dimanche 1 juin 2014

Le prix de la grâce selon Dietrich BONHOEFFER

Notre investigation consiste à résumer une partie du livre « le prix de la grâce » dont l’auteur est Dietrich BONHOEFFER. Cette partie s’intitule « la grâce qui coute ». Il est important de signifier que Bonhoeffer fut un théologien allemand riche de promesses et de dons, mais aussi un homme d’exception. Opposé au nazisme, il fut impliqué dans un complot contre Hitler et mis à mort en Avril 1945 à l’âge de 39 ans. Martyr, témoin, prophète et précurseur, il reste l’une des grandes voix de l’Eglise aujourd’hui. Dans cet ouvrage, il développe un cheminement étroit  et rude sur la ligne des crêtes où « l’essentiel est de régler ses pas sur ceux de Dieu »[1]. En fait, la grâce est un don, une faveur  que l’homme reçoit de la part de Dieu. Cependant, cette faveur réclame une réponse libre de la part de la personne humaine. La grâce divine fait appel à l’obéissance de la part de l’homme, cette grâce coute chère puisqu’il elle a coutée cher à  Dieu.
En effet, avec l’extension du christianisme et la sécularisation croissante de l’Eglise, la notion de la grâce qui coute se perdit de façon graduelle. La vie chrétienne est confrontée à un relativisme. Avec la mondialisation, tout semble être permis. En fait, les vices d’alors sont entrain de s’ériger en vertu ; nous pensons à l’homosexualité, pédophilie, relativisme dans la vie spirituelle, le syncrétisme religieux, la superstition etc. Avec toutes ces anti-valeurs qui menacent la vie chrétienne, la grâce divine est devenue comme un bien commun d’un monde chrétien. On peut l’avoir à bon marché, à vil prix, bref, sans aucun effort.  
1. La grâce à bon marché
            En fait, la grâce à bon marché est comprise par notre auteur comme étant une marchandise à liquider, quelque chose à vendre, l’auteur la nomme comme «  le pardon au rabais, consolation au rabais, le sacrement au rabais ; la grâce est servant  de magasin  intarissable à l’Eglise, où des mains inconsidérées puisent pour distribuer  sans hésitation ni limite ; la grâce non tarifié, la grâce qui ne coute rien»[2]. Cette grâce est acquise gratuitement. Non seulement cette grâce s’obtient sans aucun effort, mais elle se conçoit aussi comme le pardon des péchés. La grâce est envisagée ici en tant que doctrine, en tant que principe, système ; c’est le pardon des péchés  considéré comme une vérité universelle. C’est l’amour de Dieu pris comme une idée chrétienne de Dieu. L’affirmer, c’est posséder  déjà le pardon des péchés. 
            L’Eglise qui prône cette doctrine est dorés et déjà, par elle, participante de la grâce. Dans cette Eglise, le monde y trouve un voile pour couvrir ses péchés, lesquels, il ne se repent pas et dont il ne désire pas se libérer. La grâce à bon marché est la négation de la Parole vivante de Dieu, celle qui invite à la conversion en vue du royaume. Cette grâce se présente comme étant la justification du péché et non du pécheur puisque la grâce fait tout toute seule, tout n’a qu’à rester comme auparavant, «  toutes nos œuvres sont vaines ; le monde reste monde et nous, nous demeurons pécheurs même avec la vie la meilleure »[3].
La grâce à bon marché est cette grâce que l’on obtient par soi-même. La  justification du péché est mise en exergue que la justification du pécheur repentant. Elle est la prédication du pardon sans repentance, le baptême sans discipline ecclésiastique, c’est la sainte cène sans confession des péchés, c’est l’absolution sans confession personnelle. Cette grâce ne se fait pas accompagner par l’obéissance, elle est une grâce sans la croix, la grâce où  l’abstraction est faite de Jésus-Christ vivant et incarné.
            Par contre, la grâce qui coute est conçue comme le trésor caché dans le champ, la perle de grand prix, le royaume du Christ. A cause d’elle, on va et vend tout ce qu’on a, on n’abandonne tout ces biens pour l’accueillir. Elle est l’Evangile qu’il faut toujours chercher de nouveau, le don pour lequel il faut prier, la porte par laquelle il faut frapper. Elle coute puisqu’elle fait appel à l’obéissance ; elle est aussi grâce parce qu’elle appelle à l’obéissance de Jésus-Christ ; elle coute car elle est pour l’homme au prix de sa vie ; elle coute parce qu’elle condamne les péchés ; elle est grâce parce qu’elle justifie le pécheur. La grâce coute cher d’abord puisqu’elle a couté cher à Dieu, elle a couté à Dieu la vie de son fils[4]. La grâce qui coute c’est la grâce en tant qu’elle est le sanctuaire de Dieu qu’il faut protéger du monde; aussi est-elle grâce en tant que Parole vivante, Parole de Dieu qu’il prononce lui-même comme il lui plait. Cette parole nous atteint sous la forme d’un appel miséricordieux à suivre le Jésus sur la voie de l’obéissance, elle se présente à l’esprit angoissé et au cœur abattu sous la forme d’une parole du pardon. La grâce coute cher car elle contraint l’homme à se soumettre au joug de l’obéissance de Jésus- Christ[5].
Dans partie suivante nous allons essayer de voir comment l’Eglise malgré la pression venant  du monde a pu conserver la notion de la grâce qui coute. Aussi, nous essayerons de montrer que dans la même Eglise, certains des pasteurs au cours de son histoire ont failli quelque peu à leur mission en annonçant  la grâce à bon marché, au lieu d’annoncer la grâce qui coute, à travers différentes pratiques comme la simonie. D’où certaines exhortations à la conversion et à la réforme comme celui de son fils prêtre Martin Luther qui par la suite va déchoir de même plus bas en prônant aussi la grâce à bon marché.
En effet, l’Eglise à travers le monachisme conserva la notion de la grâce qui coute, celle qui implique l’obéissance. En fait, des hommes et des femmes pour l’amour du Christ quittaient tout ce qu’ils avaient et se forçaient d’obéir dans une pratique quotidienne aux sévères commandements de Jésus-Christ, de sorte que la vie monacale devient une vivante protestation à l’endroit de la sécularisation du christianisme et de la grâce à prix réduit. Cependant, l’Eglise en supportant cette protestation, en ne la laissant pas se développer jusqu’à son éclat final, elle l’a relativisée ; bien plus, elle en a même dès lors tiré la justification de sa propre vie sécularisée ; car, désormais, la vie monacale se trouva être la prouesse isolée des quelques-uns, prouesse  à laquelle il n’était pas question d’astreindre la masse du peuple de l’Eglise. Le monachisme commettra donc l’erreur, celle de ne pas suivre l’itinéraire de la grâce dans une stricte obéissance. « Il s’est bien plutôt éloigné fondamentalement de ce qui est chrétien en laissant son itinéraire devenir la prouesse isolée et facultative de quelques-uns et, ce faisant, en revendiquant pour cet itinéraire un caractère méritoire particulier »[6]. C’est ainsi que Dieu lors de la réforme réveilla par le canal de son serviteur Martin Luther, l’Evangile de la pure grâce qui coute. Luther dut quitter le couvent et rentrer dans le monde, non que le monde fût en soi bon et sain, mais le couvent n’était rien d’autre que le monde.
En effet, dans le monachisme, l’humble entreprise de l’obéissance était devenue une œuvre méritoire  des saints. La négation de soi-même de celui qui obéit à Jésus  s’y révélait ultime affirmation d’eux-mêmes par des dévots. Ainsi le monde pénétra de force en plein milieu  de la vie monacale où il se remettait dangereusement à l’œuvre. C’est dans cet échec de l’ultime possibilité de mener une vie pieuse que Luther saisit la grâce. Il vit dans la faillite du monde monacal. La grâce qui s’offrit à lui coutait chère, elle brisa toute son existence. C’est la justification du pécheur et non point justification du péché qui amène Luther à sortir du couvent. Et la grâce dont il fit l’objet était une grâce qui coute cher, elle était le pardon des tous les péchés. Elle coutait chère  car elle ne dispensait pas de travailler ou d’obéir.
Toutefois, dans l’histoire de la réforme, ce n’est pas la reconnaissance par Luther de la pure grâce qui coute qui a fini par remporter la victoire mais ce fut au contraire, « l’instinct religieux de l’homme toujours en éveil pour découvrir l’endroit où l’on peut acquérir la grâce au prix le plus bas ».[7] En découvrant la pure grâce, il a proclamé une dispense d’obéissance à l’égard du commandement de Jésus dans le monde. En fait, si la grâce est le «  résultat » donné par le Christ lui-même, de la vie chrétienne, cette vie n’est alors à aucun moment dispensée d’obéissance. Si par contre, la grâce est l’hypothèse de principe de ma vie chrétienne, je possède alors, par là-même, d’avance la justification des péchés que je commette pendant cette vie dans le monde.
En proclamant ouvertement « Pecca fortiter, sed fortius fide et gaude in Cristo » qui veut dire : Pèche courageusement, mais crois et réjouis-toi en Christ d’autant plus courageusement, Luther proclame la grâce à bon marché.  Selon sa pensée, on peut donc continuer à pécher puisque le monde est en principe justifié par grâce. Par conséquent, la vie chrétienne consiste à vivre dans le monde comme tout le monde, à rien se distinguer du monde. Le chrétien est dispensé de l’obéissance de Jésus par la grâce à bon marché.
En fait, la critique que nous comptons formuler à l’endroit de notre auteur c’est d’apprécier les arguments avec lesquels il a su défendre sa thèse. Notre auteur s’est montré honnête et vrai quand il présente les deux types de grâce à savoir la grâce à bon marché et la grâce qui coute. Egalement en présentant la position de l’Eglise au cours du monachisme et celle de Martin Luther à travers l’histoire,  il s’est montré encore une fois de plus crédible et franc.
Nous voici au terme de notre travail où il a été question de donner le résumé du livre  « le prix de la grâce » dont l’auteur est Dietrich BONHOEFFER. En fait, nous retenons que la grâce reste une participation, une ressemblance à la vie divine qui réclame une réponse libre de la personne humaine. Cette grâce est acquise au bout d’un effort, c’est-à-dire, l’homme est appelé à collaborer avec Dieu pour son salut.  La grâce de Dieu n’efface pas la liberté de l’homme mais plutôt, elle l’humanise et la perfectionne.



[1]. BONHOEFFER D., Le prix de la grâce, Suisse, Delachaux et Niestlé, 1967,p.256.
[2] . Ibidem, p.19
[3] . Ibidem, p.19
[4] . Ibidem, p.21
[5] . Ibidem, p.21
[6] . Ibidem, p.23
[7] . Ibidem, p.25

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire