour du Père pour tous les hommes. C’est dans ce sens que nous allons comprendre que tout bien vient de Dieu le Père. 

2.2.4. Tout bien vient d’en haut
Selon Roland MEYNET,
« Ce n’est pas à travers les hommes qu’il faut attendre gratitude et reconnaissance, mais de Dieu seul ; dans le sens où tout bien, tout don parfait vient d’en haut, du Père de toute miséricorde. C’est de Lui que descendent sur les hommes la pluie bénéfique, la nourriture et le vêtement, c’est de Lui qu’est venu le salut en Jésus, c’est par sa permission que viennent le péché et la persécution en face desquels nous pourrons nous montrer ses fils, c’est de Lui seul que nous recevons ce que nous ne pouvons attendre de personne d’autre, le pardon de nos péchés »[47].

Par le Christ, nous est donné le don gratuit de Dieu qui dépasse tout don, celui de la vie éternelle par delà la mort de la persécution, joyeusement accepté elle aussi comme un don du Père.

2.3. Vers une théologie de l’amour et du pardon des ennemis
Dans la théologie de l’amour et du pardon des ennemis, nous allons comprendre que le pardon est l’autre nom de l’amour des ennemis. Ici, nous essayerons de définir le pardon, avec toute l’abondance terminologique qu’il comporte et comment il constitue une réponse aux défis de notre temps. Il s’avère vrai qu’il n’y a pas d’amour des ennemis sans pardon.

2.3.1. De la haine-violence-vengeance-inimitié à l’amour des ennemis
En définissant la haine, avec tout ce qu’elle comporte comme conséquence, « la violence, la vengeance, et l’inimitié »[48], nous avons constaté qu’elle a malheureusement toujours été présente dans l’histoire de l’humanité.
A ce propos ABEL écrit dans son ouvrage avec une sorte de pessimisme que :
 « quelques illusions ne sont donc effondrées au sujet de la guerre, et de l’idée que si nous étions tous plus instruits, plus riches ou plus bienveillants, nous serions tous amis et qu’il devrait bientôt ne plus jamais y avoir de guerre … dans ce qui s’effondre, me semble-t-il, il y a  cette curieuse idée qu’avec le progrès sans doute la barbarie guerrière diminuerait continuellement pour faire place à la civilisation …. Il faut au contraire s’habituer à considérer en face la barbarie comme sans cesse récurrente dans l’histoire humaine …. La fin des conflits serait la fin de l’histoire, et ce n’est pas demain la veille ».[49]

Ceci prouve à suffisance que, comme principe moral et commandement,  l’amour des ennemis est une innovation de Jésus-Christ et un comportement spécifiquement et pratiquement chrétien (Cf. Mt 5, 38-48; Lc 6, 27-36, 23-34; Ac 7, 60; Rm 12, 14. 17-21).
Voilà pourquoi nous affirmons que l’amour des ennemis est une force impressionnante de relèvement et de redressement face aux violences les plus dangereuses. C’est une attitude de prière, de bénédiction, de générosité et de pardon aux lieux mêmes de la barbarie, de l’injustice et l’injustifiable ; une dépossession volontaire de ses biens et de ses droits, même les plus élémentaires, au nom d’une générosité hors de proportion pratiquée par Dieu Lui-même.
Le Dieu Père de miséricorde, dont Jésus ose dire qu’il est bon pour les ingrats et pour les méchants. C’est ce qu’il nous demande d’être et de faire à notre tour puisque nous vivons dans un monde où le mal, la méchanceté, l’escalade de la violence, l’intimidation, la force de frappe, les injustices, les procès et les condamnations rôdent sans cesse.
L’amour des ennemis constitue donc l’essentiel dans  l’enseignement de Jésus où il disqualifie les réponses instinctives et naturellement humaines à ces maux, à ces violences et à ces injustices, pour leur opposer une seule manière paradoxale et provocatrice de suivre, ou simplement selon Lui de vivre en fils et filles de Dieu. Mais, cela ne va pas de soi et ça demande même des efforts extraordinaires pour ne pas faire comme tout le monde, comme les pécheurs ou ceux qui réagissent avec instinct.

2.3.2. L’amour-pardon des ennemis : une réalité vitale
L’amour-pardon des ennemis signifie qu’il ne suffit pas d’être généreux, bienfaisant, non-violent et pacifique envers l’ennemi, mais aussi et surtout lui pardonner de tout cœur.
En effet, l’amour des ennemis qui se limiterait seulement aux actes de charité ne suffit pas, quand bien même il provoquerait des effets positifs chez l’offenseur, l’offensé garderait toujours rancune. Ainsi, il est indispensable que ce dernier aille jusqu’au pardon total pour guérir psychologiquement, socialement et religieusement.
L’enseignement de Jésus sur l’amour des ennemis part des exemples de la vie humaine de chaque jour, compte-tenu du contexte dans lequel il est né et grandi et qui se manifeste par l’occupation, les taxes et l’arrogance des Romains et de leurs complices Sadducéens. Ainsi, en citant Lv 19, 18, « prochain désigne le coreligionnaire israélite »[50] , le Christ  voulait  tout simplement demander à ses disciples de manifester l’amour du prochain par des actes concrets en lui faisant du bien et non du mal. Raison pour laquelle, « les disciples de Jésus accomplissent de toute évidence tout ce qui est profitable à l’ennemi. Le disciple répond à la haine en faisant le bien, à la malédiction par la bénédiction, au mauvais traitement par la prière».[51]
En bref, quand Jésus parle de l’amour des ennemis, il le fait avec radicalité en défiant ses interlocuteurs, mais sans arme. Il est contre toute lâcheté et passivité, contre tout quiétisme, et contre toute violence, par exemple, quand il se proteste contre la domination cruelle romaine, et surtout lors de sa passion (Cf. Mt 26, 51-52 ; Lc 22, 38.49).  Beaucoup d’autres exemples prouvent à suffisance que Jésus n’est pas un visionnaire ni un utopiste, mais un observateur sage qui part de la réalité. Il n’exige pas un altruisme surhumain ni des comportements extraterrestres, mais des preuves d’amour comme aider les nécessités, visiter les malades et les prisonniers, donner à manger et à boire aux affamés (Cf. Mt 25, 34-36), détruire l’inimitié en promouvant l’amour.
2.3.3. L’amour-pardon des ennemis comme méthode d’évangélisation         aujourd’hui
L’amour-pardon des ennemis est une réalité au cœur de l’Evangile et une méthode pratique, comme le souligne le Pape François dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium que, « l’évangélisation est essentiellement liée à la proclamation de l’Evangile à ceux qui ne connaissent pas Jésus Christ ou l’ont refusé ».[52] Les ennemis sont ceux qui n’observent pas l’Evangile du Christ, et les chrétiens ont le devoir de les amener vers Dieu par l’annonce de sa parole.       Comment alors aimer ceux qui ne partagent pas la vie des disciples du Christ, afin de les évangéliser ? Comment cet amour se manifeste-t-il dans la vie chrétienne et dans l’Eglise ?

2.3.3.1. Comment et pourquoi aimer les ennemis ?
A la question de savoir si « aimer les ennemis » est raisonnable ou réaliste, on pourrait d’emblée répondre négativement. Mais logiquement et religieusement, la réponse positive est aussi pratique dans le sens où il faut d’abord s’analyser et se reconsidérer soi-même en faisant une autocritique, car chacun de nous a des  qualités ou des défauts qui font qu’il soit apprécié ou haï par les autres de quelque chose de mauvais qu’il aurait commis dans le passé. C’est cela que Jésus signifie dans l’Evangile de Saint Luc (6, 41-42) et l’Evangile de Saint Matthieu  quand il dit : «  comment peux-tu voir la paille qui est dans l’œil de ton frère et ne pas voir la poutre qui est dans le tien ? » (7, 3-4).
En fait, quand on a découvert que dans chaque personne humaine, il y a l’image de Dieu, mais aussi qu’il y a en même temps du bon et du mauvais, notre attitude de juge criticiste change à l’égard des autres, comme le dit Martin Luther King : « il y a du mauvais à l’intérieur du meilleur d’entre nous, et du bon dans le pire d’entre nous. Une fois que nous l’avons découvert, notre attitude change à l’égard des individus ».[53]
 La haine entraine toujours des réponses tragiques et névrosées ; car plus on hait, plus on développe des sentiments de culpabilité et on commence à contenir inconsciemment ou réprimer consciemment certaines émotions que conserve notre subconscient. Pour cette raison, Martin Luther King trouve que :
 « la haine est un cancer qui s’attaque aux points centraux de la vie et de l’existence. C’est un acide qui corrode ce qu’il y a de meilleur et de plus objectif dans votre vie. C’est pourquoi Jésus dit : aimez,  car la haine détruit celui qui hait tout autant que celui qui est haï ».[54]

En conséquence, l’amour-pardon des ennemis porte des fruits de conversion non seulement aux offenseurs, mais aussi aux victimes de l’injustice et de la violence, en nouant de nouvelles bonnes relations durables. Ainsi, à notre humble avis, Jésus a proposé l’amour des ennemis puisque, c’est l’unique amour qui possède en lui un pouvoir rédempteur, susceptible de transformer les individus. Il faut donc aimer et pardonner les ennemis puisque si nous les haïssons, nous nous trouvons dans l’incapacité de les convertir et de les transformer.
D’autre part, l’amour des ennemis que nous venons d’expliquer longuement est appelé aussi « pardon des ennemis ». Vu que l’existence des ennemis est une réalité vitale indubitable, l’acte de les aimer et de leur pardonner, bien difficile, est à plus forte raison le thermomètre qui mesure le niveau de chrétienté de quelqu’un. Et Didier Rancer de déduire que c’est ce réalisme qui distingue le christianisme des autres doctrines. Il s’explique en ces termes :

« Et il s’agit bien du pardon des ennemis réels, qui vous font ou vous ont fait du mal. Le christianisme là-dessus diffère nettement de la pensée antique, en particulier du stoïcisme, qui prêche, par exemple dans les pensées de Marc Aurèle, le pardon apparent des ennemis, mais parce que, à ses yeux, l’ennemi n’en est vraiment un, c’est simplement un parent qui ignore qu’il l’est. Jésus, nous l’avons vu, parle de loups et d’agneaux, et refuser de reconnaitre que nous pouvons avoir des ennemis évacue la force du pardon chrétien, même si, à la suite de Saint Augustin, nous devons considérer notre frère dans notre ennemi. Comme l’était frère Christophe de Tibhirine en janvier 1994 : oui, il y a des ennemis. On ne peut pas nous contraindre à dire trop vite qu’on les aime, sans faire injure à la mémoire des victimes dont chaque jour le nombre s’accroît ».[55]

2.3.3.2. L’amour-pardon des ennemis dans la vie du chrétien et dans l’Eglise
Etant donné que c’est humainement parlant difficile et que ça semble être irraisonnable et irréaliste, l’unique arme pour aimer les ennemis, c’est la croix du Christ, que Paul a très vite appelé une pure folie plus sage que les hommes, une faiblesse plus forte que les hommes  (Cf. 1Co 1, 18). Et pourtant, c’est précisément sur cette croix que l’enseignement de Jésus sur l’amour des ennemis s’est réalisé : « il a aimé ceux qui haïssaient, il s’est laissé calomnier, maltraiter et condamner tout en priant et en bénissant ses bourreaux ; en tout, il s’en est remis à la miséricorde du Père » (Cf. Lc 23, 34).  
Cette demande de pardon invite tous les pécheurs à regarder avec confiance la croix. Elle enveloppe le monde d’une immense miséricorde. A ce propos, Hunter écrit que : « le sermon sur la montagne a pour coralliaire la croix sur le Golgotha. Il prépare l’homme à recevoir l’Evangile de la grâce pardonnante de Dieu dans le Christ crucifié ».[56]
Pour cela, être chrétien, c’est suivre le Christ dans la voie de l’amour des ennemis, dans la voie de la miséricorde, et donc, c’est la seule manière de représenter Dieu sur la terre des vivants, car « celui qui aime son ennemi ne se met pas seulement lui-même au service de l’ennemi par le bien qu’il lui fait, mais engage Dieu lui-même en l’implorant de donner ce qu’il est incapable de réaliser lui-même».[57]
Et si l’on se lie à ce Dieu d’amour et de miséricorde, alors on est invité à se regarder soi-même autrement, et à voir les autres autrement, avec ce regard spécial de Dieu pour le meilleur de nous-mêmes, et avec cette générosité impérative de Dieu, nonobstant nos défauts. « Les riches auxquels s’adressait la malédiction proférée ne sont pas là. Jésus se retourne à nouveau vers les disciples qui sont présents. Il leur parle dans toute sa puissance… ».[58]   C’est bien parce que nous sommes d’abord redressés et relevés par Dieu entant que personne infiniment précieuse, malgré nos violences et nos malfaisances, aimés comme ingrats et méchants, que nous pouvons ensuite redresser et relever pour Dieu toutes les personnes que nous rencontrons sur notre route, avec leurs violences et leurs malfaisances.
A vrai dire, l’amour-pardon des ennemis n’est pas un fanatisme aveugle de résignation à tout prix, ni d’un dolorisme béat et sanctificateur, ni d’un lavage de cerveau suicidaire. Tout simplement, il s’agit d’un travail du cœur et de l’esprit fécondés par le cœur et l’esprit de Dieu. Il s’agit seulement d’une manière de déplacer le monde dans le cœur de Dieu; une manière dont chacun de nous est responsable, au cœur des événements même les plus malheureux de la vie ; une manière de lutter, de ne jamais abandonner ou se résigner, mais au contraire une manière de toujours vouloir donner plus, pardonner, prier, bénir et faire le bien.
Cette lutte de tous les jours, Martin Luther King l’appelait « la force d’aimer »[59], et pour Jésus, c’est « l’amour des ennemis » (Cf. Lc 6, 27). C’est l’amour de Dieu en nous, que Jésus nous a enseigné et que l’Esprit Saint nous permet de réaliser dans nos événements quotidiens et dans l’Eglise.

2.4. Vers une théologie de la non-violence évangélique et de la paix
Dans cette partie, nous plancherons sur  les fruits et les principaux bienfaits du pardon qui sont : la guérison intérieure et même physique, la réconciliation et la paix. Mais, le moyen, l’arme ou la méthode la plus efficace pour arriver à ce pardon, à la réconciliation et à la paix est la non-violence. « Le Royaume de Dieu commence par l’évangile, la bonne nouvelle, annoncée aux pauvres, par la libération annoncée aux captifs, la lumière aux aveugles, la délivrance à ceux qui sont opprimés ».[60]
La non-violence constitue le résumé de deux péricopes de Saints Luc et Paul (Cf. Lc 6, 27-36; Rm 12, 14. 17-21). Comment alors comprendre et décrire la non-violence ? C’est ce que nous allons développer dans les pages qui suivent.



2.4.1.   Définition et description de la non-violence
Face au constat malheureux dans notre monde de l’existence de la haine, de la violence, des conflits, des guerres et différentes formes de vengeance entre les hommes dans l’Ancien Testament, dans le Nouveau Testament et dans la société humaine de tous les temps, des efforts ont été fournis dans tous les domaines de la vie pour éduquer les hommes à la cohabitation et à la paix.
L’étude exégétique nous a permis  de trouver la non-violence définie dans les versets suivants : Lc 6, 27-29, parallèles à Mt 5, 38-41 et surtout le v. 29 où il est dit que : « à qui te frappe sur une joue, présente encore l’autre … ». En effet, il nous semble que le paradoxe de  « tendre l’autre joue »  n’est pas une prescription, mais dans un certain sens une méthode didactique pour affirmer, d’une manière plus bouleversante et efficace le non à la vengeance retributive et le  renversement complet du rapport de justice ou encore de la loi du talion. Ecoutons Hunter :
 « à vrai dire, il y a des indices qu’au temps de notre Seigneur une peine pécuniaire avait remplacé l’application littérale de la Loi ; mais la loi du talion, celle de tendre coup pour coup, était aussi la base des lois grecque et romaine et remontait, en fait, à près de 2000 ans avant le Christ au code d’Hammourabi. Mais, pour Jésus, ce n’est pas ainsi que Dieu se comporte, et ce ne peut être l’idéal des fils du Royaume».[61]

Cette non-violence est contraire à la passivité, à la lâcheté, à la faiblesse, au laisser-aller (laisser-faire) et à la complicité dans le mal. Le fait de laisser le méchant continuer à frapper ne serait pas un acte d’amour ni envers d’autres victimes potentielles, ni envers le méchant lui-même, car il continuerait à s’enfoncer dans son mal. Mais, le fait de ne pas répliquer ouvre la voie, autrement impraticable, à la recherche des stratégies pour l’aider à changer de comportement. Certes, on ne peut pas combattre la violence par la violence, mais par la non-violence.
             Cette non-violence ne consiste pas à supporter passivement les injustices, mais à les combattre.  User de la violence, même si c’est pour réclamer la justice, n’aboutit qu’à d’autres violences.
Ainsi, il faut substituer la force violente par une force morale et spirituelle, capable de rétablir la justice et la vérité qu’on appelle non-violence. Pour cela, Mahatma Gandhi considère que la vérité et la non-violence  sont synonymes de Dieu qui est amour.  Selon lui, « quand on veut trouver la vérité entant que Dieu, le seul et inéluctable moyen est l’amour, c’est-à-dire la non-violence, et puisque je crois qu’en définitive les moyens et la fin sont des termes convertibles, je n’hésiterai pas à dire que Dieu est amour ».[62]
Par conséquent, la non-violence menée par Gandhi se présente sous deux volets complémentaires. D’une part, la non-violence constructive qui constitue l’éducation, la formation de l’individu et des masses. Ici, Gandhi propose « que tous apprennent à la fois à obéir aux lois justes, non par crainte des sanctions mais en esprit de vérité, et à rejeter les lois injustes sans recourir à la violence, quoi qu’il en coûte »[63]. D’autre part, la non-violence agressive qui consiste en un combat économique et politique.
La règle suprême en est que tout recours à la violence, toute coercition physique ou morale sur les opposants ou habitants, toute haine ou rancune sont exclus et le non-violent doit agir de telle sorte que la non-coopération et la désobéissance civile comportent le minimum de danger pour la paix publique, le maximum de sacrifice pour ceux qui participent au mouvement de contestation contre l’injustice.
 Il y a toujours obligation impérieuse de souffrir les conséquences légales et autres de ses actes et d’aimer l’adversaire d’un amour brûlant. A ce propos, encore une fois, M.K. Gandhi s’adresse aux dirigeants de l’époque : « c’est la pression morale de la souffrance qui doit conduire au triomphe … je veux vous vaincre uniquement par la souffrance … »[64].
 Le secret de la non-violence chez Mohandas Gandhi s’approche, en quelque sorte  de l’enseignement chrétien sur l’amour et la vérité. C’est par un amour sans frontières que les données scripturaires, même les plus perplexes, se réalisent. Il est donc possible d’aimer et de sympathiser son ennemi au point de le convertir.
Toutefois, la non-violence de Gandhi a des failles par rapport à la non-violence évangélique, surtout quand il limite sa pratique à la société et en minimisant l’apport  de la religion et de l’individu à la recherche de la paix et du salut éternel.
Tout en reconnaissant que la non-violence est le moyen plus inoffensif et cependant aussi efficace pour affronter les injustices politiques et économiques de la partie opprimée de l’humanité, il déclare ceci :
« je sais, depuis ma première jeunesse, que la non-violence n’est pas une vertu de couvent qui doit être pratiquée par l’individu qui cherche la paix et le salut éternel, mais une règle de conduite pour la société qui veut vivre conformément à la dignité humaine et progresser vers la réalisation de la paix qu’elle a depuis longtemps désirée » [65]

2.4.2.   La non-violence chrétienne
L’important dans ce point est de s’opposer au mal de manière à ne pas faire le mal qui, comme on le sait, est déjà aussi une violence.
Donc, l’idéal serait de faire une opposition ou une résistance non violente contre le mal, en sauvegardant la dignité de la personne humaine, quoique malfaitrice. Ici Hunter souligne que, « le Christ enseigne le dépassement. Rendre le mal pour le bien, c’est la manière d’agir du démon ; rendre le bien pour le bien, celle de l’homme ; rendre le bien pour le mal, celle de Dieu »[66].

2.4.2.1.       La non-violence active Evangélique
Le Nouveau Testament est le texte sur lequel se fonde le mieux ce que nous appelons « non-violence évangélique », par rapport à « non-violence » tout court.     Pour cela, le message chrétien est intrinsèquement un message d’opposition à la violence, et de non-violence. Jésus lui-même en donne l’exemple le plus éloquent. Né dans un peuple opprimé, en Galilée, dans la classe sociale la plus pauvre. Dès les premières années de sa vie, il est exilé et persécuté (Cf. Mt 2, 13-18), mais Dieu le Père Tout Puissant n’intervient pas pour défendre activement. Au contraire, Il le fait fuir et ne fait pas mourir directement Hérode. Il refuse d’utiliser sa puissance divine miraculeuse pour se défendre et se venger contre les hommes qui veulent le tuer, mais s’échappe et les fuit.
Par contre, sa puissance sert exclusivement au bien de l’homme, bon ou méchant, à la santé, au bonheur et au salut de l’homme. Il déconseille et condamne toute violence et toute vengeance (Cf. Mt 10, 23).
 Ainsi, toute l’annonce du règne de Dieu, dans le Nouveau Testament a une cohérence et un dénominateur commun : la non-violence selon l’école de Jésus-Christ. Dans ce sens, « Jésus indique deux voies pour surmonter ces obstacles : le pardon et le don. Les barrières entre le moi et le toi sont abattues : c’est le pardon. Des ponts sont jetés : c’est le don. »[67]
Mais, c’est surtout dans le discours sur la Montagne (Mt 5, 38-48) et dans la Plaine (Lc 6, 27-36) que Jésus recommande directement et explicitement la non-violence en interdisant toute sorte de vengeance, comme « l’autre joue » ou « le manteau arraché », c’est-à-dire ne pas réagir au mal subi.  
Dans le récit de la passion qu’on trouve une prohibition explicite de la plus légitime violence défensive : « remet ton épée dans son fourreau, puisque tous ceux qui prendront l’épée périront par l’épée » (Cf. Mathieu 26, 52).
L’analyse exégétique faite sur Lc 6, 27-36 et par ricochet Rm 12, 14. 17-21 permet de dépasser la confusion entre « pacifisme » et « passivisme » et nous conduit vers la non-violence active évangélique qui nous aide à obtenir « la paix eschatologique universelle promise par Dieu dès l’Ancien Testament où la promesse concerne quelque chose du futur »  (Cf. Is 9, 5; 57, 19; Mi 5, 4; Za 9, 10), et déjà réalisée par la venue du Christ. Car Jésus-Christ est venu accomplir la promesse de Dieu, et donc aussi la promesse de la paix, comme Saint Paul le confesse :
« car c’est lui qui est notre paix, lui qui des deux peuples n’en a fait qu’un, détruisant la barrière qui les séparait, supprimant en sa chair la haine, cette loi des préceptes avec ses ordonnances, pour créer en sa personne les deux en un seul corps, au moyen de la croix : là, il a tué la haine. Alors il est venu proclamer la paix, paix pour vous qui étiez loin et paix pour ceux qui étaient proches » (Cf.  Eph 2, 14-17. Voir aussi Ga 3, 28-29 ; Col 3, 14-15).

Pourtant, La paix ne peut et ne pourra  devenir complète qu’en adoptant les diverses attitudes de Jésus rapportées en Lc 6, 27-36 et que Saint Paul recommande aux chrétiens en Rm 12, 14. 17-21,  bref, imiter Jésus en passant par le même chemin qu’il a suivi : « la croix, la mort et la résurrection ».[68]

2.4.2.2.  La non-violence active évangélique et la paix dans l’enseignement de                               l’Eglise
A la suite de Jésus, de ses disciples et de la première communauté chrétienne, les Papes, les Conciles, les Synodes et les Evêques ont continué et continuent à enseigner et à exhorter le peuple de Dieu à la non-violence pour que les hommes vivent dans la paix et l’unité, pour qu’ils soient saints, parfaits et fils de Dieu.
En effet, comme l’affirme le Pape Jean  XXIII, une paix durable doit se fonder sur Dieu : « la paix sur la terre, objet du profond désir de l’humanité de tous les temps, ne peut se fonder ni s’affermir que dans le respect absolu de l’ordre établi par Dieu ».[69]
Le concile Vatican II, par exemple, dans la constitution sur « l’Eglise dans le monde de ce temps (Gaudium et Spes), en condamnant la barbarie de la guerre, souligne l’importance des moyens non-violents pour instaurer la paix ».[70] Pour cela, le Concile est très clair quand, dans sa conclusion, il invite tous les chrétiens et les hommes de bonne volonté à pratiquer la non-violence et à vivre dans la paix : « puisque nous sommes destinés à une seule et même vocation divine, nous pouvons aussi  coopérer, sans violence et sans arrière pensée à la construction de la paix véritable »[71].
En définitive, pour qu’il y ait une paix solide et durable, les chrétiens et les hommes de bonne volonté doivent vivre chaque jour dans la non-violence, la vérité, la justice, la charité, la liberté et le pardon, car « il n’y a pas de paix sans justice, il n’y a pas de justice sans pardon ».[72]
La visée fondamentale de notre réflexion se veut aussi bien théologique que pastorale. Nous avons ainsi voulu contribuer à une promotion d’une théologie et une pastorale de l’Amour-pardon des ennemis, par la non-violence active Evangélique, pour la paix de tous, surtout en ces dernières années où la paix de l’humanité est menacée par toutes sortes d’injustices, de violence, de terrorisme, de conflits et de guerres.
Notre souhait est que cette étude conduise chaque chrétien, et surtout chaque acteur de l’évangélisation à s’interroger sur les moyens et les méthodes les plus adaptés pour affronter ce grand défi.
Ainsi, pour une nouvelle évangélisation de notre société et surtout de nos CEVB menacées ou déchirées par ces maux, il faut retourner à l’Evangile, le vivre comme Jésus Lui-même et ses nombreux témoins (qui nous ont prouvé que tout est possible par la grâce de Dieu, en insistant sur l’amour-pardon des ennemis, la non violence, la non-vengeance et la générosité envers tout le monde aussi bien les bons que les méchants).
A titre d’exemple, par sa vie de non-violent, Saint François d’Assise nous invite au pardon et à la réconciliation. Ainsi, dira-t-il :
« Voilà à quoi je reconnaitrai que tu aimes le Seigneur, et que tu m’aimes, moi, son serviteur et le tien : qu’il n’y ait aucun frère au monde qui, après avoir péché autant qu’il peut, quand il aura rencontré ton regard, ne revienne pardonné, s’il a demandé pardon. Que s’il ne demande pas pardon, toi, demande-lui s’il veut être pardonné. Et quand bien même ensuite il pécherait encore mille fois contre toi, aime-le plus que moi, afin de l’amener au Seigneur ».[73]





2.5.        Conclusion partielle
Au terme de ce chapitre sur la théologie de Lc 6, 27-36, retenons qu’il a été question de l’interprétation de l’Evangile de Saint Luc (6, 27-36). Nous avons traité de la spécificité et de l’originalité de l’amour-pardon des ennemis, partant de certains passages clés de l’Ancien Testament, du Nouveau Testament et de la vie de Jésus.  Nous avons reconnus et réaffirmé la spécificité de l’amour des ennemis, par rapport à d’autres doctrines et religions du monde.
En dernière analyse, nous avons soutenu que le pardon est l’autre nom de l’amour des ennemis. Ainsi, en nous fondant sur les Saintes Ecritures et sur le constat qu’il n’y a pas d’amour des ennemis sans pardon, nous avons insisté sur le but, les raisons, les conditions, les étapes et les bienfaits du pardon entre les individus, dans la société et dans la communauté ecclésiale.




CONCLUSION GENERALE
Au terme de cette étude exégétique et théologique de Lc 6, 27-36, que faut-il retenir ? Cette analyse avait pour but de nous aider à comprendre, à la lumière des Saintes Ecritures, surtout Lc 6, 27-38, que l’amour des ennemis n’est pas une utopie, ni quelque chose d’impossible comme certains l’ont pensée et le pensent encore ; mais une réalité vitale.
Pour mener à bien notre étude, nous avons opté pour méthode analytico-exégétique, et ce modeste travail s’est articulé autour de deux chapitres, à savoir l’analyse littéraire de Lc 6, 27-36 et la théologie de cette même péricope.
 En effet, le premier chapitre qui est l’analyse littéraire de Lc 6, 27-36, nous a permis de situer cette partie de l’Evangile de Saint Luc, ou mieux le sermon dans la plaine autour des cinq points essentiels, à savoir la délimitation; la critique textuelle; l’étude du contexte  et aussi l’étude de vocabulaires. C’est alors que s’est intervenue une petite conclusion.
Quant au deuxième chapitre, il a été question de la théologie et  de l’actualisation du texte biblique du sermon dans la plaine, qui a comme thème : « Amour des ennemis ». Cette exhortation sur l’amour des ennemis est le résultat d’un long cheminement qui vient d’un simple constat de l’existence permanente de la guerre dans le  monde, la haine ainsi que la violence dans nos sociétés.
 En réfléchissant sur l’origine de ce thème de l’amour des ennemis, nous avons pausés des questions  suivantes : pourquoi et comment la haine se présente-t-elle dans l’humanité?  Quelle a été l’attitude ou la réaction des sages dans l’Ancien Testament et le Nouveau Testament, des guides de nos sociétés de tous les temps tant au niveau national que religieux ?
Ces questions nous ont aidées à bien cerner le thème sur «l’amour des ennemis» et à brosser d’une manière succincte son interprétation au cours de l’histoire, avant, pendant et après la vie et l’enseignement de Jésus.






BIBLIOGRAPHIE

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1.    De HUECK DOHERTY C., L’Evangile sans transiger. Paris, Cerf, 1979.
2.    GOULET J., Les Evangiles à la portée de tous. Guide de lecture et de partage. Montréal, Ed. Paulines, 1986.
3.    CHARPENTIER E., Pour lire le Nouveau Testament. Paris, Cerf, 1981.
4.    GEFFRE C., Croire et interpréter. Le tournant herméneutique de la théologie. Paris, Cerf, 2001.
5.    DUPLEIX, A., La force du Pardon. Nouvelle Cité, Paris, 1990.
6.    HUBAUT, M., Pardonner oui ou non ? Paris, Desclée de Brouwer, 1992.
7.    MOMBOURQUETTE, J., Comment pardonner pour guérir, guérir pour pardonner. Novalis, Bayard, 2001.








TABLE DES MATIERES

Epigraphe.……………………………………………………………………………………..I    
Dédicace………………………………………………………………………………………II
Avant-propos…………………………………………………………………………………III
1.            INTRODUCTION GENERALE…………………...…………………………………1
0.1.       CHOIX DU SUJET……………………………………………...……………………1
0.2.       PROBLEMATIQUE………………………………….……………………………….2
0.3.       METHODOLOGIE……………………………………………………………………3
0.4.       DIVISION DU TRAVAIL……………………………………..………………………3
CHAPITRE PREMIER : ANALYSE LITTERAIRE DE Lc 6, 27-36……..……………….4
1.0.       Introduction……………………………………………………………………………4
1.1.       Délimitation du texte de Lc 6, 27-36…………………………………..……………4
1.1.1.   Terminus a quo……………………………………………………….………………4
1.1.2.   Terminus ad quem………………………………………………………..………….5
1.2.       Critique textuelle………………………………………………………...……………5
1.2.1.   Critique externe………………………………………………………………………6
1.2.2.   Critique interne..……………………………………………………….……………11
1.3.       Etude du contexte..…………………………………………………………………12
1.3.1.   Le contexte lointain ou Lc 6, 12-26.………………………………………………12
1.3.1.1.              Le choix des douze apôtres (Lc 6, 12-19)….........................................12
1.3.1.1.1.          La première partie (12-13).…………………………………...……………12
1.3.1.1.2.          La deuxième partie ou la partie centrale (14-16)...…………...…………13
1.3.1.1.3.          La troisième partie (17-19)……………………………………...…………13
1.3.1.2.              Les béatitudes et les malédictions (Lc 6, 20-26)..………………………14
1.3.2.    Le contexte immédiat ou Lc 6, 27-38………………………………………….…15
1.3.2.1.              La première partie (27b-30)………………………………………………..15
1.3.2.2.              La partie centrale (32-35)………………………………………………..…16
1.3.2.3.              La dernière partie (37-38)………………………………………………….16
1.3.2.4.              Segment de reliure (31 et 36)……………………………………………..16
1.3.3.    Rapport entre les parties (Lc 6, 27-38)…………………………………………..17
1.4.       Etude de vocabulaires……………………………………………………………...18
1.5.       Conclusion partielle…………………………………………………………………21
CHAPITRE DEUXIEME: THEOLOGIE DE Lc 6, 27-38………………………………..22
2. 0. Introduction……………………………………………………………………………22
2.1. L’amour des ennemis…………………………………………………………………22
2.1.1. L’ennemi dans l’Ancien Testament et les Psaumes…………………………….23
2.1.2. L’ennemi dans le Nouveau Testament……………………………………………23
2.2. L’amour des ennemis au cœur de l’enseignement chrétien……………………...24
2.2.1. Le mal de la persécution……………………………………………………………25
2.2.2. L’amour est un remède……………………………………………………………..25
2.2.3.  La manifestation de l’amour du Père par Jésus………………………………...25
2.2.4. Tout bien vient d’en haut…………………………………………………………...26
2.3. Vers une théologie de l’amour et du pardon des ennemis………………………..26
2.3.1. De la haine-violence-vengeance-inimitié à l’amour des ennemis……………...26
2.3.2. L’amour-pardon des ennemis : une réalité vitale………………………………..28
2.3.3. L’amour-pardon des ennemis comme méthode d’évangélisation aujourd’hui………………………………………………………………………………..…29
2.3.3.1. Comment et pourquoi aimer les ennemis ?...................................................29
2.3.3.2. L’amour-pardon des ennemis dans la vie du chrétien et dans l’Eglise……..31
2.4. Vers une théologie de la non-violence évangélique et de la paix………………..32
2.4.1. Définition et description de la non-violence………………………………………33
2.4.2. La non-violence chrétienne………………………………………………………...35
2.4.2.1. La non-violence active Evangélique…………………………………………….35
2.4.2.2. La non-violence active évangélique et la paix dans l’enseignement de    l’Eglise.………………………………………………………………………………………362.5. Conclusion partielle……………………………………………………………………39
CONCLUSION GENERALE……………………………………………………………….40
BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………………...41
TABLE DES MATIERES…………………………………………………………………..43



[1] DUPLEIX, A., La Force du Pardon. Nouvelle Cité,  Paris, 1990, p.20.
[2] VALENSIN A. et HUBY J., Verbum Salutis III. Evangile selon Saint Luc, Traduction et commentaire, Paris, Beauchesne et ses Fils, 1941, p.126.
[3] NTUMBA KAPAMBU V., Trois clés pour une lecture africaine du Nouveau Testament, Kinshasa, Ed. Carmel Afrique, 2009, p. 23.
[4] MAINVILLE O., La Bible au creuset de l’histoire. Guide d’exégèse historico-critique, Canada/Paris, Médiaspaul, 1995, p. 40.
[5] NTUMBA KAPAMBU V., Op. Cit. p. 24.
[6] CARREZ M., Grammaire grecque du Nouveau Testament. Paris, Labor et Fides, 1985.
[7] CARREZ M., Nouveau Testament interlinéaire, Paris, Alliance Biblique Universelle, 1993.
[8] GEORGIN Ch., Dictionnaire Grec-Français, Paris, Hatier, 1961.
[9] VALENSIN A. et HUBY J., Verbum Salutis III. Evangile selon Saint Luc, Traduction et commentaire, Paris, Beauchesne et ses Fils, 1941, p. 485.
[10] LAGRANGE P. M.-J., Evangile selon Saint Luc, Paris, Victor Le coffre, 1921, p. 631.
[11] CHARTIER D. C., La lecture Chrétienne de la Bible, Namur, Maredsous, 1951, p. 361.
[12] LAGRANGE, Op. Cit. p. 192.
[13] Idem, p. 183.
[14] Idem, p. 194.
[15] Idem, p. 195.
[16] Idem
[17] Idem
[18] Idem
[19] Idem, p. 196.
[20] Idem
[21] Idem
[22] Idem, p. 197.
[23] Idem, p. 198.
[24] Idem
[25] MAINVILLE O., Op. Cit., p. 40.
[26] SOUBIGOU L., Sous le charme de l’Evangile selon Saint Luc. Paris, Desclée de Brouwer, 1933, p. 260.
[27] HUNTER A.M., Un idéal de vie. Le sermon sur la montagne, Paris, Cerf, 1976, p. 76.
[28] Idem
[29] Idem.
[30] Idem., pp. 273-274.
[31] RIGAUX B., Témoignage de l’Evangile de Luc, Paris, Desclée de Brouwer, 1970, p. 162.
[32] Idem
[33] Idem, p. 163.
[34] Idem, p. 164.
[35] Idem.
[36] Idem, p. 166.
[37] Idem, p. 168.
[38] L’inclusion est un procédé rhétorique, connu des narrateurs comme des orateurs, pour faire apparaître l’unité de la proposition (phrase, texte). L’inclusion rappelle en final le motif initial. On peut la considérer comme un procédé de bouclage du récit. Il s’agit d’un genre particulier qui consiste dans la reprise d’une phrase, d’un thème ou d’une formule au début et à la fin d’une phrase ou d’un récit. Cela permet d’encadrer le passage, le texte ou de le délimiter. Le texte ainsi clôturé constitue une unité sémantique, c’est-à-dire une unité de sens. Institut Saint Eugène de Mazenod, Cours de l’introduction aux actes des apôtres et Epitres catholiques, Année Académique 2013-2014. 
[39] STÖGER A., L’Evangile selon Saint Luc. Parole et Prière, Paris, Desclée, 1968, p. 183.
[40] VALENSIN A. et HUBY J. Op. Cit., p. 126.
[41] STÖGER A., Op. Cit., p. 184.
[42] CARREZ M., Op. Cit., p. 143.
[43] HUNTER A.M., Op. cit., p. 74.
[44] LEON-DIFOUR X., Dictionnaire du Nouveau Testament. Paris, Seuil, 1975, p. 229.
[45] DUMAIS M., Le sermon sur la Montagne : Etat de la recherche ; Interprétation ; Bibliographie. Québec, Sainte-Foy, 1995, p. 222.
[46] MEYNET R., Op. Cit., p. 80.
[47] Idem.
[48] LE ROBERT POUR TOUS, Dictionnaire de la langue français, Paris, Pièrre-de-Coubertin, 1994, p. 547.
[49] ABEL O., De l’amour des ennemis et autres méditations sur la guerre et la politique. Paris, Albin Michel, 2002, P.10.
[50] HUNTER A.M.,Op. Cit., p. 75.
[51] STÖGER A., Op. cit.,  p. 184.
[52] FRANCOIS, Evagelii Gaudium, chapitre I, N°14.
[53] LUTHER KING M., Aimer vos ennemis. In Minuit, Quelqu’un frappe à la porte. Les grands sermons de Martin Luther King. S. L., 1957, p. 63.
[54] Idem.
[55] RANCE D., Un siècle de témoins. Les Martyrs du XXème siècle. Le sarment, S. L. 2001, pp. 325-326.
[56] HUNTER A.M.,Op. Cit., p. 128.
[57]STÖGER A., op. Cit., p. 184.
[58] Idem, p. 183.
[59] LUTHER KING M., op. Cit. p. 64.
[60] STÖGER A., op. Cit., p. 189.
[61] Idem, p. 70.
[62] LASSIER S., Gandhi et la non-violence. Paris, Seuil, 1970, pp. 147-148.
[63] Idem. pp. 154-155.
[64] Idem.p. 158.
[65] GANDHI M. K., Lettres à l’Ashram, Paris, Albin Michel, 1983, p. 123
[66] HUNTER A.M., op. cit., p. 76.
[67] STÖGER A., op. cit., p. 190.
[68] CONCILE VATICAN II, Gaudium et Spes, N°78.
[69] JEAN XXIII, Pacem in Terris, N°01.
[70] Gaudium et Spes, Op. Cit.,  N°78.
[71] Idem. N°92 §5.
[72] JEAN PAUL II, Message pour la célébration de la journée mondiale de la paix, le 1er Janvier 2002, N° 1-3, voir aussi BENOIT XVI, Deus Caritas est. Lettre Encyclique sur l’amour chrétien, le 25 décembre 2005, N° 26-28.
[73] LECLERC E., François d’Assise, le retour à l’Evangile. Paris, Desclée de Brouwer, 1981, p. 202.

1 commentaire:

  1. Je ne sais pas s'il existe le forum approprié pour dire cela. Je suis très heureux de ce que le prophète Ogbeifun a fait pour moi. Je voulais dire dr ogbeifun par l'intermédiaire d'un ami qu'il a aidé à gagner une cause de divorce il y a quelques mois et quand je l'ai contacté, il m'aide j’ai jeté un sortilège de mort sur ma mère dans la loi qui était vraiment en train de troubler ma vie et mon avenir, elle n’a jamais voulu que je progresse, chaque fois que je trouve un travail dans une entreprise, je suis renvoyé à cause de la mère de ma sorcière que je possède, je Je ne savais jamais que ma mère en loi était celle qui me dérangeait, mais un jour, j’ai sollicité le Dr Ogbeifun pour obtenir de l’aide et il m’a dit que Justine, ma mère en loi, était celle qui me dérangeait et il m’a aidé à lui lancer un sortilège. Je suis heureux parce que le malfaiteur est mort et depuis lors, ma vie a tourné pour que de bonnes choses marchent bien pour moi et je vis maintenant une vie heureuse et belle avec ma famille, grâce au Dr Ogbeifun. Je vous recommande à Dr Ogbeifun si vous avez un problème, il vous aidera à rétablir la vie conjugale. contactez-le par e-mail à l'adresse ogbefunhearlingtemple@gmail.com ou appelez-le / whatsapp via le +2348102574680

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