samedi 17 novembre 2012

la conception de la virginité dans la culture des « Bashi » en R D C


I. Introduction
Notre investigation consiste à présenter  la conception de la virginité dans la culture des « Bashi » dans laquelle nous faisons partie. Ce travail veut répondre à certains des objectifs que notre séminaire sur la virginité de Marie s’assigne à savoir nous amener à comprendre la valeur de la virginité  dans nos cultures et toute sa portée dans nos sociétés pour nous aider à comprendre davantage la virginité perpétuelle de la vierge Marie ; la virginité ante partum, in partum et post partum. Pour la plupart de nos cultures africaines, la virginité est rattachée à la notion d’honneur. La non-virginité de la femme avant le mariage y est considéré comme un déshonneur pour toute  la famille.
En effet, il sied de signaler que la virginité de Marie comme le disait Ignace d’Antioche est l’un de trois grand mystères que Dieu avait accompli dans le silence. Devant ce mystère nous pensons que nous les chrétiens sommes appelés non pas à nous y éloigner, moins encore à nous y échapper, mais plutôt à nous y approcher avec une âme pleine de foi et d’adorant respect, une raison illuminée par la foi comme disait le Bienheureux Jean Paul II. Marie reste et demeure donc le modèle de toute les personnes vierges comme nous le signifie André SEVE : « La foi chrétienne reconnu en Marie celle qui est toujours vierge, la vierge par excellence. Elle tient que la naissance de Jésus n’a pas portée atteinte à la virginité de sa mère et que Marie est restée vierge pendant toute sa vie dans une fidélité totale ».[1] Pour mener à bien notre réflexion, ce travail est subdivisé en cinq différentes parties hormis l’introduction et la conclusion.
II. Situation géographique et Contexte.[2]
Le « Bushi » est au centre de la région du Kivu. Cette région est située à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) ; limitée par le lac Kivu, la rivière Ruzizi et la partie nord du lac Tanganyika qui sont des limites communes avec le Rwanda et le Burundi.           Le Bushi, partie centrale de la région, se situe au bord Ouest du lac Kivu ; limité à l’Ouest par les monts Kahuzi et le Burega, et au nord par la ville de Bukavu. Il s’étend entre les parallèles 2et 3 de la latitude sud et entre les méridiens 28-30 de longitude Est de Greenwich. « Le bushi » est montagneux et a une altitude moyenne de 1600 mètres. La température varie entre 15° et 28° avec un climat très clément.
Les habitants de cette partie de la région sont appelés « Bashi » et parlent le « Mashi ». Le terme « bushi » a un radical « shi » qui signifie « terre ».
Les « Bashi » sont donc des « terriens». La langue des Bashi est le « Mashi » ; une langue très riche et ayant un vocabulaire très développé. « Les Bashi » désignent chaque chose par son nom et les périphrases sont quasi inexistantes ; de plus, cette langue comporte une infinité des proverbes renfermant la sagesse bantu. Notons que les Bashi jusqu’au début du siècle ne connaissaient pas l’écriture ; toute leur culture ne se transmettait que par la tradition orale.         A présent l’instruction est généralisée et l’élément intellectuel du peuple, surtout grâce au clergé qui s’est mis à fixer par écrit les éléments de culture.
III. Vie morale et familiale des « Bashi »
            La culture « Shi » est une culture vivante qui vise, comme toutes les autres cultures à intégrer ses valeurs morales dans la société. Elle est implantée dans la société et porte un caractère tout à fait impératif. Et donc personne ne peut s’en passer s’il fait partie de cette culture. Ses valeurs mises en place par la culture « Shi » constituent les piliers même qui la fondent. Elles doivent en effet, être respectées et transmises de génération en génération. Toute personne qui pouvait passer à l’encontre des valeurs culturelles était automatiquement soit chassé du village, soit maudit et tout le reste de sa vie n’était que peines et misères  puisque abandonnée à lui-même. Lwigulira écrit à cet effet : «  Les peuples bashi, malgré les défaillances humaines ont une moralité très forte. Ils ont des lois morales exprimées dans les Misiro ou tabous et dans les lushika ou les lois humaines édictées par les Rois ou les Chefs de clans ».[3]
            La vie morale au bushi a été protégée par une organisation très serrée à l’intérieur des familles, des clans et de la tribu. La déchéance morale, même auprès des chrétiens s’explique en grande partie par l’éclatement de la cohésion clanique et familiale. L’individu se sent de plus en plus émancipé par rapport à la cohésion et il se lance dans des mœurs contre lesquelles les coutumes ancestrales le protégeaient. Ceci est le cas des centres urbains où les jeunes vivent loin de leur famille. 
            La fécondité est protégée par différentes attitudes à l’égard de la jeune fille c’est pourquoi :
 « La coutume veut que la jeune fille soit respectée et protégée contre toute action tendant à lui faire perdre sa virginité ».[4] La virginité est considérée chez les bashi comme très favorable à une fécondité dans le mariage régulier.
Ceci étant, l’éducation de la jeune fille est toute à fait particulière. Cette dernière dans la culture des bashi doit rester à coté de sa mère  ou des autres mères de familles pour acquérir la formation nécessaire pour sa vie.
IV. Conception culturelle de la virginité chez les bashi
            S’agissant du thème sur la virginité dans la culture Shi, Celle-ci était considérée tout d’abord dans son aspect physique avant d’avoir une connotation morale, spirituelle. La virginité est appelée par les  bashi « Ibikira » et la jeune fille vierge s’appelle « Mubikira ».
1. Du point de vue physique
 Les Bashi considèrent la virginité comme l’état d’une fille qui n’a jamais eu des rapports sexuels. La virginité est associée à la présence de l’hymen, membrane qui obture de façon incomplète l’entrée du vagin et se rompt lors des premiers rapports sexuels ou indirectement lorsqu’elle est soumise à des efforts mécaniques suffisants lors des activités physiques. Sachant que la rupture de l’hymen provoque certaines pertes de sang, dans certains coins de bushi on expose les draps blanc tachés de sang après la nuit de noces afin de prouver que la femme est arrivée au mariage vierge et que le premier rapport sexuel vient d’avoir lieu.
            Toute la saine société des bashi se porte garante de la virginité des jeunes filles  du village. L’autorité coutumière sanctionne très sévèrement l’inconduite compromettant cette valeur. Etant donné que c’est toute la société et en particulier la famille qui doit protéger la virginité de la jeune fille, toute famille jugée négligente de ses devoirs de protection de cette valeur qu’est la virginité est sévèrement sanctionnée. Une jeune fille-mère déclenchait donc, contre sa famille le courroux  de l’autorité : la spoliation du bétail familial, l’expulsion de la jeune fille-mère de la société etc. Dans certaines régions comme à Idjwi, la jeune fille qui se donnait aux pratiques sexuelles avant le mariage était renfermée sur une petite ile au milieu du lac Kivu et elle y mourrait. Ainsi, donc, la virginité a une valeur toute à fait particulière et que la famille doit protéger la jeune fille pour diverses raisons :
Crainte de sanction de la part de l’autorité, crainte de perdre un bien estimé, désir de marier honnêtement sa fille qui implique la gloire de toute la famille en particulier et de toute la société en général.
2. Du point de vue morale et spirituel
            Cet aspect dans la culture des bashi comme nous venons de l’exposer jusqu’ici demeure implicite. La virginité est conservée jusqu’ici soit pour des questions d’honneur, de peur d’être d’exclu de la société, de profit car l’homme qui épouse une vierge doit donner des cadeaux à sa belle mère. L’aspect moral, spirituel jusqu’ici n’a pas encore pris le devant de la question. Ceci ne viendra qu’après avec l’apport des missionnaires. Nous signalons ici que les questions ayant trait à la sexualité dans culture des bashi jusqu’à un certain temps comme partout ailleurs en Afrique étaient considérées comme un tabou. D’où on devait ne même pas en parler publiquement.
            En effet, nous avons mentionné que l’éducation de la fille  se donnait dans sa famille et ce n’est pas tout les membres de la famille qui doivent la dispensée pas même le Père de la fille. Cette tache était réservée uniquement à la mère de la fille et quelque fois à ses tantes. Malgré cette formation, on ne devrait pas tout dire à la fille car le discours sur la sexualité demeure un tabou comme nous le signifie Tshikoji en ce terme : «  La sexualité est une chose à la fois permise et interdite, sacrée et profane, dangereuse et bénéfique. Il n’est pas question d’en user librement, hors règles sociales et coutumes établies»[5]. Voilà alors ce qui poussé les jeunes à certaines pratiques comme « Adaptatio corpis », en mashi « Kusoloma » ou dévergondage de la jeunesse qui est une pratique qui consistait à développer les parties génitales pour un meilleur usage apte à la maternité. A travers cette pratique le garçon s’essayait à la virilité et la jeune fille y trouvait le moyen de développer son corps en vue de la future maternité. Dans cette pratique, les deux devraient tout faire pour éviter un éventuel accident. Le Père Pierre dit à cet effet : « Entre- eux, tout est permis hormis la «  copula perfecta ».[6] Face à ces pratiques, la morale chrétienne s’oppose farouchement. C’est ainsi que Mulago écrira :
«  La morale chrétienne reprouve ces coutumes, aussi elles tendent à disparaitre du milieu  mushi ; cela est dû l’action des prêtres du pays et aux mouvements d’actions catholiques  des jeunes filles chrétiennes ».[7]
            La virginité trouve pleinement son sens spirituel avec l’arrivé des missionnaires. Pour  faire comprendre aux « bashi » l’aspect spirituel de la virginité les missionnaires partaient de l’explication mystérieuse de la virginité de Marie, celle qui est restée vierge toute sa vie.  Il est important de signifier que malgré la croyance d’un seul Dieu Créateur, les missionnaires pour les premiers moments n’ont pas su convaincre les « bashi » à accepter la virginité in partum et post partum de la vierge Marie. Ce peuple n’a accepté que la virginité ante partum car pour lui, cela n’est que normal puisque la fille ne devait pas avoir eu des relations sexuelles avant le mariage. Les « bashi » parviendront lentement à accepter et à croire avec le temps à virginité perpétuelle de Marie grâce à la foi.
En outre, c’est grâce à la morale chrétienne, la mère à qui la fille était confiée pour son éducation commence à apprendre cette dernière au-delà de ce que prévoit la culture, les valeurs chrétiennes. Elle l’apprend comment acquérir les bonnes habitudes de respect, de reconnaissance, d’obéissance, d’effacement devant les personnes respectables. Elle aborder également certaines questions sur la sexualité pour aider sa fille considérée comme tabou jusque là. Elle l’apprend les vertus de la chasteté qui a un grand honneur chez les bashi, les vertus de la justice  et de soumission, elle apprend à sa fille comment acquérir les qualités du cœur pour aimer, se donner et servir avec amour son foyer etc. 
V. Fiançailles et Mariage
            Les fiançailles dans la culture des bashi est une période très importante puisque c’est elle qui prépare le mariage. Au courant de cette étape la culture des « Bashi » prévoit plusieurs cérémonies. Ce qui est important ici c’est de savoir que jusqu’à cette étape malgré la déclaration d’un futur mariage auprès des parents, les deux fiancées ne sont pas autorisés d’avoir des relations sexuelles sous peine d’être punis par la culture. Celles-ci n’interviendront qu’après le mariage. La coutume demande même à la fille pour éviter d’éventuel accident de ne jamais se rendre chez son fiancé tout en étant seul. Donc, toute personne avant le mariage est sensée vivre dans l’abstinence sexuelle. Celle-ci est un élément majeur pour se garder vierge.
Pour ce qui est du préparatif au mariage, les protagonistes à la recherche d’une fiancée sont le papa du garçon ou le garçon lui-même. Dans le premier cas, c’est le Papa du garçon qui trouve une fille pour son fils, et après avoir contracté la famille de la fille, il peut soumettre le fait à son fils et la belle mère aussi à sa fille. La procédure continue alors dans l’éducation et l’initiation de la jeune fille désormais fiancée, dès l’accord signé par les deux familles.
            L’homme qui épouse une fille vierge dans la culture des bashi est honoré. Il est honoré grâce à cette valeur que lui apporte sa femme et qui conduit leur foyer au bonheur. En se rendant compte de la virginité de sa femme, l’homme couronne cette dernière et lui offre, pour toute leur vie d’amour, respect et écoute. Et donc, dans cette optique, ce qui est souligné, c’est la virilité  de l’homme d’une part, et de la virginité de la femme de l’autre part ; voilà donc ce qui fait le bonheur du foyer dans le bushi.    
La virginité permet à la femme une fécondité vitale ; elle lui permet encore d’être mère et compagne de l’homme dans la réalisation de ses fonctions. La femme est épouse et tout cela à travers l’honneur de la maternité et l’épreuve de la souffrance. L’épouse doit une soumission au pouvoir de l’homme, elle est à la disposition de celui-ci dans l’exercice de la paternité.
            A travers le mariage, la femme dans la culture des «  bashi » devient « Mère », et dès lors, elle doit accepter son devoir primordial de la maternité pour la conservation et l’augmentation de l’humanité or la maternité est le don de soi, en un mot l’amour. L’homme dans l’exercice de ses fonctions est animer d’amour, la femme aussi est d’abord pour son mari et pour ses enfants l’amour. Donc, dans le foyer des bashi, l’amour reste le premier principe sans lequel la vie en commun reste impossible. L’éminente dignité de la femme « Mushi » est comprise par la considération de la maternité. La femme, épouse et mère, est digne de ses fonctions, elle est respectée et aimée non seulement dans son foyer mais aussi par la société.
VI. Geste de reconnaissance
            Il ya-t-il une cérémonie qui accompagne cette valeur qui est la virginité lorsqu’elle est découverte  dans la culture de Bashi? Nous répondrons par une affirmation. La fille mariée vierge dans cette culture possède des qualités de cœur pour aimer, se donner et servir avec amour son mari. Ce service plein d’amour s’exprimera par certains actes de tous les jours, la préparation convenable de la nourriture, l’ornement soigné de la maison, la préparation agréable de lit, etc. Face à toutes ces qualités qu’apporte la femme,  la culture demande au mari d’être reconnaissant envers sa belle mère qui a bien éduqué sa fille. En d’autres mots, lorsque le mari, après la nuit de noce se rend compte que sa femme a vécu l’abstinence sexuelle durant toute sa jeunesse, en d’autres termes lorsqu’il rencontre que son épouse est encore vierge, puisqu’il est l’unique témoin de cette valeur, il présente un nouveau pagne, une chèvre a sa belle mère et beaucoup d’autres cadeaux comme récompense. Par ce geste symbolique, la femme est exaltée et désormais respectée et aimée non seulement par son mari mais aussi de tous les membres de sa nouvelle famille et la société en générale. Elle est considérée comme porte bonheur dans le nouvel foyer. Elle est bien protégée et appréciée par tout le monde. Elle devient la source auprès de laquelle les jeunes filles viennent apprendre comment vivre sans pouvoir pécher contre la virginité.  Voilà donc l’élément qui stimule les jeunes à pouvoir mener une vie de combat contre toutes les épreuves du corps ; contre tout ce qui peut l’amener à tomber dans les tentations de la chair.
VII. Conclusion
Nous voici au terme de cette investigation qui a consisté à présenter la manière dont la virginité est conçue dans la culture des « Bashi ». Grosso modo, nous avons de prime à bord situé géographiquement la région où habite ce peuple, ensuite la manière dont ils sont organisés du point de vue moral. Dans cette partie nous avons essayé de montrer que ce peuple possède une morale très forte fondée sur les tabous et les lois humaines édictées par les rois ou les chefs de clans. En entamant le sujet de la virginité, nous avons en outre essayé de présenter la conception qu’ont  les « bashi » de la virginité ; celle qui est physique et morale, spirituelle. La virginité chez les « bashi » a une valeur et celle- ci doit être préservée même pendant les fiançailles d’où une abstinence totale pendant cette période. Disons que pour ce qui concerne la virginité de la vierge Marie, ce peuple n’éprouve pas  trop des difficultés pour comprendre la virginité ante partum et in partum c’est la virginité post partum qui cause un peu des difficultés mais ce peuple parvient à l’accepter grâce à la foi.





VIII. Bibliographie
1. SEVE A. ; Marie je te regarde. Dix méditations, Paris, Bayard, 1995.
2. LWGULIRA L. ; Histoire et Culture des Bashi au Zaïre, Kinshasa, Cedi, 1974.
3. TSHIKIJI S. ; Aujourd’hui de l’éthique sexuelle traditionnelle Luba-Kasaï in Pensée agissante, juillet, 1996
4. COLLE P. ; Essai de Monographie des Bashi, Bukavu, Centre d’Etudes des langues Africaines, 1971
5. MULAGO M. ; Mariage traditionnel africain et mariage chrétien, Kinshasa, Saint-Paul, 1981















IX. Tables des matières
I. Introduction………………………………………………………………………...……….. 1
II. Situation géographique et contexte………………………………………………………....1
III. Vie morale et familiale……………………..........................................................................2
IV. Conception culturelle de la virginité…………………………………………………….....3
1. Du point de vue physique…………………………………………………...……………….3
2. Du point de vue moral……………………………………………………….………………4
V. Fiançailles et mariage……………………………………………………………………….5
VI. Geste de reconnaissance…………………………………………………………………...6
VII. Conclusion………………………………………………………………………………...7
IX. Bibliographie………………………………………………………………………………8
X. Table des matières…………………………………………………………………………..9










1. SEVE A. ; Marie je te regarde. Dix méditations, Paris, Bayard, 1995, p.39.
2. Cfr. LWIGULIRA L.;  Histoire et culture des Bashi au Zaïre, Kinshasa, Cedi, 1974.
3. LWIGULIRA L.; Op.ct.; p.9
4. Ibidem.; p.71
5. TSHIKOJI S. ; Aujourd’hui de l’éthique sexuelle traditionnelle Luba-Kasaï, in Pensée agissante, vol.12, no4, juillet-décembre 1996, pp.122-123.
6. COLLE P.; Essai de Monographie des Bashi, Centre d’Etude des Langues Africaines, Bukavu, 1971, p.43.
7. MULAGO M.; Mariage traditionnel africain et le mariage chrétien, Kinshasa, St Paul, 1981, p.72.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire