mercredi 6 mars 2013

St Grégoire de Nysse


Biographie
Grégoire de Nysse est né » vers 331 d’une famille d’avocats et de rhéteurs chrétienne de dix enfants. Sa grande mère sainte Macrine l’Ancienne avait connu les enseignements de Grégoire le thaumaturge qu’elle transmit à ses enfants ; deux de ses enfants, saint Basile de Césarée, son ainé de cinq ans et saint pierre de Sébaste furent évêques comme lui. Sa mère Emmélie, une fois veuve et sa sœur, Sainte Macrine la jeune devinrent religieuse. Son père tenait une école de rhétorique à Néocésarée.Il bénéficie de la très forte influence de sa sœur Macrine et davantage encore de celle de son frère Basile qu’il appellera « un maitre et un père »
Il n’a pas reçu des études aussi complètes que son frère Basile de Césarée. Au sujet de ses études, Grégoire affirmera qu’il « n’a rien de sensationnel à en dire ».Son frère Basile faisait probablement partir de ses professeurs.
Grégoire se destina à la vie religieuse, et fut ordonné lecteur, mais il ne se jugera pas pour autant lié au service de l’Eglise. Après le retrait de la loi scolaire de l’empereur Julien en 365, il devient maitre de rhétorique. Il se maria avec Théosébia mais sa jeune femme mourut quelque temps plus tard. Grégoire déploiera plus tard de ne pas avoir choisi la virginité. Grégoire de Nazianze lui écrira en lui demandant d’avoir une vie plus fervente. Grégoire de Nysse aura une vie chrétienne et ira vivre avec les moines et il fait de longs séjours au monastère de Iris de Basile.
En 371, Grégoire de Nysse fut nommé évêque de Nysse, contre son gré, par Basile de Césarée. Lui qui n’aspirait qu’à la vie spirituelle et intellectuelle se montra inapte à toute politique ecclésiastique ; on lui reprocha son manque de fermeté et les inexactitudes de sa comptabilité. Quelques années après sa nomination en 374, un synode d’évêques ariens opposés à la doctrine de Nicée défendue par Grégoire et Basile de Césarée, le dépose, en affirmant qu’il avait dilapidé les biens de l’évêché. L’empereur Valens favorisant l’arianisme, Grégoire partit alors en exils.
Après la mort de Valens, Grégoire reçu un accueil chaleureux dans son diocèse. Il participa au Concile d’Antioche en 379, afin de mettre fin au schisme qui divisait la région d’Antioche. Il fut alors chargé par des évêques du synode d’une mission en Arabie. En 380, il fut nommé archevêque de Sébaste.
Après la mort de Basile, en 379, Grégoire de Nysse vit son rôle augmenter et deviendra l’homme de confiance du régime impérial de Théodose le Grand. Il joue un rôle de première importance au Concile de Constantinople en 381, convoqué contre l’arianisme. Ce concile compléta la profession de foi de Nicée. C’est lui qui prononça l’éloge funèbre de mélèce premier d’Antioche, mort durant le concile et défendra la Nature divine de l’Esprit Saint. Il est désigné par Théodose comme l’un des prélats dont il faut partager la foi pour être orthodoxe. On fixe la date de sa mort vers 394.
La pensée de Grégoire de Nysse est plus pénétrante que celle de Basile de Césarée et de Grégoire de Nazianze. Les écrits de Grégoire en Grec, sont nombreux et variés. Le discours catéchétique s’adresse aux catéchistes et traite des questions de la foi contestées par les hérétiques. La formulation de la foi, comme toujours se précise dans la controverse.
Il a en outre commenté dans des homélies divers passages bibliques, notamment l’Ecclésiastiques, cantique des cantiques et les béatitudes. La datation des œuvres est extrêmement difficile, car on a trop peu de détail sur sa vie. Mais la plus grande partie de son œuvre fut écrite après la mort de basile.
Autre les sources théologiques, nous pouvons aussi citer trois sources profanes qui eurent une certaine influence, au moins dans leur style, sur la doctrine de Grégoire de Nysse ce sont : Platon, Plotin et les stoïciens. Il faut faire une mention spéciale de Plotin (205-270), philosophe mystique néo-platonicien. La dépendance littéraire de Grégoire envers lui est évidente.
Cependant cette influence doit être mitigée : nous assistons dans son œuvre à une entière transformation du platonisme comme néoplatonisme de Plotin. L’influence plotinienne, bien plus qu’une influence réelle dans la doctrine consiste plutôt en «  d’expression ».La nouveauté du Christianisme, dans la recherche d’une formulation adéquate, se voit obligée d’acquérir la maîtrise de ce langage philosophique profane, mais en modifiant considérablement le sens.




CONTEXE
Après la période des débuts du grand siècle, où nous avons vu naître l’arianisme, nous arrivons à une période riche en très grands écrivains de haute culture intellectuelle, tant à l’Orient qu’en Occident.
            Au IV° siècle, l’empire tend en effet, à se diviser de plus en plus et cela aura des conséquences non seulement dans l’ordre politique, mais aussi dans l’ordre religieux étant donné l’emprise qu’ont les empereurs dans l’Eglise.
            En ce qui concerne la doctrine, les Centres d’intérêts ne sont plus les mêmes en Orient et en Occident : l’arianisme ouvre le feu en Orient, et les Cappadociens ont eu une part prépondérante dans l’apaisement de l’incendie ; Saint Augustin, en Occident, n’en recueillera que les retombées. Mais il devra faire front contre d’autres controverses propres à l’Afrique comme le donatisme, ou qui auront leur origine en Occident comme le pélagianisme. A cette époque aussi, les premières controverses christologiques s’amorcent en Orient, à Antioche, mais ce ne sera que durant la période suivante, que Nestorius osera attaquer la maternité divine de Marie. C’est bien donc la question trinitaire qui occupe l’Orient chrétien du IV° siècle.
            Au milieu de ce siècle, la crise arienne bat son plein. Pour la combattre l’Esprit suscite en Cappadoce trois grands théologiens : Basile de Césarée, son ami Grégoire de Nazianze et son frère Grégoire de Nysse ; connus sous le nom des « trois Cappadociens ». Ils vont poursuivre l’œuvre théologique d’Athanase, l’amenant à sa perfection, et assurer à la fin de leur vie, la ruine de l’arianisme et la victoire éclatante de la foi de Nicée. Notre recherche portera sur le traité de Grégoire de Nysse intitulé la création de l’homme.
            Voulant ainsi compléter les homélies sur l’Hexameron de son frère Basile qui n’a pas eu le temps de traiter de la création de l’homme et faisant cadeau de Pâques à son frère Pierre, Grégoire de Nysse consacre à ce sujet le présent traité : il y  présente l’homme comme le sommet et le couronnement de la création.
Appelé à dominer le monde, l’homme se révèle par de nombreux traits, supérieur à l’animal, particulièrement par son aptitude au langage. Cette disposition témoigne du mystère de sa nature où l’Esprit et le corps sont tellement unis qu’il est impossible de localiser précisément la faculté directrice de l’âme dans le corps.
Ultimement, ce qui définit la grandeur de l’homme c’est qu’il a été créé à l’image de Dieu. Grégoire décrit alors en quoi consiste cette ressemblance.

I-                   L’homme comme maître de la création.
Après avoir montré la disposition de la création cosmique où Dieu l’a disposée de telle sorte que l’homme trouve tout ce dont il aura besoin pour survivre et pour organiser ses activités. Ainsi la création de la Nature précède celle de l’homme non pour diminuer ou anéantir la valeur de l’homme mais plutôt pour lui accorder tout pouvoir sur les autres créatures. Grégoire nous l’exprime en ces termes : « L’homme est amené le dernier dans la création, non qu’il soit relégué avec mépris au dernier rang, mais parce que dès sa naissance, il convenait qu’il fut roi de son domaine ».
Par sa création « l’image de Dieu », l’homme est ordonné à la possession des biens divins. A l’origine de la création de l’homme, il y’a l’amour de Dieu qui désire communiquer ses biens à d’autres. Pour cela, il faut qu’il y ait une certaine connaturalité de l’âme avec Dieu, qui la rende capable de connaître et de désirer les biens divins pour y participer. En vue de cette formation de l’homme, un plan est d’abord établi par le créateur pour déterminer l’être à venir, sa nature, l’archétype dont il portera la ressemblance, sa fin, son genre d’activité et l’exercice de son pouvoir : Tout cela se résume à travers ces paroles de Dieu. « Faisons l’homme à notre image et ressemblance ; qu’il commande aux poissons de la mer, aux bêtes de la terre, aux oiseaux des cieux, aux animaux et à toute la terre ».
En effet, cette création d’un être fini à l’image et à la ressemblance d’un Dieu infini implique une ontologie dynamique. L’homme est conçu de manière dynamique, c’est un être de désir, une capacité croissant éternellement à mesure même qu’elle est comblée, en sorte qu’il puisse y avoir à la fois rassasiement et désir, repos et mouvement.
II L’homme apte au langage
De par sa stature, l’homme est apte au commandement et est doté d’un pouvoir royal. Telle est la dignité humaine par rapport aux animaux. Cette attitude de commandement de l’homme apparait clairement dans la finalité des mains qui ont une aide particulière pour le besoin du langage : «Puisque l’homme était un vivant apte à la parole, il fallait que l’instrument de son corps fut construit en rapport avec les besoins du langage » .


Certes les hommes utilisent les mains pour d’autres fins aussi mais leur destination première est le langage. Leur existence a fait que la stature de l’homme est autre que celle de l’animale. Il convient de souligner que pour Grégoire l’âme humaine regroupe ou récapitule les trois degrés de l’âme : l’âme naturelle, l’âme sensitive et l’âme intellectuelle ou spirituelle. Autrement dit Grégoire garde les grandes lignes de l’anthropologie d’Origène : l’homme est corps, âme et Esprit.
III- La nature humaine est un mystère
Nous sommes ici au cœur de la pensée de Grégoire. L’esprit crée est un infini en perpétuel progrès, tandis que Dieu est un infini en acte et la matière est purement finie.
La relation de création s’exprime ainsi dans le fait que l’esprit reçoit perpétuellement de Dieu l’accroissement à l’être. Donc cette relation est une relation actuelle : l’Esprit est continuellement créé. Une conséquence de cette relation sera si Dieu est essentiellement don, l’esprit créé, lui, est accueil dans la mesure où il est tourné vers Dieu et où il se reçoit de lui, que l’homme existe pleinement et ratifie librement son être. Cette affirmation de Grégoire tire son origine de 1co2, 10-12 : « car c’est à nous que Dieu  l’a révélé par l’Esprit ; l’Esprit en effet scrute tout, jusqu’aux profondeurs divines. Qui donc chez les hommes connaît les secrets de l’homme, sinon l’esprit de l’Homme qui est en lu ? De même nul ne connaît les secrets de Dieu, sinon l’Esprit de Dieu. Or nous n’avons pas reçu, nous l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu, afin de connaître les dons que Dieu nous a faits ».
Ainsi, Grégoire exprime merveilleusement l’unité trinitaire en faisant une comparaison entre l’Esprit divin et l’esprit humain : « celui qui est vu inséparablement dans l’un, est un dans toute vérité, et il est premier dans le premier, et unique dans l’unique. Car tout comme l’esprit de l’homme qui est en lui et l’homme lui-même sont un seul homme, ainsi aussi l’Esprit de Dieu est en lui et Dieu lui-même seront appelés à proprement parler, le Dieu un, premier et unique, l’Esprit ne pouvant être séparé de celui en qui il est ». Grégoire explique cette comparaison en faisant recours à cette Parole de Dieu : «  faisons l’homme à notre image et ressemblance ». L’homme n’est vraiment image dans la mesure où il possède tous les attributs de cette image. Et donc s’il se détourne de cette image, sa croissance s’arrête et il devient nature.    

IV- L’homme créé à l’image de Dieu
Cette affinité avec le divin mêlée à la nature humaine la ressemblance avec Dieu est donc constituée par les biens de la grâce : la pureté, la béatitude, l’innocence, vertus qui sont, comme chez Origène, une participation à la vie du Christ. Ce mot « vertu » n’est pas à entendre dans le sens moral, mais au sens ontologique : c’est l’écoulement de la vie divine dans l’âme. Ces vertus donnent à l’homme une ressemblance avec Dieu et une certaine parenté grâce à cette parenté, l’âme peut jouir de Dieu qui est sa fin, par la connaissance et l’amour.
Dans la connaissance, l’âme contemple Dieu dans le miroir de la nature divine que constitue en elle la vie de la grâce, la pureté. C’est alors à travers la vie de la grâce qui est en elle que l’âme expérimente la présence de Dieu qui est le principe de sa divinisation. Toutefois il faut signaler que ceci n’est pas en contradiction avec l’autre affirmation de Grégoire qui dit : « l’essence de Dieu est toujours inaccessible » ; car cette connaissance bien qu’elle nous rapproche de Dieu, laisse cependant son essence toujours mystérieuse.
Dans l’amour c’est la présence de Dieu qui est saisie, l’expression de la forme suprême de l’union à Dieu. Ce primat de l’Amour est lié à sa doctrine de la transcendance absolue de Dieu. Si la vision de l’essence divine est à jamais inaccessible, l’amour qui atteint Dieu dans cette essence, telle qu’elle est en elle-même, dépasse toujours la connaissance qui ne l’atteint que dans un miroir.
L’homme a donc été créé par Dieu à son image de façon à lui être uni par la connaissance et par l’amour. Mieux encore, il faut dire qu’entre la connaissance et l’amour, il y a une causalité réciproque : c’est parce que l’âme connaît Dieu qu’elle l’aime et parce que l’âme aime Dieu qu’elle désire de s’unir à lui et que Dieu lui communique cette participation de sa vie dans laquelle elle connaît. Mais cette connaissance n’égalant jamais l’infinité de la nature divine, l’amour de l’âme dépasse toujours la connaissance qu’elle a de Dieu et l’ouvre à une connaissance nouvelle.
           


Conclusion : le rapport entre l’homme et la nature ; la crise écologique.
Dieu pouvait être perçu comme favorable et bienveillant pour l’homme, il lui avait délégué sa part de souveraineté et de sa maîtrise du cosmos. Ainsi l’homme pouvait s’instituer gestionnaire de la nature et de ses potentialités.
La maîtrise exercée par l’homme sur la nature l’a mis en position d’en exploiter les ressources. Il en a assurément résulté un bien être accru et de meilleures conditions d’existence. Mais il convient de souligner d’une part que cette maîtrise de la nature et la participation à ses fruits n’étaient pas également réparties entre tous les hommes ; d’autre part, l’exploitation systématique des ressources naturelles entraînait des dépenses considérables d’énergie et de matières premières, portait atteinte au paysage, au sol, à la mer, à l’espace et à l’homme lui-même.
Aussi nous paraphrasons Monseigneur José DORE, qui nous donne des propositions pour mieux entrer en contacte avec la nature : l’homme doit désormais accepter de cultiver à l’égard de la nature une attitude fondamentale de mesure et de respect ;  parce que la nature est là avant lui, comme autre que lui ; et qu’elle représente pour lui un « donné » gratuit dont il n’est aucunement propriétaire.
                                              

                                               Sources
1* Grégoire de Nysse, Création de l’homme (chap. I – chap. XI)
2*Bernard Pottier, Dieu et le Christ selon Grégoire de Nysse ; éd. Culture et vérité,       Bruxelles, 1994, 523p.
DORE J., l’homme devant, dans, contre, avec la nature. Les réflexions écologiques d’un théologien, in A .R .M.   
           




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