lundi 24 novembre 2014

grâce originelle, selon Matthew Fox

Introduction
Notre ouvrage de travail s’intitule La grâce originelle. Il est écrit par Matthew Fox. Il comporte, en plus de l’introduction et de trois appendices, vingt six chapitres. Pour notre travail, nous avons choisi le deuxième chapitre qui a comme thème, La création comme grâce et la redécouverte de l’art de goûter le plaisir (pp. 47-65). Dans ce chapitre, l’idée principale que l’auteur veut mettre en exergue est : la grâce originelle précède la création et elle est le fondement de tout ce qui est. Pour notre développement, nous suivrons strictement les consignes données par le professeur. Nous présenterons l’idée maîtresse de l’auteur en s’appuyant sur les arguments qu’il emploie. Et nous procéderons à l’analyse critique de l’auteur.
I. La grâce originelle, fondement de tout ce qui est
Pour Matthew Fox, la grâce est antérieure à la création. Avant que Dieu crée, la grâce est. C’est pousser par la grâce que Dieu crée, et cette grâce, reflet de Dieu, est présente dans la création. C’est pourquoi il affirme : « La grâce imprègne non seulement l’histoire d’Israel, mais encore toute la Dabhar et toute la création depuis la nuit des temps. Nous pouvons même dire que la grâce est antérieure à la création, parce que l’objectif de la création était la grâce »[1]. Cela dit, à en croire Matthew Fox, la création ne peut-être qu’une grâce et celle-ci est enveloppée de cette même grâce. Autrement dit, la création est fruit de la grâce. C’st la grâce qui alimente et anime la création. Car dit-il : « La grâce est la parole qui anime la parole, le désir qui anime la création. Parce que, comme n’importe quel artiste, le Dieu créateur n’est pas indifférent à son œuvre d’art »[2].
Selon lui, contrairement à l’idée de faute originelle qui n’a pas un fondement scripturaire, la grâce originelle est biblique. Pour cette  spiritualité de la grâce originelle qui doit être promue. C’est pourquoi il note : « La grâce originelle est une doctrine beaucoup plus ancienne et plus biblique, et elle devrait être le point de départ de la spiritualité »[3]. A la suite d’Elie Wissel, il soutient que « l’idée de faute originelle est absente de la tradition juive »[4]. Puisque « le Dieu de l’Alliance est le Dieu de la grâce »[5]. La grâce chez les Juifs n’est pas une pure abstraction ; elle est en lien avec le bien être. Car, « toute la vocation d’Abraham lui-même, le père de la foi, est taillée pour lui en terme de grâce »[6].
De ce qui précède, pour Matthew Fox, si la grâce est antérieure à la création, si elle est le fondement de tout ce qui existe et si Dieu a fait don de lui-même à la création, la doctrine du péché originel développée par saint Augustin n’a pas sa raison d’être. Selon lui, les hommes ne naissent pas avec le péché originel. Au contraire « nous jaillissons dans le monde comme des bénédictions originelles »[7]. Et pour le professeur Haag, « aucun homme ne vient au monde pécheur. Comme créature et image de Dieu, il est dès ses premiers instants entouré par l’amour paternel »[8].
Tout bon artiste ne peut penser concevoir un objet défectueux avant qu’il ne soit opérationnel, fonctionnel ; tout artiste aime ce qu’il « crée ». Or Dieu est l’artiste par excellence, Il aime ses créatures. Alors comment penser à un Dieu qui crée l’homme pécheur avant sa naissance ? Ainsi pour Matthew Fox, il est impensable que l’homme vienne au monde directement comme pécheur. Puisque « de toute éternité Dieu nous a aimés. La sainte Trinité a fait don d’elle-même dans la création de toutes choses et elle nous a conçus corps et âme, dans l’amour infini »[9]. Donc, pour lui, en citant Irénée, « ‘Dieu s’est fait Homme pour que l’Homme devienne Dieu’, et non pour effacer le péché originel »[10].
II. Analyse critique de la pensée de Matthew Fox
Nous sommes d’accord avec Matthew Fox sur un certain nombre de points. D’abord la grâce comme fondement de tout ce qui existe. Dieu n’est pas obligé de créer ; s’Il le fait c’est par pure grâce c’est-à-dire amour gratuit. Et toutes les créatures sont bonnes aux yeux d Dieu : « Dieu vit tout ce qu’Il avait fait. Voilà, c’était très bon » (Gn 1, 31). Ces créatures bonnes, Dieu les accompagnent et les vivifie par sa grâce. Parce que « la grâce, c’est le don de Dieu qui contient tous les autres, celui de son Fils (…) C’est le don rayonnant de la générosité du donateur et enveloppant de cette générosité la créature qui le reçoit »[11].
Ensuite la grâce originelle prime sur la faut originelle. Tout ce que Dieu crée est bon ; et Dieu ne cesse de créer. Parmi ces créatures bonnes figure l’homme. Chaque homme est unique et original pour Dieu. Les descendants d’Adam ne sont pas de copies conformes de celui-ci. Chaque homme, dès ses premiers instants de vie, bénéficie de l’innocence originelle, même si après il peut toujours comme Adam désobéir à Dieu. A propos de l’innocence originelle dont bénéficie tout homme le pape Jean Paul II dit :
« Chez tout homme, sans la moindre exception, cet état- l’état ‘historique’ précisément- enfonce ses racines dans sa propre ‘préhistoire’ théologique, qui est l’état de l’innocence originelle (…) Le surgissement de la ‘peccabilité’ comme état, comme dimension de l’existence humaine se trouve dès le début en rapport avec cette réelle innocence de l’homme comme état originel et fondamental, comme dimension de l’être créé ‘à l’image de Dieu’. Il en fut ainsi pour le premier homme- homme et femme- en tant que dramatis personae et protagonistes des évènements que décrit le texte yahviste (Gn 2et 3), mais aussi pour tout le parcours historique de l’existence humaine. L’homme historique est donc, pour ainsi dire, enraciné dans sa préhistoire théologique révélée. Et pour cette raison tout élément de sa ‘pecabilité’ historique s’explique (tant pour l’âme que pour le corps) par référence à l’innocence originelle »[12].
De ce qui précède, comment peut-on parler du péché originel hérité par un homme avant sa naissance ? La grâce de Dieu est l’amour d’un Père, elle crée des fils que nous sommes. Cet amour inestimable que Dieu a pour l’homme, sainte Catherine de Sienne le chante en ces termes : « Quelle raison T’a fait constituer l’homme en si grande dignité ? L’amour inestimable par lequel Tu as regardé en Toi-même ta créature, et Tu T’es épris d’elle ; car c’est par amour que Tu l’as créée, c’est par amour que Tu lui as donné un être capable de goûter ton Bien éternel » (CEC n° 356). Saint Jean Chrysostome est sur la même longueur d’onde quand il dit : « Quel est donc l’être qui va venir à l’existence entouré d’une telle considération ? C’est l’homme, grande et admirable figure vivante, plus précieux aux yeux de Dieu que la création tout entière : c’est l’homme » (CEC n° 358).         
« A propos de la grâce, mot que les théologiens emploient pour désigner la bienveillance absolument gratuite que, de toute éternité, Dieu témoigne à l’homme en l’appelant à partager sa propre vie (…) La grâce a sa source non en l’homme mais dans la bienveillance de Dieu »[13].  Cela dit, attribuer à chaque homme qui vient au monde dès sa naissance le péché originel, c’est limiter l’amour de Dieu aux seuls premiers parents, Adam et Eve. Or, Dieu, « sa bonté s’étend de génération en génération » (Lc 1, 50) et sa générosité est pour toutes ses créatures. Au sujet de la générosité de Dieu,
« le mot qui traduit sans doute le mieux l’effet produit sur l’homme par la générosité de Dieu est celui de bénédiction. La bénédiction est beaucoup plus qu’une protection extérieure, elle entretient avec celui qui la reçoit la vie, la joie, la plénitude de la force, elle établit entre Dieu et sa créature une rencontre personnelle, elle fait poser sur l’homme le regard et le sourire de Dieu, le rayonnement de sa face et de sa grâce, et ce lien a quelque chose de vital, il touche à la puissance créatrice »[14].
Donc, comme les premiers parents que « Dieu les bénit et Dieu dit : ‘soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-là » » (Gn 1, 28), Dieu continue de bénir chaque homme créé à son image et à sa ressemblance (Gn 1, 26).
Nous ne sommes pas d’accord avec Matthew Fox quand il dit que « la doctrine du péché originel peut elle-même contribuer au péché »[15]. La doctrine du péché originel, selon nous, est une interpellation pour l’homme, une invitation à faire la volonté de Dieu. Puisque la faut originelle n’est rien d’autre que la désobéissance à Dieu. Le début de la Genèse nous dit que Dieu n'a pas créé l'homme pécheur, mais qu'il l'est devenu en désobéissant à son créateur. C’est ce que dit aussi autrement Bruno Synnott en ces termes : «nous dirons que le péché n’est ni un gène, ni une inclinaison naturelle ou innée au mal (pré ou post chute), mais tout simplement un manque de foi/confiance/obéissance dans la révélation divine disponibles à l’humanité à chacun des stades de son développement moral et spirituel »[16].
    De façon générale l’homme, de part sa liberté, est beaucoup plus penché vers le mal ; nous en faisons quotidiennement l'expérience. Mais nous pouvons faire un petit pas de plus : nous ne faisons pas qu'imiter le mal qui est autour de nous, nous naissons tous avec une orientation vers le mal. Nous ne le commençons certes pas radicalement, mais nous le recommençons .Donc la doctrine du péché originel est là pour rappeler à l’homme la tentation permanente qui le guette de se faire « Dieu ».  

Conclusion
A partir de ce chapitre du livre de Matthew Fox, nous retenons que la grâce est antérieure au péché et tout ce qui existe est le fruit de la grâce. Il en est de même pour  l’homme qui, de toute éternité, Dieu aime. Il le crée par amour et Lui a tout soumis. Nous pensons que la question de la transmission du péché originel soulignée par notre auteur mérite d’être approfondie. Puisque
« à ce palier de l’enseignement de la doctrine, il faudra donc mieux éviter de dire, comme on le fait d’habitude : tout homme vient au monde pécheur, par suite du péché du premier homme (ce qui ne manque pas d’être vrai mais se trouve exprimé dans une brachylogie souvent mal entendue par les fidèles, comme si l’homme était purement et simplement ‘’puni’’ par la faute commise par un autre). On affirmera avec plus de pertinence : tout homme a besoin de renaître de l’Esprit parce qu’il est de race pécheresse, chaînon d’une histoire qui se définit, en dehors de sa reprise par le Christ, comme un naufrage dans le mal. Péché de nature par conséquent dont l’explication la plus prochaine est, non pas Adam (cause lointaine), mais la corruption de la personne à cause d’une nature déviée, reçue par génération »[17]  
Certes, l’Ecriture Sainte ne change pas mais son interprétation peut faire l’objet d’un changement. Avec les découvertes scientifiques et les nouvelles lumières dont bénéficie la théologie aujourd’hui, il convient de tenir un autre discours sur la question de la transmission du péché originel








Bibliographie
·         FOX Matthew, La grâce originelle, Paris, Bellarmin-Desclée De Brouwer, 1995, 416 p
·         Catéchisme de l’Eglise Catholique
·         Encyclopédie catholique, théo
·         Vocabulaire Théologique Biblique
·         Jean-PAUL II, Homme et femme Il les créa. Une spiritualité du corps, Paris, Cerf, 2005, p. 694 p
·         MASCALL Eric, Perspective scientifique et message chrétien, in « Concilium », n°26, 1967, p. 115-121
·         Bruno SYNNOTT, Bonté originaire, justice originelle et perfection morale d’Adam, sur internet :www.nrt.be/docs/articles/.../1800- La+prédication+du+péché+originel.pdf




[1] Matthew FOX, La grâce originelle, Québec, Bellarmin, 1995, p. 52
[2] Ibidem, p. 50
[3] Ibidem, p. 56
[4] Ibidem, p. 53
[5] Ibidem, p. 51
[6] Ibidem, p. 52
[7] Ibidem, p. 54
[8] Ibidem, p. 54
[9] Ibidem, p. 55
[10] Ibidem, p. 55
[11] Vocabulaire Théologique Biblique, p. 512
[12] Jean-PAUL II, Homme et femme Il les créa. Une spiritualité du corps, Paris, Cerf, 2005, p. 25-26
[13]Nouvelle encyclopédie, théo, p. 699b
[14] Vocabulaire Théologique Biblique, p. 514
[15] Mtthew FOX, Op.cit, p. 59
[16]Bruno SYNNOTT, Bonté originaire, justice originelle et perfection morale d’Adam, sur internet : www.nrt.be/docs/articles/.../1800-La+prédication+du+péché+originel.pdf

 


[17] Eric MASCALL, Perspective scientifique et message chrétien, in « Concilium », n°26, 1967,  p. 117

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