Le/la missionnaire et la
mission prophétique aujourd’hui
Point de vue d’un laïc
Thierry
Nlandu Mayamba
Professeur
à la Faculté
des Lettres
Université
de Kinshasa
A mon frère et à ma sœur en
Christ,
Tout
en te remerciant pour le choix que tu as porté sur ma personne, Je dois avouer
mon embarras depuis le moment que j’ai commencé à penser à ce que je dois te
dire sur la mission. En effet, comment moi, pauvre laïc, qui ne suis pas
théologien pourrais m’adresser à mon frère et à ma soeur missionnaires à qui le
Seigneur a confié la lourde charge de garder le puit de Jacob ? Pourquoi
mon frère dans la mission veut-il revisiter son être en mission en m’utilisant,
moi, comme miroir ? Ma sœur a-t-elle asséché le puit au point ou son fonds
boueux ne renvoie plus qu’une image torturée de son visage de
missionnaire ? As-tu finalement réalisé que les rencontres autour du puit
de Jacob ne troublent plus au point de nous faire abandonner nos cruches pour
courir annoncer au monde la bonne nouvelle ? Te rends-tu compte que tu
rentres du puits avec une encombrante cruche qui te rend esclaves de ton
train-train quotidien au point de te transformer en fonctionnaire de la mission
et non en missionnaire, véhicule d’une mission prophétique ?
Fort
de ce qui précède, je me suis résolu à faire comme le Christ avec la
samaritaine au puit de Jacob. Je voudrais te parler du fonds de mon cœur afin
de créer d’entrée de jeu une atmosphère propice qui te permettra à toi et à moi
de retrouver, ensemble notre dignité. Car chrétien catholique comme toi, je ne
suis rien d’autre qu’un missionnaire, un évangélisateur.
Et
comme pour toi, ce moment de dialogue est une exigence de témoignage d’un amour
fraternel qui ne peut s’accommoder de l’artificiel. Mais, comme toi, je ne peux
pleinement remplir cette mission qui est, avant toute chose, dialogue, que si
je revisite le puit afin d’approfondir ma foi et de renforcer mon lien avec ce
lieu privilégié de la rencontre et avec la parole qui trouble et transforme.
Mais
dans cette démarche critique, je voudrais que tu comprennes que mon intention
n’est nullement celle de te culpabiliser. Je ne serai pas celui qui te
condamnera car je n’en ai pas reçu la mission. Je ne te jetterai pas non plus
la première pierre. Mais si tu acceptes, je viendrais avec toi, pour
qu’ensemble on ne p^èche plus et que Dieu trouve la place qui lui revient dans
la mission.
Aussi, dans
un premier temps, je te propose de revisiter le puits avec moi afin que tu te
rendes compte combien ta mission a cessé d’être témoignage d’un amour
fraternel. Refaisons ensemble le chemin vers le puit afin que tu puisses
réaliser qu’au fil des années, ta mission a cessé de garder son exigence de
quitter ton milieu d’aisance, tes quatre murs d’un couvent reposant ou encore
d’un centre de formation paisible pour te rendre en Samarie, en plein désert,
juste en face de la première rue en traversant le boulevard.
En
effet, peux-tu imaginer la présence d’un missionnaire de Scheut de l’autre côté
du boulevard, partageant les conditions de vie de ces familles sous des huttes
en carton. Il est évident que pareille présence troublera et interpellera nos
responsables politiques qui depuis les indépendances ne se lassent pas de noyer
leurs frères et sœurs dans la misère. Une telle présence est mission parce que
partage de l’expérience du Christ qui est résolument prendre partis pour la
samaritaine, cette femme à qui un homme n’adresse pas la parole sur la place
publique.
Une
telle présence missionnaire est témoignage d’un amour fraternel parce qu’elle
ne fait aucune distinction entre les humains, les hommes et femmes ainsi que
les enfants qui bravent les intempéries de l’autre côté du boulevard. Tous
seraient, par cette présence, l’objet de l’amour universel et fraternel à
l’image de celui que le Christ offre à la samaritaine.
Pareil
amour ne peut être que la conséquence d’une charité différente de celle
artificielle, improvisée et préfabriquée qui anime souvent tes œuvres
caritatives et la mission de nos jours. C’est sans doute ce qui explique ta
présence absence de l’autre côté du boulevard où tu arriveras certainement sans
fatigue ni soif. C’est ce qui explique que tu ne comprennes pas que
l’atmosphère propice à la mission est celle qui fait du missionnaire le premier
à quémander de l’eau de la part d’un humain à qui des préjugés ont fait croire
qu’il est sous homme ou sous femme.
