vendredi 5 octobre 2012

LA RÉCONCILIATION COMME LA MISSION URGENTE DE L’ÉGLISE EN AFRIQUE AUJOURD’HUI. « Réflexion sur la théologie Paulinienne de la réconciliation, 2Co 5, 11-21 »


                      LA RÉCONCILIATION COMME LA MISSION URGENTE
                                  DE  L’ÉGLISE  EN  AFRIQUE AUJOURD’HUI.
              « Réflexion sur la théologie Paulinienne de la réconciliation, 2Co 5, 11-21 »

                                         INTRODUCTION GÉNÉRALE

0.1. Problématique.

Le monde dans lequel nous vivons est un monde en crise à tous niveaux ; c’est un monde marqué par des conflits sociaux, politiques, économiques et religieux. Beaucoup de gens se trouvent dans les situations tragiques des réfugies, de pauvreté scandaleuse, de maladie et de faim qui  tuent encore chaque jour de milliers de personnes, de guerre et les conflits, de crise et de chaos. Malheureusement, cette situation est rarement causée par les catastrophes d’ordre naturel en Afrique. Elle est plutôt largement attribuée aux décisions et aux activités humaines de ceux qui n’ont aucun souci du bien commun[1].
En face des situations difficiles mentionnées ci-dessus, l'Église d’Afrique a répondu par diverses formes de proclamations : lettres pastorales, communiqués de presse, prédications, dépêches, conférences de presse. Par ces moyens, les dirigeants ecclésiastiques espèrent toucher les cœurs pour provoquer une conversion qui transforme la société. Par le Second Synode pour l'Afrique, les dirigeants de l'Église en Afrique ont, selon leurs propres mots, une fois encore « lancé  un appel vibrant à tous ceux qui sont en guerre en Afrique et font souffrir leurs peuples : cessez les hostilités et réconciliez-vous ! Ils ont demandé à tous les citoyens et les gouvernements africains de reconnaître leur fraternité et de promouvoir des initiatives en tous genres qui encourageraient la réconciliation et la renforceraient de manière permanente à tous les niveaux de la société »[2],  à une situation où de graves injustices sociales et politiques et bien d'autres maux sont réduits à un manque de piété personnelle ; et les approches ecclésiales pour y remédier sont seulement axées sur la conversion individuelle, laissant de côté la sphère plus étendue des ramifications sociales et communautaires de ces maux. En d'autres termes, la proclamation laisse aux individus l'initiative de décider s'ils veulent la réconciliation ou non. Mais, comme il a été souligné, le cas de l'Afrique n'est pas seulement une affaire individuelle, il touche toutes les couches de la société : les institutions étatiques, les groupes ethniques et religieux, les communautés, les secteurs régionaux et internationaux. L'idée de conversion individuelle et de confession (mea culpa) individuelle (privée) n'est tout simplement pas suffisante ; la question en grande partie mendie encore sa réponse. Les enjeux de la réconciliation en Afrique sont tels que celle-ci ne peut plus être une décision privée. Il est vrai qu'une paix durable à long terme ne peut pas être imposée, elle doit être le fruit des choix individuels et communautaires. Il est vrai aussi que la réconciliation est une condition préalable pour une paix durable. Ainsi, pour que l'Afrique bénéficie du projet de réconciliation, elle doit aller au-delà de l'individu, et donc, au-delà de la proclamation. L'Église en Afrique doit elle-même se surpasser pour faire face aux péchés accumulés dans le passé qui continuent à peser sur son peuple.
Elle doit s'engager dans la purification de la mémoire collective, pour aider à réparer les relations tendues, à rétablir une communication productive, saine et harmonieuse entre les différents secteurs de cette réalité qui s'appelle l'Afrique. La tâche peut sembler déconcertante, mais l'Église-Famille de Dieu en Afrique peut trouver un réconfort dans les paroles du Pape Jean-Paul II : « Dieu peut créer des ouvertures pour la paix là où seuls les obstacles et les fermetures sont apparents »[3], c'est un impératif pour l'Église. Quelques années avant le génocide du Rwanda, le Professeur Mary John Waliggo écrivait: « L'avenir de l'Église chrétienne sera glissant si le christianisme ne satisfait pas les peuples africains à l'heure de leurs plus urgents besoins. Les générations futures voudront savoir où était l'Église lorsque les gens souffraient, quel message elle a donné pour apporter l'espoir »[4]. Telle est la tâche qui attend l'Église-Famille de Dieu en Afrique. Comment les Instituts missionnaires travaillant sur le continent peuvent-ils s'impliquer dans ce projet de réconciliation en Afrique ?
Dans ce travaille nous voulons  voir comment l’Église peut construire une culture de communion en Afrique ; enracinée dans les vertus chrétiennes de réconciliation pour aviser la justice et la paix  afin de restaurer les communautés dans  leur intégrité et guérir les cœurs blessés des hommes et des femmes qui ont trop longtemps souffert !  Nous nous sommes posé aussi la question de savoir si le manque de réconciliation n’est pas un signe de manque de conversion. Nous constatons aussi que beaucoup de diocèses n’ont pas inscrit, comme priorité dans leur programme, les problèmes de réconciliation. On se demande alors comment vont-ils évangéliser des peuples si divisés ?

0.2. Choix du sujet
Si nous regardons bien l’Afrique, nous allons voir qu’elle est pleine de conflits tribaux, linguistiques, religieux, de guerres,  de divisions entre les partisans de différents partis politiques etc. Alors, en regardant  tout cela, pouvons-nous dire qu’il  n'y a aucun besoin de redire que l'Afrique a besoin de réconciliation ? L’expérience forte de notre propre vie et de la vie autour de nous révèle que, en Afrique nous avons toujours essayé de résoudre nos problèmes par la force, la guerre et le coup d’état. Mais jusqu'ici, il n’y a ni paix ni justice sur le continent. Nous pensons que c’est le moment propice de donner  la chance à la réconciliation, parce que Dieu se réconcilie avec nous et nous invite à vivre cette réconciliation entre nous.  En fait, le monde entier en a besoin aujourd’hui : les guerres, les attaques terroristes, la xénophobie, la corruption, la cupidité, l'exploitation économique, le trafique humain, la menace de la drogue et la violence se retrouvent non seulement en Afrique, mais dans presque chaque continent. C’est pour cela que nous pensons que  l'Église en Afrique pourrait donner au monde un nouveau paradigme de réconciliation. Nous  sommes  arrivés à ce sujet parce que nous voulons que le deuxième synode ne soit pas un simple changement de slogan du genre : « Vous êtes  mes  témoins » au « vous êtes le sel  de la terre et lumière du monde ». Notre souci est de voir comment nous allons réaliser tout cela. C’est en réponse à cette question que, dans ce travail, nous allons proposer de réaliser quelques propositions au  deuxième synode en ce qui concerne la réconciliation  à la manière de St Paul.




0.3. Méthodologie
La méthodologie qui sera employée dans cette recherche sera à la fois analytique et critique. L’analyse nous permet de saisir profondément les conditions dans lesquelles l’Afrique se trouve. La critique, par contre, nous aidera à voir comment et pourquoi l’Église doit favoriser et valoriser la réconciliation dans sa mission d’évangélisation en Afrique et comment l’Église peut réussir dans ce domaine à l’exemple de St Paul. Pour atteindre le but de notre recherche, nous utiliserons différents ouvrages sur ce sujet de réconciliation et la mission de l’Église. Nous ne manquerons pas de citer le magistère de l’Église et les documents pauliens.

0.4. Délimitation du travail
Notre travail s’articule en trois chapitres. Dans le premier chapitre, nous présenterons les définitions des concepts clefs. Ensuite dans le deuxième chapitre, nous  essayerons de présenter la théologie paulinienne de la réconciliation (2 Co 5, 11-21). Enfin  dans le troisième chapitre, réfléchir sur la réconciliation comme mission urgente de l’Église, à la lecture de la vision du deuxième synode des Évêques africains.  Dans ce  même chapitre nous allons traiter la question de la mission de l’Église en générale ;  et nous donnerons une petite conclusion à la fin de chaque chapitre, sans oublier la conclusion générale.

                                                       




                                                


                                                                CHAPITRE I
              LES DÉFINITIONS  DES CONCEPTS CLEFS.

 Introduction.
             Comme nous le savons sans doute que nous pouvons avoir un très bel appartement, mais il faut toujours en avoir la clé pour y entrer. Pour être sûre que nous parlons de la même chose, dans ce premier chapitre, nous allons essayer d’expliquer brièvement les termes « Réconciliation, Église et mission ». Ces mots  semblaient recouvrir des variétés de sens. Il y a un risque que, dès le début, nous comprenions différemment les mots. Pour éviter la confusion, nous allons donner quelques définitions de ces termes ci-dessus. Notons qu’il n’y a rien de très original dans ce que nous allons présenter ici, mais il faut parfois revenir à des notions simples et basiques, si nous voulons comprendre des choses plus compliquées.

1.1. La Réconciliation, qu’est-ce que c’est ?
Le Concise Oxford Dictionary définit ainsi le mot réconcilier : « rétablir une relation amiable entre ; trancher (une querelle) ; faire ou rendre compatible ; faire accepter à quelqu'un (une chose désagréable) »[5]. En d'autres termes, la réconciliation est un passage de l'inimitié à l'amitié ; elle est réciproque ; C'est un changement qui s'opère chez les deux parties initialement en désaccord, lesquelles acceptent maintenant d'enterrer la hache de guerre et de faire route ensemble. De ce qui précède, nous pouvons déduire que le terme réconciliation présuppose ce qui suit :
Ø  Ce terme engage au moins deux parties.
Ø  Un incident désagréable cause une dispute, un conflit, une rancœur, une animosité.
Ø  Une partie est probablement présumée (ou accusée de) être impliquée dans cet incident désagréable.
Ø  Cet incident conduit à une rupture de communication, et empêche l'existence d'une relation normale entre les parties concernées.

D’âpres  lineamenta, la réconciliation signifie « simplement un accord, un consensus ou une résolution d’un problème ou d’une dispute, d’autre part l’élimination de l’animosité ou la fin de la violence…..ce qui est important c’est de rétablir à nouveau une relation normale, rétablir la communication et aller au- delà  de la dispute. De ce point de vue, la réconciliation a un caractère pragmatique ; c’est un langage d’apprentissage de vie avec les autres, en sociétés pluralistes et de gestion pacifique des conflits »[6] Ainsi l'acte de la réconciliation consiste-t-il à amener des parties en désaccord à rétablir une relation normale entre elles. Ce qui sous-entend l'établissement de réseaux de communication, de dialogue entre les parties, une révélation de la vérité des faits, l'acceptation de reconnaître ses torts, les rôles joués par les personnes impliquées, un accord sur l'indemnisation pour les offenses commises et un consensus mutuel pour enterrer la hache de guerre et avancer ensemble. La réconciliation surmonte les crises, restaure la dignité des gens et ouvre la voie au développement et à la paix durable entre tous les peuples et à tous les niveaux[7].

Dans la perspective sociologique de la résolution des conflits, la réconciliation est considérée comme un processus à plus long terme visant à surmonter l’hostilité et la méfiance entre les peuples divisés. Elle exige que les parties reconnaissent le besoin de développer une compréhension commune des causes et de la nature du conflit et d’élaborer des notions de responsabilité communes[8].

Le terme réconciliation implique « l’idée de ré-couture » et de recomposition du tissu de relations humaines rompues pour une raison ou une autre. Cette remise en harmonie s’exprime, souvent par l’idée fondamentale de « changement », « rassemblement » de « réunion », de « purification » et « d’expiation »[9]. Comme mentionné ci-dessus, une réconciliation présuppose des événements (en général négatifs) qui ont causé offenses, rancunes et douleurs, et qui ont conduit à la rupture de la cohésion sociale se traduisant par l'animosité et la méfiance.

En effet, le mot réconciliation vient du latin reconciliare[10] qui, au sens propre, signifie : ramener, faire rentrer, et au sens figuré : ramener la paix, réconcilier. Pour l’Église Catholique Romaine, la réconciliation a longtemps été l’acte solennel par lequel un hérétique est reçu au sein de l’Église (il y a là une idée de ramener, de faire rentrer).
 Selon, le Dictionnaire Biblique pour tous, ce mot signifie : rétablir l’amitié entre personnes brouillées, ou la paix entre ennemis, ou encore remettre en accord, en harmonie des personnes qui étaient brouillées[11].
Aucune de ces définitions ne peut convenir à la nécessité de réconciliation après des crises profondes et meurtrières : pourrons-nous dire sérieusement à des Rwandais ou Ivoiriens après le génocide ou aux Guinéens après l’événement du 28 septembre 2009, ou aux partisans de Gadaffi en Libie, et d’autres pays qu’ils doivent se remettre en harmonie ou se « rabibocher » ? En grec, le verbe « katallasso », que nous traduisons par réconcilier, est construit sur une racine « allos » traduite par « autre » et à  partir d’un verbe « allasso » qui signifie « rendre autre, échanger  ». Ce verbe réconcilier signifie avant tout changer à l’égard de quelqu’un.[12]  Les mots grecs ayant pour racine «  allosso » n’ont donc pas du tout le sens de « retour » du mot latin « reconciliare ». La réconciliation, au sens grec est beaucoup plus dynamique qu’au sens latin. C’est à cause de cette dynamique  grecque que le  terme nous invite à dénoncer les « guerres locales ou régionales, les massacres et les génocides qui se déroulent sur le continent » et qui doivent nous interpeller de manière toute particulière. C’est pour cela que le Pape Benoit XVI pendant sa  rencontre avec le conseil spécial pour l’Afrique du synode des Évêques, il a lancé un appel à la réconciliation, pour la construction d’une Afrique plus juste et pacifique, « aucune différence ethnique ou culturelle, de race, de sexe ou de religion ne doit devenir entre vous un motif d’affrontement »[13], a-t-il estimé. C’est en choisissant le sens dynamique du mot grec qui invite au changement à l’égard de l’autre et traduit en français par réconciliation, que nous aborderons notre  recherche.



1.2.  Le terme réconciliation dans l’Ancien Testament.
L'Ancien Testament raconte un certain nombre de conflits et d'affrontements entre frères, entre membres d'une même famille, entre tribus ; certains de ces récits se terminent par une réconciliation, d'autres non. L'Ancien Testament reconnaît donc la dimension de la violence, il la déplore et il souligne la nécessité et le pouvoir de la réconciliation. Les querelles de famille entre Jacob et Esaü (Gn 25,19-33,20) ou entre Joseph et ses frères (Gn 37-45) sont des exemples de conflits entre personnes et peut-être aussi entre communautés. Ces récits illustrent également le pouvoir d'une attitude réconciliatrice chez les gens qui essaient de résoudre des conflits, d'abolir la haine et de soulager des injustices, réelles ou perçues, par la négociation, le pardon et la recherche d'une base commune et d'un avenir partagé. L'Ancien Testament évoque aussi, à de très nombreuses reprises, l'aliénation entre Dieu et son peuple, ainsi que le désir et l'appel pressant de Dieu à la réconciliation et au rétablissement d'une relation brisée et rompue par l'orgueil de l'homme et par diverses formes de rébellion contre le Dieu de vie et de justice. On voit donc que la réconciliation est un thème récurrent des textes bibliques et du langage liturgique d'Israël - notamment des Psaumes, même si, en hébreu, il n'existe pas de terme spécifique pour dire « réconciliation ». Les livres appartenant à la tradition des lamentations, notamment les Lamentations de Jérémie et le Livre de Job, expriment d'une façon poignante l'aspiration des êtres humains à la réconciliation[14].
L’Alliance faite entre Dieu et le peuple d’Israël marque la vie du peuple en termes de relation privilégiée. Les prophètes rappelleront à plusieurs reprises les exigences de renouvellement de l’Alliance. C’est-à-dire le retournement du peuple infidèle vers Dieu à travers des images comme celle de l’épouse qui retourne vers son mari après son adultère (Os 2, 20), (Jr 31, 31-34). Le mot «  réconciliation » ne figure pas dans ces versets. La rencontre réconciliatrice sera exprimée en termes de recherche de Yahvé de la part du peuple (Os 5,13) ; et de la part de Dieu,  il se laissera trouver (Jr 29, 13-14).
Dans tous ces textes nous voyons que les juifs attribuaient à la colère de Dieu les maux qui les frappaient ; le retour à la prospérité et au bonheur serait donc à attribuer à une réconciliation. Dieu doit pour cela changer ses propres sentiments. L’idée n’est aucunement que Dieu « serait réconcilié » par l’action des hommes, que les prières le rendraient réconcilié. Le contexte n’invite pas à comprendre le verbe dans ce sens purement passif ; il nous faut le comprendre au sens réfléchi. Les prières invitent Dieu à modifier ses dispositions, mais nous savons qu’il ne les modifiera qu’en raison de sa miséricorde[15]. L’application de ce terme aux rapports de l’homme avec Dieu n’apparait qu’avec le Judaïsme hellénistique[16].
Nous notons que tous les rites d’expiation du culte mosaïque, ordonnés à la purification des fautes les plus variées, visaient finalement la réconciliation de l’homme avec Dieu. Pourtant le temps n’était pas encore venu de la complète rémission des péchés, et les fidèles du vrai Dieu restaient dans l’attente de quelque chose de meilleur (Cf. 2Mc 1,5 ; 7,33 ; 8, 29). La réconciliation parfaite et définitive à été accomplie par le Christ Jésus «  le Médiateur entre Dieu et les hommes » (1 Tm 2, 5).
1.3. Le terme réconciliation dans le Nouveau Testament.

La réconciliation est un concept récurrent dans le Nouveau Testament. La où nous parlons de « réconcilier », le grec emploie différents verbes de même racine. Nous trouvons dans le Nouveau Testament  diαλλασσω (dialassô), kαταλλασσω (katallassô), αποkαταλλοσω (apokatallosô), σuvαλλαϭϭω (synallassô).  L’idée fondamentale de ces verbes parait être celle de changement ; il s’agit de rendre autre[17].
 Nous trouvons dans le NT que nos relations avec Dieu ont été restaurées grâce au sang versé par le Christ. Mais, dans Mt 5, 9, Jésus montre aussi son souci pour la guérison au sein de la société. Il désire voir les relations entre les gens restaurées, et il espère que les Chrétiens soient des bâtisseurs de paix et de réconciliation. Cela veut dire que les Chrétiens doivent être en paix les uns avec les autres mais aussi ont un rôle à jouer dans la création d’opportunités afin que les non croyant qui sont en conflit puissent se rencontrer et se réconcilier.  En lisant bien Mt 5, 7-10, nous constatons que le Christ nous invite à être les Artisans de réconciliation, de justice et de la paix. Il nous invite à refuser la violence qui est devenue le mal endémique du continent. C’est pour cela que nous devons accepter d’être persécutés parce que nous dénonçons les injustices, la mauvaise gestion, l’exploitation, et nous devons être solidaires avec ceux qui pleurent, écrasés par la misère[18].
 Le chrétien est donc appelé à aimer et à pardonner, selon une mesure qui transcende toute mesure humaine de justice et induit une réciprocité entre les êtres humains reflétant celle entre Jésus et le Père ( Jn 13, 34 s. ; 15, 1-11 ; 17, 21-26). Dans cette optique, le thème de la réconciliation et du pardon des offenses prend un grand relief. À ses disciples, Jésus demande d’être toujours prêts à pardonner à ceux qui les auraient offensés, de même que Dieu lui-même offre toujours son pardon : « Remets-nous nos dettes comme nous-mêmes les remettons à nos débiteurs » (Mt 6, 12.14-15). Celui qui est en mesure de pardonner au prochain montre qu’il a compris le besoin qu’il a personnellement du pardon de Dieu. Le disciple est invité à pardonner « jusqu’à soixante-dix fois sept fois » celui qui l’offense, même si celui-ci ne demande pas pardon (Mt 18, 21-22).
            Jésus insiste sur l’attitude requise de la personne offensée à l’encontre de ses offenseurs. Elle est appelée à faire le premier pas, effaçant l’offense moyennant le pardon offert « du fond du cœur » (Mt 18, 35 ; Mc 11, 25), sachant qu’elle est elle-même pécheresse devant Dieu qui ne refuse jamais le pardon demandé avec sincérité. Dans Mt 5, 23-24, Jésus demande à l’offenseur d’« aller se réconcilier avec son propre frère qui a quelque chose contre lui », avant de présenter son offrande à l’autel : Dieu n’agrée pas un acte cultuel opéré par celui qui ne veut pas réparer auparavant le tort qu’il a causé à son prochain. Ce qui compte, c’est de changer son propre cœur et de montrer de manière appropriée que l’on veut réellement la réconciliation. Dans tous les cas, le pécheur, conscient que ses péchés blessent tout à la fois sa relation à Dieu et à son prochain ( Lc 15, 21), ne peut attendre le pardon que de Dieu seul, car Dieu seul est toujours miséricordieux et prêt à effacer les péchés. C’est là aussi la signification du sacrifice du Christ qui nous a purifiés une fois pour toute de nos péchés (He 9, 22 ; 10, 18). Ainsi, l’offenseur et l’offensé sont réconciliés par Dieu dans sa miséricorde qui les accueille tous et  les pardonne.
            Nous trouvons souvent dans le Nouveau Testament, des passages traitant des problèmes de conflits dans les Églises. C’étaient tout autant un problème au début de l’église que maintenant.




1.4.  L’étymologie du mot Église et son sens dans l’Ancien Testament et le Nouveau Testament.
Le mot « Église » est une traduction française du mot  grec, « ékklèsia », qui se  trouve 114 fois dans le NT[19].  Ékklèsia vient de deux mots grecs : ék, qui signifie « hors de » et  kaléô, qui signifie « appeler ». Alors littéralement ékklèsia signifie « appeler hors de »[20].  Dans le monde grec profane ce mot était utilisé pour désigner l’assemblée des citoyens, convoquée par le héraut pour la discussion et la décision des affaires publiques. Par exemple l’assemblée tumultueuse d’Ephèse dans Ac 19, 32-41[21].
 Dans la LXX au contraire, le mot désigne une assemblée convoquée pour un  geste religieux, souvent culturel (Dt 23, 1 R 8 ; Ps 22, 26).  Le mot hébreu « qahal », dans l’AT est employé surtout par l’école deutéronomique pour désigner l’assemblée  par exemple de l’Horeb (Dt 4, 10), des étapes de Moab (Dt 31, 30)[22] etc.  La langue latine a repris le concept ékklèsia sans pratiquement le modifier, et parle de l’écclésia. D’ecclésia nous avons le mot Église, en français. 
Mais si ékklèsia traduit toujours qahal, ce dernier mot est parfois rendu sous d’autres vocables, en particulier par « synagogue » (Nb 16, 3 ; 20, 4 ; Dt 5, 22), qui rend plus souvent le mot sacerdotal « ‘édah ». Eglise  et synagogue sont deux termes à peu prés synonymes ( Jc 2,2). Elles ne s’opposeront que lorsque, les chrétiens se seront appropriés le premier, en réservant le second aux juifs.[23] Le choix d’ékklèsia par la LXX a sans doute, par les suggestions de l’étymologie,  ce sens, venant de ék kaléô ( j’appelle de, je convoque), qui indiquait par lui-même qu’Israël, le peuple de Dieu, était le rassemblement des hommes convoqués par l’initiative divine, et il rejoignait par conséquent une expression  sacerdotale où l’idée d’appel s’exprimait  par « klètè  hagia », qui est une traduction littérale  de « miqra qodèš », qui « signifie convocation sainte » ( Ex 12, 16 ; Lv 23, 3 ; Nb 29, 1)[24].
Alors, il est tout naturel que Jésus, fondant un nouveau peuple de Dieu en continuité avec l’ancien, l’ait désigné par un nom biblique de l’assemblée religieuse (il a du dire en araméen soit ‘édta, soit kenista, rendu le plus souvent par synagogue, soit plus probablement qehala), nom rendu par ékklèsia en (Mt 16, 18). De même la première génération chrétienne, se sachant le nouveau peuple de Dieu  (1 P 2, 10) préfiguré par « l’église du désert » (Ac 7, 38), a adopté un terme qui, venant des Ecritures, était très apte à la designer elle-même comme « Israël de Dieu » (Ga 6, 16 ;  Ap 7,4 ;  Jc 1, 1 ;  Ph 3, 3).[25]
 Alors c’est ce mot qui a été choisi dès l’époque apostolique pour désigner le groupe des disciples de Jésus ressuscité. Jésus lui-même a très peu utilisé ce mot d’ « Église ». Il a employé ce mot  une fois en tout et pour tout : «  tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église » (Mt 16, 18).  L’Église est, en quelque sorte, l’ébauche, le chantier actif mais inachevé du royaume de Dieu. Nous le remarquons que ce terme ne désigne jamais ni bâtiment ni  un lieu de culte, comme c’est le cas aujourd’hui. Nous avons plusieurs passages dans le NT pour confirmer que le mot Eglise parle des gens et pas le lieu. Par exemple ;  dans l’évangile selon saint Mt 18 : 17, Jésus dit ; « S’il refuse de vous écouter, dis- le à l’Église. Il continue en disant que « S’il refuse même d’écouter l’Église, mets- le sur le même plan que les incroyant et les gens avec qui vous évitez toute relation »[26]. Dans le livre  des Actes des Apôtres, l’auteur nous apprend que quand Pierre était  gardé en prison, l’Église ne cessait d’adresser  pour lui des prières à Dieu (cf. Ac 12,5). Et puis, nous pouvons trouver tant d’autres passages par l’exemple en ; Ac 14, 27 ;  15, 3 ;  18, 22 ;  20, 28  etc
Dans le Nouveau Testament, il y a plusieurs termes utilisé pour désigner l’Église. En voici une liste  pas forcement complète, mais l’essentiel y est :
Ø  Bercail (bergerie) (Jn 10, 1-16)
Ø  Champ de Dieu (1 Co 3, 9)
Ø  Construction de Dieu (1 Co 3, 9) 
Ø  Temple Saint (Ep 2, 21) 
Ø  Cité Sainte (Ap 21, 2)
Ø  Famille de Dieu (Ep 2, 19)
Ø  Assemblée de Dieu (1 Co 1, 2)
Ø  Peuple de Dieu (1 P 2, 10)
Ø  Épouse du Christ (Ga 5, 23-30)
Ø  L’épouse immaculée (Ap 19, 7)
Ø  Demeure de Dieu chez les hommes (Ap 21, 3)
Ø  Corps du Christ (Ga 3, 27-29)
Ø  Jérusalem d’en haut (Ga 4, 26)
Ø  Notre mère (Ga 4, 26)
Ø  Maison de Dieu (1Tim 3, 15)
Ø  Troupeau (Jn 10, 1-6)
Ces images sont multiples, mais aucune n’a la prétention de dire la totalité du mystère. Chacune souligne un aspect. Il est important  de les faire jouer les uns avec les autres, sans se limiter à une seule. Tel croyant ou telle communauté ecclésiale, ou encore telle époque peut donner sa préférence à l’une ou à l’autre. Tous ont à admettre que le regard qu’ils portent sur  l’Église est partiel, et qu’ils ne peuvent laisser dans l’ombre les aspects de l’Église auxquels ils portent moins d’attention[27].
Ékklèsia peut avoir le sens d’assemblée de tous les chrétiens vivant en un milieu donné. Ékklèsia par exemple dans certaines villes mentionnées : Jérusalem (Ac 8, 1), Antioche ( Ac 11, 26), Corinthe ( 1 Co 1, 2), Thessalonique (1 Th 1,1) etc. C’est dans ce sens d’Eglise comme assemblée de tous les chrétiens vivant en un milieu donné que nous pouvons parler de l’Église en Afrique.
Dans son essence, l’Église est le rassemblement de tous les baptisés affirmant leur foi en Jésus ressuscité. Elle est organisée en communautés ayant chacune sa structure, et regroupée dans des ensembles appelés Église locale. En raison des séparations intervenues au sein du christianisme, nous distinguons l’Église Catholique romaine dont le chef spirituelle est le Pape, les Églises orthodoxes et les Églises issues de la Reforme. Dans notre travaille nous allons nous limiter seulement à l’Église Catholique romaine.






1.5.  La notion de l’Église selon le Droit Canonique et  le Magistère.
Qu’appelle-t-on Église ? Au cours de l’histoire, cette interrogation a reçu plusieurs tentatives de réponse. Faisant notre tour le déploiement historique sur la conception de l’Eglise, le Code de 1917 a préféré définir l’Église, au canon 100, § 1 comme une personne morale[28], d’institution divine avec une idée de fond opposant la base de l’Eglise à son sommet. En réalité, œuvre de son temps, le Code de 1917, outre la conception de l’Église comme Corps du Christ, société d’hommes, multitude organisée des fidèles, communauté de foi, …, a aussi hérité la conception de l’Église comme une société parfaite. Voila pourquoi il est dit que ce Code avait suivi davantage les droits séculiers et avait consacré la conception pyramidale de l’Église[29].
Le concile de Vatican II (1962 -1965) par contre, oriente sa vision sur l’Église autrement que le Code  qui était en vigueur avant et pendant sa tenue, notamment le Code de 1917. Ce concile a mis en lumière l’image réelle et authentique de l’Église. C’est cette image réelle constituant la nouvelle ecclésiologie, qui se trouve être consignée dans le Code de 1983. D’ailleurs il va falloir affirmer clairement que le nouveau Code traduit en langage canonique la doctrine de l’ecclésiologie conciliaire[30].
Tenant compte de cette image réelle et authentique,  l’Église, sacrement universel de salut, se présente comme le Peuple de Dieu. C’est-à-dire que l’Église se présente, d’une part, comme une société constituée et organisée, ayant un système juridique qui se fonde sur la charité et  où  l’autorité est conçue comme service, et d’autre part, comme une réalité  douée d’organes hiérarchiques et gouvernée par le Successeur de Pierre et les Évêques en communion avec lui[31].
      En somme, en Droit canonique, l’Église, en dehors de son aspect mystique, est conçue comme une réalité organique voulue par Dieu. Et sa constitution hiérarchique se fonde sur le Collège des Évêques uni à son  Chef. Avec  l’ecclésiologie du concile de Vatican II, à la conception de l’Église opposant volontiers la base au sommet, se substitue une conception communautaire : Église-communion ; une communion qui se traduit par une certaine co- responsabilité. Le code de 1983 met moins l'accent sur le caractère hiérarchique et ordonné de l'Église. Il veut au contraire promouvoir l'image d'une Église-peuple de Dieu (référence explicite à la constitution de 1964 Lumen Gentium) et d'une hiérarchie au service des autres (can. 204)[32].
Selon le symbole de Nicée (325) – Constantinople (381), les Chrétiens catholiques croient dans une Église qui est  «  Une, Sainte, Catholique et Apostolique ». Elle est  Une parce qu’elle a comme origine et comme modèle l’unité d’un seul Dieu dans la  Trinité des personnes ; comme fondateur et comme tête, Jésus Christ qui rassemble tous les peuples dans l’unité d’un seul corps ; comme âme, l’Esprit Saint, qu’unit tous les fideles dans la communion avec le Christ. Elle a une seule foi, une seule vie sacramentelle, une seule succession apostolique, une espérance commune et la même charité[33].
 L’Église est « sainte » parce que le Dieu très saint en est l’auteur. Le Christ s’est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier et de la rendre sanctifiante. L’Esprit Saint la vivifie par charité. En elle réside la plénitude des moyens du salut[34].
 L’Église est « catholique », mot grec qui veut dire « universelle » parce qu’est elle est  envoyée en mission vers toutes les nations,  toutes les époques et toutes les  cultures aux quelles elles  appartiennent.
  L’Église est « apostolique » parce qu’elle a pour fondations les apôtres ( Ep 2, 20) ; par son enseignement, qui est celui des Apôtres ; par sa structure, parce qu’elle est édifiée, sanctifiée et gouvernée, jusqu’au retour du Christ, par les Apôtres grâce à leur successeurs, les Évêques en communion avec le successeur  de Pierre.[35]
Ces quatre notes : une, sainte, catholique et apostolique, se complètent et se renvoient l’une à l’autre. Dire l’Église « une », c’est dire qu’elle est communion. La dire « sainte », c’est la situer dans le projet de Dieu. La dire « catholique », c’est la situer dans la diversité du monde. La dire « apostolique », c’est la situer dans l’histoire en continuité avec ses origines.
Et enfin nous ajoutons « romaine », pour la distinguer des autres Eglises qui utilisent les titre de catholiques, essentiellement l’Église anglicane qui se considérait à sa fondation comme l’Eglise catholique en Angleterre. « L’Église est, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à- dire à la fois  signe et moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain »[36].
Dans le langage chrétien, le mot « Église » désigne « l’assemblée liturgique », mais aussi la « communauté locale » ou toute la « communauté universelle des croyants ». Ces trois significations  sont en fait inséparables.  L’Église, c’est le peuple que  Dieu rassemble dans le monde entier. Elle vit de la Parole de Dieu et du Corps du Christ et devient ainsi elle-même Corps du Christ[37].
 En regardant sa structure hiérarchique nous pouvons penser que l’Église  n’est qu’une institution historique avec des résultants historiques, mais aussi avec des erreurs et même des crimes. Mais ce regard ne va pas  assez loin. Le Christ, en effet, fait tellement confiance aux chrétiens,  pécheurs qu’ils sont, qu’il n’abandonne jamais l’Église. Cette inséparable union du divin et de l’humain, du péché et de la grâce, est le secret de l’Église[38].
Il faut que l’Église mesure bien  la tournure qu’elle doit prendre  dans le contexte africain, un contexte de guerres, conflits, injustices, tribalisme,  visages défigurés par la faim, et d’actes de terrorisme.
 
1 .7.  La  notion de la mission de l’Église                                                               
Selon Youcat, le mot mission vient du mot latin « missio » qui veut dire « envoi ». Youcat continue en disant  que la mission est la raison d’être de l’Église. C’est l’ordre donné par le Christ à tous les Chrétiens d’annoncer l’Evangile en paroles et en actes afin que toute personne puisse se décider librement pour le Christ[39]. « Allez dans le monde entier, proclamer l'Évangile à toute la création » (Mc 16, 15), tel est le mandat que le Christ Ressuscité donne à ses Apôtres avant de monter vers le Père. Mû par un ardent désir de faire connaitre le Christ, Saint Paul dans la lettre aux Corinthiens dit : « Annoncer l'Évangile en effet n'est pas pour moi un titre de gloire ; c'est une nécessité qui m'incombe. Oui, malheur à moi si je  n'annonçais pas l'Évangile ! » ( l Co 9,16).
            Selon D. BOSCH, la mission est indéfinissable et on ne peut pas la délimiter et l'enfermer dans une définition. Voilà la tentative d'une définition qu’il nous donne:
« La mission chrétienne met en lumière la relation dynamique entre Dieu et le monde, en particulier telle qu’elle  est d'abord relatée dans l’histoire du peuple de l'Alliance, Israël, et ensuite, définitivement, dans la venue, la vie, la mort, la résurrection et l'élévation de Jésus de Nazareth »[40].
            Selon le Petit dictionnaire de Théologie catholique, la mission chrétienne consiste à prêcher librement l’Évangile au milieu de tous les peuples et dans toutes les situations historiques pour appeler les hommes à la libre obéissance de la foi (Mt 28, 19). Cette mission, ayant un caractère public, modifie nécessairement les conditions sociales aussi, sans avoir directement des buts sociaux  ou politique. Elle se heurtera toujours à la contradiction venant de l’homme pécheur, et elle ne sera jamais achevée[41].   Cette mission fait disparaitre les aversions, elle renverse des murs d’hostilité, elle franchit les frontières entre individus et groupes[42].
Selon Carl Braaten, la mission est le processus qui explore le sens universel de l’Évangile dans l’histoire[43]. Braaten  ne connait pas de meilleure définition de la mission que celle-là. La mission se base sur la conviction que l’Évangile du Christ est valable pour tous les peuples ; conviction qui se manifeste par un effort constant pour rejoindre les autres, réalisant ainsi concrètement cette pertinence universelle.
La mission c’est, en premier et en dernier lieu, la présence de Dieu et son activité dans le monde. Dieu est la source et la fin de la mission. Le rôle des missionnaires est subordonné au rôle de Dieu et à son service. Le rôle de Dieu est évoqué de diverses manières dans la Bible. L’Évangile de Jean parle du Verbe par lequel tout existe, le Verbe qui éclaire tout homme et donne vie et grâce, le Verbe qui se fait chair en Jésus Christ. St Paul parle du mystère du dessein de Dieu pour le salut de tous (1 Tim. 2, 4), le dessein d’unir toutes choses au ciel et sur la terre en Christ (Eph.1, 10) ou de tout réconcilier dans le Christ (Col. 1, 20). L’Apocalypse parle des "nouveaux cieux et de la nouvelle terre" où Dieu viendra demeurer avec son peuple : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes ». Il aura sa demeure avec eux et ils seront son peuple (Ap. 21, 3)[44]. Ce qui est significatif dans ces images qui évoquent la mission de Dieu dans le monde, c’est leur universalité. Elles embrassent toute la race humaine et toute la création. Aujourd’hui, On admet volontiers  cet élargissement du plan de salut de Dieu et de  son intérêt plein d’amour à tous les peuples et à tous les aspects de leur vie.
Selon Pivot, la mission est un appel à la conversion, une exhortation à entrer dans le dynamisme créatif de l’action divine dans le monde  faisant toute chose nouvelle[45].
La mission, c’est Dieu qui se tourne vers le monde avec un amour créatif, un pouvoir rédempteur de guérison et de transformation. Cela a lieu dans l’histoire ordinaire et n’est pas restreint à l’activité de l’Église. Redemptoris Missio parle de la présence et de l’activité de l’Esprit qui "sont universelles, sans limite d’espace ni de temps" (RM 28). De plus, cette présence et cette action de l’Esprit de Dieu "concernent non seulement les individus mais aussi la société et l’histoire, les peuples, les cultures et les religions"(RM 28)[46].
Cette extension universelle de la mission de Dieu (par la Parole et l’Esprit) est le contexte dans lequel nous devons situer la mission. L’Église, et nous tous qui lui appartenons, sommes appelés à participer à un projet qui vient de Dieu et appartient à Dieu. Notre mission n’enlève donc rien à la mission divine. Nous sommes appelés et envoyés pour la seconder et contribuer à sa réalisation. De plus, participant à la mission de Dieu, nous ne partons jamais d’une table rase. Nous rencontrons des êtres humains et un monde où l’Esprit de Dieu est déjà à l’œuvre. Réaliser cela place la mission dans une nouvelle perspective d’ensemble et lui retire beaucoup de son angoisse et de son agressivité. Nous ne sommes pas seuls à porter, un salut qui serait exclusif, à des gens qui n’ont aucune relation de salut avec Dieu. Dieu est présent partout et avant nous, actif dans le sens du salut par des voies qui nous sont inconnues. La tâche de l’Église consiste donc à découvrir et renforcer cette présence et cette action[47].
Après avoir dit cela, nous pouvons penser que le christianisme est entrain d’échouer en Afrique  à cause des guerres, des conflits politiques et  tribaux, des violations des droits de l’homme etc.  Mais c’est dans ce contexte que l’Église doit inventer une manière adéquate d’annoncer l’Évangile, de proclamer un Évangile qui soit bonne nouvelle de salut, libération, justice,  paix et  réconciliation.

Conclusion du premier chapitre.
Nous pensons que avec cette petite analyse des termes (mots clefs) de notre travail, nous permettra une meilleure compréhension du problème que nous allons aborder dans le deuxième et le troisième chapitres. Autrement dit, si nous l’avons bien remarqué à partir du développement de notre premier chapitre, notre travail ne consiste pas à parler de la réconciliation comme sacrement.
                                                  
                                                  


                                                








                                                              CHAPITRE II
                     LA THÉOLOGIE  PAULIENNE  DE LA RÉCONCILIATION.

 Introduction.
Un aspect important de la  pensée de St. Paul est celui de la réconciliation. Dans le nouveau Testament, comme nous l’avons démontré au chapitre précédant, le vocable réconciliation  désigne  soit le substantif katallagé (réconciliation), soit les verbes katallassô (réconcilier), apokatallossô (réconcilier complètement), dialassô  (réconcilier avec). Ces termes viennent du verbe allassô qui signifie « rendre autre, échangé ». Ce vocabulaire apparait treize fois dans le corpus paulinien qui utilise le substantif katallagé  (Rm 5,11 ; 11,15 ; 2 Co 5,18-19) ainsi que les verbes katallossô ( Rm 5, 10 ; 1Co 7,11 ; 2Co 5,18-20) et apokatallossô  ( Ep 2,16 ; Col 1,20-22)[48]. Ces textes nous offrent une base solide, non seulement pour une théologie et une spiritualité de la réconciliation, mais aussi pour un ministère de la réconciliation. Nous allons concentrer notre attention d’une manière spéciale sur le texte de (2 Co 5, 11-21).

2.1. L'emploi du concept de « réconciliation », chez Paul et ces nombreux traits         particuliers.
 Comme nous avons déjà vu dans le premier chapitre, la notion même de réconciliation présuppose un état de rupture de la communion : ceci peut être l'aliénation, la séparation, l'inimitié, la haine, l'exclusion, la fragmentation, la perversion des relations. Elle implique également, en général, une certaine mesure d'injustice, de mal et de souffrance. Dans le langage ordinaire comme dans le langage biblique, la réconciliation exprime l'effort et la volonté de réparer ces relations brisées et perverties, de réédifier la communauté et de restaurer les relations.
 Paul applique ce concept de réconciliation au rétablissement des relations dans trois domaines de division et d'hostilité qui, s'ils sont distincts, se recoupent d'une certaine manière : réconciliation entre Dieu et les êtres humains, réconciliation entre différents groupes d'êtres humains et réconciliation du cosmos[49].
              La réconciliation, c'est beaucoup plus que le redressement superficiel de distorsions, l'établissement d'un statu quo de coexistence ; la réconciliation vise à la transformation du présent, à un renouveau très en profondeur. La « paix » dont parle Paul est certainement la paix avec Dieu (cf. Rm 5,1-11), mais  aussi la transformation des relations humaines et l'édification d'une communauté. C'est la paix radicalement nouvelle entre païens et juifs rendue possible par le fait que Christ a « détruit le mur de séparation : la haine » (cf. Ep 2,14)[50]. C'est aussi la transformation de toute la création dans une dynamique de paix, ainsi que cela est exprimé en Col 1,20, où Paul affirme que Christ a pu « tout réconcilier [] sur la terre et dans les cieux, ayant établi la paix par le sang de sa croix ». A travers  ce passage Paul indique qu’en fait, la réconciliation envisage une création nouvelle. Ainsi  le dit-il d’une manière très forte en  2 Co 5,17. Cette catégorie de « création nouvelle » montre qu'il s'agit de quelque chose qui va beaucoup plus loin que le simple rétablissement de relations brisées. La réconciliation est une qualité d'être totalement nouvelle[51].
 Pour Paul, c'est Dieu qui prend l'initiative de la réconciliation. En outre, Dieu a déjà réalisé la réconciliation pour le monde : « C'était Dieu qui, en Christ, réconciliait le monde avec lui-même » (2 Co 5,19)[52]. Les êtres humains peuvent bien rechercher la réconciliation et exercer un ministère de réconciliation, mais l'initiative et l'efficacité de la réconciliation appartiennent à Dieu ; les êtres humains ne font que recevoir le don de la réconciliation. Il est donc essentiel d'affirmer que la vie et le comportement chrétiens se fondent sur l'expérience de la réconciliation par l'intermédiaire de Dieu : les chrétiens découvrent ce que Dieu a déjà fait en Christ[53].
Le mode chrétien de réconciliation tel que présenté par Paul dans ses épîtres est employé dans un sens christologique. Dieu est l'auteur de la réconciliation; Jésus-Christ en est l'instrument et la cause méritoire; l'homme en est l'objet à  l'instar du récipient. Dieu a réconcilié le monde par son Fils  Jésus-Christ. La réconciliation « est pleinement réalisée en Jésus-Christ, le Fils de Dieu qui, par sa mort et sa résurrection, a réconcilié les hommes avec Dieu et les hommes entre eux. Mieux, en Jésus, Dieu  réconcilie l'ensemble de l'humanité[54] .

C'est l'Esprit Saint qui donne aux hommes le pouvoir de participer à l'histoire de Dieu qui réconcilie le monde en Jésus Christ. En Rm 5, Paul évoque la manière dont Dieu réconcilie avec lui les pécheurs et même les ennemis de Dieu et les sans-Dieu, et il dit que  l'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l'Esprit Saint. En Jésus Christ, qui a été ressuscité et est monté aux cieux, non seulement nous recevons le don de la réconciliation mais encore nous sommes envoyés au service et pour le ministère du monde. C'est ce qu'expriment notamment, d'une part, l'enseignement éthique de Paul, qui demande instamment aux individus et aux communautés d'être des signes et des expressions de la réconciliation dont ils ont eux-mêmes bénéficié (cf. Rm 12,9-21) ; et, d'autre part, la manière dont Paul parle de sa propre mission, disant que le « ministère de la réconciliation » lui a été confié (2 Co 5,18). Aujourd'hui tout autant qu'à l'époque de Paul, les chrétiens sont appelés à participer à ce ministère de réconciliation - c'est-à-dire participer à l'œuvre de réconciliation du Saint Esprit et étendre à toute l'humanité l'action réconciliatrice de Dieu[55].
2.2. Les tensions de l’Église primitive dans les épitres pauliennes.
« Réaliser concrètement la conception de la communauté comme une fraternité ne fut pas facile pour l'Eglise primitive. Nous  le constatons dans plusieurs textes Pauliens.  Par exemple : Rm 5,6-11 ; 2 Co 5, 16-21 ; Ga 3, 26-29; Ep 2, 11-21 et Col, 15-22. Mais aussi de nombreux incidents évoqués dans le Livre des Actes des Apôtres témoignent de la difficulté qu'éprouvèrent les premiers chrétiens à accepter et à pratiquer cette nouvelle manière de penser et d'agir »[56]. Les  textes là-dessous  exposent chacun les tensions particulières qui affectaient des Eglises particulières marquées par la diversité:
 Nous notons par exemple que les épitres aux Romains, aux Galates et aux Ephésiens examinent la question de la place, dans l'Église, des chrétiens qui ne sont pas d'origine juive. De fait, les communautés de Rome, de Ga1atie et d'Ephèse étaient composées de chrétiens d'origines juive et païenne. Cette diversité se trouve à l'origine des tensions au sein de l'Ég1ise. Des lors, ces trois lettres ne sont comprehensib1es que si on est conscient de ces tensions[57].

Quant à l'épitre aux Colossiens, elle  développe les tensions qui existaient dans l'eg1ise d'alors en raison de l'émergence du gnosticisme, l'équivalent à l'époque du « Nouvel Age », aujourd'hui.

Et enfin, la première et la seconde épitre aux Corinthiens font, en ce qui les concerne, plusieurs allusions à un conflit personnel qui opposait l'apôtre Paul à certains membres de l'Église de Corinthe, qui mettaient en question la valeur de son apostolat. De plus, dans la première épitre de Paul aux Corinthiens, les chrétiens de Corinthe connaissent des tensions, des querelles, des rivalités, des discordes (cf. 1 Co 1, 10;  3, 3;  4, 6;  6, 6;  8, 7;    24; 11-16;  18, 12 ; 14;  26, 16…)[58].

Voila, il est important de noter que la situation de ces communautés offre donc à Paul l'occasion d'élaborer des réponses originales et articulées en fonction de ces divers conflits. Il ne s'agit en rien de dogmes abstraits, d'idéaux inaccessibles, étrangers à notre réalité. Bien au contraire, à travers ces passages, l'Apôtre cherche à aider l'Église à ne pas se résigner devant des tensions et des conflits bien réels, mais à y faire face de manière courageuse en s'appuyant sur l'œuvre de Jésus-Christ[59].








2.3. La tension ethnique à l’intérieur de l’Église
            On ne peut pas compter les actions héroïques de chrétiens-prêtres, religieux, religieuses et laïcs de toutes conditions qui se donnent complètements pour amener une réconciliation entre les gens de différentes ethnies en conflit. Mais il nous faut bien reconnaitre que le problème de conflit ethnique existe aussi au sein même de l’Église, par exemple  parmi les clergés et des communautés religieuses[60]. Une Église qui ne s’attaque pas elle-même à ses propres divisions ethniques ne peut pas s’adresser à la société d’une seule voix, et de façon crédible[61].
            L’importance de l’identité ethnique apparait partout en Afrique. Dans les pays d’Afrique de l’Est, on le constate dans les affrontements post-électoraux au Kenya, dans le réveil enthousiaste des royaumes traditionnels en Ouganda, dans les structures politiques au Rwanda et  au  Burundi. Ce que nous constatons en général est que pendant les tensions inter-ethniques, comme c’était en  Côte-d’Ivoire, Rwanda, Kenya etc, les croyants se divisent en clans selon leurs origines ethniques et nationales.
            Les tensions ethniques existent dans l’Église, et surgissent à l’occasion de nominations  aux postes importantes de l’Église. Dans certains diocèses, le conflit ethnique entre les clergés a profondément scandalisé les chrétiens, et sapé la crédibilité de l’Église. L’Église ne peut travailler réellement à la réconciliation si elle ne s’en prend pas d’abord à ses propres tensions cultures et ethniques[62].
            L’Église est appelée à être une vraie famille de Dieu où les différences ethniques, culturelles et religieuses sont vécues comme complémentarité, et pas comme compétition, et où l’esprit de communauté l’emporte pas sur les préjugés ethniques[63].




2.4.  La théologie de la réconciliation développée par l’apôtre Paul dans  2 Co 5,11-21.
Nous allons explorer la dimension sociale de ce texte qui passe souvent inaperçue, en la rapportant à l’origine de l’utilisation particulière que fait Paul du mot réconciliation. Paul écrit : « Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Les choses anciennes sont passées ; voici : toutes choses sont devenues nouvelles. Et tout cela vient de Dieu, qui nous a réconciliés  avec lui par Christ, et qui nous a donné le service de la réconciliation. Car Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même, sans tenir compte aux hommes de leurs fautes, et il a mis en nous la parole de la réconciliation. Nous sommes donc ambassadeurs pour Christ, comme si Dieu exhortait par nous ; nous vous en supplions au nom de Christ : Soyez réconciliés avec Dieu ! Celui qui n’a pas connu le péché, il l’a fait devenir péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu[64] » (2 Co 5, 17-21).
La caractéristique la plus remarquable du passage est la manière particulière dont Paul utilise le terme « réconciliation » ; une utilisation qui s’oppose radicalement aux notions contemporaines dominantes de la réconciliation entre Dieu et les êtres humains. En expliquant la nature particulière de l’utilisation faite par Paul de ce terme, Paul ne dit jamais que Dieu est réconcilié (ou que Dieu se réconcilie) avec les êtres humains, mais il dit toujours que Dieu réconcilie les êtres humains avec lui-même ou que les êtres humains sont réconciliés avec Dieu.[65] En fait, ce n’est pas Dieu qui a besoin d’être réconcilié avec les êtres humains, mais c’est les êtres humains qui ont besoin d’être réconciliés avec Dieu. Ce n’est pas non plus par le repentir, les prières ou autres bonnes actions de son peuple que la réconciliation entre Dieu et les êtres humains est accomplie, mais plutôt par la seule grâce de Dieu.[66] 
Cet  acte de Dieu qui nous réconcilie, qui nous sauve de notre péché, est appelé réconciliation verticale. Elle vient  avant toute autre réconciliation.  Fondamentalement, c’est sur celle-ci que reposent toutes les autres formes de réconciliation chrétienne.[67] Elle occupe aussi une place centrale dans l’expérience que  Paul a du Christ  ressuscité sur le chemin de Damas où il se rendait pour persécuter les premiers disciples de Jésus Christ.  C’est à partir de son propre expérience que Paul a développé cette idée de la réconciliation.  C’est à dire que ce ne sont pas les êtres humains qui réconcilient un Dieu en colère avec eux-mêmes, mais,  c’est plutôt Dieu qui réconcilie les êtres humains avec lui-même grâce à la mort expiatoire de Jésus Christ[68].  Même le Papa Benoit XVI, le confirme en disant « en effet, c’est la grâce de Dieu qui nous donne un cœur nouveau et qui nous réconcilie avec lui et avec les autres. C’est le Christ qui a rétabli l’humanité dans l’amour du Père. La réconciliation prend donc sa source dans cet amour ; elle naît de l’initiative du Père de renouer la relation avec l’humanité, relation rompue par le péché de l’homme. En Jésus-Christ,  dans sa vie et dans son ministère, mais, spécialement, dans sa mort et sa résurrection » (AM,  n° 20).
 Paul, qui en vint à considérer qu’il était un ennemi de Dieu dans ses activités d’avant Damas, a fait l’expérience de l’action de réconciliation de Dieu qui a apporté le pardon des péchés et la mise en œuvre d’une nouvelle création par sa grâce. C’est pour cela que Paul supplie les chrétiens de Corinthe de répondre à l’initiative et au don de Dieu en se laissant réconcilier avec lui : « Nous vous supplions au nom du Christ : laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2 Co 5, 20).
Ensuite, bien que la réconciliation des êtres humains avec Dieu ait la priorité, la réconciliation entre les êtres humains est inséparable de leur réconciliation avec Dieu. Si l’origine du message de la réconciliation de Paul était sa rencontre avec le Christ ressuscité sur le chemin de Damas, alors l’inimitié à l’égard de Dieu (les offenses humaines dont Dieu ne nous tient pas rigueur du fait de la mort expiatoire du Christ) ne consiste pas en des attitudes et en des actes isolés à l’égard de Dieu qui, à leur tour, ont pour conséquence une inimitié à l’égard d’autres êtres humains. Dans le récit des Actes, nous lisons que « Saül dévastait l’église en entrant dans chaque maison l’une après l’autre ; entraînant hommes et femmes à la fois, il les envoyait en prison » (Ac 8.3). Sur le chemin de Damas, il « respirait encore les menaces et le meurtre contre les disciples du Seigneur » (Actes 9, 1). En même temps, la voix venue du ciel s’est identifiée clairement comme étant celle de Jésus Christ : « Je suis Jésus, celui que tu persécutes » (Ac 9, 4-5). Donc, dès le départ et fondamentalement, l’inimitié envers Dieu est inimitié envers les êtres humains et l’inimitié envers les êtres humains est inimitié envers Dieu.
Dans la réconciliation, Dieu fait de la victime comme de  l’offenseur une « nouvelle créature » (2 Co 5,17).  D’autre part, Dieu veut à la fois la guérison de la victime et la repentance de l’offenseur ; aucun d’entre eux ne doit être annihilé : tous deux doivent être amenés à un état nouveau, dans une création nouvelle. Pour Paul, l’homme réconcilié avec Dieu est une  nouvelle créature. Il ne reçoit pas seulement passivement la réconciliation de Dieu,  mais cette réconciliation le transforme, au point de faire de lui un messager de cette bonne nouvelle de la réconciliation.  Car,  la réconciliation avec Dieu n’est jamais isolée de la réconciliation entre les hommes, et c’est cette réconciliation avec Dieu qui détruit la barrière de séparation entre les Juifs et les Grecs, et fait d’eux un seul homme nouveau (Ep 2, 14-19)[69].

2.5.  Les  approches possibles de la réconciliation chez Saint Paul

Il y a  trois approches possibles de la Réconciliation chez saint Paul  à savoir :

a)  La  réconciliation verticale.
La première  approche que saint Paul nous propose, c’est celle de « se laisser réconcilier avec Dieu ». Cette phrase de saint Paul se trouve dans la deuxième épître aux Corinthiens,  mais elle n’épuise pas le sens que l’apôtre donne au terme réconciliation. Selon Paul, toute initiative de réconciliation vient de Dieu, car, par lui-même, l’homme est incapable de se réconcilier ni avec le Créateur qu’il a offensé par son péché, ni avec lui-même, ni avec autrui[70]. De fait, l’action de Dieu est ici première et décisive. La réconciliation implique un renouvellement complet pour ceux qui en bénéficient, et coïncide avec la justification (Rm 5, 9) et la sanctification (Col 1, 21)[71]. Pour Paul, du fait que Dieu est l’auteur premier et principal de la réconciliation, il ne s’ensuit pas que l’homme ait ici une attitude purement passive: il doit accueillir le don de Dieu. L’action de Dieu n’exerce son efficacité que pour ceux qui veulent bien y consentir par la foi[72]. Pour réveiller les Corinthiens, Paul les ramène aux origines de leur foi. Qu’ils ne se gonflent pas d’orgueil (1 Co 5, 2), car c’est Dieu qui a tout fait.
 Cet acte de Dieu qui nous réconcilie, qui nous sauve de notre péché, est appelé réconciliation verticale. Fondamentalement, c’est sur celle-ci que reposent toutes les autres formes de réconciliation chrétienne. Elle occupe aussi une place centrale dans l’expérience que Paul a du Christ puisque, de persécuteur de l’Église ;  a été converti pour devenir, un apôtre de Jésus-Christ. Ceci prouve que la réconciliation  est une rencontre  entre Dieu et l’homme. C’est pourquoi Paul supplie les chrétiens de Corinthe de répondre à l’initiative et au don de Dieu en se laissant réconcilier avec lui : « Nous vous supplions au nom du Christ : laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2 Co 5,20-21). En nous réconciliant avec lui-même, Dieu en Jésus-Christ nous réconcilie avec nous-mêmes, nous donne notre identité, notre nom : « Amor, ergo sum, je suis aimé, donc je suis »[73].Ceci veut dire que dans l’approche de la réconciliation entre Dieu et l’homme, il y a une dimension de la réconciliation de l’homme avec lui-même[74]
b) la réconciliation horizontale.
L’idée de la réconciliation horizontale  est plus explicite en Ep 2, 16. Dans ce passage, Paul  précise que, par le sang du Christ versé sur  la croix, la réconciliation a été faite, d'une part, entre  les Juifs et païens, d'autre part, avec Dieu. En d'autres termes  l'idée de réconciliation avec Dieu s'est ajoutée à celle de réconciliation des Gentils et des Juifs.  L’expérience de la réconciliation avec Dieu nous transforme en une créature nouvelle ou bien en  une  humanité réconciliée. Et comme résultant  de cette réconciliation avec Dieu, elle établit  également, à nouveau, une communion entre les hommes. Cette réconciliation qui se réalise entre des individus et des groupes  est appelée réconciliation horizontale[75].
c) la réconciliation cosmique ou universelle
Dans les lettres de la captivité, Colossiens et Ephésiens, l’horizon de la réconciliation semble s’élargir. La réconciliation semble désigner le salut collectif de l’univers. Parfaitement réconciliés avec Dieu, les êtres sont réconciliés entre eux (Col 1, 20)[76].  Il ne s’agit pas seulement de la réconciliation entre  Juifs et païens, mais τα παντα : « tous les êtres ». La réconciliation opérée par le sang du Christ se dilate à tel  point de couvrir l’ensemble des êtres créés. Autrement dit, la réconciliation et la pacification atteignent tout ce qui est sur la terre et dans les cieux. Cette dimension de la réconciliation place l’œuvre de Dieu  opérée  par le Christ dans la création toute  entière. Dans les hymnes que l’on trouve au début des épitres aux Ephésiens  (Ep 2, 13-18) et aux Colossiens (Col 1, 2 ; 4, 13), Dieu nous est présenté comme  réconciliant toutes choses et toutes personnes au ciel et sur la terre dans le Christ. La réconciliation s’étend ainsi à l’ensemble de l’humanité et du cosmos[77].

2.6. La croix  et  la réconciliation de l’humanité.

Saint Paul a offert une admirable synthèse de la théologie de la Croix dans ces épitres. Il  affirme que  « Dieu était en Christ réconciliant le monde avec lui-même » (2Co 5, 19). Par la croix, le Christ a ôté le péché, détruit l’inimité, établi la paix et réconcilié les hommes (Juifs et païens), non seulement avec Dieu, mais aussi entre eux (Ep 2,16). C’est pour cela que nous pouvons dire que cette parole de réconciliation peut se comprendre à trois niveaux : réconciliation avec Dieu, avec soi-même et avec les autres[78].
La réconciliation opérée au Calvaire produit son effet jusque dans le ciel (Col.1, 20-22 ; Ep. 1,10), où elle arrête la révolte des anges. C’est Jésus Christ qui a payé tous les frais de notre réconciliation. Il peut désormais saisir la main du rebelle repentant, pour la placer dans celle du Dieu de sainteté et d’amour. Il faut cependant que ce rebelle reconnaisse sa culpabilité et accepte d’être réconcilié avec Dieu[79].
Nous sommes tous, par nature fils de la rébellion (Ep 2, 2-3). Quelle grâce et quelle délivrance de savoir que lorsque nous étions ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils (Rm 5, 10)[80]. Et cet acte n’appartient pas seulement au passé.  Si nous croyons sincèrement en Jésus Christ, nous avons maintenant obtenu la réconciliation; nous sommes réellement réconciliés (Rm 5, 10-11).
Dieu veut bien, désormais, nous confier le ministère de la réconciliation. Il fait de nous les ambassadeurs du Christ, qui supplient les hommes en tous lieux d’être réconciliés avec lui (2 Co 5, 18-20). Ceci n’est pas la simple proclamation d’un salut universel que tous les hommes possèderaient déjà, qu’ils l’ignorent ou non. Il est vrai que beaucoup ne connaissent pas encore cette bonne nouvelle ; mais un fait tragique aussi est qu’un  nombre immense de pécheurs, l’ayant entendue, ne se laissent pas réconcilier avec Dieu : ils ne se détournent pas de leurs péchés, ils ne se soumettent pas à Jésus-Christ et par conséquent la colère de Dieu demeure sur eux (Jn 3, 18-36 ; Mc 23, 37)[81].


2.7.  Leçon pour l’Église d’Afrique (l’Église catholique de Kinshasa).
Alors, de la notion paulienne de la réconciliation que  nous avons examinée, l'Église d’Afrique doit apprendre  simplement à être l’Église, c’est-à-dire le lieu où il est possible d’expérimenter le salut, la paix. Consciente de ses faiblesses, elle ne cherchera pas à éviter  les conflits, mais vivra quotidiennement la Paix que Jésus lui a donnée. Elle doit se laisser être  le lieu où d'anciens ennemis vivent ensemble et pratiquent quotidiennement la réconciliation dans leur vie. Elle doit se laisser être un espace dans lequel l'Esprit du Christ peut se mouvoir et agir, rendre les êtres humains capables de suivre l'exemple de Jésus, surtout dans leur relation avec leurs ennemis[82]. L’Église ne peut manquer de se laisser interpeller par les défis qui se présentent à elle dans ce domaine de la réconciliation.
Cela signifie que l'Église d’Afrique doit être  l'artisane de paix partout où règnent la haine et la souffrance, partout où il y a des conflits tant latents que  déjà éclatés. En fait, elle est messagère de « l'Évangile de la paix» (Ep 6, 15), qui fait d'elle un seul Corps et Temple de l'Esprit Saint. A l'exemple du Christ, el1e est artisane de réconciliation en son corps de chair. L’Eglise n’est pas seulement le lieu où la réconciliation devient tangible, mais aussi l’Église est appelée à devenir agent de réconciliation, messagère de paix[83].
Pour Paul, l’Église  doit participer à l’œuvre réconciliatrice de Jésus Christ.  C’est la réconciliation verticale qui rend possible les dimensions horizontale et cosmique. Et c’est dans ce cadre des réconciliations verticale, horizontale, et cosmique que nous devons considérer la mission chrétienne. L’Église a elle-même, en permanence, besoin de réconciliation. Mais elle devient le véhicule de la grâce salvifique de Dieu, une grâce qui doit être apportée à un monde brisé par l’oppression, l’injustice, la discrimination, la guerre et qui est  découragé. Dieu est l’auteur de toute réconciliation authentique ; nous ne faisons que participer à l’œuvre réconciliatrice de Dieu. Pour reprendre les termes de saint Paul, nous sommes « en ambassade » au nom du Christ (2 Co 5, 20).
Puis, la voie de  l’abaissement est une stratégie délibérément choisie par Paul pour laisser transparaître le message du Christ. L’Église d’Afrique doit redécouvrir cette stratégie missionnaire de Paul. Sa stratégie nous invite à une attitude humble, dépouillée de toute prétention, centrée sur le Christ. Ce n’est pas nous qui agissons, mais c’est le Christ qui agit en nous, nous sommes ses collaborateurs. L’Église est l’ambassade du Christ. Aux Corinthiens, Paul ne donne pas des ordres, mais il les supplie  comme un mendiant. C’est là que réside toute force persuasive de saint Paul. Dans un processus de réconciliation, il faut parfois cette attitude d’abaissement. L’Église  ne doit  pas se tenir à ses certitudes, mais elle doit chercher à créer un climat qui favorise le dialogue et l’harmonie, afin de retrouver la paix[84].
Les conflits sur le continent doivent être considérés par l’Église comme tâche nécessaire de l’évangélisation au sens large (apporter la paix du Christ et le Royaume de Dieu à ceux qui souffrent). Et  l’Église doit s’impliquer sans se laisser prendre dans le conflit ou sans être instrumentalisée par l’une ou l’autre partie[85].
En jouant son rôle comme ambassadeur du Christ,  l’Église doit appliquer plusieurs stratégies différentes selon la nature des conflits. Par exemple dans un certain cas l’Église en Afrique peut jouer le rôle de médiatrice, facilitateur, ou intermédiaire de  la réconciliation et dans d’autre cas celui de formatrice et édificatrice de la paix, de la  justice et de la réconciliation sur le continent[86].
Comme   une communauté de personnes réconciliées avec Dieu et entre elles, l’Église en Afrique est appelée à être le modèle d’une vraie famille de Dieu comme Saint Paul prêchait aux Galates : « Il n y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme ; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus » (Gal 3, 28). A l’exemple de Saint Paul, l’Église doit rendre ces paroles vraies et visibles pour amener les différents groupes ethniques, linguistiques et aussi religieux, à l'intérieur de chaque pays en Afrique, sur  le chemin du pardon, de la réconciliation, de la paix et justice[87].
Suivre l’exemple de Saint Paul dans son engagement permanent pour la réconciliation, cela signifie que  l’Église en Afrique est appelée à lutter contre les causes des conflits sur le continent. Par exemple : l’orgueil, la haine, l’avarice, l’égoïsme, la soif du pouvoir, l’ethnocentrisme, le fanatisme religieux, les préjugés.[88] La réconciliation est une œuvre de Dieu  et  un don de l’Esprit Saint. Donc pour arriver  à  une paix durable et à la réconciliation, la prière doit accompagner l’action pastorale de l’Église[89].
Conclusion du deuxième chapitre.
             Somme toute, disons que Paul a été le théologien inspiré et le ministre infatigable de la réconciliation. Mais dans sa vision, c’est Jésus qui, par son sacrifice, en a été l’artisan « dans son corps de chair » (Col 1,22) ; et le premier, il en a aussi souligné les exigences profondes : le pécheur réconcilié par Dieu ne pourra lui rendre un culte agréable que  s’il va d’abord se réconcilier lui-même avec son frère (Mt 5,23s)[90]. Puisque Dieu s’est uni à chacun d’entre nous, il veut que chacun devienne un agent de réconciliation : cela fait partie de notre vocation. Paul voit tout du point de vue de cette réconciliation : la faiblesse humaine ne définit plus une personne. Dans le Christ, elle peut devenir force. Le Christ étant présent en nous, nous devenons pour Dieu des agents de réconciliation. Il ne s’agit pas seulement pour nous  d’en être témoins, mais aussi  il nous faut être agents, « ambassadeurs du Christ » qui agit en nous et nous communique sa puissance.  Tel est l’appel de St Paul à la réconciliation.










                                                             CHAPITRE III.
LA  RÉCONCILIATION COMME MISSION URGENTE DE L’ÉGLISE EN                                  AFRIQUE AUJOURD’HUI.

Introduction.
  Dans ce troisième chapitre qui est aussi le dernier chapitre de notre travail, nous  réfléchirons sur la réconciliation comme mission urgente de l’Église, à la lecture de la vision du deuxième synode des Évêques africains.  Dans ce  même chapitre nous allons traiter la question de la mission de l’Église en général et ensuite nous verrons la mission de l'Église africaine.
3.1.  La mission de l’Église en général
1.                   
2.                   
Le Pape Jean Paul II confirme que la mission de l’Église est unique, car elle a une seule origine et une seule finalité, mais elle comporte des tâches et des activités diverses (Cf., RM, n°31). Explicitant l'engagement prioritaire de l'Église, Paul VI écrit : « ... la tache d'évangéliser tous les hommes constitue la mission-essentielle de l'Église» et il continue: « Évangéliser est, en effet, la grâce et la vocation propre de I 'Église, son identité la plus profonde ». (EN, n°14).
Poursuivant la même réflexion, le Pape précise que l'Église «existe pour évangéliser, c'est-a-dire pour prêcher et enseigner, être le canal du don de la grâce, réconcilier les pécheurs avec Dieu, perpétuer le sacrifice du Christ dans la sainte messe » (EN, n°14). Si l'annonce de l'Évangile de Jésus-Christ est la tâche première de toute l'Église, il reste vrai que cette annonce se présente sous plusieurs formes. Le Pape Jean Paul II met en évidence deux formes de cette annonce, à savoir: la proclamation de la Parole et le témoignage de vie: « l'Église annonce la Bonne Nouvelle non seulement par  la proclamation de la parole qu’elle a reçue du Seigneur, mais aussi par le témoignage de vie» (EA, n°55).
Même les pères synodaux du deuxième  synode pour l’Afrique confirme l’urgence de l’évangélisation en disant : «  nous sommes convaincus que l’action première et spécifique de l’Église en faveur des peuples africains, c’est la proclamation de l’évangile du Christ ». Ils  continuent en disant ; « nous nous engageons donc à poursuivre énergiquement la proclamation de l’Évangile à l’Afrique, car la vie dans le Christ est un facteur premier et principal du développement »[91].

Cette mission d’évangélisation concerne tout le peuple de Dieu. La nécessité pour les fidèles de partager une telle responsabilité n’est pas seulement une question d’efficacité apostolique, mais c’est un devoir et un droit fondés sur la dignité conférée par le Baptême. C’est pour cela que nous pouvons dire  que tous les laïcs sont missionnaires en vertu de leur baptême. Comme membres du corps du Christ vivant, auquel ils ont été incorporés et configurés par le baptême ainsi que par la confirmation et l’Eucharistie, tous les fidèles sont obligés de coopérer à l’expansion et au développement de son Corps, pour l’amener le plus vite possible à sa plénitude[92].  C’est pour cette raison que le Pape Jean Paul II, va insister en disant que « donc, tous ont besoin d’être préparés, motivés et renforcés pour l’évangélisation, cette formation  inclut les évêques, les prêtres, les membres des instituts de vie consacrée, des Sociétés de vie apostolique et des Instituts séculiers, et tous les fidèles laïcs » (EA, n° 75).

La mission est à la fois unique et plurielle. A l’intérieur de l’unique mission de l’Eglise, les différences dans les activités ne naissent pas de raisons intrinsèques à la mission elle-même  mais des circonstances diverses dans lesquelles elle s’exerce. En considérant le monde d’aujourd’hui, du point de vue de l’évangélisation, le Pape  Jean Paul II décrit trois situations : la situation pastorale pour les communautés chrétiennes bien constituées, la situation de nouvelle évangélisation lorsque des populations évangélisées autrefois ont besoin d’être réveillées dans leur foi, et les situations de mission ad gentes où il s’agit d’annoncer l’Evangile à des peuples, des groupes humains situés dans des contextes socio-culturels où le Christ et son Évangile ne sont pas connus, ou dans lesquels il n’y a pas de communautés chrétiennes assez mûres pour pouvoir incarner la foi dans leur milieu et l’annoncer à d’autres groupes ( RM, n° 33).

            Le Pape Jean Paul II souligne que la mission du Christ confiée à l'Église est encore très loin d'être achevée. Il  affirme  que: « Un regard d'ensemble porté sur l‘humanité montre que cette mission en est encore à ses débuts et que nous devons nous engager de toutes nos forces à son service » (RM, n°1).

De tout ceci, il ressort clairement que l’évangélisation est la vocation propre de  l'Église. Et cette mission de l'Église  embrasse tous les champs de la vie de chacun et de chacune. Cette mission ne s'arrête pas seulement au niveau spirituel, mais elle prend en considération, la vie sociale, politique et économique du peuple. « Malheur à moi si je n’annonce pas l’évangile », s’écriait saint Paul (1Co 9,16). Telle est bien, aujourd’hui encore, la mission de l’église en général.
  
3.2.  Pourquoi la  réconciliation doit être considérée comme la mission urgente  pour l'Église en Afrique aujourd'hui ?
Il nous faut préciser que chaque œuvre d’évangélisation  naît comme une réponse à un besoin de l’évangile, besoin qu’un groupe humain ressent, expérimente et exprime. Ce besoin doit être perçu par et dans l’église qui alors, comme assemblée, discerne et trouve des moyens appropriés pour y répondre[93]. Chaque communauté ou église particulière a ses propres besoins selon son histoire et sa géographie. Les besoins peuvent se ressembler, mais ils vont se poser différemment, et les solutions  vont aussi différer selon les lieux et les situations. La deuxième Assemblée spéciale pour l'Afrique du Synode des Évêques s'est tenue à Rome du 5 au 26 octobre 2009 sur le thème: «  L'Église en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix: 'Vous êtes le sel de la terre... Vous êtes la lumière du monde' (Mt 5,13.14) ».  Le choix du thème était dicté par la situation qui est caractérisé par un climat général de guerres, de conflits armés, d'affrontements meurtriers, de massacres, voire de génocides et autres crimes contre l'humanité[94].
Les événements des dernières années ont montré que, en Afrique, les personnes  blessées sont fort nombreuses : blessées par la politique, l’économie, l’exploitation, l’intolérance religieuse, la concurrence malsaine et parfois violente, la discrimination, le manque de dirigeants, l’ethnicité, la guerre etc.  Et le prix du conflit est énorme: nous pouvons penser à la destruction des infrastructures sociales et économiques, à la perte de vies humaines, aux personnes déplacées et aux réfugiés, aux orphelins, les expériences traumatisantes, la douleur et le chagrin, les effets psychologiques, l’animosité ancrée, les peurs, etc. La réconciliation devient alors un impératif pour toute société africaine affligée[95].
Comme le confirme le professeur Ntumba, nous craignons que cette situation n'engendre une cascade d'actes de vengeance et de violence généralisée, capables de détruire  le continent. Cette nouvelle réalité exigeait un examen approprié, en vue d'un effort renouvelé d'évangélisation exigeant un approfondissement de quelques thèmes spécifiques importants pour le présent et l'avenir de l'Église catholique sur le grand continent[96].
 Le Pape Benoit XVI confirme  que la tâche de l’Église en Afrique  est celle de s’engager dans l’évangélisation, dans la mission ad gentes, ainsi que dans la nouvelle évangélisation, afin que la physionomie du continent africain se modèle toujours plus sur l’enseignement toujours actuel du Christ, vraie « lumière du monde » et authentique « sel de la terre »[97]. Et puis, dans (AM, n°169),  il explique que la nouvelle évangélisation suppose la réconciliation des chrétiens avec Dieu et avec eux-mêmes. Cette nouvelle évangélisation exige la réconciliation avec le prochain, le dépassement des barrières de toutes sortes comme celles provenant de la langue, de la culture et de la race. Nous sommes tous fils d’un seul Dieu et Père « qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 45). Le même Pape confirme que  la nouvelle évangélisation est une tâche urgente pour les chrétiens en Afrique (AM, n° 171).
            Ensuite, le Pape continue en disant que « le visage de l’évangélisation prend aujourd’hui le nom de réconciliation, condition indispensable pour instaurer en Afrique des rapports de justice entre les hommes et pour construire une paix équitable et durable dans le respect de chaque individu et de tous les peuples ; une paix qui […] s’ouvre à l’apport de toutes les personnes de bonne volonté au-delà des appartenances religieuses, ethniques, linguistiques, culturelles et sociales respectives » (AM, n° 174).
            Les Pères synodaux ont aussi souligné que l’évangélisation « consiste essentiellement à rendre témoignage au Christ dans la puissance de l’Esprit par la vie, puis par la parole, dans un esprit d’ouverture aux autres, de respect et de dialogue avec eux, en s’en tenant aux valeurs de l’Évangile »( AM, n° 163). Pour ce qui est de l’Église en Afrique, ce témoignage doit être au service de la réconciliation, de la justice et de la paix.
 Enfin le Pape dit que  l’œuvre urgente de l’évangélisation se réalise de manières différentes, selon la diversité des situations de chaque pays (AM, n° 160).  Alors  la situation de l’Afrique,  qui se caractérise par les conflits et divisions,  nous a incités à repenser ce à quoi Dieu nous appelle aujourd'hui dans la mission. Nous rappelant que la réconciliation que nous avons reçue en Jésus Christ, et qui est signifiée dans la communauté chrétienne, nous a été confiée pour que, ambassadeurs du Christ (cf. 2 Co 5,18-20), nous en fassions profiter le monde, nous en sommes arrivés à considérer la mission comme œuvre de réconciliation[98]. Cette tâche de la réconciliation donne à l’Église la possibilité de construire et de penser une nouvelle société.
3.3.  Les moyens dont  l’Église peut se servir pour la promotion de la réconciliation sociale.
D’abord, l’Église doit encourager la lecture et la méditation personnelle de la Parole de Dieu. La lecture et la méditation de la Parole de Dieu nous donnent non seulement « la science éminente de Jésus-Christ » (Ph 3, 8), mais encore  elles nous enracinent plus profondément dans le Christ et orientent notre service de la réconciliation, de la justice et de la paix (AM, n°150). Cette Parole de Dieu  peut aider à la connaissance de Jésus Christ et opérer les conversions qui aboutissent à la réconciliation, puisqu’elle passe au crible « les sentiments et les pensées du cœur » (Hb 4, 12) (AM, n° I51).
 Puis, pour bâtir une société réconciliée, juste et pacifique, le moyen le plus efficace est une vie d’intime communion avec Dieu et avec les autres vécue pendant la célébration Eucharistique. Le Pape Benoit XVI insiste sur le fait  que la célébration Eucharistique réunit; autour de la table du Seigneur,  des hommes et des femmes d’origines, de cultures, de races, de langues, et d’ethnies différentes. Et que grâce au Corps et au Sang du Christ,  ils forment une seule et même unité et ainsi  ils deviennent consanguins, et donc authentiquement frères et sœurs, grâce à la Parole, au Corps et au Sang de Jésus-Christ lui-même. Ce lien de fraternité est plus fort que celui de nos familles humaines, celui de nos tribus (AM, n° 152).            
Ensuite, nous avons le sacrement de la réconciliation et de la  pénitence comme un autre moyen. Ce Sacrement renoue les liens rompus entre la personne humaine et Dieu, et restaure les liens dans la société. Il éduque aussi nos cœurs et nos esprits pour que nous apprenions à vivre « en esprit d’union, dans la compassion, l’amour fraternel, la miséricorde, l’esprit d’humilité » (1 P 3, 8) (AM, n° 155). Le Pape confirme que célébré dans la foi, ce Sacrement est suffisant pour nous réconcilier avec Dieu et avec le prochain. C’est en définitif Dieu qui, en son Fils, nous réconcilie avec Lui et avec les autres (AM, n° 33).
Puis, la collaboration œcuménique comme un autre moyen. La coopération avec les frères des églises qui croient en Dieu Trinitaire aide à promouvoir la justice, la réconciliation, à construire la paix,  et amène à la réalisation de développement des peuples. Cette coopération doit concerner d’abord les activités qui touchent à la défense de la dignité et des droits fondamentaux de la personne humaine, et en particulier le droit à la liberté religieuse ; d’où l’effort commun pour lutter contre les discriminations, qu’il s’agisse de religion, de race, de couleur, de culture etc. Dans le même esprit, il faut aussi favoriser le dialogue avec  ceux qui ne reconnaissent pas l’Auteur du monde ;  il faut les accepter et chercher  sincèrement avec eux  les moyens honnêtes qui amènent à la justice, la paix et réconciliation.  Et voila, le chemin vers la réconciliation doit passer d’abord par la communion des disciples du Christ (AM, n°89-92).
Après, nous avons l'inculturation de l’évangile et l’évangélisation de la culture comme un autre moyen. L'évangélisation doit être un processus par lequel la vie et le message chrétiens sont assimilés par une culture. L’évangélisation ne doit pas être faite d’une façon décorative ou superficielle mais plutôt de manière vitale et profonde qui va jusqu’ à la racine  de la culture donnée pour réaliser une vraie conversion (EN, n° 36°). Avec l’apport de l’inculturation, l’Église peut même encourager et organiser des formes non sacramentelles de la réconciliation, pour les utiliser comme moyen à la préparation des fidèles à une réception fructueuse du sacrement de la réconciliation et pénitence  (AM, n° 156).
Enfin, chaque Évêque doit inscrire en priorité dans le programme diocésain les problèmes de réconciliation, de justice et de paix à tous les niveaux, il doit instituer la commission justice et paix. Nous devrons continuer à œuvrer pour la formation des consciences et la conversion des cœurs, par une catéchèse efficace à tous les niveaux. Cette catéchèse doit dépasser le niveau du « simple catéchisme » pour enfants et catéchumènes se préparant aux sacrements. Il s’agit de mettre sur pied des programmes de formation permanente pour tous les fidèles, spécialement ceux qui occupent des postes élevés de responsabilité.  En tant que chefs de l’Église locale, les évêques  ont le devoir de mobiliser tous leurs fidèles et de les amener à s’impliquer, chacun à son niveau, au planning, à l’élaboration et à la mise en œuvre et à l’évaluation des stratégies et des programmes pour la réconciliation, la justice et la paix[99].
3.4.  Le rôle des Instituts missionnaires dans la mission de la réconciliation en Afrique.
Nous avons un bon nombre d’Instituts missionnaires en Afrique, et nous croyons qu’ils ont un rôle important qu’ils peuvent jouer dans la réalisation de la mission de la réconciliation en Afrique parce qu’ils sont souvent très proches  des victimes de l’oppression, de la répression, de la discrimination, des violences et de diverses souffrances. Voila dans cette partie nous allons voir comment ils peuvent donner leur contribution. 

D’abord, il est nécessaire qu’il y ait  un changement de mentalité au niveau des Instituts missionnaires internationaux eux-mêmes. Ce changement porte sur l'idée que les Instituts missionnaires sont étrangers, et ne font donc pas partie de l'Église locale. L'attitude de certains Instituts missionnaires internationaux a également contribué à créer une telle perception : l'idée qu'ils sont venus aider et partiront ensuite, même lorsque la plupart de ces instituts ont un nombre croissant de membres autochtones. Il faut donc faire comprendre à la hiérarchie locale que les Instituts missionnaires, qu'ils soient locaux ou internationaux, font partie de l'Église locale ; leur clergé forme un seul presbyterium avec le clergé diocésain et l'évêque ; leurs religieux ou religieuses et leurs collaborateurs laïcs forment, avec l'ensemble des frères et sœurs baptisés, une seule famille de Dieu. Par conséquent, tout le monde a le droit et le devoir de participer à la mission prophétique de l'Église, en particulier au ministère de la réconciliation[100].

Puis, puisque la plupart de ces instituts missionnaires disposent de l’expérience, des ressources humaines  et matérielles, ils peuvent servir à mettre en  place et  à renforcer des structures ecclésiales en vue de cette mission de la réconciliation. Et parce que la plupart des membres de ces Instituts missionnaires sont les étrangers, ils peuvent facilement créer un environnement favorable d’arbitrage entre les parties en conflits[101].

Ensuite,  pour qu'il y ait une véritable réconciliation, une justice et une paix durables sur le continent africain, il faudrait des personnes compétentes et qualifiées, engagées dans cette cause, et prêtes à "sacrifier leur vie pour leurs frères" (1 Jn, 3,16). Par conséquent, il est nécessaire d'avoir des personnes engagées dans ce ministère à temps plein. Cela exige une formation spécialisée et des personnes ayant une telle expertise. De grandes possibilités s'offrent ainsi aux Instituts missionnaires pour qu'ils complètent et diversifient leur contribution aux Églises locales, et donnent ainsi d'une manière prophétique et radicale un témoignage de la richesse de leur charisme à la fois à l'Église et à la Société[102].

 Enfin, les Instituts missionnaires représentent des personnes qui, provenant de contextes ethniques, culturels et linguistiques très différents, quittent leur pays pour élire leur domicile parmi des personnes de cultures différentes. Elles abritent un large éventail de différences ethniques et culturelles au sein de leurs communautés  qui vivent et travaillent ensemble au service de l’Évangile. Ces communautés ont la possibilité d’offrir un témoignage prophétique clair. Leur présence proclame la vérité de l’évangile selon laquelle Dieu ne favorise personne ; nous sommes tous ses enfants et notre destin commun est de n’être qu’une seule famille en Lui[103].












3.5.  La réconciliation et la justice à l’exemple de Jésus Christ.
Souvent quand nous rencontrons les victimes de graves violations des droits de l’homme, le simple fait de citer le mot réconciliation peut être perçu comme une offense, comme une violence supplémentaire. Nous sommes devant un défi que la mission de la réconciliation nous lance. Ce défi, c’est celle de savoir comment faire pour qu’il y ait la réconciliation et la justice au même temps. Même le Pape Jean Paul II, dans son message pour la Journée mondiale de la paix de l’année 2002,  a confirmé qu’une réconciliation sans justice est une opération qui cause la frustration et laisse un arrière-goût d’inachevé[104].
Parlant de justice, il importe, dès le début, de ne pas se cantonner dans l’abstraction d’un concept. La justice ne se rencontre pas, ce qu’on rencontre ce sont des comportements justes, des rapports humains justes, des structures, législations, administrations justes ou injustes. Le devoir éthique de justice implique toute une série d’interventions techniques pour l’exécuter. La justice ne se réalise qu’à travers toute une série de conditions intermédiaires qui sont autant de moyens (économiques, sociaux, politiques). Cela veut dire que le devoir de justice se pose à la  foi comme  une tâche dans la sphère publique. Mais pour les chrétiens, la justice est avant tout un devoir religieux. Dans cette partie, nous nous proposons d’analyser la spécificité de la justice chrétienne[105].
La justice chrétienne a son fondement dans la justice de Dieu (justice divine). La justice de Dieu coïncide avec sa miséricorde, sa volonté de sauver, de guérir l’homme, de lui donner la vie. Voila, dans ce cas, la justice devient pur amour gratuit, non mérité. A l’injustice de l’homme, Dieu répond avec son amour. Ainsi, la justice chrétienne commence au moment où on dépasse la justice ancienne de l’œil pour œil et dent pour dent. La justice chrétienne est, avant tout, la justice de Dieu que nous recevons, non pas celle que nous méritons. La justice chrétienne n’est donc pas seulement donner à chacun son dû, mais aller bien au-delà. En d’autres termes, elle consiste dans l’amour désintéressé et dans l’amour qui va jusqu’au bout[106].
La justice chrétienne, c’est rompre le cercle infernal où une injustice  justifie une autre. C’est accepter de perdre, de souffrir pour que la justice advienne. La justice chrétienne fait le premier pas, elle n’attend pas les autres. Cette justice est donc plus que se conformer à quelques règles : ne pas voler, ne pas corrompre, ne pas tuer, etc. Elle est une attitude positive, typiquement religieuse, trouvant sa source en Dieu[107].
Dans la situation actuelle de l’Afrique et du monde entier, vivre dans la justice signifie recevoir les coups d’une société injuste. Mais le chrétien est précisément celui qui n’attend pas que les autres soient justes pour pratiquer lui-même la justice. Ce qu’il apprend de Jésus, c’est répondre à  l’injustice par la  justice, même si cela lui coûtera des souffrances.
La justice divine offre à la justice humaine, toujours limitée et imparfaite, l’horizon vers lequel elle doit tendre pour s’accomplir. Elle nous fait prendre conscience en outre, de notre propre indigence, de l’exigence du pardon et de l’amitié de Dieu (AM, n° 25).
Selon le Papa Benoit XVI,  l’amour dépasse les frontières de la justice et la complète dans logique du don et du pardon. L’homme n’est pas uniquement constituée par des rapports de droits et de devoirs, mais plus encore, et d’abord, par des relations de gratuité, de miséricorde et de communion[108].
Selon Mgr Bakole, le seul moyen de sauver notre continent de son marasme, c’est la présence des citoyens qui veulent commencer à aller à contre courant, à briser le cercle infernal dans lequel nous sommes enfermés. Nous devons devenir des hommes et des femmes qui se laissent guérir de leur paralysie par Jésus, et qui se mettent debout pour marcher. Même si la route est longue, même si  nous voyons que rien ne bouge, même si nous nous trouvons embourbés dans une vie de corruption, de débauche, de guère et de conflits, changer est possible, même si les autres ne marchent pas, même s’ils créent des difficultés  ou dressent des obstacles devant le chemin qui amène à  la vraie justice. Tous les Chrétiens africains ont le devoir de témoigner de la justice nouvelle de Jésus, qu’ils soient capables de donner au milieu de la crise une orientation nouvelle dans la société actuelle[109]. Le Pape Paul VI, dans Evangelii Nuntiandi, nous a rappelé que toute action pour la justice commence avec la conversion de nos propres mentalités et habitudes.
Selon Mgr Kataliko, la justice n’est pas seulement un don de Dieu que nous implorons tous les jours avec faveur, ni seulement le fruit de négociations qui se font ailleurs par des grands, sans la participation du peuple, mais qu’elle doit être aussi et surtout, le fruit de notre engagement quotidien autour de valeurs chrétiennes et humaines de la confiance, de la solidarité, du repentir, du pardon, de la réconciliation,  etc.[110].
Nous pouvons terminer cette partie en disant que nous ne pouvons pas avoir un monde juste si l’homme n’accepte pas dans sa vie quotidienne de mourir à soi-même. Mourir à soi-même exige une profonde conversion intérieure, un grand amour envers l’autre, un grand désir de vouloir faire le bien à l’autre et de ne pas rester avec ce qui est mieux pour soi-même. Alors nous pouvons affirmer qu’il n’y a pas de réconciliation qui ne dépasse pas la justice humaine ;  le cas du meurtre en dit long.  Comment faire justice et indemniser un orphelin pour le meurtre de sa mère ou de son père ? En cas de violence extrême, il n’y pas de réconciliation sans un certain degré de gratuité. Et c’est ça que le Pape Benoit XVI confirme  en disant que «  la justice divine  que nous vivons dans les sacrements de la Pénitence et de l’Eucharistie  découle de l’action  gratuite du Christ, qui se donne comme un don pour réconcilier Dieu avec l’humanité. Cette action nous introduit dans une justice où nous recevons bien plus que nous n’étions en droit d’attendre car, dans le Christ, la charité est le résumé de la Loi (cf. Rm 13, 8-10). Par le Christ, unique modèle, le juste est invité à entrer dans l’ordre de l’amour-agapè » (AM, n°25).







3.6.   Le processus  pour réconcilier l’Afrique
 Le Pape Jean Paul II, dans Ecclesia in Africa, compare l'Afrique à l'homme qui, voyageant de Jérusalem à Jéricho, était tombé dans les mains des voleurs qui le dépouillèrent de tous ses biens, le molestèrent et l'abandonnèrent à demi mort sur le chemin (EA, n° 41). La question en ce moment  est donc de savoir qui sont les supposés responsables du pitoyable état des choses en Afrique aujourd'hui. Qu’ont-ils fait exactement ?  Il ne suffit pas de lancer le processus de réconciliation : il faut en maintenir l’élan. Dans le cadre de ce processus, on fait souvent la distinction entre les victimes et les offenseurs. Il est parfois facile de distinguer et d'identifier les deux : c'est  par exemple, le cas fréquent  des victimes d'un viol et de ceux qui le commettent. Mais dans des conflits à plus grande échelle, les victimes peuvent, par la suite, devenir à leur tour des offenseurs et les offenseurs, devenir des victimes. Pour ce fait, classer les gens en catégories bien définies ne mène pas à grand-chose. Si la pratique chrétienne accorde une sollicitude particulière au sort des victimes, la réconciliation et la guérison exigent à la fois la restauration et la guérison de la victime, et le repentir et la transformation de l'offenseur. En conséquence, Il nous faut prêter une attention toute particulière à quatre aspects du processus de réconciliation et de guérison : la vérité, la mémoire, la justice et le pardon[111].
a). L’aspect de la vérité et la reconnaissance des torts.
Jésus a dit à ses disciples : “Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres” (Jn 8, 32). Alors, une véritable réconciliation demande que les gens, individuellement et collectivement, reconnaissent leurs actes et confessent leur rôle dans les questions en cause, dans un esprit d'ouverture, de vérité et d'honnêteté. La réconciliation dans la vie vient par la création d'un espace où le pardon est possible. Et le pardon ne peut être accordé que lorsque la vérité est connue et admise. Pour un chrétien, dire la vérité, ce n’est pas seulement rapporter des faits d’une manière crédible ; c’est aussi y impliquer Dieu, qui est l’auteur de toute vérité (Jn 14,7 ; 17,17). L’Église doit s’efforcer de créer des lieux sûrs  et accueillants où l’on pourra dire et entendre la vérité, où l’on pourra briser le silence, où l’on pourra démonter et dénoncer les mensonges pernicieux. Il est difficile d'établir la vérité, en particulier après des conflits, mais avec la connaissance que Dieu est la source de la vérité nous arrivons à respecter la vérité[112].
b).  L’aspect  d’une honnête révision du passé et d’une de guérison de la mémoire
La mémoire est étroitement liée à la vérité. On se pose la question de savoir comment va-t-on évoquer le souvenir du passé ? Comment va-t-on en parler ? Si elle est authentique, la mémoire devrait permettre d'arriver à la vérité sur le passé. Souvent, il faudra guérir les souvenirs traumatisants d'actes de malfaisance ou d'atrocités avant de pouvoir en faire des éléments constitutifs d'un avenir différent. Guérir les mémoires, cela signifie éliminer la toxicité des souvenirs afin qu’ils  cessent de faire de nous des otages du passé ; et nous sommes alors en mesure de créer un avenir qui exclura la possibilité que se reproduisent de tels actes. La manière dont nous nous souvenons du passé va déterminer non seulement la manière dont nous allons vivre et entretenir les relations les uns avec les autres dans le présent, mais aussi la manière dont nous allons envisager l'avenir. C'est pour cette raison que la mémoire est au cœur du processus de réconciliation et de guérison[113].
Les souvenirs qui ne guérissent pas peuvent empêcher la réconciliation ; dans certains cas, les victimes sont tellement enfoncées dans leurs souvenirs qu'il faut les aider à s'en libérer. Il arrive aussi parfois que des victimes ne veulent pas être guéries, et qu'elles se servent de leurs souvenirs pour bloquer tout progrès. L’Église a un devoir d'accompagner les victimes pour les aider à se libérer de souvenirs traumatisants afin de cheminer vers l’harmonie pour devenir la créature nouvelle dont St. Paul nous parle dans sa deuxième lettre au Corinthiens (2 Co 5,17)[114].
c). L’aspect  de la justice et de la repentance
La justice est une dimension essentielle de l'œuvre de réconciliation. La justice sociale est nécessaire sous toutes ses formes. Mais il faut qu’il y ait d’abord  la justice divine, et  après nous pouvons appliquer d’autres formes de justice pour éviter que la justice puisse devenir la vengeance. Il y a trois formes de justices  qu’il faut nécessairement considérer : d'abord, il y a la justice rétributive. C’est la justice par laquelle les offenseurs  assument les conséquences du mal qu'ils ont fait. Cela est important car cela permet à la fois de reconnaître qu'un mal a été commis et d'affirmer qu'on ne tolérera plus, à l'avenir, de tels méfaits[115].
Ensuite, il y a la justice réparatrice : il s'agit de restituer aux victimes, soit directement, soit sous une forme symbolique, ce qui leur a été indûment enlevé ; il pourra s'agir soit de réparations, soit de compensations. Dans d'autres cas, par exemple lorsque l'offenseur ou la victime est mort, il sera peut-être nécessaire de trouver d'autres moyens d'affirmer la réconciliation ; sous la forme par exemple d'un mémorial public. Nous pensons qu’il ne faut pas accorder l’amnistie aux offenseurs avant de se faire entendre avec les victimes[116].
Et, enfin, il y a la justice structurelle : il s'agit dans ce cas de réformer les institutions de la société pour empêcher qu'injustice puisse être faite à l'avenir. Il est souvent nécessaire d'accorder une attention toute particulière aux dimensions de justice réparatrice et de justice structurelle ; ainsi, pour établir la justice économique, il sera nécessaire de réformer les lois et mécanismes du commerce international.
Par la voix des prophètes d'autrefois, l'Esprit Saint s'est prononcé contre l'injustice ; il a conféré l'onction à Jésus afin qu'il apporte aux opprimés la délivrance (Lc 4,18-19). Aujourd'hui encore, l'Esprit confère des dons de prophétie et de courage aux chrétiens qui s'efforcent, en particulier, de contribuer au processus de justice réparatrice et à l'adoption des réformes qu'exige la justice structurelle. Si l’Église doit témoigner de la justice, elle reconnait que quiconque ose parler aux hommes de la justice doit d’abord être juste à leurs yeux. Il faut donc examiner ici avec soin les procédures, les possessions et le style de vie de l’Église[117].





d).  L’aspect  du pardon
Le pardon est très important dans le processus de la réconciliation, un processus de la réconciliation qui n’amène pas au pardon reste inachevé.  Quand on pardonne, on reconnaît ce qui s'est passé autrefois, mais on s'efforce d'établir une relation différente à l'égard tant de l'offenseur que de l'acte commis. Si nous ne pardonnons pas, nous restons enfermés dans nos relations avec le passé et nous ne pouvons pas avoir un avenir qui soit différent[118].
Le pardon accordé par Dieu est nécessairement associé à celui que nous sommes disposés à accorder aux autres (Mt 6,12 et 14-15). C'est pour cela que les chrétiens disent souvent qu'il nous faut « pardonner et oublier ». Mais ce n'est pas ce que dit la Bible : on ne peut jamais oublier le mal qui a été fait, comme si rien ne s'était passé. Demander cela aux victimes, ça serait les avilir une fois encore. Nous ne pouvons jamais oublier ; par contre, nous pouvons nous souvenir d'une manière différente, d'une manière qui permette que s'établisse une relation différente tant avec le passé qu'avec l'offenseur. C'est à cela que nous sommes appelés en tant que chrétiens.
  Conclusion du troisième chapitre

La réconciliation constitue une caractéristique et un point focal importants de la mission de Dieu et, par conséquent, de la mission de l'Église : « L'Église est envoyée dans le monde pour appeler les hommes et les nations à la repentance, pour leur annoncer le pardon des péchés et une vie renouvelée par Jésus Christ dans leurs relations avec Dieu et leurs prochains. Une caractéristique du monde actuel est la rupture des relations et, dans ce contexte, l'Église, au nom de la totalité de l'ordre créé, est particulièrement appelée à saisir plus en profondeur, dans sa vie et son ministère, le don de la réconciliation de Dieu.


                                               CONCLUSION GÉNÉRALE
 Arrivés à  la fin de notre travail, nous constatons que la réconciliation est un sujet très complexe, de même que les causes des conflits ; qu’il s’agisse de désaccords entre les communautés et dans les communautés. Les luttes intestines peuvent être extrêmement complexes, car elles sont souvent dominées par la question de l’identité, et ont des racines historiques profondes. De par leur nature complexe, ces conflits exigent une réponse tout aussi complexe. Il est essentiel de ne pas parler de la  réconciliation en termes abstraits, et de tenir compte du contexte. Un continent complexe comme l’Afrique ne peut pas se contenter de solutions générales, il faut identifier les diverses blessures et leurs différentes causes, afin d’y trouver des solutions raisonnables et viables. Par ailleurs, notre participation à la question de la réconciliation, comme l’a rappelé le pape Benoît XVI aux participants au Synode, découle de notre foi en Christ Jésus, notre paix et notre réconciliation. Nous ne devons pas perdre de vue ce point qui est le fondement de toutes nos actions et de nos interventions.
On dit souvent que la charité bien ordonnée commence par soi-même. Ainsi, si nous voulons être agents de la réconciliation dans des situations de conflit, il faut que nous croyions que la réconciliation est possible. L’appel et la mission des chrétiens, selon le commandement du  Seigneur, consistent à englober et transformer la vulnérabilité humaine. Cela reste un défi même au sein de l’Église, aux niveaux personnel et collectif. C’est une invitation qui comporte nécessairement la prise en compte, l’accueil et la guérison de la douleur, de la souffrance, des malheurs et des déséquilibres au sein de l’Église. C’est un engagement à réconcilier les tensions existantes dans les histoires, les peurs profondes, les préjugés et les excès d’autorité, les jalousies, la compétition, le nationalisme, le tribalisme, le carriérisme, les perceptions, les mensonges, l’inimitié, la rivalité, les complexes, les médisances et les calomnies, les comportements agressifs actifs ou passifs. Bien que ces tensions puissent être considérées comme des paradoxes et comme un signe de contradiction, elles pourraient être utilisées comme tremplin pour un processus d’apprentissage visant à en faire des témoins authentiques, capables de renforcer leurs confrères et leurs consœurs. C’est pourquoi notre projet de réconciliation doit commencer d’abord à niveau personnel de chaque membre de l’Église. En d’autres termes, il faut que chacun se réconcilie d’abord avec lui-même. Pour exercer cette mission avec intégrité, l'Église doit être une communauté qui vit effectivement l'expérience de la réconciliation et de la guérison en Christ[119].
Comme Paul Ennin le confirme, Il nous semble que si l’Église en Afrique se veut “une communauté de personnes réconciliées... donc un puissant levain de réconciliation dans les différents pays, alors nous avons besoin notamment[120]:
Ø  D’évangéliser à nouveau nos attitudes, surtout notre façon de percevoir le leadership. Nous pensons  que le besoin d’un ‘leadership serviteur’ est probablement le plus grand défi de l’Église en Afrique.

Ø  De revoir notre approche pédagogique: il est dit que Jésus enseignait aux adultes et bénissait les enfants, mais l’Église souvent enseigne aux enfants et bénit les adultes. Le Synode a souligné l’importance d’une éducation et d’une formation pour les adultes.

Ø  D’aller au-delà de la “proclamation” qui fait appel à la conscience individuelle. Assez parlé et publié de documents, il est temps d’agir. L’Église en Afrique doit se préparer à s’occuper des péchés accumulés par le passé, qui continuent d’accabler son peuple. Elle doit s’engager dans la purification de la mémoire collective, en aidant à réparer les relations tendues, à rétablir une communication productive et harmonieuse entre les  différents secteurs de la communauté.

 Nous terminons notre travail en disant qu’être un artisan de la paix et un agent de la réconciliation dans une atmosphère aussi divisée et blessée qui  est la nôtre, c’est une tâche ardue et qui demande beaucoup de temps. Mais Dieu nous accompagne à travers toutes les blessures et la douleur. Dieu nous demande de l’assumer comme une tâche constitutive de notre vocation envers les autres: “Tout cela vient de Dieu qui nous a réconciliés avec lui par le Christ, et qui nous a donnés le ministère de la réconciliation” (2 Cor 5, 18-19).











                                                                           



[1] Deuxième Synode Spécial des Évêques pour l'Afrique, Message final de la IIe Assemblée spéciale du Synode des Évêques pour l’Afrique,  Kinshasa, Médiaspaul,  2010, n°. 4-5.
[2] Deuxième Synode Spécial des Évêques pour l’Afrique, « Les 57 propositions pour l’Afrique » in La Documentation Catholique, n°2434,15 novembre 2009, p. 1035-1055.

[3] JEAN-PAUL II, Message pour la Journée Mondiale de la Paix : « II n’y a pas de paix sans justice, il n’y pas de justice sans pardon » (08.12.2001), 14 : AAS 94(2002) 139.
[4] WALIGGO J., “Making a church that is truly African”, in Inculturation: Its meaning and Urgency, John Waliggo, et al (eds.) Nairobi: St.Paul Publication, 1986, p.24; cité dans Raymond Aina, “The mission of the church in Africa today: Reconciliation?? AFER 50/3-4, 2008? P. 219.

[5] The concise Oxford Dictionary, “reconcile”, Oxford, 2001.
[6] Deuxième Synode Spécial des Evêques pour l’Afrique, Lineamenta,  Vatican, 2006, p. 44.
[7] Deuxième Synode Spécial des Evêques pour l'Afrique, Message final de la IIe Assemblée spéciale du Synode des Evêques pour l’Afrique,  Kinshasa, Médiaspaul,  2010, n°.5.
[8] Caritas Internationalis, Œuvré pour la réconciliation: un manuel Caritas, Vatican City, 1999, sur l’internet : http://www.caritas.org/upload/wkg/wkgreconc.pdf
[9] NTUMBA Valentin, Paul de Tarse, héraut de l’Evangile, Kinshasa, Edicaf, 2011,  p. 183-185.
[10] Le Nouveau  Petit Robert Dictionnaire de langue française, Paris, 1993.
[11] Le Dictionnaire Biblique pour tous,  Paris, Éditions ; L.L.B.,  1957,  p. 478.
[12] DUPOINT Dom  J., La Réconciliation dans la Théologie de Saint Paul,  Paris, Desclée, 1953,  p. 7-10.
[13] Benoit XVI, Zenit.org., Rome, Vendredi 20 mars 2009.
[14] COE- Conférence mondiale sur la mission et l’évangélisation, Viens, Esprit Saint - guéris et réconcilie, Athènes,  2005, sur l’internet : http://www.wcc-coe.org/wcc/what/mission/evlet2f-2005.html.
[15] Ibidem, p. 14
[16] NTUMBA Valentin, Paul de Tarse, héraut de l’Évangile, Kinshasa, Edicaf, 2011, p. 184
[17] DUPOINT Dom J., La Réconciliation dans la Théologie de Saint Paul,  Paris, Desclée, 1953,  p. 6
[18] « Mission de l’Église », in Trimestrielle, n°. 9, Mars, 1991, p. 48.
[19] BUETUBELA Paul, Cours d’initiation au grec du Nouveau Testament. Notes de cours à l’usage des étudiants, Kinshasa, Facultés Catholiques de Kinshasa (Faculté de Théologie), 2009- 2010, p., 12.
[20] Nouveau dictionnaire biblique, sur le mot Église,  1806.
[21] Ibidem, p.1806
[22] Vocabulaire de Théologie Biblique, sur le mot Église, p. 253.
[23] Ibidem. p. 254.
[24] Ibid.
[25] Ibidem., p. 254
[26] La  Bible de Jérusalem, Mt 18, 17.
[27] Les Évêques de France, Catéchisme pour adultes, Paris, 1991, paragr.293, texte sur l’internet : http://catho.org/9.php?d=fi
[28] NAZ (dir), Dictionnaire de Droit Canonique,  Paris, Librairie Letouzey et Ané, 1953, Tome Cinquième,  p. 171.
[29] GAUDEMET Jean, Le droit canonique, Paris, Édition du Cerf, 1989, p. 19-24.
[30] Constitution apostolique « Sacrae Discilinae Leges »,  p. 10-11.
[31] MATENKADI Finifini, Code de Droit Canonique, Kinshasa, Médiaspaul, 2002, p. 3-4.
[32] MATENKADI Finifini, Code de Droit Canonique, Kinshasa, présentation générale et actualité, Médiaspaul, 2002, p. 3-4.
[33] Catéchisme de l’Église catholique (abrégé), p. 49-50.
[34] Ibidem, p. 51.
[35] Ibidem, p. 53.
[36] Concile Vatican II, Constitution dogmatique sur l’Église, « Lumen Gentium » introduction.
[37] Catéchisme de l’Église Catholique, Kinshasa, Médiaspaul, 1994,  p. 165
[38] YOUCAT, Catéchisme de l’Église catholique pour les jeunes,  Paris, 2011, p. 78-79.
[39] YOUCAT, Catéchisme de l’Église Catholique pour les jeunes, Cerf, Paris, 2011, p. 16-17.
[40] BOSCH David J., Dynamique de la mission chrétienne. Histoire et avenir des modèles missionnaires, Lomé-Paris-Genève, Karthala-Haho-Labor et Fides, 1995, p. 21.
[41] Karl Rahner et H. Vorgrimler, Petit dictionnaire de théologie catholique, Editions du Seuil, Paris, 1970, p. 287.
[42] BOSCH David J., Dynamique de la mission chrétienne. Histoire et avenir des modèles missionnaires, Lomé-Paris-Genève, Karthala-Haho-Labor et Fides, 1995, p. 42
       [43] THE FLAMING CENTRE, The Theology of the Christian Mission, Fortress Press, Philadelphia, 1977, p.2     
[44] BOSCH DAVID J., Dynamique  de la mission chrétienne, Histoire et avenir des modèles missionnaires, Lomé-Paris-Genève, Karthala-Haho-Labor et Fides, 1995, p. 525-530.
        [45] PIVOT Maurice, Un Nouveau Souffre Pour La mission, Paris, Atelier, 2000, p. 93.
       [46] MCCABE Michael, « La mission aujourd'hui », in Spiritus , n° 176, septembre 2004, p. 332-343.
       [47] Ibidem.
[48] POUCOUTA P., « Paul et le service de la réconciliation », in Spiritus , n° 196, 2009, p. 294-295.
        [49] NTUMBA Valentin, Paul de Tarse, héraut de l’Evangile, Kinshasa, Edicaf, 2011, p.190191.
[50] VON DER RECKE Marie-Noëlle, « Redécouvrir la théologie de la réconciliation », in Cahiers de la Réconciliation, n° 2, 2009, p. 14.
       [51] Ibid., p. 15
       [52] DUPOINT Dom J., La Réconciliation dans la Théologie de Saint Paul,  Paris, Desclée, 1953,  p. 9-10.
       [53] NTUMBA Valentin, Paul de Tarse, héraut de l’Evangile, Kinshasa, Edicaf, 2011, p. 185- 186.
[54] Ibidem.
[55] VON DER RECKE Marie-Noëlle, « Redécouvrir la théologie de la réconciliation », in Cahiers de la Réconciliation, n° 2, 2009, p.10- 11.
[56] NTUMBA Valentin, Paul de Tarse, héraut de l’Evangile, Kinshasa, Edicaf, 2011, p. 182.
[57] Ibidem, p.182.
[58] Ibidem, p. 182
[59] NTUMBA Valentin, Paul de Tarse héraut de l’Evangile, Kinshasa, Edicaf, 2011, p. 183.
[60] CLEYSSAC Alain, « Ambassadeurs  de la réconciliation », in Cahiers de la Réconciliation, n° 2, 2009, p.35
[61] DOCUMENT DE l’AMECEA, L’Eglise Interpellée, Kinshasa, Editions L’Epiphanie, 1994, p. 14-15.
[62] Ibid., p. 15.
[63] Ibid., p. 15-16.
[64] Version Segond révisée.
[65] NTUMBA Valentin, Paul de Tarse héraut de l’Evangile, Kinshasa, Editions  Edicaf, 2011, p. 181-188.
[66] DUPOINT Dom J., La Réconciliation dans la Théologie de Saint Paul,  Paris, Desclée, 1953, p. 13-18.
[67] NTUMBA Valentin, Paul de Tarse héraut de l’Evangile, Kinshasa, Editions Edicaf, 2011, p. 189.
[68] WALTER Eugène, La Deuxième Epitre aux Corinthiens, Lyon, Editions Xavier Mappus, 1966,  p. 51.
[69] CLEYSSAC Alain, « Ambassadeurs de la réconciliation », in Cahiers de la Réconciliation, n° 2, 2009, p.43.
[70] DUFOUR Léon, Vocabulaire de Théologie Biblique, Paris, Cerf, p. 892.
[71] Ibid., p.892.
[72] NTUMBA Valentin, Paul de Tarse, héraut de l’Evangile, Kinshasa, Edicaf, 2011, p. 188-189.
[73] CANTINAT Jean, Les épitres de saint Paul Expliquées, Paris, Librairie Lecoffre, 1960, p. 92-93.
[74] REFOULE François, Marx et saint Paul, libérer l’homme, Paris, Cerf, 1974, p. 87.
[75] NTUMBA Valentin, Paul de Tarse, héraut de l’Evangile, Kinshasa, Edicaf, 2011, p. 190-192.
[76] DUFOUR Léon, Vocabulaire de Théologie Biblique, Paris, Cerf, p. 893.
[77] NTUMBA Valentin, Paul de Tarse, héraut de l’Evangile, Kinshasa, Edicaf, 2011, p. 193.
[78] Nouveau dictionnaire biblique, Suisse, Editions Emmaüs, 1806, p.642.
[79] Ibidem, p. 642.
[80] Ibidem, p.642.
[81] Ibidem, p. 642.
[82] VON DER RECKE Marie-Noëlle, « Redécouvrir la théologie de la réconciliation », in Cahiers de la Réconciliation, n° 2, 2009, p. 16.
[83] Ibidem, p. 16.
[85] Conseil Pontifical Justice et Paix, La Paix fruit de la Réconciliation, Kinshasa, Paulines, 2002, p.136.
[86] Ibidem, p.136
[87] Conseil Pontifical Justice et Paix, La Paix fruit de la Réconciliation, Kinshasa, Paulines, 2002, p.151.
[88] Ibidem, p. 135.
[89] Ibidem., p. 150.
[90] DEFOUR Léon, Vocabulaire de Théologie Biblique, Paris, Cerf, 1964, p. 893-894.
[91] Message de Pères Synodaux, Afrique, debout, prends ton grabat et marche, Rome, 2009, paragr. 15.
[92]« Mission de l’Eglise »  in Revue Trimestrielle,  n° 97, 1991, p. 64.
[93] Cf. MUBESELA, Notes de Théologie de la spiritualité missionnaire, Institut Saint Eugène de Mazenod, Kinshasa année académique 2009-2010, p. 2.
[94]NTUMBA Valentin, Paul de Tarse, héraut de l’Evangile, Kinshasa, Edicaf, 2011,  p. 194-195.
[95] ENNIN Paul, Le défi prophétique de l’Eglise Africaine, La Diaconie : Les Instituts Missionnaires, Instruments  de Réconciliation, 21 Mai 2010, sur l’internet : conseiller1@smaroma.org
[96] NTUMBA Valentin, Paul de Tarse, héraut de l’Evangile, Kinshasa, Edicaf, 2011,  p. 195.
[97] Ibid., n° 159.
[98] ENNIN PAUL, Le défi prophétique de l’Eglise Africaine, La Diaconie : Les Instituts Missionnaires, Instruments  de Réconciliation, 21 Mai 2010, sur l’internet : conseiller1@smaroma.org
[99]DOCUMENT DU SYNODE DES EVEQUES, « Les 57 propositions pour l’Afrique » in La Documentation Catholique, n°2434,15 novembre 2009, p. 1035-1055.


[100] ENNIN Paul Saa-Dade , Deuxième Synode Spécial des Evêques pour l’Afrique, «le Projet Africain de la Réconciliation » : le rôle des Instituts missionnaires, sur l’internet : conseiller1@smaroma.org
[101] Ibidem.
[102] Ibidem.
[103]ENNIN Paul, Le défi prophétique de l’Église Africaine, La Diaconie : Les Instituts Missionnaires, Instruments  de Réconciliation, 21 Mai 2010, sur l’internet : conseiller1@smaroma.org

[104] Pape Jean Paul II, Message pour la Journée mondiale de la paix, 2002, Texte sur http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/message/peace/document/hf_jp-ii_world-day-for-peace_fr.html
[105] BAKOLE ILUNGA, « Justice dans la vie du chrétien », in Semaines théologiques de Kinshasa, Actes de la treizième semaine théologique de Kinshasa, 1981,  p. 103.
[106] Ibidem, p. 106.
 [107] Ibidem, p. 106.
[108] Benoit XVI, lettre encyclique Caritas in veritate, 2009, n°6, texte sur l’internet : http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/encyclicals/documents/hf_ben-xvi_enc_20090629_caritas-in-veritate_fr.html
[109] BAKOLE ILUNGA, « Justice Chrétienne et Promotion Humaine », in Semaines théologiques de Kinshasa, Actes de la treizième semaine théologique de Kinshasa, 1981,  p. 116.
[110] KATALIKO, « Sois fort et prend courage, espère le seigneur », Message aux fideles de Bukavu et hommes de bonne volonté (5 /12/1998), in Renaitre, n°24 (déc. 1998),  p.10.

[111]COE- Conférence mondiale sur la mission et l’évangélisation, Viens, Esprit Saint - guéris et réconcilie,  Athènes, 9-16 Mai 2005, sur l’internet : http://www.wcc-coe.org/wcc/what/mission/evlet2f-2005.html.
[112]COE- Conférence mondiale sur la mission et l’évangélisation, Viens, Esprit Saint - guéris et réconcilie,  Athènes, 9-16 Mai 2005, sur l’internet : http://www.wcc-coe.org/wcc/what/mission/evlet2f-2005.html.
 [113] Ibidem.
 [114] ENNIN Paul Saa-Dade , Deuxième Synode Spécial des Évêques pour l’Afrique, «le Projet Africain de la Réconciliation » : le rôle des Instituts missionnaires, sur l’internet : conseiller1@smaroma.org
[115] COE- Conférence mondiale sur la mission et l’évangélisation, Viens, Esprit Saint - guéris et réconcilie, Athènes,  2005, sur l’internet : http://www.wcc-coe.org/wcc/what/mission/evlet2f-2005.html.
[116] Ibidem.
[117] Synode des Évêques, La justice dans le monde, Montréal, Éditions fides, 1971, p. 17.
[118] COE- Conférence mondiale sur la mission et l’évangélisation, Viens, Esprit Saint - guéris et réconcilie, Athènes, 9-16 Mai 2005, sur l’internet : http://www.wcc-coe.org/wcc/what/mission/evlet2f-2005.html.



[119] ENNIN PAUL, Le défi prophétique de l’Église Africaine, La Diaconie : Les Instituts Missionnaires, Instruments  de Réconciliation, 21 Mai 2010, sur l’internet : conseiller1@smaroma.org
[120] Ibidem.

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