I. Introduction
Notre
investigation consiste à présenter la
conception de la virginité dans la culture des « Bashi » dans laquelle
nous faisons partie. Ce travail veut répondre à certains des objectifs que
notre séminaire sur la virginité de Marie s’assigne à savoir nous amener à
comprendre la valeur de la virginité
dans nos cultures et toute sa portée dans nos sociétés pour nous aider à
comprendre davantage la virginité perpétuelle de la vierge Marie ; la
virginité ante partum, in partum et post partum. Pour la plupart de nos
cultures africaines, la virginité est rattachée à la notion d’honneur. La
non-virginité de la femme avant le mariage y est considéré comme un déshonneur
pour toute la famille.
En
effet, il sied de signaler que la virginité de Marie comme le disait Ignace
d’Antioche est l’un de trois grand mystères que Dieu avait accompli dans le
silence. Devant ce mystère nous pensons que nous les chrétiens sommes appelés
non pas à nous y éloigner, moins encore à nous y échapper, mais plutôt à nous y
approcher avec une âme pleine de foi et d’adorant respect, une raison illuminée
par la foi comme disait le Bienheureux Jean Paul II. Marie reste et demeure
donc le modèle de toute les personnes vierges comme nous le signifie André
SEVE : « La foi chrétienne reconnu en Marie celle qui est
toujours vierge, la vierge par excellence. Elle tient que la naissance de Jésus
n’a pas portée atteinte à la virginité de sa mère et que Marie est restée
vierge pendant toute sa vie dans une fidélité totale ».[1]
Pour mener à bien notre réflexion, ce travail est subdivisé en cinq différentes
parties hormis l’introduction et la conclusion.
II. Situation géographique et
Contexte.[2]
Le
« Bushi » est au centre de la région du Kivu. Cette région est située
à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) ; limitée par le lac
Kivu, la rivière Ruzizi et la partie nord du lac Tanganyika qui sont des
limites communes avec le Rwanda et le Burundi.
Le Bushi, partie centrale
de la région, se situe au bord Ouest du lac Kivu ; limité à l’Ouest par
les monts Kahuzi et le Burega, et au nord par la ville de Bukavu. Il s’étend
entre les parallèles 2et 3 de la latitude sud et entre les méridiens 28-30 de
longitude Est de Greenwich. « Le bushi » est montagneux et a une
altitude moyenne de 1600 mètres. La température varie entre 15° et 28° avec un
climat très clément.
Les
habitants de cette partie de la région sont appelés « Bashi » et
parlent le « Mashi ». Le terme « bushi » a un radical
« shi » qui signifie « terre ».
Les
« Bashi » sont donc des « terriens». La langue des Bashi
est le « Mashi » ; une langue très riche et ayant un vocabulaire
très développé. « Les Bashi » désignent chaque chose par son nom
et les périphrases sont quasi inexistantes ; de plus, cette langue
comporte une infinité des proverbes renfermant la sagesse bantu. Notons que les
Bashi jusqu’au début du siècle ne connaissaient pas l’écriture ; toute
leur culture ne se transmettait que par la tradition orale. A présent l’instruction est
généralisée et l’élément intellectuel du peuple, surtout grâce au clergé qui
s’est mis à fixer par écrit les éléments de culture.
III. Vie morale et familiale des « Bashi »
La culture « Shi » est une
culture vivante qui vise, comme toutes les autres cultures à intégrer ses
valeurs morales dans la société. Elle est implantée dans la société et porte un
caractère tout à fait impératif. Et donc personne ne peut s’en passer s’il fait
partie de cette culture. Ses valeurs mises en place par la culture « Shi »
constituent les piliers même qui la fondent. Elles doivent en effet, être
respectées et transmises de génération en génération. Toute personne qui
pouvait passer à l’encontre des valeurs culturelles était automatiquement soit
chassé du village, soit maudit et tout le reste de sa vie n’était que peines et
misères puisque abandonnée à lui-même. Lwigulira
écrit à cet effet : « Les peuples bashi, malgré les
défaillances humaines ont une moralité très forte. Ils ont des lois morales
exprimées dans les Misiro ou tabous
et dans les lushika ou les lois
humaines édictées par les Rois ou les Chefs de clans ».[3]
La
vie morale au bushi a été protégée par une organisation très serrée à
l’intérieur des familles, des clans et de la tribu. La déchéance morale, même
auprès des chrétiens s’explique en grande partie par l’éclatement de la
cohésion clanique et familiale. L’individu se sent de plus en plus émancipé par
rapport à la cohésion et il se lance dans des mœurs contre lesquelles les
coutumes ancestrales le protégeaient. Ceci est le cas des centres urbains où
les jeunes vivent loin de leur famille.
La fécondité est protégée par
différentes attitudes à l’égard de la jeune fille c’est pourquoi :
« La coutume veut que la jeune fille soit
respectée et protégée contre toute action tendant à lui faire perdre sa
virginité ».[4]
La virginité est considérée chez les bashi comme très favorable à une fécondité
dans le mariage régulier.
Ceci
étant, l’éducation de la jeune fille est toute à fait particulière. Cette
dernière dans la culture des bashi doit rester à coté de sa mère ou des autres mères de familles pour acquérir
la formation nécessaire pour sa vie.
IV. Conception culturelle de la
virginité chez les bashi
S’agissant
du thème sur la virginité dans la culture Shi, Celle-ci était considérée tout
d’abord dans son aspect physique avant d’avoir une connotation morale,
spirituelle. La virginité est appelée par les bashi
« Ibikira » et la jeune fille vierge s’appelle
« Mubikira ».
1. Du point de vue physique
Les Bashi considèrent la virginité comme l’état
d’une fille qui n’a jamais eu des rapports sexuels. La virginité est associée à
la présence de l’hymen, membrane qui obture de façon incomplète l’entrée du
vagin et se rompt lors des premiers rapports sexuels ou indirectement
lorsqu’elle est soumise à des efforts mécaniques suffisants lors des activités
physiques. Sachant que la rupture de l’hymen provoque certaines pertes de sang,
dans certains coins de bushi on expose les draps blanc tachés de sang après la
nuit de noces afin de prouver que la femme est arrivée au mariage vierge et que
le premier rapport sexuel vient d’avoir lieu.
Toute la saine société des bashi se
porte garante de la virginité des jeunes filles
du village. L’autorité coutumière sanctionne très sévèrement l’inconduite
compromettant cette valeur. Etant donné que c’est toute la société et en
particulier la famille qui doit protéger la virginité de la jeune fille, toute
famille jugée négligente de ses devoirs de protection de cette valeur qu’est la
virginité est sévèrement sanctionnée. Une jeune fille-mère déclenchait donc,
contre sa famille le courroux de l’autorité :
la spoliation du bétail familial, l’expulsion de la jeune fille-mère de la
société etc. Dans certaines régions comme à Idjwi, la jeune fille qui se
donnait aux pratiques sexuelles avant le mariage était renfermée sur une petite
ile au milieu du lac Kivu et elle y mourrait. Ainsi, donc, la virginité a une
valeur toute à fait particulière et que la famille doit protéger la jeune fille
pour diverses raisons :
Crainte
de sanction de la part de l’autorité, crainte de perdre un bien estimé, désir
de marier honnêtement sa fille qui implique la gloire de toute la famille en
particulier et de toute la société en général.
2. Du point de vue morale et
spirituel
Cet aspect dans la culture des bashi
comme nous venons de l’exposer jusqu’ici demeure implicite. La virginité est
conservée jusqu’ici soit pour des questions d’honneur, de peur d’être d’exclu
de la société, de profit car l’homme qui épouse une vierge doit donner des
cadeaux à sa belle mère. L’aspect moral, spirituel jusqu’ici n’a pas encore
pris le devant de la question. Ceci ne viendra qu’après avec l’apport des
missionnaires. Nous signalons ici que les questions ayant trait à la sexualité
dans culture des bashi jusqu’à un certain temps comme partout ailleurs en
Afrique étaient considérées comme un tabou. D’où on devait ne même pas en
parler publiquement.
En
effet, nous avons mentionné que l’éducation de la fille se donnait dans sa famille et ce n’est pas tout
les membres de la famille qui doivent la dispensée pas même le Père de la
fille. Cette tache était réservée uniquement à la mère de la fille et quelque
fois à ses tantes. Malgré cette formation, on ne devrait pas tout dire à la
fille car le discours sur la sexualité demeure un tabou comme nous le signifie
Tshikoji en ce terme : « La sexualité est une chose à la fois
permise et interdite, sacrée et profane, dangereuse et bénéfique. Il n’est pas
question d’en user librement, hors règles sociales et coutumes établies»[5]. Voilà
alors ce qui poussé les jeunes à certaines pratiques comme « Adaptatio
corpis », en mashi « Kusoloma » ou dévergondage de la jeunesse qui
est une pratique qui consistait à développer les parties génitales pour un
meilleur usage apte à la maternité. A travers cette pratique le garçon s’essayait
à la virilité et la jeune fille y trouvait le moyen de développer son corps en
vue de la future maternité. Dans cette pratique, les deux devraient tout faire
pour éviter un éventuel accident. Le Père Pierre dit à cet effet :
« Entre- eux, tout est permis hormis la « copula
perfecta ».[6]
Face à ces pratiques, la morale chrétienne s’oppose farouchement. C’est ainsi
que Mulago écrira :
«
La morale chrétienne reprouve ces coutumes, aussi elles tendent à disparaitre
du milieu mushi ; cela est dû
l’action des prêtres du pays et aux mouvements d’actions catholiques des jeunes filles chrétiennes ».[7]
La virginité trouve pleinement son
sens spirituel avec l’arrivé des missionnaires. Pour faire comprendre aux « bashi » l’aspect
spirituel de la virginité les missionnaires partaient de l’explication mystérieuse
de la virginité de Marie, celle qui est restée vierge toute sa vie. Il est important de signifier que malgré la
croyance d’un seul Dieu Créateur, les missionnaires pour les premiers moments
n’ont pas su convaincre les « bashi » à accepter la virginité in partum et post partum de la vierge Marie.
Ce peuple n’a accepté que la virginité ante
partum car pour lui, cela n’est que normal puisque la fille ne devait pas
avoir eu des relations sexuelles avant le mariage. Les « bashi »
parviendront lentement à accepter et à croire avec le temps à virginité
perpétuelle de Marie grâce à la foi.
En
outre, c’est grâce à la morale chrétienne, la mère à qui la fille était confiée
pour son éducation commence à apprendre cette dernière au-delà de ce que
prévoit la culture, les valeurs chrétiennes. Elle l’apprend comment acquérir
les bonnes habitudes de respect, de reconnaissance, d’obéissance, d’effacement
devant les personnes respectables. Elle aborder également certaines questions
sur la sexualité pour aider sa fille considérée comme tabou jusque là. Elle
l’apprend les vertus de la chasteté qui a un grand honneur chez les bashi, les
vertus de la justice et de soumission,
elle apprend à sa fille comment acquérir les qualités du cœur pour aimer, se
donner et servir avec amour son foyer etc.
V. Fiançailles et Mariage
Les fiançailles dans la culture des
bashi est une période très importante puisque c’est elle qui prépare le
mariage. Au courant de cette étape la culture des « Bashi »
prévoit plusieurs cérémonies. Ce qui est important ici c’est de savoir que
jusqu’à cette étape malgré la déclaration d’un futur mariage auprès des
parents, les deux fiancées ne sont pas autorisés d’avoir des relations
sexuelles sous peine d’être punis par la culture. Celles-ci n’interviendront
qu’après le mariage. La coutume demande même à la fille pour éviter d’éventuel
accident de ne jamais se rendre chez son fiancé tout en étant seul. Donc, toute
personne avant le mariage est sensée vivre dans l’abstinence sexuelle. Celle-ci
est un élément majeur pour se garder vierge.
Pour
ce qui est du préparatif au mariage, les protagonistes à la recherche d’une
fiancée sont le papa du garçon ou le garçon lui-même. Dans le premier cas,
c’est le Papa du garçon qui trouve une fille pour son fils, et après avoir
contracté la famille de la fille, il peut soumettre le fait à son fils et la
belle mère aussi à sa fille. La procédure continue alors dans l’éducation et
l’initiation de la jeune fille désormais fiancée, dès l’accord signé par les
deux familles.
L’homme qui épouse une fille vierge
dans la culture des bashi est honoré. Il est honoré grâce à cette valeur que
lui apporte sa femme et qui conduit leur foyer au bonheur. En se rendant compte
de la virginité de sa femme, l’homme couronne cette dernière et lui offre, pour
toute leur vie d’amour, respect et écoute. Et donc, dans cette optique, ce qui
est souligné, c’est la virilité de
l’homme d’une part, et de la virginité de la femme de l’autre part ; voilà
donc ce qui fait le bonheur du foyer dans le bushi.
La
virginité permet à la femme une fécondité vitale ; elle lui permet encore
d’être mère et compagne de l’homme dans la réalisation de ses fonctions. La
femme est épouse et tout cela à travers l’honneur de la maternité et l’épreuve
de la souffrance. L’épouse doit une soumission au pouvoir de l’homme, elle est
à la disposition de celui-ci dans l’exercice de la paternité.
A travers le mariage, la femme dans
la culture des « bashi » devient « Mère », et dès
lors, elle doit accepter son devoir primordial de la maternité pour la conservation
et l’augmentation de l’humanité or la maternité est le don de soi, en un mot
l’amour. L’homme dans l’exercice de ses fonctions est animer d’amour, la femme
aussi est d’abord pour son mari et pour ses enfants l’amour. Donc, dans le
foyer des bashi, l’amour reste le premier principe sans lequel la vie en commun
reste impossible. L’éminente dignité de la femme « Mushi » est
comprise par la considération de la maternité. La femme, épouse et mère, est
digne de ses fonctions, elle est respectée et aimée non seulement dans son
foyer mais aussi par la société.
VI. Geste de reconnaissance
Il
ya-t-il une cérémonie qui accompagne cette valeur qui est la virginité
lorsqu’elle est découverte dans la culture de Bashi? Nous répondrons par
une affirmation. La fille mariée vierge dans cette culture possède des qualités
de cœur pour aimer, se donner et servir avec amour son mari. Ce service plein
d’amour s’exprimera par certains actes de tous les jours, la préparation
convenable de la nourriture, l’ornement soigné de la maison, la préparation
agréable de lit, etc. Face à toutes ces qualités qu’apporte la femme, la culture demande au mari d’être
reconnaissant envers sa belle mère qui a bien éduqué sa fille. En d’autres
mots, lorsque le mari, après la nuit de noce se rend compte que sa femme a vécu
l’abstinence sexuelle durant toute sa jeunesse, en d’autres termes lorsqu’il
rencontre que son épouse est encore vierge, puisqu’il est l’unique témoin de
cette valeur, il présente un nouveau pagne, une chèvre a sa belle mère et beaucoup
d’autres cadeaux comme récompense. Par ce geste symbolique, la femme est
exaltée et désormais respectée et aimée non seulement par son mari mais aussi
de tous les membres de sa nouvelle famille et la société en générale. Elle est
considérée comme porte bonheur dans le nouvel foyer. Elle est bien protégée et
appréciée par tout le monde. Elle devient la source auprès de laquelle les
jeunes filles viennent apprendre comment vivre sans pouvoir pécher contre la
virginité. Voilà donc l’élément qui
stimule les jeunes à pouvoir mener une vie de combat contre toutes les épreuves
du corps ; contre tout ce qui peut l’amener à tomber dans les tentations
de la chair.
VII. Conclusion
Nous
voici au terme de cette investigation qui a consisté à présenter la manière
dont la virginité est conçue dans la culture des « Bashi ». Grosso
modo, nous avons de prime à bord situé géographiquement la région où habite ce
peuple, ensuite la manière dont ils sont organisés du point de vue moral. Dans
cette partie nous avons essayé de montrer que ce peuple possède une morale très
forte fondée sur les tabous et les lois humaines édictées par les rois ou les
chefs de clans. En entamant le sujet de la virginité, nous avons en outre
essayé de présenter la conception qu’ont
les « bashi » de la virginité ; celle qui est physique et
morale, spirituelle. La virginité chez les « bashi » a une valeur et
celle- ci doit être préservée même pendant les fiançailles d’où une abstinence
totale pendant cette période. Disons que pour ce qui concerne la virginité de
la vierge Marie, ce peuple n’éprouve pas
trop des difficultés pour comprendre la virginité ante partum et in
partum c’est la virginité post partum qui cause un peu des difficultés mais ce
peuple parvient à l’accepter grâce à la foi.
VIII. Bibliographie
1.
SEVE A. ; Marie je te regarde. Dix méditations, Paris, Bayard, 1995.
2.
LWGULIRA L. ; Histoire et Culture des Bashi au Zaïre, Kinshasa, Cedi,
1974.
3.
TSHIKIJI S. ; Aujourd’hui de l’éthique sexuelle traditionnelle Luba-Kasaï
in Pensée agissante, juillet, 1996
4.
COLLE P. ; Essai de Monographie des Bashi, Bukavu, Centre d’Etudes des
langues Africaines, 1971
5.
MULAGO M. ; Mariage traditionnel africain et mariage chrétien, Kinshasa,
Saint-Paul, 1981
IX. Tables des matières
I.
Introduction………………………………………………………………………...……….. 1
II.
Situation géographique et contexte………………………………………………………....1
III.
Vie morale et familiale……………………..........................................................................2
IV.
Conception culturelle de la virginité…………………………………………………….....3
1.
Du point de vue physique…………………………………………………...……………….3
2.
Du point de vue moral……………………………………………………….………………4
V.
Fiançailles et mariage……………………………………………………………………….5
VI.
Geste de reconnaissance…………………………………………………………………...6
VII.
Conclusion………………………………………………………………………………...7
IX.
Bibliographie………………………………………………………………………………8
X.
Table des matières…………………………………………………………………………..9
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire