Les
conditions dans lesquelles vivent les femmes dans le monde ont toujours été
préoccupantes. Malgré leur rôle essentiel dans la famille et la société toute
entière, elles sont victimes des inégalités, des injustices et des violences
qui portent atteinte à leur identité profonde et qui réduisent leur dignité à
sa plus simple expression. Aussi, faut-il connaître avec Porcile Santiso qu’un
regard objectif sur l’histoire de l’humanité oblige à constater que la femme a
été généralement considérée comme inférieure, soumise à l’homme et utilisée
pour lui, surtout ou uniquement, pour la procréation et les travaux ménagers[1].
Les
biblistes du XXe siècle ont vu en la Bible, dans la société occidentale, une
source majeure et une légitimation de l’oppression des femmes dans la famille,
la société et l’Eglise.[2]
Elles remarquent que l’ehos chrétien est totalement andocentrique(
c’est-à-dire centré sur le mâle), patriarcal(c’est-à-dire dominé par le mâle)
et sexiste( c’est-à-dire discriminatoire et oppresseur à l’égard des femmes).
La réaction des femmes chrétiennes en général et les biblistes en particulier,
ayant constaté le rôle de la Bible dans l’oppression des femmes, a été de refuser que la Bible serait elle-même à la blâmer. Si
la Bible est Parole de Dieu, elle ne peut être nuisible à aucune des créatures
de Dieu. La faute doit revenir à une mauvaise interprétation du texte.[3]
Force
est de remarquer que cette discrimination a été entretenue par à peu près
toutes les cultures et à toutes les époques de l’histoire. Les pères synodaux
de 1994 attribuent la condition d’infériorité de la femme en Afrique à la
tradition africaine non encore été complètement transformée par l’Evangile.
Pendant
que certaines femmes éclairées poursuivent la lutte pour défendre la dignité de
la femme, « avec l’espoir qu’elle sera pleinement reconnue »[4]
un jour, nombreuses sont les femmes dans
le monde, particulièrement en Afrique et plus précisément dans les pays en guerre, tel la République
Démocratique du Congo, qui subissent des violences ignominieuses et
« innommables ». Madame Marie Madeleine KALA, dans la préface de
l’ouvrage de la sœur Josée NGALULA, Dieu
dénonce et condamne les violences faites aux femmes, parle des formes des
violences plus atroces et plus spectaculaires, telles que les violences
sexuelles, déportations et esclavages sexuels, éventrement, mariages forcés,
mutilations, etc., crimes abominables, car laissant des traces indélébiles et
ruinant la vie.
En
laissant parler le témoignage de cette femme nommée Destinée, victime des ces
genres de violences, nous pouvons nous rendre compte de la gravité de la
situation que traversent les femmes dans le monde. La sensibilité de ce message
a obligé sa lectrice à tourner le dos contre ses auditeurs :
« J’ai laissé mon histoire à la génération future, je
voudrais qu’un jour les femmes se souviennent de mon courage et qu’elles
luttent pour que ce que j’ai vécu, aucune autre femme au monde ne puisse le vivre. « Maman
Destinée. »
C’était un samedi matin, je me suis réveillée comme à
la normale. Je suis allée prendre du bois derrière la maison et de là, j’ai
entendu une voix en swahili qui m’a interpellée en disant " Femme !
Arrêtes- toi" je me suis arrêtée et j’ai vu un groupe de soldats habillés
en tenue de combat, ils étaient plus d’une dizaine, ils ont commencé à avancer
vers moi, j’ai commencé à trembler car au fond de moi, je me suis dit
« Voilà aujourd’hui c’est mon tour. ». Saisi de peur, mon corps
devenait lourd comme une pierre. Ils m’ont demandé qui étaient dans la maison,
j’ai répondu que toute ma famille était à l’intérieur de la maison. Celui qui
avait l’air d’être le commandant m’a demandé d’aller avec eux à l’intérieur de
la maison, et là, mon mari, mon beau-père, mon fils et mes deux filles s’y
trouvaient. Ils m’ont ordonné de me coucher par terre et exigé que mon fils me
fasse l’amour, sinon j’allais être tuée. Mon beau-père, surpris et choqué par
cette parole barbare, répondit Non, et on lui répliqua par un coup de crosse de
fusil à la tête. Après, on l’obligea à son tour à coucher avec ma fille aînée
bien aimée, il répliqua forcément Non ! Et il a été abattu sur le
champ ! A mon mari, il fut ordonné de coucher avec ma fille et il refusa,
mon fils qui refusa aussi de coucher avec moi fut mis au coin du mur, alors
leur commandant ordonna à tous les autres militaires de se mettre en file, mon
mari fut couché par terre pour servir de matelas. Les 15 militaires passèrent
sur moi à tour de rôle et je fus laissée pour morte une fois cette horreur
terminée. A la fin, mon mari et mon fils furent tués l’un après l’autre et mes
filles furent violées à leur tour.
Faible à mourir, le commandant ordonna que je sois
transportée et partir avec eux. Nous sommes alors partis très loin dans la
forêt où, j’ai servi de femme esclave et de bonne à tout faire. Après un temps
que je peux imaginer de 2 à 3 mois, j’ai réussi à m’enfuir avec un tissu en
pagne pour cacher ma nudité qui ne me servait plus à rien car toute ma dignité
de femme était déjà finie. Je me suis retrouvée dans un petit village près de
l’Ituri après avoir bravé pluie, soleil, froid, serpents, moustiques, maux de
têtes etc.… Je me suis retrouvée à Kinshasa où quelques jours après j’ai été
prise en charge par l’hôpital général de Kinshasa. » Cette femme mourra
sur son lit d’opération.[5]
Les violences faites aux femmes
n’ont pas commencé aujourd’hui. Elles sont vielles que le monde. La Bible en
fait largement mention. La sœur Josée NGALULA, dans le livre sus-cité, fait
découvrir au lecteur les violences faites aux femmes dans la Bible ainsi que
les pistes chrétiennes pour lutter contre ces violences.[6] Elle insiste sur l’attitude de Dieu face aux
violences : Il dénonce la violence et exige son arrêt.[7]
Lorsqu’on examine la plupart de ces
violences, anciennes comme actuelles, l’on remarque que presque tout se joue
sur le corps de la femme. Sa beauté et sa virginité sont mises en jeu ou alors
en épreuve. Or, l’on sait que ce qui est commun à toutes les femmes c’est le
corps. C’est à travers celui-ci qu’elles s’expriment, c’est là, comme le dit Porcile
Santiso:
« la première identité de l’être de l’être féminin ; une corporéité féminine
qui implique une façon d’être dans le monde, de se situer (de là le terme de
« situation »), qui suppose une façon d’être et de se définir. »[8]
Certes, le corps exprime la personne. Il n’est pas seulement un objet de ce
monde mais fondamentalement, quelqu’un,
la manifestation, le langage d’une personne.[9]
[1]
SANTISO P., La femme, espace de
salut, Paris, Cerf, 1999, p. 27.
[2]
SANDRA M., Le
texte de la rencontre. Lectio Divina
161, Paris, cerf, 1995, p. 228.
[3]
Cf. Ibidem, p. 229.
[6] NGALULA J., Dieu dénonce et condamne les violences faites aux femmes, p. 6.
[7]
Ibidem, p. 9.
[8]
SANTISO P., Op. cit., p.
113-114.
[9]
CLEMENT O., Corps de mort et de gloire.
Petite introduction à une théopoétique du corps, Paris, Desclée de Brouwer, 1995, p. 10.
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