En
effet, c’est seulement lorsque tu seras fatigués par les embouteillages qui,
chaque soir t’empêchent de rencontrer l’autre du côté du boulevard ;
lorsque tu seras assoiffés de justice pour tes frères et sœurs de la périphérie
du boulevard que tu quitteras tes appartements aux matelas doux et ton
réfectoire aux odeurs agréables pour entrer dans ce trou Samarie de l’autre
côté du boulevard.
Dans
ce lieu hostile, tu ne te précipiteras pas, à donner ni à offrir tes services,
expressions de ton engouement pour des œuvres caritatives humanitaires sans
justice qui t’accorde l’illusion d’être le moteur de la mission. Ici, au site,
tu ne donneras pas en premier lieu. Tu seras plutôt celui qui demandera service
à l’autre pour, comme le Christ, rendre à la samaritaine du site sa dignité
d’humain.
Etrange !
Je ne sais pas si tu le réalises avec moi. Il me semble soudain que ce qui
d’emblée fascine dans la mission n’est autre que la qualité de la demande
inattendue, mais authentique du missionnaire, du témoin et non sa capacité à
répondre, dans la précipitation et sans doute arrogance et calculs aux
préoccupations quotidiennes de la samaritaine.
La
scène du taudis de l’autre côté du boulevard bouleverse au point que ta mission
doit aller au-delà du domaine de la théorie pour s’incarner dans le contexte
sociopolitique et aider ainsi à mettre fin au drame qui se joue de l’autre côté
du boulevard. N’as-tu pas, dans le site du boulevard, une chance de construire
un être en mission animateur et animatrice d’une mission libératrice en partant
du message joyeux et libérateur de Jésus ?
Il
n’y a pas de doute, le site du boulevard est un terrain privilégié d’action
concrète pour faire connaître Jésus Christ aux sans voix. Le site du boulevard
interpelle. Il serait maladroit de ta part, missionnaire d’en face, de t’y
rendre pour y prêcher le renoncement et l’ascèse économique où le partage des
responsables politiques si tu ne te remets pas radicalement en question.
En
effet, sur le site du boulevard, tu devras cesser de croire que la mission peut
continuer à prêcher l’Evangile comme un calmant social dont les pilules
seraient les œuvres caritatives financées par un système d’exploitation de
l’humain qui, à l’intérieur comme à l’extérieur de notre pays, réduit des
milliers d’être à la misère.
Sur
ce site, avant toute chose, tu devras être patient, car le processus sera long
qui te conduira à découvrir ce que tu penses être à même d’enrichir le samaritain
ignorant et la samaritaine simple, occupée aux tâches de la maman
« bipupula » et dont la vie conjugale se déroule dans une promiscuité
dont tu ne connaîtras jamais les souffrances.
Pour
entrer dans ce long et complexe processus missionnaire de libération qui libère
de la servitude et des pressions sociales, morales, culturelles et même
religieuses présentes dans les havres de paix que sont tes couvents et autres
maisons de formation, il te faut réaliser que « l’eau vive qui, pour
toujours étanche la soif » est offerte, de manière préférentielle, aux
hommes, femmes et enfants du site du boulevard.
C’est
seulement lorsque tu seras l’un d’eux que tu pourras, à ton tour, abandonner ta
cruche, ta jeep 4X4, ta sieste, tes privilèges pour courir à travers cette
ville annoncer la nouvelle qui t’a séduite et a fait de toi ce disciple du
Christ qui accepte simplement de raconter courageusement, à qui veut
t’entendre, l’expérience que tu vis de l’autre côté du boulevard pour que ceux
du site vivent en abondance et décemment.
Mais
malheureusement, j’ai comme l’impression que tu n’es plus capable de vivre
cette conversion comme un besoin. J’espère que je me trompe ; mais tu me
donnes constamment l’impression que tu vis ta conversion au quotidien comme
fruit de ta réflexion ou encore d’une option réfléchie.
Tu
n’es plus cet homme et encore moins cette femme qui a été séduit et séduite,
troublé et troublée et qui, ce jour, a fait face à quelque chose qui t’a
dépassé au point de te faire oublier la cruche. Aujourd’hui, tu gardes ta
cruche et par conséquent tu deviens incapable de venir vers moi, ton frère et
ta soeur pour susciter, en moi, l’intérêt pour le Christ.
Triste
histoire que ton histoire de missionnaire qui, chaque jour qui passe, donne
l’impression d’oublier la caractéristique la plus simple et la plus essentielle
de la mission qu’est le partage de l’expérience chrétienne qui fait que la
mission soit mission.
Triste
histoire que ton histoire de missionnaire, qui par ton ordination pense être
tombé dans la marmite de la potion magique qui te donne la force d’évangéliser
éternellement les autres sans te laisser quotidiennement évangélisé par
l’autre.
Et
dans le cas d’espèce, quelle expérience partages-tu avec les habitants du site,
toi
qui
vit à l’abri des pluies torrentielles et autres intempéries ? Quelle
vérité peux-tu communiquer sur la vie de ton frère et de ta sœur du site ?
De quelle solidarité peux-tu faire preuve
dans la lutte pour la justice, toi qui semble déborder par ton combat pour la
survie contre ton confrère ou ton supérieur missionnaire blanc ou noir ou
encore ta sœur ou ta supérieure missionnaire blanche ou noire ?
Plus
je te côtoie, plus je découvre que ta mission n’est que combat égoïste contre
la pauvreté avec comme support le rejet de l’obéissance. Je comprends alors que
tu ne puisses pas traverser le boulevard, car seuls les missionnaires qui, au
nom de l’Evangile, agissent dans l’obéissance, peuvent être des signes pour les
démunis, les va-nu-pieds du site du boulevard.
Ta vie dans la désobéissance perpétuelle ne pourra jamais se transformer
en protestation contre tout système qui écrase les petits.
Merci,
mon frère qui, aujourd’hui, me permet de réaliser la portée profonde de ton
obéissance de missionnaire. C’est sans doute pour cela, qu’à travers toi, je
comprends chaque jour davantage pourquoi la mémoire de Jésus devient subversive
et porteuse de salut. Je réalise pourquoi mon frère à la barbiche de chèvre et
ma sœur, femme africaine et religieuse portant deux pagnes cultivent cette
obéissance, seule force qui permet de prendre des risques pour les autres en
toute quiétude et surtout à la suite de Jésus.
Mon
frère et ma sœur,
Je
viens de comprendre à 2 heures trente du matin, en pleine rédaction de ce texte
ton refus d’homme et de femme d’être une église, ou mieux des missionnaires au
milieu d’un village imaginaire qui n’est que celui des missionnaires qui ont
peur d’accepter que la mémoire du Christ missionnaire sauveur n’est rien
d’autre que subversion.
Ma
sœur missionnaire,
Ton
frère laïc, culturellement pas toujours porté à l’obéissance dans mon foyer,
réalise maintenant que l’obéissance a quelque chose de magique qui saisit,
séduit et fascine au point de contraindre le missionnaire à ne pas accepter de
ne pas prendre parti.
Par
ton obéissance, la mission devient un refus du juste milieu. Ou le missionnaire
et la missionnaire sont contre le Christ ou ils sont avec lui. Aussi,
résolument avec lui, la vie de missionnaire est constante volonté de prendre
parti pour les pauvres, les persécutés et de refuser de vivre dans l’illusion
d’innocence en restant de l’autre côté du boulevard.
C’est
en définitive cette pratique de l’obéissance qui t’ôtera cet orgueil et cette
arrogance missionnaire qui te font croire, à bord de ta jeep 4X4 immaculée, que
tu es le « chauffeur » de la mission alors que tu n’en es que le boy
chauffeur, livreur de pains que tu n’as pas multipliés.
C’est
cette obéissance qui donne fière allure au missionnaire sur le site du
boulevard, au puit de Jacob et à l’Eglise. En
effet, seule l’obéissance donne au missionnaire la force de se laisser
évangéliser en permanence pour rester ce missionnaire pour les marginalisés,
mais surtout ce chrétien avec eux. Mais comment la restaurer dans la mission
aujourd’hui ?
Fort
de cette conviction, je suis allé dormir avec à l’esprit les visages de ces
hommes, femmes et enfants dont ta vie missionnaire dans les quatre murs d’en
face prive de la miséricorde de Dieu. Cette nuit, je me suis constamment posé
la question de savoir qui serait capable de conduire ce peuple de Dieu sur le
bord du lac de Galilée afin d’y rencontrer le missionnaire multiplicateur de
pains qui donnera une réponse satisfaisante à leur misère corporelle tout en
intégrant la libération matérielle caritative dans la libération de l’eau de
vie qui étanche la soif éternellement ?
C’est
à cette condition sans doute que ta mission sur le site du boulevard sera ce
miracle qui nous fera chercher Dieu au-delà de ce qui libère de la faim, de la
maladie et des servitudes temporelles.
A ce
stade de mon sommeil semi profond, la douloureuse conviction qui traverse ma
foi est celle d’une œuvre missionnaire en souffrance par le fait qu’elle soit
animée par des missionnaires qui sont venus à la mission non pas parce qu’ils
ont vu des signes ; mais bien parce qu’ils ont lu dans la vie missionnaire
la promesse de manger, d’étudier et de faire carrière.
En
effet, frère et sœur missionnaire, regardes-toi en face dans le miroir que tu
as voulu que je sois pour toi aujourd’hui et chaque jour. N’es-tu pas venu à la
mission parce tu as trouvé dans la maison de formation ce lieu qui peut
résoudre toutes les questions liées à une formation de qualité sans que tes
parents, décrétés pauvres par un système qui avilit, n’aient à payer ?
N’es-tu
pas, dans la mission, semblable à moi affamé du lac de Galilée pour ne retenir
de ton passage dans l’un ou l’autre couvent que cette maison qui offrirait la
garantie des trois repas, aujourd’hui de médiocre qualité selon toi ; mais
dont se contenteraient volontiers tous ceux à qui nos dirigeants ne
reconnaissent que le droit d’un mono-repas de 17 heures ou mieux d’un mono
repas alternatif par jour et par membres de famille ?
N’es-tu
pas venu à la mission pour bénéficier du seul cadre professionnel universel qui
permet aux fonctionnaires d’avoir, dans l’impunité la plus révoltante, une
gestion opaque sans contrôle ni poursuites judiciaires ?
Si
tu es venu à la mission pour les raisons énumérées ci-dessus ; alors je
comprends un certain nombre de choses qui justifient ton désir ardent de me
voir te parler en toute franchise dans le cadre d’un devoir critique qu’un ami
doit à son ami.
Si
tu es venu à la mission, au bord du lac de Galilée, seulement pour manger à
satiété, alors je comprends tous ces bruits de disputes à peine feutrés pour
l’argent et qui opposent des hommes et des femmes censés êtres des frères et
des sœurs.
Je
comprends la douleur que je lis, de plus en plus, sur les visages des uns et
des autres, accablés par les humiliations que ceux et celles qui, hier, ont
géré l’administration des solutions aux problèmes matériels, ont fait subir à
ceux et celles qui, aujourd’hui, gèrent cette administration.
Je
comprends aussi la dramatique situation du missionnaire qui a perdu la liberté
des enfants de Dieu, des fils adoptifs, enfants et héritiers de Dieu et
cohéritiers du Christ. C’est sans doute ce qui explique l’absence de sincérité
et l’esprit de flatterie qui animent les animateurs de la mission.
Et
pourtant, toi et moi, nous savons pertinemment bien que la mission ne
s’accommode pas d’animateurs qui, pour sauvegarder leur avoir et valoir
n’exprimeront plus, en toute franchise, leurs pensées.
L’engagement
missionnaire ne se marie pas avec la peur ni un esprit d’esclaves. C’est
ce qui explique cette cacophonie au sommet des différentes hiérarchies qui
animent la mission et dont les illustrations parfaites sont aujourd’hui, les
conflits pour l’avoir et le valoir qui opposent les membres de nos différentes
communautés et mieux de notre conférence épiscopale, siège administratif de la
gestion de la mission en République Démocratique du Congo.
Je
dois vous l’avouer. Je commence sérieusement à me poser des questions sur le
sens de la mission lorsque ses animateurs refusent de se débarrasser d’un
système éducatif qui, au nom des enfants et surtout des avantages financiers
qu’offrent la contribution des parents, appauvrit et corrompt celui qui donne
et celui qui reçoit, toujours au nom des mêmes enfants, nombreux à être exclus
du système éducatif à travers le pays.
J’avoue
que je ne suis plus le seul à m’interroger sérieusement sur les animateurs de
la mission en terre congolaise qui, au nom d’une doctrine douteuse nourrie par
l’argent d’un programme d’éducation civique épiscopal financièrement juteux,
coincent le peuple de Dieu au milieu d’un village imaginaire où l’Evangile est
constamment contredite et trahie.
Le
drame dans tout ce qui se passe aujourd’hui, c’est que la mission devient un
ensemble d’intrigues au profit des intérêts personnels ou collectifs de tel ou
tel groupe au couvent dans la maison de formation, dans la communauté, dans la
congrégation, dans le diocèse et pour couronner le tout, dans l’église. Dans ce
contexte, le missionnaire a comme mot d’ordre de faire fi de l’Evangile mais de
continuer à garantir la façade évangélique aux méthodes utilisées pour ne pas
alarmer le néophyte que je suis, moi ton frère et ta sœur laïcs.
Mais
malheureusement pour toi et heureusement pour notre église, les quatre murs de
ton couvent, de ta maison de formation et de ta communauté ont, au fil des
saisons, perdu de leur épaisseur. Ces murs laissent passer les bruits confus de
vos disputes et autres querelles autour de l’absence de l’esprit sacerdotal
dont est accusé tout celui ou toute celle qui, dans votre environnement, refuse
d’être un sous homme ou une sous femme.
Pourtant,
en collant mon oreille au mur qui donne sur la rue principale, péché véniel que
je confesserai volontiers à la fin de ce dialogue, je réalise que ces disputes
sont l’œuvre de ces missionnaires qui veulent élever la voix pour rompre la
chaîne de silence d’une église qui nous a tous décrétés pauvres et qui abuse
régulièrement de la pauvreté des pauvres des églises riches.
Il y a lieu sincèrement de se demander
ce que cache ce décret de la pauvreté de l’église locale et de ses membres si
ce n’est ta peur d’accepter la contribution financière de tes frères et sœurs
qui ne sauraient s’accommoder du silence ni de l’absence de contrôle que permet
la charité des pauvres des églises riches auxquels on a appris à ne pas se
soucier de ce que deviennent leurs dons entre tes mains souvent égoïstes.
Tous
ces déchirements mentionnés ci-dessus posent le sérieux problème de la
crédibilité personnelle des animateurs et des animatrices de la mission ainsi
que celle de notre église locale, allant même jusqu’à soulever la question du
comportement de plus en plus léger de certains de nos missionnaires,
conséquences sans doute du mauvais usage des biens matériels liés à la mission.
Combien
de fois n’entend-t-on pas, parmi les chrétiens, des récits de tel ou tel
missionnaire qui s’est livré à telle ou telle aventure dangereuse, traduit en
justice ou roué de coups pour un comportement jugé criminel ou immoral ?
Qui parmi vous n’a pas, ces derniers temps, entendu les commentaires des
Samaritaines sur la nouvelle jeep climatisée de la Supérieure , du
Supérieur, du missionnaire ? Qui n’as pas entendu parler de la résidence,
de l’école privée ou du « ligablo » du missionnaire ?
Je
peux continuer l’énumération de tous ces actes anti-évangéliques, expressions
d’une mission et d’une vie missionnaire qui se vivent au dépend des pauvres des
pays riches tout en écrasant les pauvres des pays pauvres. Je ne veux pas
tourner le couteau dans la plaie, mais je pense que je m’adresse à des adultes
capables de ne pas se soustraire honnêtement à un examen de conscience en
profondeur.
Sincèrement quelle est la part de la
générosité des pauvres des églises riches qui va aux pauvres de notre église
comparée à la part qui profite au missionnaire, à ta maison, à tes voitures, à
tes banquets, etc. ?
La
réaction à tout ce qui précède est souvent le rejet que beaucoup justifie par
le discours jugé irrespectueux qu’engendre le style de toute critique ou encore
le caractère naïf de ces jugements d’un laïc qui ne veut pas accepter que le
missionnaire a besoin d’un minimum nécessaire pour assurer sa mission dans la
dignité.
Rassure-toi,
mon frère ou ma sœur. Je sais que l’Evangile suppose un minimum de bien-être
matériel pour pouvoir aider les pauvres. La mission, exige un esprit de partage
qui semble plus absent de ta communauté que l’esprit sacerdotal dont tu accuses
régulièrement ton frère et ta sœur.
Fatigué
et dans une situation de totale obscurité, je me demande si le missionnaire
d’aujourd’hui ne doit pas être guérie de sa cécité pour être capable de
débarrasser notre société de sa cécité. Et, à ce stade, je ne sais pas si tu
pourras être du même avis que moi, c’est la cécité de cœur qui explique les
problèmes actuels du missionnaire dans notre pays.
Blanc
comme Noir, nous nous sommes laissés aveuglés par les avantages matériels de la
vie missionnaire, aussi petits soient-ils. Blanc et Noirs, mes frères et sœurs
missionnaires souffrent de la cécité qui est causée par l’usage égoïste du
pouvoir et des plaisirs terrestres.
Mon
Dieu, il est trois heures du matin et je dois essayer de dormir. C’est alors
que j’aperçois la lumière que projette le chapelet phosphorescent dans la main
de mon épouse. En la touchant, je me rends compte qu’elle s’est endormie sur un
« Je vous salue Marie » sans doute inachevée car ses doigts tenaient
avec fermeté le début de la graine. Dans mon sommeil progressif, j’ai décidé de
compléter sa prière par un « Notre Père » dont je ne me suis rappelé
que ces mots qui ne cesseront jamais de hanter ma vie de missionnaire :
« Que ta volonté soit faite » car toi seul est le pilote de la
mission.
Je
vous remercie
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