1. INTRODUCTION
GENERALE
01. CHOIX
DU SUJET
Les
relations humaines, socio-politiques, économiques et religieuses sont marquées
par les injustices sociales de toutes sortes, les guerres ethniques et régionales,
la haine, la violence. Devant tous ces problèmes, la question de l’amour des
ennemis ou le pardon des ennemis tel qu’enseigner par Jésus-Christ et transmis
par la première communauté chrétienne est d’actualité.
Voyant
tout ce qui se passe dans le monde, cela a poussé les dirigeants de chaque
génération ou les présidents de chaque régime à chercher des solutions pour
pallier à ces problèmes.
En
outre, en milieu du 20ème Siècle de notre ère, l’organisation des
Nations Unies a eu le mérite d’instituer le droit de l’homme, des forums et des
panels sont organisés partout, pour la résolution des conflits et la
réconciliation.
Devant
ces belles résolutions pour préserver la vie humaine, les gens assistent chaque jour à des frustrations, des
déceptions, des ennuis, des trahisons, des conflits interpersonnels, dans les
familles, entre amis, dans le milieu du travail, entre des peuples et des
nations, et même dans les milieux religieux. Voila pourquoi Duplex écrit dans
son ouvrage sur la force du pardon que : « le message de l’évangile et du christianisme ose affronter
directement les déséquilibres et les menaces d’anéantissement en proposant une
autre voie, celle de l’amour, celle d’un Amour qui pardonne »[1]
Notre
choix de ce thème va de paire avec l’enseignement de Jésus sur l’amour : « l’amour de Dieu et du prochain »
(Cf. Dt 6, 5 ; Mc 12, 29-31) qui
s’explique par le fait que ce commandement de l’amour doit être l’unique moyen
de vaincre le mal par le bien, la guerre par la paix.
Dans
tout ce qui se vit dans le monde, notre contribution est une réflexion sérieuse
sur l’amour des ennemis. Raison pour laquelle nous avons intitulé notre
thème : « l’amour des ennemis : utopie ou réalité vitale ? Etude
exégétique et théologique de Lc 6, 27-36».
La
guerre, la haine, l’injustice, l’inimitié, la violence et la vengeance sont de
tous les temps. Jésus lui-même l’a vécu avec ses apôtres, c’est pour quoi il
prévenait ses disciples contre tout esprit de vengeance devant tous les maux.
Le christ invite aussi les chrétiens de ne pas cultiver cet esprit de vengeance
devant le conflit qui se vit dans les milieux chrétiens.
02. PROBLEMATIQUE
Il
est difficile de parler de l’amour des ennemis, sans recevoir des critiques
acerbes ou sans être traité d’irréaliste ou de pacifiste utopiste. Le problème
de notre contexte est de savoir si l’amour des ennemis est tel que le Christ
l’exige et que la tradition chrétienne nous le recommande de pratiquer dans la
vie chrétienne quotidienne.
Ce que
le Christ et la tradition chrétienne recommandent aux chrétiens, c’est le désir
croissant du maintien de l’ordre social ou la recherche de la paix dans le monde,
même si il est difficile d’abolir
complètement les conflits, les guerres, la haine, la jalousie entre les hommes.
Ces
paroles de Jésus, «aimer vos ennemis »,
ne sont pas une théorie ex nihilo, ni une utopie en dehors de la
réalité, mais Il les a lui-même prononcées dans des circonstances bien précises,
pour en servir d’exemple aujourd’hui.
Dans
tout ce qui s’est passé par le peuple d’Israël, en quête d’un libérateur ou d’un Messie politique et
religieux qui viendrait le sauver de l’esclavage et de la persécution. C’est
dans ce contexte, outre les conflits, les inimitiés intercommunautaires et
interpersonnelles, les mépris et les divisions entre juifs et païens, que Jésus
commence sa vie publique et qu’on peut comprendre son discours sur la montagne
introduit par les béatitudes en Mt 5,1-12,
suivies des malheurs en Lc 6, 27-36
d’abord et puis en Rm 12, 14.17-21 où Paul prévient les chrétiens et les exhorte
contre les divisions et le manque de sincère amour-charité entre eux et envers
les personnes extérieures à la communauté.
Sur
le plan humain, nous nous trouvons ici devant une situation dont l’homme n’est
pas le maître car, par lui-même et sans la foi, il est dans l’impuissance pour
vivre quotidiennement ce commandement de l’amour des ennemis. C’est d’ailleurs
sur ce point que certains se basent pour affirmer le manque de réalisme et
l’impossibilité de cette nouveauté évangélique qu’est l’amour des ennemis. En
fait, ils s’arrêtent à l’aspect humain
de ce commandement, oubliant son aspect divin et ne tenant pas compte de
la nature humaine et divine des disciples du Christ.
Voilà
pourquoi, au début de cette étude, la formulation de ces questions nous a parue
incontournable. Qui sont les ennemis que Jésus nous demande d’aimer ?
Pourquoi et comment aimer les ennemis ? Peut-on aimer ou pardonner
quelqu’un qui a tué nos parents ou qui a massacré notre peuple ?
03. METHODOLOGIE
Pour
mener à bon port notre travail, nous allons plus nous focaliser sur
l’enseignement et la vie de Jésus. Nous allons montrer comment Jésus est parti
dans la situation historique, socio-politique et religieuse de son peuple, pour
lui proposer une nouvelle manière de vivre.
Pour
cela, nous allons procéder par l’analyse exégétique et théologique sur
l’enseignement de Jésus et la vie de son peuple.
04. DIVISION
DU TRAVAIL
Pour
aborder convenablement les points principaux de notre problématique, cette
étude s’est articulée sur deux chapitres.
Ø Le
premier chapitre portera sur l’analyse exégétique de Lc 6, 27-36.
Ø Dans
le deuxième, il est question de la théologie de cette péricope de Lc 6,27-36.
Ø Une
conclusion mettra terme à notre investigation, où nous allons montrer que
l’amour des ennemis est une réalité difficile, mais possible avec Dieu, en Dieu
et par Dieu, en prenant pour modèle la vie et la croix de Jésus-Christ.
CHAPITRE
PREMIER : ANALYSE LITTERAIRE DE Lc 6, 27-36
1.0.
Introduction
L’analyse
littéraire de Lc 6, 27-36 constitue
le point saillant de notre travail. Cette analyse s’articulera autour des cinq
points essentiels, à savoir la délimitation; la critique textuelle; l’étude du
contexte et aussi l’étude de vocabulaires. C’est alors qu’interviendra
une petite conclusion.
1.1.
Délimitation du texte de Lc 6, 27-36
Pour
bien analyser le texte présenté à l’étude,
à savoir Lc 6, 27-36, il est
important de connaître où ce texte commence et où il se termine, ce que nous
avons nommé « terminus a quo et
terminus ad quem », qui n’est rien autre que le début de Lc 6, 27-36 et sa conclusion.
Ceci
dit, nous pouvons passer à la délimitation du texte de Lc 6, 27-36 en établissant le terminus a quo et le terminus ad
quem, c’est-à-dire nous allons procéder à découvrir le début et la fin de Lc 6, 27-36.
1.1.1.Terminus
a quo
En
suivant pas à pas l’enchaînement logique de l’évangile de Luc, l’on se rend
compte que, « c’est après les
avertissements donnés aux riches et aux mondains qui ne songent qu’à jouir de
la vie et à satisfaire leur égoïsme que
Jésus s’adresse de nouveau aux disciples qui l’écoutent ».[2] Il montre à ses disciples
quel esprit doit animer celui qui aspire à se mettre parmi les fidèles. Cette
disposition foncière sera l’amour du prochain, c'est-à-dire les chrétiens
doivent pratiquer la charité sous sa forme la plus parfaite.
Ainsi,
« quant à vous qui m’écoutez, aimez
vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous
maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient » (Cf. Lc 6, 27-28), constitue le terminus a quo du texte de notre
étude. Qu’en est-il alors du terminus ad quem ?
1.1.2.Terminus
ad quem
Lc
6, 27-28 constitue le terminus a quo du texte de notre étude, il
s’en suit que: « donc aimez vos
ennemis … Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Cf. Lc
6, 35-36), forme à son tour le terminus ad quem. Le texte à notre examen est constitué de dix
versets dans le sixième évangile de Saint Luc.
Lc
6, 27-28 est le terminus a quo, tandis que Lc 6, 35-36 à son tour est le terminus ad quem. Notons également
que cette partie, c’est-à-dire Lc 6,
27-36, qui est une conclusion du texte de notre étude, contient des
éléments qui sont en rapport avec ce qui précède: « Béatitudes et malédictions » (Cf. Lc 6, 17-26) et ce qui suit : « Miséricorde et Bienfaisance » (Cf. Lc 6, 36-38). Notre
texte de Lc 6, 27-36 étant ainsi
délimité, nous pouvons maintenant passer à la critique textuelle.
1.2.
Critique textuelle
Nous
voici à une étape essentielle à toute étude scientifique des textes bibliques.
Il s’agit de la critique textuelle. Cette dernière vise à établir un texte le plus proche de
l’original, comme le souligne Valentin NTUMBA, « pratiquée depuis longtemps et utilisée par la grande majorité
des exégètes de toutes dénominations, cet outil vise à établir le texte le plus
en conformité possible avec l’original. Son point de départ est un
constat : les documents anciens ont été copiés et recopiés pendant les
siècles »[3].
Lc 6,
27-38 est une partie du sermon dans la plaine, où nous avons noté la
rareté, voire l’inexistence des études consacrées sur l’amour des ennemis, car,
la plupart des exégètes et des théologiens ont traité ou traitent ce thème dans
le Sermon sur la Montagne en Mt 5, 38-48,
en signalant ou en mettant Lc 6, 27-36
(le Sermon dans la Plaine) entre
parenthèse, comme texte parallèle seulement.
Ainsi, notre critique textuelle de Lc 6, 27-36 s’effectuera en deux
moments, à savoir la critique externe et la critique interne.
1.2.1.Critique
externe
Avant
toute analyse, notons que la critique externe est « l’évaluation d’une leçon de la qualité des manuscrits qui la
contiennent ».[4]
Elle consiste à établir l’arbre généalogique
des manuscrits qui rapportent les différentes leçons ou variantes dans le but
de les comparer. Mais comme le note Valentin NTUMBA, « les manuscrits les plus anciens du texte biblique que l’on ait
découverts et comprenant quasiment la Bible en entier, ne remontent qu’au IVème
siècle de notre ère. Lorsqu’on
compare l’ensemble de ces témoins de textes bibliques découverts en différents
endroits et datant de périodes très échelonnées, on constate qu’il existe des
divergences entre eux »[5].
En
ce qui concerne notre texte de Lc 6,
27-38, qui est une partie du sermon dans la plaine, nous utiliserons la
grammaire grecque du Nouveau Testament « avec
exercices et plan de travail »[6], et Nouveau Testament Interlinéaire Grec/Français[7], avec en regard, le texte
de la traduction œcuménique de la Bible(1988)
et de la Bible « en français
courant »(1992) par le même auteur. Dictionnaire Grec-Français[8] ; Verbum Salutis III.
Evangile selon Saint Luc, Traduction et commentaire[9] ; Evangile selon
Saint Luc par le P. M.-J. LAGRANGE[10] ; La lecture
Chrétienne de la Bible par Dom Célestin CHARTIER[11].
Dans
cette étude nous voulons voir si le texte de Lc 6, 27-38 dans sa forme actuelle en usage s’approche de
l’original, et si certaines variantes diverses en des différents endroits ne
corrompent pas la pensée de l’auteur.
Le
v. 27 se souderait mieux au v.
23 ; après avoir dit que les disciples seront haïs, Jésus leur
enseignerait à aimer les ennemis ; le contexte serait excellent. Mais
comme les béatitudes ont été interrompues par des vae qui s’adressent à des absents, le prêcheur revient à ceux
qui l’écoutent.
L’opposition assez forte de άllὰ ne s’expliquerait pas sans la présence des vae.
Au
v. 28, le parallélisme avec le v. 22
est, selon Lagrange, la raison de traduire ἐphreάzw par "diffamer"[12],
comme a traduit la Vulgate et
probablement Syrsin.
Au
v. 29, Luc a le mieux conservé dans
le N.T. la distinction de ἕteroV et
de ἄlloV. Il n’est que plus
étrange qu’il ait écrit ici ἄllhn comme
Mathieu au lieu de tὴn ἑtέran.
Cependant, d’après Blass[13], c’est surtout quand il
s’agit d’une partition par deux que ἄlloV
a
envahi le domaine de ἕteroV. D’ailleurs
dans ce verset et le suivant, Luc se distingue de Mathieu par l’impératif présent
au lieu de l’aoriste. Luc insistant plus, à son ordinaire, sur le thème général,
Mathieu spécialisant un ordre général pour chaque cas particulier.
Dans
Mathieu, le v. 31 se trouve presque à
la fin des instructions (Mt 7, 12).
Ce n’est point une raison, selon Lagrange, pour l’expliquer dans Luc comme la
conclusion de ce qui précède, car il n’a été question jusqu’ici que de la
charité envers les ennemis, et Jésus ne dit pas à ses disciples : « traitez les autres comme vous
voudriez être traités si vous étiez agresseurs »[14], car cette hypothèse ne
doit même pas être posée. Le pluriel au
lieu de singulier indique par lui-même une transition. Le v. 31 est donc un principe général, qu’il faut prendre comme tel,
et qui sert de base à ce qui va suivre(Schanz).
Au
v. 32, cάriV est non pas la
reconnaissance, mais la faveur de Dieu. Quand on aime ceux qui vous aiment, on
ne fait rien pour Dieu. L’amour désintéressé ne s’explique que par une charité
exercée en vue de Dieu, qui lui est donc agréable. C’est à peu près le même
sens que Mathieu avec un mot cher à Paul (Holtz.).
Les pécheurs au lieu des publicains (Mt.)
avec plus d’affectation dans le parallélisme verbal que dans Mathieu.
Au
v. 34, daneίzw signifie
ordinairement prêter à intérêt, parce que l’antiquité grecque ne connaissait
guère d’autre forme de prêt. Mais il peut signifier simplement prêter : toῖV deomέnoiV danίzwn cwrὶV tόkwn ( 4
Macc. 2, 8). Ce doit être ici le sens. On prête en
espérant recevoir ; il s’agit d’une espérance ferme, peut-être même
garantie.
Au
v. 35, il faut
que les disciples fassent quelque chose de plus. Mais quoi ? C’est une
difficulté célèbre :
1)
La correction ἀntelpίzonteV
proposée
par M. Th. Reinach (Cf. RB. 1895, p. 116)
fournirait une base au sens de la vulgate ; elle est ingénieuse à cause de
la confusion possible de N.T. avec P; mais comment serait-on écarté d’un texte si
clair pour chercher en divers sens ? Comment admettre cette leçon sans
aucune autorité grecque ?
2)
La
leçon mhdέna ( ἀpelpίzonteV) de À X P* 489
est soutenue par les syrr. (syrsin. pes.
hier. hrcl. Diat. –ar.) ; selon Lagrange, « les syrr. ont entendu mhdέna d'une personne, et non d’un pluriel neutre, ce qui
est de beaucoup le plus vraisemblable »[15].
Comme ils ont séparé danίzete par
une ponctuation, et ajouté ensuite la copule, leur sens pourrait bien
être : « et ne désespérez de
personne »[16],
comme a compris M. Burkitt : do not
give up hope of any one. A supposer que le sens soit : « et n’enlevez l’espérance à personne,
ne désespérez personne » (Merx, Gwilliam), on peut se demander s’ils
ont bien compris le grec ? Merx le soutient avec force et cite pour le sens actif de désespérer Sir. 27, 21, qui signifie plutôt perdre
l’espérance. C’est probablement encore le sens de l’Anthologie XI, 114, ἄllon ἀpelpίzwn, « lui
qui désespérait d’un autre », malgré l’accusatif, et de Saint Irénée (I, 7, 6) ἡsucῆ dὲ tῶV ἑautὰV ἀphlpkuῖai tῆV zwῆV toῦ qeoῦ, qui ne signifie pas que ces âmes se sont rebutées
elles-mêmes, mais ont désespéré d’elles-mêmes. A supposer donc qu’il faille
lire mhdέna, et d’une personne, le sens du grec serait bien
celui que M. Burkitt a donné du syrien : « ne désespérant de personne, espérant que les pauvres vous
rendront »[17],
disposition peu conforme au contexte. Mais si le sens était par impossible :
« ne désespérant, ne rebutant
personne, ne refusant à personne »[18],
comme dans Mathieu (Mt 5, 42) : mὴ ἀpostpojῆV, ce sens ne conviendrait pas au contexte, parce que le
désespoir ici doit être en parallèle avec l’espoir du v. 34, de sorte que ce sentiment doit être dans l’âme du
prêteur ; c’est pour son compte que, au lieu d’espérer, il ne doit pas
désespérer.
3)
Désespérer au neutre est le sens des latt. nihil desperantes, préféré par beaucoup
de modernes (Schanz, Plum. Fillion, etc.).
C’est la seule signification connue de ἀpelpίzein, terme récent, mais assez fréquent dans le grec
hellénistique ; c’est le sens normal (exemple
dans Sophoclès), des médecins (Hobart,
p. 118), de la Bible (Cf. Sir. 22,
21 ; 27, 21 ; 2 Macc. 9, 18), de Josèphe (Bll. V, IX, 1). On prétend même que la Vulgate « nihil inde desperantes » n’est pas
le texte de Saint Jérôme mais une corruption de « nihil desperantes », devenu « nihil sperantes ». Mais comment l’entend-on ? « ne désespérant pas de recouvrer un
jour ou l’autre votre argent »[19],
admis comme plausible par Plum. est absolument répugnant dans ce contexte
héroïque ; « ne désespérant
jamais de la récompense de la part de Dieu », exigerait ensuite « car » et non pas « et votre récompense sera
grande ». Dans ce sens, mή serait à tout le moins plus naturel que mhdέn qui ne peut guère se justifier que par Ac. 4, 21, mhdὲn eὑrίskonteV.
4)
Il faut
donc revenir au contexte de la Vg.-Clém., maintenu par WW nihil inde sperantes où inde
est ajouté pour la clarté, dans❴c❵ et plusieurs mss.
Hiéronymiens. Ce doit être une correction de Saint Jérôme qui a écrit in Ezech. 18 : a quibus non speratis recipere ; (Cf. AMBR. in Tobiam XVI, 54 et Chrys. VII, 199 A). Les versions boh. et sah., arm. (d’après Merx) vont avec Vg. (Field, Knab., Loisy, etc.). Le contexte
est tout à fait satisfaisant selon Lagrange. Les gentils prêtent avec espérance
de retour, prêtez sans espérance de retour, sans espérer recevoir. ἀpelpίzw n'a jamais ce sens, il est vrai, mais il
a pu être forgé par Luc comme parallèle à ἀpolamϐάnein qui
a aussi les deux sens de recevoir et d’abandonner. Le moyen âge a entendu ce
verset du prêt à intérêt, mais il n’y a point là de tradition exégétique. « Renoncer
seulement aux intérêts serait peu conforme à la disposition de dépouillement
complet dont tout ce passage esquisse l’idéal »[20].
Il ne s’agit point ici d’un ordre, mais d’un conseil. « Si l’on objecte que prêter est synonyme de donner, on méconnait une
nuance. Celui qui emprunte rougirait souvent de recevoir un don »[21]. On lui prête donc,
disposé à recevoir le remboursement s’il est offert, mais on prête tout disposé
à faire le sacrifice du tout à l’occasion, nihil
sperantes, mhdὲn ἀpelpίzonteV ἀpolaϐeῖn (Field).
Au
v. 38, Luc revient à l’idée du don,
préparée par celle d’absolution, et interprète dans ce sens la mesure de Mt. 7, 2, qui était une mesure de
justice. Ce logion avait une forme approchante dans Mc. 4, 24, par l’addition de 𝑥aὶ prosteqήsetai ὑmῖn. D'ailleurs, si Luc eût pu
ajouter de sa plume dίdote, 𝑥aὶ doqήsetai ὑmῖn pour faire la transition, ce qui suit a une saveur si
réelle, d’après « les usages
journaliers, qu’on ne peut en constater l’authenticité comme parole de Jésus»[22].
La bonne mesure est déjà quelque chose de plus que la quantité strictement
exigée ; la denrée est encore pressée pour que le récipient contienne
davantage ; secouée, pour que les intervalles soient remplis, s’il s’agit
par exemple de fruits, et elle déborde encore au moment où on la verse.
-dὡsousin est un pluriel qui équivaut à doqήsetai dans le style impersonnel des apocalypses qui
comprend Dieu et ses anges (Cf. Lc 12,
20). Cette surabondance exprimée si fortement fixe le sens des derniers
termes : « on ne vous donnera
pas exactement ce que vous aurez donné ; mais si vous êtes larges et bons,
on sera large et bon, avec cet excès dans la récompense qui appartient aux dons
de Dieu par rapport à ceux de l’homme »[23].
–Le 𝑥όlpoV est
formé par les plis de la tunique (Cf. Is.
65, 7 ; Jér. 32, 18 ; Ps. 78(79), 12) ; de même chez les Grecs : 𝑥aὶ 𝑥όlpon baqὺn 𝑥atalipόmenoV toῦ 𝑥iqῶnoV (HER.
VI, 125), d’autant plus large qu’on
remontait davantage d’étoffe au-dessus de la ceinture ; le sinus
des Romains était le pli de la toge (Cf.
LIV. XXI, 18.10=POL. III, 33, 2) qui servait de poche (sinu laxo, HOR. Sat. II, 3, 172) ; l’usage palestinien
consiste aussi à recevoir la denrée dans le manteau (Cf. Ruth. 3, 15) parfois relevé comme un tablier.
La
sentence qui termine le verset était probablement un proverbe courant. Merx
cite Targ. (Cf. Is. 27, 8) : לך בה כילון כאל דהויחא בםאחא « avec
le boisseau dont tu te sers pour mesurer, on mesurera pour toi »[24] ;
de même (en hébreu) Sanhedr. 100a et Sota I, 7.
1.2.2.
Critique interne
La
critique interne consiste en « l’évaluation
d’une leçon à partir de son contenu littéraire spécifique »[25],
c’est-à-dire évaluer certaines variantes en fonction de la théologie ou du
style de l’auteur ou de son vocabulaire. A ce niveau-ci, qu’il existe certains
principes d’évaluation, par exemple le texte court est à préférer au texte
long, ou le texte difficile est à préférer au texte facile.
Le
sermon dans la plaine sera autrement
court en Saint Luc (30 versets) que
le sermon sur la Montagne chez Saint Matthieu (106 versets), raison pour laquelle nous avons préféré le texte de Saint Luc qui
est très court pour l’étude de notre
texte. « Cette brièveté n’est pas
obtenue par la condensation en formules concises des idées exprimées dans le
texte parallèle de Saint Matthieu : elle est plutôt obtenue par des
nombreuses omissions »[26].
Matthieu
a deux impératifs : « aimez et
priez (Cf. Mt 5, 44) »[27],
tandis que Luc en a quatre : « aimez ;
faites du bien ; bénissez et priez » (Cf. Lc 6, 27-28) et les trois derniers « montrent comment pratiquement Jésus comprenait le mot aimez ».[28]
A la
place de « quelle récompense
aurez-vous ? »(Cf. Mt 5, 46) chez Matthieu, Luc utilise
l’expression de reconnaissance pour un bien fait : « quel gré vous en saura-t-on ? »(Cf. Lc 6, 32).
Nous
retrouvons en d’autres passages du troisième évangile des enseignements que
Saint Matthieu nous a cités en rapportant avec le sermon sur la Montagne :
« ce sont des passages simplement
déplacés par Saint Luc et utilisés ailleurs. Beaucoup d’autres sont franchement
omis »[29]. Voilà pourquoi Soubigou souligne dans
son ouvrage que :
« le parallèle
entre la Loi Ancienne et la Loi Nouvelle, et le parallèle entre la piété
pharisienne et la piété chrétienne, qui occupent de longs passages du discours
en Saint Matthieu, ont laissés de côté sans doute à cause de l’intérêt moindre
qu’ils pouvaient avoir pour les lecteurs
de Saint Luc : il s’adresse à des Gentils et ce qui est trop
spécifiquement juif importe moins à son but ».[30]
Saint Luc a conservé le cadre général du
discours : s’il ne suit pas Saint Matthieu dans les développements du
sermon sur la Montagne, il débute pourtant, comme lui, par les Béatitudes, et
termine aussi, comme lui, par l’invitation à construire sur le roc et non pas
sur le sable.
Ainsi,
nous pouvons faire recours à l’étude de vocabulaires. Cependant, avant
d’arriver là, il convient de passer à l’étude du contexte.
1.3.
Etude du contexte
Jésus
s’en alla dans la montagne et y passa la nuit à prier Dieu. Avant de constituer
le groupe des douze apôtres qui se mettront à sa suite, il s’entretient avec son
Père qui l’a envoyé (Cf. Lc 6, 12). Et par cette longue prière nocturne, Jésus
révèle une fois de plus dans la vertu de quel Esprit, il va prêcher l’Evangile
du royaume de Dieu.
Nous ferons cette étude en deux moments, à
savoir le contexte lointain et le contexte immédiat.
1.3.1.Le
contexte lointain ou Lc 6, 12-26
Le
sermon dans la plaine comprend d’abord le choix des Douze (6, 12-16), ensuite la foule et Jésus (6, 17-19), les béatitudes et les malédictions (6, 20-26), et enfin vient le texte sur l’amour des ennemis et le refus de juger (6, 27-49).
1.3.1.1. Le
choix des douze apôtres (Lc 6, 12-19)
Ce
passage à son tour comprend trois parties selon la proposition de Roland MEYNET :
la première partie est le début de l’institution des douze apôtres (Cf. Lc 6, 12-13), la deuxième partie ou
la partie centrale, établit la liste des Apôtres (Cf. Lc 6,14-16) et la troisième partie constitue l’auditoire de Jésus (Cf.
Lc 6, 17-19).
1.3.1.1.1.
La première partie (12-13)
En
notant que Jésus s’en alla dans la montagne pour prier, et en insistant sur « il
passa toute la nuit à prier Dieu » (v.12),
Luc a souligné avec force l’importance de l’événement. « Cette retraite, cette nuit de prière, cette localisation
dans la montagne qui ici ne manque pas de symbolisme, confèrent à l’appel et
aux choix la valeur d’un acte officiel d’investiture ».[31]
Luc
ajoute en effet, à : « en
choisit Douze, auxquels il donna le nom d’apôtres» (v.13). Or il est certain que « le
groupe apostolique, du vivant de Jésus, a pu se nommer les Douze, mais pas
Douze apôtres ».[32]
Le nom d’apôtre est postpascal.
1.3.1.1.2. La
deuxième partie ou la partie centrale (14-16)
La liste des noms est un peu différente de
celle de Marc : Thaddée est remplacé par Jude, fils ou frère de Jacques,
comme dans Ac. 1, 13. Nous disons
plutôt frère de Jacques, d’après l’indication qui nous est fournie par l’épitre
de Jude (v. 1). Le traîte Judas est
toujours mis le dernier. Luc a déjà nommé Simon-Pierre (Cf. Lc 5, 8), mais il se conforme à Marc pour mentionner ce
changement de nom.
En nommant André frère de Pierre, il supplée
au silence qu’il avait gardé sur André lors de la vocation de Simon (Cf. Mc. 1, 16), tandis que pour Jacques
et Jean, il ne répète pas qu’ils sont fils de Zébédée (5, 10), et il juge inutile de faire connaitre leur surnom
sémitique.
1.3.1.1.3. La
troisième partie (17-19)
Dans cette troisième partie qui est
l’auditoire de Jésus, Luc s’inspire de Marc (Cf.
Mc 3, 7-12), mais le transforme, parce qu’il remplace les bords de la mer
par un endroit plat (Cf. v. 17a) et
ne parle pas de demande d’une barque par Jésus.
La
pointe de sa présentation est la multitude du peuple qui vient entendre Jésus
et se faire guérir (vv. 18b-19). La
triple répétition du mot « guérir »,
qui s’applique « aux maladies et à
la délivrance des tourmentés par des esprits impurs, ainsi que la
guérison de tous par simple attouchement»[33],
donnent à la personne et au rayonnement de Jésus le caractère d’extraordinaire
puissance par ses œuvres. Sa parole et ses exigences en acquièrent toute leur
autorité.
1.3.1.2. Les
béatitudes et les malédictions (Lc 6, 20-26)
Bien
que la foule soit présente, c’est au groupe des disciples et des apôtres que
Jésus s’adresse directement (v. 20).
Dans
quatre bénédictions, que suivent avec un parallélisme parfait quatre
malédictions, Jésus a explicitement en vue les disciples qui, en réalité, sont
pauvres, affamés, persécutés (vv. 20 et 21).
Ces
béatitudes ont leur parallèle dans Mathieu. Luc ne dépend pas de Mathieu. « Ce sont deux versions d’un discours
rapporté et déjà consigné par écrit en Grec ».[34]
Dans la première béatitude, Luc déclare bienheureux les pauvres (v. 20). Mathieu a ajouté : « en esprit » (Cf. Mt. 5, 3). Luc
interpelle ses auditeurs et le fera dans toutes les béatitudes et dans les
malédictions. Dans la seconde, Mathieu explicite qu’ « elle s’adresse aux affamés de justice » (Cf. Mt. 5, 10).
Luc ne voit que les affamés (v. 21a).
Dans la suivante, Mathieu s’adresse « aux
affligés, qui seront consolés » (Mt. 5, 5) ; par contre Luc s’adresse
« à ceux qui pleurent et qui
riront » (v. 21b). La formule lucanienne selon B. Rigaux, semble bien
primitive. Mathieu substitue deux fois « moi »
à Fils de l’homme (10, 32). La
mention du Fils de l’homme, « donne
aux béatitudes un surcroît de signification eschatologique »[35].
L’étude
des malédictions ne manque pas d’intérêt. Les quatre malheurs reprennent les
quatre béatitudes. Mais est-ce une composition de Luc ou les reprend-il à sa
source ? Deux fois, dans le premier et le quatrième malheur, Luc reprend
des mots qui rappellent de très près le texte des béatitudes de Mathieu :
la consolation de Luc (6, 24) est
parallèle à celle de la seconde béatitude de Mathieu que Luc omet ; « parleront de vous » (v. 26)
correspond à « diront toute sorte de
mal contre vous » (Cf. Mt. 5, 11).
De
plus, dans les malédictions, Luc « reprend
à ses béatitudes plusieurs tournures qui sont propres à son style »[36]. Luc maintient les « maintenant » (v. 25) et le
style direct dans les malédictions.
Les
malédictions semblent interrompre le mouvement de pensée entre la fin des
béatitudes et le commencement du discours : « mais je vous dis, à vous qui m’écoutez : aimez vos
ennemis » (Cf. Lc 6, 27), qui constitue le contexte immédiat du texte
à notre étude, à savoir : Lc 6,
27-38.
1.3.2. Le
contexte immédiat ou Lc 6, 27-38
Lc 6, 27-38 vient juste après les bénédictions et les
malédictions (6, 20-26) et est suivi
par Lc 6, 39 qui amorce une nouvelle
unité littéraire moyennant la formule d’introduction : « or il leur dit aussi une parabole … ».
En fait, il est question d’un proverbe :
« un aveugle peut- il guider un
aveugle ? » celui-ci est ensuite explicité et actualisé par une
série de logia dont l’enchaînement ne paraît guère logique.
Selon Roland MEYNET ce contexte immédiat peut
être intitulé : « A l’image et
à la ressemblance de Dieu » (Lc 6, 27-38). Ici l’auteur montre
l’emplacement de l’unité étudiée, à découvrir son rapport avec ce qui précède
et ce qui suit. Il cherche aussi à connaitre le pourquoi de sa collation à cet
endroit-là, et la dynamique que l’unité étudiée donne à l’ensemble du texte.
C’est ici que l’auteur examine les problèmes de la composition et
l’organisation interne.
Après
la phrase d’introduction (27), ce
passage comprend trois parties reliées ensemble par deux segments (31 et 36).
1.3.2.1. La
première partie (27b-30)
Elle
est composée de deux sous-parties : la première (27b-28) est formée de deux segments dont les deux membres sont
parallèles termes à termes. Chacun des quatre membres de ces deux segments
comprend un impératif aux mêmes modalités, suivis des compléments également aux
pluriels. La deuxième sous-partie (29-30)
compte à son tour deux morceaux formés de deux segments bimembres de même
construction syntaxique.
L’introduction
de Luc : « mais je vous dis à
vous qui m’écouté » (v. 27a) pourrait rappeler Mt. 5, 44 qui commence par « l’apodose
des antithèses : Moi, je vous dis »[37]. Le texte de Luc semble
plus près de la source. Il respecte le parallélisme et le mouvement
ascendant : ennemis, ceux qui vous haïssent, qui vous maudissent, vous
calomnient ; aimez, faites du bien, bénissez, priez.
Dans
le second cas, les situations ne sont pas tout à fait les mêmes. Mathieu
suppose un procès, Luc un vol et intervertit l’ordre du manteau et de la
tunique, ce qui est plus logique (v. 29).
Il remplace l’emprunt par le vol.
Luc
place la conclusion : « Et
comme vous voulez que vous fassent les hommes, faites de même pour eux» (V. 31).
Cette règle d’or a été transposée par Mathieu bien plus loin dans son discours (Mt 7, 12).
1.3.2.2. La
partie centrale (32-35)
Cette
partie est composée de deux morceaux. Le premier (32-34) comprend trois segments tri membres : les deuxièmes
membres sont identiques. Quant aux premiers et troisièmes membres, ils sont
parallèles entre eux (avec cependant
abréviation en 33c et adjonction en 34c).
Le
deuxième morceau (35) répond le
rythme ternaire, mais sous une forme allégée différente (au lieu de 3x3 membre, c’est maintenant 1x3, 1x2, 1x1 membres). Ce
sont d’abord trois impératifs (35abc)
« agapate....; danizete ....; etc.), qui s’opposent aux
premiers membres de la sous-partie symétrique (32a, 33a, 34a ; « ceux qui vous aiment » et « vos
ennemis » etc.), puis deux membres (35de)
énoncent des conséquences qui s’opposent à « quelle
reconnaissance vous revient » (32b, 33b, 34b). Le dernier membre enfin
(35f) qui commence avec « parce que » donne la raison de
ces récompenses et reprend en s’y opposant les troisièmes membres du morceau
symétrique (32c, 33c, 34c ; le
premier de ces trois derniers membres (32c) commence avec « car »,
synonyme de « parce que » en 35f).
1.3.2.3. La
dernière partie (37-38)
Cette
partie est composée, elle aussi de deux sous-parties. Mais, à l’inverse de la première partie,
c’est la deuxième sous-partie (38cd)
qui est plus courte. Les quatre épithètes du premier segment reprennent sous
mode mineur le rythme à quatre temps de la première sous-partie.
Cette
fois-ci, au lieu de l’alternance des négations de la sous-partie correspondante
de la première partie, ce sont d’abord deux segments négatifs (37ab) suivis de deux positifs (38 ab).
1.3.2.4. Segment
de reliure (31 et 36)
Entre
les trois parties du passage, se trouvent deux segments (31 et 36) qui n’entrent pas dans la construction d’aucune de trois
autres parties ; ils sont également formés d’une principale à l’impératif
et d’une comparative introduite par le même « comme ».
L’ordre
des propositions est inverse, ce qui accentue l’organisation concentrique du
passage. Chacun de ces segments est en outre lui-même construit en concentrisme
(ordre des mots de l’original) autour
du mot qui désigne ce qui est en relation avec le disciple.
Voilà
en bref ce que l’auteur nous présente par ce petit schéma :
a
Comme vous voulez que
a Devenez
b fassent pour vous les HOMMES b
compatissant comme VOTRE PERE b´ faites pour eux b´
compatissant
a´ semblablement a´
est
1.3.3.
Rapport entre les parties (Lc 6, 27-38)
Les
liens entre les parties sont marqués par la reprise, en termes initiaux de deux
versants du passage, de « Aimez vos
ennemis » + « faites du bien » en 35 comme en 27 (opposé à 32 et 33). La deuxième
partie reprend les négations de la première partie. Par ailleurs, le « donner »
(38a) rappelle celui du v. 30 ;
« prêter sans espérer en
retour » (34 et 35) équivaut à « donner ».
Ainsi la partie centrale se rattache par « aimer » (27-32), faites du bien (33-37b), prêtez (34) qui
n’a de correspondant que dans Mathieu (42b) donc dans la source, aimez, - faites du bien- prêtez qui est
une reprise de Lc 6, 27 ; la
péricope de Lc 6, 27-35 présente
ainsi un phénomène d’« l’inclusion »[38] qui finit dans un climat
rappelant Mt 5, 45 : « vous serez les fils du Très Haut, car
lui est bienfaisant pour les ingrats et les méchants ». Luc va plus
loin : « Devenez miséricordieux
comme votre Père est miséricordieux » (v. 36). Mathieu présente là le
fameux logion : « Vous serez
donc, vous, parfait, comme votre Père céleste est parfait » (5, 48).
L’étude
du contexte (lointain et immédiat)
étant faite, nous pouvons maintenant passer à celle de vocabulaires de notre
texte de Lc 6, 27-38.
1.4.
Etude de vocabulaires
Etant donné que Lc 6, 27-38, constitue à notre avis une partie de sermon dans la plaine,
il est important d’étudier de façon profonde les vocabulaires utilisés par cet
auteur sacré. Cette étude nous permettra
d’entrer dans l’esprit même de notre texte et, ainsi, comprendre la théologie
qui en découle :
ἀllὰ seul, peut marquer une opposition
après une phrase négative, ἀllὰ dans ce cas, est
employé plus souvent au sens de « mais ».
ὑmῖn, c’est un pronom
personnel non réfléchi au datif pluriel, qui veut dire « à vous » ; ἀκoύousin, vient
du verbe ἀκouw, qui
se traduit par « entendre,
écouter », dans le texte, ce mot est à l’impératif Aoriste I passif, 3ème personne
du pluriel. Jésus parle aux disciples qui sont présents dans toute sa
puissance : « mais à vous qui
m’écoutez, je dis » (6, 27). Après avoir dit que les disciples seront
haïs, Jésus leur enseignerait à aimer les ennemis, « sa parole est une annonce venant de Dieu, il parle comme
quelqu’un qui a toute puissance et non comme les docteurs de la loi et les
pharisiens (Cf. Mt, 7, 28) ».[39]
ἀgapᾶte est à l’impératif présent pluriel du mot ἀgᾶpan (aimer) et ἀgάph (dans le sens biblique d'amour divin et
humain) que dans la suite nous distinguerons de qilίa (amitié, affection) et
de ἐrόV (comme affection physique, sensuelle ou
charnelle) ; et en latin : amare, amor et amicia.
έcqpoὺV vient de έcqpoV, a, on, qui
se traduit en français par « ennemis ».
Selon Albert VALENSIN et Joseph HUBY dans Verbum Salutis III, « ces exhortations générales de Jésus à l’amour des ennemis sont
souvent suivies de quelques recommandations particulières, dont une exégèse
trop littérale a souvent méconnu le sens ».[40]
elogeĩte est à l’impératif présent actif à la 3ème personne du pluriel du verbe "eὐlogeῖn" qui
se traduit par « bénir »,
et qui se construit avec l’accusatif "κatarwmέnouV"
qui vient du verbe "κatarwmai"
signifie
« maudire », tandis que proseύcesqe est à la 2ème personne
du présent impératif passif du verbe "proseucesqe"
(prier), accompagné de "έphreazόntwn", qui
est au génitif pluriel du verbe "έphreazόntw", « menacer, calomnier, nuire ».
Les impératifs « bénissez et
priez » pour les ennemis prononcés par Jésus devant ses disciples et
les foules des gens venus l’écouter et se faire guérir de diverses maladies,
font partie de son sermon sur la Montagne (Mt
5–7) ou dans la Plaine (Lc 6, 20-49).
tῷ est le datif de tiV qui
est un adjectif indéfini et se traduit par « quelqu’un »
dans le sens de notre contexte. tύptontί est au participe présent actif et au datif singulier du
verbe "tύptw"
« frapper, blesser », dont ep est une préposition à l’accusatif qui signifie « sur » avec mouvement, et siagόna est au datif féminin
singulier. pάrece qui
est au présent de l’indicatif singulier à la 2ème personne du verbe
"pάrecw" (donner, offrir, présenter).
Présenter
la joue gauche à qui vous frappe sur la droite, laisser prendre la tunique par
qui enlève déjà le manteau, donner à qui demande et s’abstenir de réclamer à
qui vous vole. Par ces aphorismes gnomiques, « Jésus exige de ne pas rendre le mal pour le mal, et même qu’on
ne fasse aucune opposition au mal, il exige de vaincre le mal par le
bien. »[41]
eἰ est
une conjonction de subordination, introduisant des propositions subordonnées.
Elle en précise la signification par rapport à l’action de la proposition
principale ou de la proposition subordonnée dont elle dépend. Les propositions
principales que composent ces versets (32-35)
sont les suivantes :
Ø "eἰ agapᾶte toὺV ἀgapῶntaV
ὑmᾶV ; έὰn ἀgaqopiῆte toὺV ἀgaqopoioῦntaV
ὑmᾶV ; έὰn danίshte par’ ὧn ἐlpίzete labeῖn",
ce dernier, c’est-à-dire
"labeῖn" est un aoriste second à
l’infinitif actif du verbe "lambanw"
(recevoir);
Ø "gὰr oἱ ἁmartwloὶ toὺV ἀgapῶntaV
aὐtouV
ἀgapwsin; oἱ ἀmartwloὶ tὸ aὐtὸ poioῦsin. ἁmartwloὶ ἁmartwloῖV danίzousin ἵna ἀpolάbwsin tὰ ἴsa". Toute différence est la
conduite des pécheurs. Ils aiment ceux qui les aiment. Ils font du bien à ceux
qui leur font du bien. Ils prêtent à ceux dont ils espèrent recevoir autant
qu’ils ont donné. Si nous, les fils du Royaume, nous contentons de les imiter,
sans rien faire de plus, quel sera notre mérite, ou plus exactement, en quoi
plaisons-nous à Dieu et attirons-nous sa faveur ? Pour être les fils de
Dieu et se préparer une grande récompense dans le ciel, nous devons régler
notre conduite sur celle du Père qui est bon pour les ingrats et les méchants.
La conjonction
adversative plὴn montre à suffisance l’opposition entre la manière de
faire des pécheurs et la conduite des fils du Très-haut qui indique nettement qu’il
s’agit au v. 35 du prêt, sans
espérance de retour.
Gίnesqe oἰκtίrmoneV, est
une « conjugaison
périphrastique »[42], c’est-à-dire eimi + participe présent se traduit par « soyez compatissants ». Suivie de la conjonction
comparative "kaqὼV" (comme), dans le sens où la miséricorde
des disciples de Jésus prendra de même modèle de la miséricorde divine, et non
pas la miséricorde humaine, toujours courte par quelque endroit : « soyez miséricordieux comme votre Père
est miséricordieux » (Lc 6, 36).
Ø mὴ krίnete; mὴ katadikάzete, ......... ἀpolύete, : « ne jugez pas, ne condamnez
pas, ....... absolvez » (Lc 6, 36). Les jugements dont il
faut se garder, sont ceux qui par-delà les actions extérieures, manifestes (1Tim 5, 24-25), prétendraient apprécier
l’intention même de la conscience et mesurer la culpabilité intérieure. Dieu
seul, qui connait le fond des cœurs, peut prononcer les sentences décisives.
Ø "dίdote, kaὶ doqήsetai ὑmῖn· mέtron kalὸn pepiesmenon sesaleumέnon ὑperekcunnόmenon....." : « donnez et on vous donnera, c’est une
bonne mesure, tassée, secouée, débordante….. », c’est-à-dire dans les
plis de la tunique ou du manteau qui forment poche.
Ø " ᾧ gὰr mέtrῳ metreῖte ἀntimetrqήsetai ὑmῖn. " ;
car, c’est la mesure dont vous servez qui servira aussi de mesure pour vous (Lc 6, 38). Pareille mesure dépasse les
exigences de la justice stricte, elle n’est pas due, mais elle est donnée. La largesse de l’homme
appellera la largesse de Dieu, qui, à sa manière, sera surabondante.
1.5. Conclusion
partielle
Au
terme de cette analyse littéraire de l’Evangile de Saint Luc (6, 27-38) récapitulons, de façon
synthétique les idées maîtresses qui l’ont marquées.
Lc 6,
27-38 se trouve à la troisième partie dans l’ensemble de l’Evangile de
Saint Luc, qui est le ministère de Jésus en Galilée, dont Lc 6, 27-28 constitue le terminus a quo et Lc 6, 35-36, le terminus ad quem. La critique textuelle de Lc 6, 27-36, est effectuée en deux
moments, à savoir la critique externe et la critique interne. La critique
externe est l’évaluation d’une leçon de la qualité des manuscrits qui la
contiennent, tandis que la critique interne consiste en l’évaluation
d’une leçon à partir de son contenu littéraire spécifique.
L’étude
de vocabulaires de cette péricope avec son analyse dans sa langue d’origine qu’est le Grec, quant à elle, nous a
montré qu’à côté de cet amour que l’homme doit avoir envers son Dieu, l’amour
envers le prochain a certainement aussi
un caractère surnaturel puisque c’est un précepte du Seigneur : « …tu aimeras ton prochain comme
toi-même… » (Cf. Lv 19, 18).
Cet
amour entre Dieu et les hommes qui, après les prophètes et les promesses de
l’Ancien Testament, s’est révélé et manifesté dans le Nouveau Testament en
Jésus-Christ, est un don d’amour gratuit de Dieu le Père de miséricorde.
CHAPITRE DEUXIEME: THEOLOGIE DE Lc 6,
27-38
2.0. Introduction
Le
texte sous examen a comme thème : « Amour des ennemis : utopie ou réalité vitale ? »,
exige en quelque sorte des notions préalables qui le motivent. En effet, cette
exhortation sur l’amour des ennemis est le résultat d’un long cheminement qui
vient d’un simple constat de l’existence permanente de la guerre dans le monde,
la haine ainsi que la violence dans nos sociétés.
En réfléchissant sur ce thème, nous voulons, en même temps
répondre aux questions suivantes : pourquoi et comment la haine se
présente-t-elle dans l’humanité? Les conséquences logiques de la haine étant
l’inimitié, la violence et la vengeance, quelle a été l’attitude ou la réaction
des sages dans l’Ancien et le Nouveau Testament, des guides de nos sociétés de
tous les temps ?
Ces
questions nous aideront à bien cerner le thème sur «l’amour des ennemis» et à brosser d’une manière succincte son
interprétation au cours de l’histoire, c’est-à-dire avant, pendant et après la
vie et l’enseignement de Jésus.
2.1. L’amour des ennemis
Il
est important de prévenir de prime abord, que nous n’avons pas la prétention
d’inventorier tous les auteurs qui ont réfléchi sur ce thème de l’amour des
ennemis, mais nous voulons davantage insister sur l’authenticité, la nouveauté
et la spécificité de l’amour des ennemis comme enseignement de Jésus. « L’ordre ancien demandait au juif
d’aimer son frère juif. L’ordre nouveau demande au nouvel Israël un amour sans
frontière ».[43]
A ce
propos, s’agissant spécifiquement de l’amour envers l’ennemi, nous considérons
que Saint Paul est le premier qui nous a aidés à comprendre cette règle de vie
chrétienne dans l’Eglise primitive (Cf.
Rm 12, 14.17-21).
Comme les interprétations
divergent, nous préférons prendre l’interprétation du sermon de Matthieu comme
point de référence, pour le fait que les deux versions (Matthieu et Luc) sont
toutes de la même nature et que, par leur origine littéraire et historique,
viennent de Jésus ou du témoignage de son entourage.
Par contre, le grec de la septante
et du Nouveau Testament utilise surtout ἐcqrός pour
« ennemi », puisque polέmioς,
assez rare dans le N.T., vient de polέmoς qui
signifie guerre, combat, bataille et donc s’emploie surtout pour la partie
adverse contre laquelle on fait la guerre.
Le Nouveau Testament utilise
parfois aussi ἀntidikoς pour designer la partie adverse, ἀntikeίmenon, et satάn pour l’adversaire.
2.1.1. L’ennemi dans
l’Ancien Testament et les Psaumes
Dans
l’histoire du Salut, et même dans la vie sociale, la réalité d’ennemi ou
d’inimitié est permanente. A ce propos, LEON-DUFOUR écrit : « la présence des ennemis est une
donnée constante dans la Bible ».[44]
Outre les cas déjà cités à propos de la haine, nous pouvons encore relever le récit
de Sara et Agar (Cf. Gn 16, 1-7) ;
celui de Anne et Pennina (Cf. 1Sm 1, 4-8).
Un
ennemi dans l’Ancien Testament et les Psaumes peut être ton proche (Cf. Mi 7, 6 ; Jr 12, 6), tout
comme un ancien ami (Cf. Ps 55, 13-15),
mais aussi l’étranger, même si l’étranger ne veut pas dire nécessairement l’ennemi.
Les idolâtres ou ceux qui n’adorent pas le Dieu d’Israël deviennent ipso facto ennemis de la nation et de
Yahvé (Cf. Gn 15, 13-16 ; Dt
20, 16-17 ; Ex 23, 22).
En
effet, il convient de préciser que cette inimitié ou toutes les guerres que le
peuple Israël menait contre les peuples alentours, font partie de la pédagogie de Dieu pour l’accomplissement de
ses promesses dans l’histoire du Salut et pour conduire son peuple vers la
terre promise.
Les
guerres d’Israël sont aussi les guerres de Yahvé contre les ennemis communs. Il
en est de même pour l’individu, qui considère ses propres ennemis comme les
adversaires de son Dieu (Cf. Ps 73,
19 ; 139, 19ss).
De
ces textes vétérotestamentaires et psalmistes
émerge alors un cadre plutôt complexe concernant les ennemis de Dieu.
Puisqu’ils attaquent le peuple de Dieu et qu’ils résistent à la volonté
salvatrice, ils sont ennemis de Yahvé.
2.1.2. L’ennemi dans le Nouveau
Testament
A son
époque, Jésus connaissait parfaitement la loi juive concernant l’ennemi et
comment on devait se comporter à son égard. C’est pourquoi, nous voyons Jésus
dans son sermon sur la Montagne chez Saint Matthieu (Cf. Mt 5, 38-48), commencer avec le rappel de ce que disait la loi
ancienne : « vous avez entendu
qu’il a été dit … » et il profite à ce même moment pour édicter une
nouvelle loi : « … moi je vous
dis…. » (v.43).
Selon
le Nouveau Testament, « il y a un
seul vrai adversaire, l’ennemi par excellence, c’est le démon, le diable qui
sème la zizanie dans le champ de blé du Seigneur » (Cf. Mt 13, 24-30; Lc
10, 19). En conséquence, nous comprenons alors qu’avec Jésus, il
n’existe plus d’ennemi mortel ou juré comme les juifs considéraient les
Samaritains (Cf. Lc 10, 29-37) mais,
les ennemis sont seulement les alliés et les instruments du démon, c'est-à-dire
ceux qui tendent des pièges au peuple de Dieu et à ses témoins (Cf. Lc 1, 17. 74 ; Ap 11, 5.12).
Malheureusement, nous déplorons le fait que
bon nombre de ceux qui ont entrepris de réfléchir sur l’amour des ennemis n’ont
pas accordé beaucoup d’importances à la définition de l’ennemi selon les
différents contextes.
En
ce sens, Jésus lui-même a connu l’hostilité, il a eu des ennemis. Pendant toute
la période de la prédication du Royaume de Dieu, il y en a qui s’y sont farouchement
opposés, ils l’ont pourchassé, arrêté, flagellé, crucifié et tué (Cf. Mt 26–27 ; Mc 14–15 ; Lc 22 –23 ;
Jn 18 –19).
Par
conséquent, ces chefs des prêtres et scribes juifs étaient en même temps les ennemis
de Jésus (Cf. Lc 19, 17). Mais, par sa
mort sur la croix et par sa résurrection, il a vaincu le dernier ennemi qu’est
la mort (Cf. 1Co. 15, 26).
Ainsi,
tout disciple est appelé à suivre Jésus son maître qui ne cesse de lui donner
pouvoir sur ces inimitiés, en menant un combat spirituel contre toutes les
manœuvres du diable (Eph. 6, 11-13).
2.2. L’amour des ennemis au cœur de
l’enseignement chrétien
Marcel
DUMAIS révèle que, « l’amour des
ennemis est au cœur de l’enseignement chrétien selon le sermon sur la Montagne et
le sermon dans la Plaine »[45].
Il trouve que ce commandement de
Jésus s’explique dans certains autres passages du Nouveau Testament tels
que : la prière pour les ennemis
prononcée par Jésus à Etienne au moment de mourir (Cf. Lc 23, 34 ; Ac7, 60) ; l’invitation paulinienne à
bénir ceux qui nous persécutent (Cf.
Rm 12, 14; 1Co 4, 12) ; l’invitation pétrinienne : « à ne pas
rendre le mal pour le mal, ni l’insulte pour l’insulte, mais de bénir » (Cf.
1P 3, 9).
En
fait, bien que l’impératif « aimez vos ennemis » ne soit pas présent
dans toutes les références que nous avons citées précédemment, l’idée de ces références parlent
de la réalité de l’amour des ennemis en
termes de bénir les persécuteurs, de ne pas rendre le mal pour le mal, de
vivre en paix avec tout le monde, de donner à manger et à boire à l’ennemi et
vaincre le mal par le bien (Cf. Rm
12, 14.17-21).
2.2.1. Le mal de la persécution
Selon
Roland MEYNET, « La persécution
n’est pas un bien qu’il faudrait rechercher. Les disciples, comme tout le
monde, désirent qu’on leur fasse du bien »[46]. C’est pourquoi les hommes sont appelés à rechercher le bien, pour
soi et aussi pour les autres.
Prier et appeler la bénédiction de Dieu sur
les persécuteurs, c’est pour que ceux-ci se détournent de leur mal et qu’ils se
convertissent et deviennent bons, de mauvais qu’ils sont.
2.2.2. L’amour est un remède
Dans
les enseignements de Jésus, ceux qui sont appelés à le suivre ne peuvent pas
rendre le mal pour le mal, ni l’insulte pour l’insulte (Cf. Rm 12, 17). Puisque
les pécheurs aiment ceux qui les aiment, il faut dans ce sens renoncer au mal
pour ne laisser la place qu’à l’amour. C’est la seule façon de mettre fin à la
persécution pour laisser la place à l’amour qui est le seul remède.
2.2.3. La manifestation de l’amour du Père par Jésus
Cet
amour du Père manifesté par le Christ se montre par le fait qu’il a accepté
d’être giflé par le serviteur du grand-prêtre et n’a pas refusé d’être flagellé
(Cf. Jn 18, 22 ; 19, 1). Il a
été dépouillé non seulement de son manteau, mais de tous ses vêtements (Cf. Jn 19, 23-24). Il a tendu ses deux
mains et ses deux pieds pour être attaché à la croix.
Voilà
comment le Père dans son amour pour les
mauvais et les ingrats, n’a pas refusé de donner son propre fils. En Jésus
s’est manifesté l’amour du Père pour tous les hommes. C’est dans ce sens que
nous allons comprendre que tout bien vient de Dieu le Père.
2.2.4. Tout bien vient d’en haut
Selon
Roland MEYNET,
« Ce n’est pas à
travers les hommes qu’il faut attendre gratitude et reconnaissance, mais de
Dieu seul ; dans le sens où tout bien, tout don parfait vient d’en haut,
du Père de toute miséricorde. C’est de Lui que descendent sur les hommes la
pluie bénéfique, la nourriture et le vêtement, c’est de Lui qu’est venu le
salut en Jésus, c’est par sa permission que viennent le péché et la persécution
en face desquels nous pourrons nous montrer ses fils, c’est de Lui seul que
nous recevons ce que nous ne pouvons attendre de personne d’autre, le pardon de
nos péchés »[47].
Par
le Christ, nous est donné le don gratuit de Dieu qui dépasse tout don, celui de
la vie éternelle par delà la mort de la persécution, joyeusement accepté elle
aussi comme un don du Père.
2.3. Vers une théologie de l’amour et du
pardon des ennemis
Dans
la théologie de l’amour et du pardon des ennemis, nous allons comprendre que le
pardon est l’autre nom de l’amour des ennemis. Ici, nous essayerons de définir
le pardon, avec toute l’abondance terminologique qu’il comporte et comment il
constitue une réponse aux défis de notre temps. Il s’avère vrai qu’il n’y a pas
d’amour des ennemis sans pardon.
2.3.1. De la
haine-violence-vengeance-inimitié à l’amour des ennemis
En
définissant la haine, avec tout ce qu’elle comporte comme conséquence, « la violence, la vengeance, et
l’inimitié »[48], nous avons constaté
qu’elle a malheureusement toujours été présente dans l’histoire de l’humanité.
A ce
propos ABEL écrit dans son ouvrage avec une sorte de pessimisme que :
« quelques
illusions ne sont donc effondrées au sujet de la guerre, et de l’idée que si
nous étions tous plus instruits, plus riches ou plus bienveillants, nous
serions tous amis et qu’il devrait bientôt ne plus jamais y avoir de guerre …
dans ce qui s’effondre, me semble-t-il, il y a
cette curieuse idée qu’avec le progrès sans doute la barbarie guerrière
diminuerait continuellement pour faire place à la civilisation …. Il faut au
contraire s’habituer à considérer en face la barbarie comme sans cesse
récurrente dans l’histoire humaine …. La fin des conflits serait la fin de
l’histoire, et ce n’est pas demain la veille ».[49]
Ceci prouve à suffisance que, comme
principe moral et commandement, l’amour des ennemis est une innovation de
Jésus-Christ et un comportement spécifiquement et pratiquement chrétien (Cf. Mt 5, 38-48; Lc 6, 27-36, 23-34; Ac 7,
60; Rm 12, 14. 17-21).
Voilà
pourquoi nous affirmons que l’amour des ennemis est une force impressionnante
de relèvement et de redressement face aux violences les plus dangereuses. C’est
une attitude de prière, de bénédiction, de générosité et de pardon aux lieux
mêmes de la barbarie, de l’injustice et l’injustifiable ; une dépossession
volontaire de ses biens et de ses droits, même les plus élémentaires, au nom
d’une générosité hors de proportion pratiquée par Dieu Lui-même.
Le
Dieu Père de miséricorde, dont Jésus ose dire qu’il est bon pour les ingrats et
pour les méchants. C’est ce qu’il nous demande d’être et de faire à notre tour
puisque nous vivons dans un monde où le mal, la méchanceté, l’escalade de la
violence, l’intimidation, la force de frappe, les injustices, les procès et les
condamnations rôdent sans cesse.
L’amour
des ennemis constitue donc l’essentiel dans l’enseignement de Jésus où il disqualifie les
réponses instinctives et naturellement humaines à ces maux, à ces violences et
à ces injustices, pour leur opposer une seule manière paradoxale et
provocatrice de suivre, ou simplement selon Lui de vivre en fils et filles de
Dieu. Mais, cela ne va pas de soi et ça demande même des efforts
extraordinaires pour ne pas faire comme tout le monde, comme les pécheurs ou
ceux qui réagissent avec instinct.
2.3.2. L’amour-pardon des ennemis :
une réalité vitale
L’amour-pardon
des ennemis signifie qu’il ne suffit pas d’être généreux, bienfaisant,
non-violent et pacifique envers l’ennemi, mais aussi et surtout lui pardonner
de tout cœur.
En
effet, l’amour des ennemis qui se limiterait seulement aux actes de charité ne
suffit pas, quand bien même il provoquerait des effets positifs chez
l’offenseur, l’offensé garderait toujours rancune. Ainsi, il est indispensable
que ce dernier aille jusqu’au pardon total pour guérir psychologiquement,
socialement et religieusement.
L’enseignement
de Jésus sur l’amour des ennemis part des exemples de la vie humaine de chaque
jour, compte-tenu du contexte dans lequel il est né et grandi et qui se
manifeste par l’occupation, les taxes et l’arrogance des Romains et de leurs
complices Sadducéens. Ainsi, en citant Lv 19, 18, « prochain désigne le coreligionnaire israélite »[50]
, le Christ voulait tout simplement demander à ses disciples de
manifester l’amour du prochain par des actes concrets en lui faisant du bien et
non du mal. Raison pour laquelle, « les
disciples de Jésus accomplissent de toute évidence tout ce qui est profitable à
l’ennemi. Le disciple répond à la haine en faisant le bien, à la malédiction
par la bénédiction, au mauvais traitement par la prière».[51]
En
bref, quand Jésus parle de l’amour des ennemis, il le fait avec radicalité en
défiant ses interlocuteurs, mais sans arme. Il est contre toute lâcheté et
passivité, contre tout quiétisme, et contre toute violence, par exemple, quand
il se proteste contre la domination cruelle romaine, et surtout lors de sa
passion (Cf. Mt 26, 51-52 ; Lc 22,
38.49). Beaucoup d’autres exemples
prouvent à suffisance que Jésus n’est pas un visionnaire ni un utopiste, mais
un observateur sage qui part de la réalité. Il n’exige pas un altruisme
surhumain ni des comportements extraterrestres, mais des preuves d’amour comme
aider les nécessités, visiter les malades et les prisonniers, donner à manger
et à boire aux affamés (Cf. Mt 25, 34-36),
détruire l’inimitié en promouvant l’amour.
2.3.3. L’amour-pardon des
ennemis comme méthode d’évangélisation aujourd’hui
L’amour-pardon
des ennemis est une réalité au cœur de l’Evangile et une méthode pratique,
comme le souligne le Pape François dans son exhortation apostolique Evangelii
Gaudium que, « l’évangélisation est
essentiellement liée à la proclamation de l’Evangile à ceux qui ne connaissent
pas Jésus Christ ou l’ont refusé ».[52]
Les ennemis sont ceux qui
n’observent pas l’Evangile du Christ, et les chrétiens ont le devoir de les
amener vers Dieu par l’annonce de sa parole. Comment
alors aimer ceux qui ne partagent pas la vie des disciples du Christ, afin de
les évangéliser ? Comment cet amour se manifeste-t-il dans la vie
chrétienne et dans l’Eglise ?
2.3.3.1. Comment et pourquoi aimer les
ennemis ?
A la
question de savoir si « aimer les
ennemis » est raisonnable ou réaliste, on pourrait d’emblée répondre
négativement. Mais logiquement et religieusement, la réponse positive est aussi
pratique dans le sens où il faut d’abord s’analyser et se reconsidérer soi-même
en faisant une autocritique, car chacun de nous a des qualités ou des défauts qui font qu’il soit
apprécié ou haï par les autres de quelque chose de mauvais qu’il aurait commis
dans le passé. C’est cela que Jésus signifie dans l’Evangile de Saint Luc (6, 41-42) et l’Evangile de Saint
Matthieu quand il dit : « comment peux-tu voir la paille
qui est dans l’œil de ton frère et ne pas voir la poutre qui est dans le
tien ? » (7, 3-4).
En
fait, quand on a découvert que dans chaque personne humaine, il y a l’image de
Dieu, mais aussi qu’il y a en même temps du bon et du mauvais, notre attitude
de juge criticiste change à l’égard des autres, comme le dit Martin Luther
King : « il y a du mauvais
à l’intérieur du meilleur d’entre nous, et du bon dans le pire d’entre nous.
Une fois que nous l’avons découvert, notre attitude change à l’égard des
individus ».[53]
La haine entraine toujours des réponses
tragiques et névrosées ; car plus on hait, plus on développe des
sentiments de culpabilité et on commence à contenir inconsciemment ou réprimer
consciemment certaines émotions que conserve notre subconscient. Pour cette
raison, Martin Luther King trouve que :
« la haine
est un cancer qui s’attaque aux points centraux de la vie et de l’existence.
C’est un acide qui corrode ce qu’il y a de meilleur et de plus objectif dans
votre vie. C’est pourquoi Jésus dit : aimez, car la haine détruit celui qui hait tout
autant que celui qui est haï ».[54]
En
conséquence, l’amour-pardon des ennemis porte des fruits de conversion non
seulement aux offenseurs, mais aussi aux victimes de l’injustice et de la
violence, en nouant de nouvelles bonnes relations durables. Ainsi, à notre
humble avis, Jésus a proposé l’amour des ennemis puisque, c’est l’unique amour
qui possède en lui un pouvoir rédempteur, susceptible de transformer les
individus. Il faut donc aimer et pardonner les ennemis puisque si nous les
haïssons, nous nous trouvons dans l’incapacité de les convertir et de les
transformer.
D’autre
part, l’amour des ennemis que nous venons d’expliquer longuement est appelé
aussi « pardon des ennemis ».
Vu que l’existence des ennemis est une réalité vitale indubitable, l’acte de
les aimer et de leur pardonner, bien difficile, est à plus forte raison le thermomètre
qui mesure le niveau de chrétienté de quelqu’un. Et Didier Rancer de déduire
que c’est ce réalisme qui distingue le christianisme des autres doctrines. Il
s’explique en ces termes :
« Et il s’agit
bien du pardon des ennemis réels, qui vous font ou vous ont fait du mal. Le
christianisme là-dessus diffère nettement de la pensée antique, en particulier
du stoïcisme, qui prêche, par exemple dans les pensées de Marc Aurèle, le pardon
apparent des ennemis, mais parce que, à ses yeux, l’ennemi n’en est vraiment
un, c’est simplement un parent qui ignore qu’il l’est. Jésus, nous l’avons vu,
parle de loups et d’agneaux, et refuser de reconnaitre que nous pouvons avoir des
ennemis évacue la force du pardon chrétien, même si, à la suite de Saint
Augustin, nous devons considérer notre frère dans notre ennemi. Comme l’était
frère Christophe de Tibhirine en janvier 1994 : oui, il y a des ennemis.
On ne peut pas nous contraindre à dire trop vite qu’on les aime, sans faire
injure à la mémoire des victimes dont chaque jour le nombre s’accroît ».[55]
2.3.3.2.
L’amour-pardon des ennemis dans la vie du chrétien et dans l’Eglise
Etant
donné que c’est humainement parlant difficile et que ça semble être
irraisonnable et irréaliste, l’unique arme pour aimer les ennemis, c’est la
croix du Christ, que Paul a très vite appelé une pure folie plus sage que
les hommes, une faiblesse plus forte que les hommes (Cf. 1Co 1, 18). Et
pourtant, c’est précisément sur cette croix que l’enseignement de Jésus sur
l’amour des ennemis s’est réalisé : « il a aimé ceux qui haïssaient, il s’est laissé calomnier,
maltraiter et condamner tout en priant et en bénissant ses bourreaux ; en
tout, il s’en est remis à la miséricorde du Père » (Cf. Lc 23, 34).
Cette
demande de pardon invite tous les pécheurs à regarder avec confiance la croix.
Elle enveloppe le monde d’une immense miséricorde. A ce propos, Hunter écrit
que : « le sermon sur la montagne
a pour coralliaire la croix sur le Golgotha. Il prépare l’homme à recevoir
l’Evangile de la grâce pardonnante de Dieu dans le Christ crucifié ».[56]
Pour
cela, être chrétien, c’est suivre le Christ dans la voie de l’amour des
ennemis, dans la voie de la miséricorde, et donc, c’est la seule manière de
représenter Dieu sur la terre des vivants, car « celui qui aime son ennemi ne se met pas seulement lui-même au
service de l’ennemi par le bien qu’il lui fait, mais engage Dieu lui-même en
l’implorant de donner ce qu’il est incapable de réaliser lui-même».[57]
Et
si l’on se lie à ce Dieu d’amour et de miséricorde, alors on est invité à se
regarder soi-même autrement, et à voir les autres autrement, avec ce regard
spécial de Dieu pour le meilleur de nous-mêmes, et avec cette générosité
impérative de Dieu, nonobstant nos défauts. « Les
riches auxquels s’adressait la malédiction proférée ne sont pas là. Jésus se
retourne à nouveau vers les disciples qui sont présents. Il leur parle dans toute
sa puissance… ».[58]
C’est bien parce que nous sommes
d’abord redressés et relevés par Dieu entant que personne infiniment précieuse,
malgré nos violences et nos malfaisances, aimés comme ingrats et méchants, que
nous pouvons ensuite redresser et relever pour Dieu toutes les personnes que
nous rencontrons sur notre route, avec leurs violences et leurs malfaisances.
A
vrai dire, l’amour-pardon des ennemis n’est pas un fanatisme aveugle de
résignation à tout prix, ni d’un dolorisme béat et sanctificateur, ni d’un
lavage de cerveau suicidaire. Tout simplement, il s’agit d’un travail du cœur
et de l’esprit fécondés par le cœur et l’esprit de Dieu. Il s’agit seulement
d’une manière de déplacer le monde dans le cœur de Dieu; une manière dont
chacun de nous est responsable, au cœur des événements même les plus malheureux
de la vie ; une manière de lutter, de ne jamais abandonner ou se résigner,
mais au contraire une manière de toujours vouloir donner plus, pardonner,
prier, bénir et faire le bien.
Cette
lutte de tous les jours, Martin Luther King l’appelait « la force d’aimer »[59],
et pour Jésus, c’est « l’amour des
ennemis » (Cf. Lc 6, 27). C’est l’amour de Dieu en nous, que Jésus
nous a enseigné et que l’Esprit Saint nous permet de réaliser dans nos
événements quotidiens et dans l’Eglise.
2.4. Vers une théologie de la
non-violence évangélique et de la paix
Dans
cette partie, nous plancherons sur les
fruits et les principaux bienfaits du pardon qui sont : la guérison intérieure
et même physique, la réconciliation et la paix. Mais, le moyen, l’arme ou la
méthode la plus efficace pour arriver à ce pardon, à la réconciliation et à la
paix est la non-violence. « Le
Royaume de Dieu commence par l’évangile, la bonne nouvelle, annoncée aux
pauvres, par la libération annoncée aux captifs, la lumière aux aveugles, la
délivrance à ceux qui sont opprimés ».[60]
La
non-violence constitue le résumé de deux péricopes de Saints Luc et Paul (Cf. Lc 6, 27-36; Rm 12, 14. 17-21).
Comment alors comprendre et décrire la non-violence ? C’est ce que nous
allons développer dans les pages qui suivent.
2.4.1. Définition
et description de la non-violence
Face
au constat malheureux dans notre monde de l’existence de la haine, de la
violence, des conflits, des guerres et différentes formes de vengeance entre
les hommes dans l’Ancien Testament, dans le Nouveau Testament et dans la
société humaine de tous les temps, des efforts ont été fournis dans tous les
domaines de la vie pour éduquer les hommes à la cohabitation et à la paix.
L’étude
exégétique nous a permis de trouver la
non-violence définie dans les versets suivants : Lc 6, 27-29, parallèles à Mt
5, 38-41 et surtout le v. 29 où
il est dit que : « à qui
te frappe sur une joue, présente encore l’autre … ». En effet, il nous
semble que le paradoxe de « tendre
l’autre joue » n’est pas une prescription, mais dans un certain
sens une méthode didactique pour affirmer, d’une manière plus bouleversante et
efficace le non à la vengeance retributive et le renversement complet du rapport de justice ou
encore de la loi du talion. Ecoutons Hunter :
« à
vrai dire, il y a des indices qu’au temps de notre Seigneur une peine
pécuniaire avait remplacé l’application littérale de la Loi ; mais la loi
du talion, celle de tendre coup pour coup, était aussi la base des lois grecque
et romaine et remontait, en fait, à près de 2000 ans avant le Christ au code
d’Hammourabi. Mais, pour Jésus, ce n’est pas ainsi que Dieu se comporte, et ce
ne peut être l’idéal des fils du Royaume».[61]
Cette
non-violence est contraire à la passivité, à la lâcheté, à la faiblesse, au laisser-aller
(laisser-faire) et à la complicité
dans le mal. Le fait de laisser le méchant continuer à frapper ne serait pas un
acte d’amour ni envers d’autres victimes potentielles, ni envers le méchant
lui-même, car il continuerait à s’enfoncer dans son mal. Mais, le fait de ne
pas répliquer ouvre la voie, autrement impraticable, à la recherche des
stratégies pour l’aider à changer de comportement. Certes, on ne peut pas
combattre la violence par la violence, mais par la non-violence.
Cette non-violence ne consiste pas à supporter
passivement les injustices, mais à les combattre. User de la violence, même si c’est pour
réclamer la justice, n’aboutit qu’à d’autres violences.
Ainsi,
il faut substituer la force violente par une force morale et spirituelle,
capable de rétablir la justice et la vérité qu’on appelle non-violence. Pour
cela, Mahatma Gandhi considère que la vérité et la non-violence sont synonymes de Dieu qui est amour. Selon lui, « quand
on veut trouver la vérité entant que Dieu, le seul et inéluctable moyen est
l’amour, c’est-à-dire la non-violence, et puisque je crois qu’en définitive les
moyens et la fin sont des termes convertibles, je n’hésiterai pas à dire que
Dieu est amour ».[62]
Par
conséquent, la non-violence menée par Gandhi se présente sous deux volets
complémentaires. D’une part, la non-violence constructive qui constitue
l’éducation, la formation de l’individu et des masses. Ici, Gandhi propose « que tous apprennent à la fois à obéir
aux lois justes, non par crainte des sanctions mais en esprit de vérité, et à
rejeter les lois injustes sans recourir à la violence, quoi qu’il en
coûte »[63].
D’autre part, la non-violence agressive qui consiste en un combat économique et
politique.
La
règle suprême en est que tout recours à la violence, toute coercition physique
ou morale sur les opposants ou habitants, toute haine ou rancune sont exclus et
le non-violent doit agir de telle sorte que la non-coopération et la désobéissance
civile comportent le minimum de danger pour la paix publique, le maximum de
sacrifice pour ceux qui participent au mouvement de contestation contre
l’injustice.
Il y a toujours obligation impérieuse de
souffrir les conséquences légales et autres de ses actes et d’aimer
l’adversaire d’un amour brûlant. A ce propos, encore une fois, M.K. Gandhi
s’adresse aux dirigeants de l’époque : « c’est
la pression morale de la souffrance qui doit conduire au triomphe … je veux
vous vaincre uniquement par la souffrance … »[64].
Le secret de la non-violence chez Mohandas
Gandhi s’approche, en quelque sorte de
l’enseignement chrétien sur l’amour et la vérité. C’est par un amour sans
frontières que les données scripturaires, même les plus perplexes, se
réalisent. Il est donc possible d’aimer et de sympathiser son ennemi au point
de le convertir.
Toutefois,
la non-violence de Gandhi a des failles par rapport à la non-violence
évangélique, surtout quand il limite sa pratique à la société et en minimisant
l’apport de la religion et de l’individu
à la recherche de la paix et du salut éternel.
Tout
en reconnaissant que la non-violence est le moyen plus inoffensif et cependant
aussi efficace pour affronter les injustices politiques et économiques de la
partie opprimée de l’humanité, il déclare ceci :
« je sais,
depuis ma première jeunesse, que la non-violence n’est pas une vertu de couvent
qui doit être pratiquée par l’individu qui cherche la paix et le salut éternel,
mais une règle de conduite pour la société qui veut vivre conformément à la
dignité humaine et progresser vers la réalisation de la paix qu’elle a depuis
longtemps désirée » [65]
2.4.2. La
non-violence chrétienne
L’important
dans ce point est de s’opposer au mal de manière à ne pas faire le mal qui,
comme on le sait, est déjà aussi une violence.
Donc,
l’idéal serait de faire une opposition ou une résistance non violente contre le
mal, en sauvegardant la dignité de la personne humaine, quoique malfaitrice.
Ici Hunter souligne que, « le Christ
enseigne le dépassement. Rendre le mal pour le bien, c’est la manière d’agir du
démon ; rendre le bien pour le bien, celle de l’homme ; rendre le
bien pour le mal, celle de Dieu »[66].
2.4.2.1. La
non-violence active Evangélique
Le
Nouveau Testament est le texte sur lequel se fonde le mieux ce que nous
appelons « non-violence
évangélique », par rapport à « non-violence »
tout court. Pour cela, le message chrétien est
intrinsèquement un message d’opposition à la violence, et de non-violence.
Jésus lui-même en donne l’exemple le plus éloquent. Né dans un peuple opprimé,
en Galilée, dans la classe sociale la plus pauvre. Dès les premières années de
sa vie, il est exilé et persécuté (Cf. Mt
2, 13-18), mais Dieu le Père Tout Puissant n’intervient pas pour défendre
activement. Au contraire, Il le fait fuir et ne fait pas mourir directement
Hérode. Il refuse d’utiliser sa puissance divine miraculeuse pour se défendre
et se venger contre les hommes qui veulent le tuer, mais s’échappe et les fuit.
Par
contre, sa puissance sert exclusivement au bien de l’homme, bon ou méchant, à
la santé, au bonheur et au salut de l’homme. Il déconseille et condamne toute
violence et toute vengeance (Cf. Mt 10,
23).
Ainsi, toute l’annonce du règne de Dieu, dans
le Nouveau Testament a une cohérence et un dénominateur commun : la
non-violence selon l’école de Jésus-Christ. Dans ce sens, « Jésus indique deux voies pour surmonter ces obstacles : le
pardon et le don. Les barrières entre le moi et le toi sont abattues :
c’est le pardon. Des ponts sont jetés : c’est le don. »[67]
Mais,
c’est surtout dans le discours sur la Montagne (Mt 5, 38-48) et dans la Plaine (Lc
6, 27-36) que Jésus recommande directement et explicitement la non-violence
en interdisant toute sorte de vengeance, comme « l’autre joue » ou « le
manteau arraché », c’est-à-dire ne pas réagir au mal subi.
Dans
le récit de la passion qu’on trouve une prohibition explicite de la plus
légitime violence défensive : « remet
ton épée dans son fourreau, puisque tous ceux qui prendront l’épée périront par
l’épée » (Cf. Mathieu 26, 52).
L’analyse
exégétique faite sur Lc 6, 27-36 et
par ricochet Rm 12, 14. 17-21 permet
de dépasser la confusion entre « pacifisme »
et « passivisme » et nous
conduit vers la non-violence active évangélique qui nous aide à obtenir « la paix eschatologique universelle
promise par Dieu dès l’Ancien Testament où la promesse concerne quelque chose
du futur » (Cf. Is 9, 5; 57, 19; Mi 5, 4; Za 9, 10),
et déjà réalisée par la venue du Christ. Car Jésus-Christ est venu accomplir la
promesse de Dieu, et donc aussi la promesse de la paix, comme Saint Paul le
confesse :
« car c’est lui
qui est notre paix, lui qui des deux peuples n’en a fait qu’un, détruisant la
barrière qui les séparait, supprimant en sa chair la haine, cette loi des
préceptes avec ses ordonnances, pour créer en sa personne les deux en un seul
corps, au moyen de la croix : là, il a tué la haine. Alors il est venu
proclamer la paix, paix pour vous qui étiez loin et paix pour ceux qui étaient
proches » (Cf. Eph 2, 14-17. Voir
aussi Ga 3, 28-29 ; Col 3, 14-15).
Pourtant, La paix ne peut et ne pourra
devenir complète qu’en adoptant les diverses attitudes de Jésus
rapportées en Lc 6, 27-36 et que
Saint Paul recommande aux chrétiens en Rm
12, 14. 17-21, bref, imiter Jésus en
passant par le même chemin qu’il a suivi : « la croix, la mort et la résurrection ».[68]
2.4.2.2.
La non-violence active évangélique et la
paix dans l’enseignement de l’Eglise
A la
suite de Jésus, de ses disciples et de la première communauté chrétienne, les
Papes, les Conciles, les Synodes et les Evêques ont continué et continuent à
enseigner et à exhorter le peuple de Dieu à la non-violence pour que les hommes
vivent dans la paix et l’unité, pour qu’ils soient saints, parfaits et fils de
Dieu.
En
effet, comme l’affirme le Pape Jean XXIII, une paix durable doit se fonder sur
Dieu : « la paix sur la
terre, objet du profond désir de l’humanité de tous les temps, ne peut se
fonder ni s’affermir que dans le respect absolu de l’ordre établi par
Dieu ».[69]
Le
concile Vatican II, par exemple, dans la constitution sur « l’Eglise dans le monde de ce temps (Gaudium et Spes), en
condamnant la barbarie de la guerre, souligne l’importance des moyens
non-violents pour instaurer la paix ».[70]
Pour cela, le Concile est très clair quand, dans sa conclusion, il invite
tous les chrétiens et les hommes de bonne volonté à pratiquer la non-violence
et à vivre dans la paix :
« puisque nous sommes destinés à une seule et même vocation divine, nous
pouvons aussi coopérer, sans violence et
sans arrière pensée à la construction de la paix véritable »[71].
En
définitive, pour qu’il y ait une paix solide et durable, les chrétiens et les
hommes de bonne volonté doivent vivre chaque jour dans la non-violence, la
vérité, la justice, la charité, la liberté et le pardon, car « il n’y a pas de paix sans justice, il
n’y a pas de justice sans pardon ».[72]
La
visée fondamentale de notre réflexion se veut aussi bien théologique que
pastorale. Nous avons ainsi voulu contribuer à une promotion d’une théologie et
une pastorale de l’Amour-pardon des ennemis, par la non-violence active Evangélique,
pour la paix de tous, surtout en ces dernières années où la paix de l’humanité
est menacée par toutes sortes d’injustices, de violence, de terrorisme, de
conflits et de guerres.
Notre
souhait est que cette étude conduise chaque chrétien, et surtout chaque acteur
de l’évangélisation à s’interroger sur les moyens et les méthodes les plus
adaptés pour affronter ce grand défi.
Ainsi,
pour une nouvelle évangélisation de notre société et surtout de nos CEVB menacées
ou déchirées par ces maux, il faut retourner à l’Evangile, le vivre comme Jésus
Lui-même et ses nombreux témoins (qui nous ont prouvé que tout est possible par
la grâce de Dieu, en insistant sur l’amour-pardon des ennemis, la non violence,
la non-vengeance et la générosité envers tout le monde aussi bien les bons que
les méchants).
A
titre d’exemple, par sa vie de non-violent, Saint François d’Assise nous invite
au pardon et à la réconciliation. Ainsi, dira-t-il :
« Voilà à quoi
je reconnaitrai que tu aimes le Seigneur, et que tu m’aimes, moi, son serviteur
et le tien : qu’il n’y ait aucun frère au monde qui, après avoir péché
autant qu’il peut, quand il aura rencontré ton regard, ne revienne pardonné,
s’il a demandé pardon. Que s’il ne demande pas pardon, toi, demande-lui s’il
veut être pardonné. Et quand bien même ensuite il pécherait encore mille fois
contre toi, aime-le plus que moi, afin de l’amener au Seigneur ».[73]
2.5.
Conclusion partielle
Au
terme de ce chapitre sur la théologie de Lc
6, 27-36, retenons qu’il a été question de l’interprétation de l’Evangile
de Saint Luc (6, 27-36). Nous avons
traité de la spécificité et de l’originalité de l’amour-pardon des ennemis, partant
de certains passages clés de l’Ancien Testament, du Nouveau Testament et de la
vie de Jésus. Nous avons reconnus et
réaffirmé la spécificité de l’amour des ennemis, par rapport à d’autres
doctrines et religions du monde.
En
dernière analyse, nous avons soutenu que le pardon est l’autre nom de l’amour
des ennemis. Ainsi, en nous fondant sur les Saintes Ecritures et sur le constat
qu’il n’y a pas d’amour des ennemis sans pardon, nous avons insisté sur le but,
les raisons, les conditions, les étapes et les bienfaits du pardon entre les
individus, dans la société et dans la communauté ecclésiale.
CONCLUSION GENERALE
Au
terme de cette étude exégétique et théologique de Lc 6, 27-36, que faut-il retenir ? Cette analyse avait pour
but de nous aider à comprendre, à la lumière des Saintes Ecritures, surtout Lc 6, 27-38, que l’amour des ennemis
n’est pas une utopie, ni quelque chose d’impossible comme certains l’ont pensée
et le pensent encore ; mais une réalité vitale.
Pour
mener à bien notre étude, nous avons opté pour méthode analytico-exégétique, et
ce modeste travail s’est articulé autour de deux chapitres, à savoir l’analyse
littéraire de Lc 6, 27-36 et la
théologie de cette même péricope.
En effet, le premier chapitre qui est
l’analyse littéraire de Lc 6, 27-36,
nous a permis de situer cette partie de l’Evangile de Saint Luc, ou mieux le
sermon dans la plaine autour des cinq points essentiels, à savoir la
délimitation; la critique textuelle; l’étude du contexte et aussi l’étude
de vocabulaires. C’est alors que s’est intervenue une petite conclusion.
Quant
au deuxième chapitre, il a été question de la théologie et de l’actualisation du texte biblique du
sermon dans la plaine, qui a comme thème : « Amour des ennemis ». Cette exhortation sur l’amour des
ennemis est le résultat d’un long cheminement qui vient d’un simple constat de
l’existence permanente de la guerre dans le
monde, la haine ainsi que la violence dans nos sociétés.
En réfléchissant sur l’origine de ce thème de
l’amour des ennemis, nous avons pausés des questions suivantes : pourquoi et comment la haine
se présente-t-elle dans l’humanité? Quelle
a été l’attitude ou la réaction des sages dans l’Ancien Testament et le Nouveau
Testament, des guides de nos sociétés de tous les temps tant au niveau national
que religieux ?
Ces
questions nous ont aidées à bien cerner le thème sur «l’amour des ennemis» et à brosser d’une manière succincte son
interprétation au cours de l’histoire, avant, pendant et après la vie et
l’enseignement de Jésus.
BIBLIOGRAPHIE
I.
TEXTES
1. La
Bible de Jérusalem, Paris, Cerf, 1979.
2. La
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Traduction Œcuménique de la Bible(TOB), édition intégrale, Paris, Cerf-Société
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4. Dictionnaire
de Théologie Catholique, T. VI, Paris, Letouzey, 1920.
5. Dictionnaire
Grec-Français par Ch. GEORGIN, Paris, Hatier, 1961.
6. Nouveau
Testament Interlinéaire Grec/Français, avec, en regard, le texte de la
traduction œcuménique de la Bible « en français courant »,
Paris, Société biblique française, 1992.
7. LE
ROBERT POUR TOUS. Dictionnaire de la langue française, Paris, Pièrre-de-Coubertin, 1994.
II.
INSTRUMENTS DE TRAVAIL
1. MEYNET
R., L’Evangile selon Saint Luc. Analyse
rhétorique. 2. Commentaire, Paris, Cerf, 1988.
2. DUPLEIX,
A., La Force du Pardon. Nouvelle
Cité, Paris, 1990.
3. GUILLEMETTE
P.-BRSEBOIS M., Introduction aux méthodes
historico-critique, Montréal, Labor et Fides, 1987.
4. NTUMBA
KAPAMBU V., Trois clés pour une lecture
africaine du Nouveau Testament, Kinshasa, Ed. Carmel Afrique, 2009.
5. HUNTER
A.M., Un idéal de vie. Le sermon sur la
montagne, Paris, Cerf, 1976.
6. LEON-DIFOUR
X., Dictionnaire du Nouveau Testament.
Paris, Seuil, 1975.
7. LECLERC
E., François d’Assise, le retour à
l’Evangile. Paris, Desclée de Brouwer, 1981.
8. VALENSIN
A. et HUBY J., Verbum Salutis III.
Evangile selon Saint Luc, Traduction et commentaire, Paris, Beauchesne et
ses Fils, 1941.
9. DUMAIS
M., Le sermon sur la Montagne : Etat
de la recherche ; Interprétation ; Bibliographie. Québec,
Sainte-Foy, 1995.
10. ABEL
O., De l’amour des ennemis et autres
méditations sur la guerre et la politique. Paris, Albin Michel, 2002.
11. LUTHER
KING M., Aimer vos ennemis. In Minuit, Quelqu’un frappe à la porte. Les grands sermons de Martin Luther King.
S. L., 1957.
12. LASSIER
S., Gandhi et la non-violence. Paris,
Seuil, 1970.
13. JEAN
XXIII, Pacem in Terris. Lettre Encyclique
sur la paix entre les nations, fondée sur la vérité, la justice, la charité, la
liberté (11 avril 1963).
14. JEAN
PAUL II, Message pour la célébration de
la journée mondiale de la paix, le 1er Janvier 2002.
15. BENOIT
XVI, Deus Caritas est. Lettre Encyclique
sur l’amour chrétien, le 25 décembre 2005.
16. LAGRANGE
P. M.-J., Evangile selon Saint Luc,
Paris, Victor Le coffre, 1921.
17. CHARTIER
D. C., La lecture Chrétienne de la Bible,
Namur, Maredsous, 1951.
III.
AUTRES OUVRAGES.
1. De
HUECK DOHERTY C., L’Evangile sans
transiger. Paris, Cerf, 1979.
2. GOULET
J., Les Evangiles à la portée de tous.
Guide de lecture et de partage. Montréal, Ed. Paulines, 1986.
3. CHARPENTIER
E., Pour lire le Nouveau Testament.
Paris, Cerf, 1981.
4. GEFFRE
C., Croire et interpréter. Le tournant
herméneutique de la théologie. Paris, Cerf, 2001.
5. DUPLEIX,
A., La force du Pardon. Nouvelle Cité,
Paris, 1990.
6. HUBAUT,
M., Pardonner oui ou non ? Paris,
Desclée de Brouwer, 1992.
7. MOMBOURQUETTE,
J., Comment pardonner pour guérir, guérir
pour pardonner. Novalis, Bayard, 2001.
TABLE DES MATIERES
Epigraphe.……………………………………………………………………………………..I
Dédicace………………………………………………………………………………………II
Avant-propos…………………………………………………………………………………III
1.
INTRODUCTION GENERALE…………………...…………………………………1
0.1. CHOIX
DU SUJET……………………………………………...……………………1
0.2. PROBLEMATIQUE………………………………….……………………………….2
0.3. METHODOLOGIE……………………………………………………………………3
0.4. DIVISION
DU TRAVAIL……………………………………..………………………3
CHAPITRE PREMIER : ANALYSE LITTERAIRE DE Lc 6, 27-36……..……………….4
1.0. Introduction……………………………………………………………………………4
1.1. Délimitation
du texte de Lc 6, 27-36…………………………………..……………4
1.1.1. Terminus
a quo……………………………………………………….………………4
1.1.2. Terminus
ad quem………………………………………………………..………….5
1.2. Critique
textuelle………………………………………………………...……………5
1.2.1. Critique
externe………………………………………………………………………6
1.2.2. Critique
interne..……………………………………………………….……………11
1.3. Etude
du contexte..…………………………………………………………………12
1.3.1. Le
contexte lointain ou Lc 6, 12-26.………………………………………………12
1.3.1.1.
Le choix des douze apôtres (Lc 6, 12-19)….........................................12
1.3.1.1.1.
La première partie (12-13).…………………………………...……………12
1.3.1.1.2.
La deuxième partie ou la partie centrale
(14-16)...…………...…………13
1.3.1.1.3.
La troisième partie (17-19)……………………………………...…………13
1.3.1.2.
Les béatitudes et les malédictions (Lc 6,
20-26)..………………………14
1.3.2. Le contexte immédiat ou Lc 6, 27-38………………………………………….…15
1.3.2.1.
La première partie (27b-30)………………………………………………..15
1.3.2.2.
La partie centrale (32-35)………………………………………………..…16
1.3.2.3.
La dernière partie (37-38)………………………………………………….16
1.3.2.4.
Segment de reliure (31 et 36)……………………………………………..16
1.3.3. Rapport entre les parties (Lc 6, 27-38)…………………………………………..17
1.4. Etude
de vocabulaires……………………………………………………………...18
1.5. Conclusion
partielle…………………………………………………………………21
CHAPITRE DEUXIEME: THEOLOGIE DE Lc 6,
27-38………………………………..22
2. 0. Introduction……………………………………………………………………………22
2.1. L’amour des ennemis…………………………………………………………………22
2.1.1. L’ennemi dans
l’Ancien Testament et les Psaumes…………………………….23
2.1.2. L’ennemi dans le Nouveau
Testament……………………………………………23
2.2. L’amour des ennemis au cœur de
l’enseignement chrétien……………………...24
2.2.1. Le mal de la persécution……………………………………………………………25
2.2.2. L’amour est un remède……………………………………………………………..25
2.2.3.
La manifestation de l’amour du Père par Jésus………………………………...25
2.2.4. Tout bien vient d’en haut…………………………………………………………...26
2.3. Vers une théologie de l’amour et du
pardon des ennemis………………………..26
2.3.1. De la
haine-violence-vengeance-inimitié à l’amour des ennemis……………...26
2.3.2. L’amour-pardon des ennemis :
une réalité vitale………………………………..28
2.3.3. L’amour-pardon des ennemis comme méthode
d’évangélisation aujourd’hui………………………………………………………………………………..…29
2.3.3.1. Comment et pourquoi aimer les
ennemis ?...................................................29
2.3.3.2. L’amour-pardon des ennemis dans
la vie du chrétien et dans l’Eglise……..31
2.4. Vers une théologie de la
non-violence évangélique et de la paix………………..32
2.4.1. Définition et description de la
non-violence………………………………………33
2.4.2. La non-violence chrétienne………………………………………………………...35
2.4.2.1. La non-violence active
Evangélique…………………………………………….35
2.4.2.2. La non-violence active
évangélique et la paix dans l’enseignement de l’Eglise.………………………………………………………………………………………362.5.
Conclusion partielle……………………………………………………………………39
CONCLUSION GENERALE……………………………………………………………….40
BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………………...41
TABLE DES MATIERES…………………………………………………………………..43
[1] DUPLEIX,
A., La Force du Pardon. Nouvelle
Cité, Paris, 1990, p.20.
[2] VALENSIN
A. et HUBY J., Verbum Salutis III. Evangile selon
Saint Luc, Traduction et commentaire, Paris, Beauchesne et ses Fils, 1941,
p.126.
[3] NTUMBA
KAPAMBU V., Trois clés pour une lecture
africaine du Nouveau Testament, Kinshasa, Ed. Carmel Afrique, 2009, p. 23.
[4]
MAINVILLE O., La Bible au creuset de
l’histoire. Guide d’exégèse historico-critique, Canada/Paris, Médiaspaul,
1995, p. 40.
[5] NTUMBA KAPAMBU V., Op. Cit. p. 24.
[6] CARREZ M.,
Grammaire grecque du Nouveau Testament.
Paris, Labor et Fides, 1985.
[7] CARREZ
M., Nouveau Testament interlinéaire,
Paris, Alliance Biblique Universelle, 1993.
[8] GEORGIN
Ch., Dictionnaire Grec-Français,
Paris, Hatier, 1961.
[9] VALENSIN
A. et HUBY J., Verbum Salutis III. Evangile selon
Saint Luc, Traduction et commentaire, Paris, Beauchesne et ses Fils, 1941,
p. 485.
[10]
LAGRANGE P. M.-J., Evangile selon Saint
Luc, Paris, Victor Le coffre, 1921, p. 631.
[11]
CHARTIER D. C., La lecture Chrétienne de
la Bible, Namur, Maredsous, 1951, p. 361.
[12]
LAGRANGE, Op. Cit. p. 192.
[13] Idem, p. 183.
[14] Idem, p. 194.
[15] Idem, p. 195.
[16] Idem
[17] Idem
[18] Idem
[19] Idem, p. 196.
[20] Idem
[21] Idem
[22] Idem, p. 197.
[23] Idem, p. 198.
[24] Idem
[25] MAINVILLE O., Op. Cit., p. 40.
[26]
SOUBIGOU L., Sous le charme de l’Evangile
selon Saint Luc. Paris, Desclée de Brouwer, 1933, p. 260.
[27] HUNTER
A.M., Un idéal de vie. Le sermon sur la
montagne, Paris, Cerf, 1976, p. 76.
[28] Idem
[29] Idem.
[30] Idem., pp. 273-274.
[31] RIGAUX
B., Témoignage de l’Evangile de Luc,
Paris, Desclée de Brouwer, 1970, p. 162.
[32] Idem
[33] Idem, p. 163.
[34] Idem, p. 164.
[35] Idem.
[36] Idem, p. 166.
[37] Idem, p. 168.
[38] L’inclusion est un procédé rhétorique,
connu des narrateurs comme des orateurs, pour faire apparaître l’unité de la
proposition (phrase, texte). L’inclusion rappelle en final le motif initial. On
peut la considérer comme un procédé de bouclage du récit. Il s’agit d’un genre
particulier qui consiste dans la reprise d’une phrase, d’un thème ou d’une
formule au début et à la fin d’une phrase ou d’un récit. Cela permet d’encadrer
le passage, le texte ou de le délimiter. Le texte ainsi clôturé constitue une unité
sémantique, c’est-à-dire une unité de sens. Institut Saint Eugène de
Mazenod, Cours de l’introduction aux
actes des apôtres et Epitres catholiques, Année Académique 2013-2014.
[39] STÖGER
A., L’Evangile selon Saint Luc. Parole et
Prière, Paris, Desclée, 1968, p. 183.
[41] STÖGER A., Op. Cit., p. 184.
[42] CARREZ M., Op. Cit., p. 143.
[43] HUNTER A.M., Op. cit., p. 74.
[44]
LEON-DIFOUR X., Dictionnaire du Nouveau
Testament. Paris, Seuil, 1975, p. 229.
[45] DUMAIS
M., Le sermon sur la Montagne : Etat
de la recherche ; Interprétation ; Bibliographie. Québec,
Sainte-Foy, 1995, p. 222.
[46] MEYNET
R., Op. Cit., p. 80.
[47] Idem.
[48] LE
ROBERT POUR TOUS, Dictionnaire de la
langue français, Paris, Pièrre-de-Coubertin, 1994, p. 547.
[49] ABEL
O., De l’amour des ennemis et autres
méditations sur la guerre et la politique. Paris, Albin Michel, 2002, P.10.
[50] HUNTER
A.M.,Op. Cit., p. 75.
[51] STÖGER
A., Op. cit., p. 184.
[52]
FRANCOIS, Evagelii Gaudium, chapitre
I, N°14.
[53] LUTHER
KING M., Aimer vos ennemis. In Minuit, Quelqu’un frappe à la porte. Les grands sermons de Martin Luther King.
S. L., 1957, p. 63.
[54] Idem.
[55] RANCE
D., Un siècle de témoins. Les Martyrs du
XXème siècle. Le sarment, S. L. 2001, pp. 325-326.
[56] HUNTER A.M.,Op. Cit., p. 128.
[57]STÖGER A., op. Cit., p. 184.
[58] Idem, p. 183.
[59] LUTHER KING M., op. Cit. p. 64.
[60] STÖGER
A., op. Cit., p. 189.
[61] Idem, p. 70.
[62] LASSIER
S., Gandhi et la non-violence. Paris,
Seuil, 1970, pp. 147-148.
[63] Idem. pp. 154-155.
[64] Idem.p. 158.
[65] GANDHI
M. K., Lettres à l’Ashram, Paris,
Albin Michel, 1983, p. 123
[66] HUNTER A.M., op. cit., p. 76.
[67] STÖGER A., op. cit., p. 190.
[68] CONCILE VATICAN II, Gaudium et Spes, N°78.
[69] JEAN
XXIII, Pacem in Terris, N°01.
[70] Gaudium et Spes, Op. Cit., N°78.
[71] Idem. N°92
§5.
[72] JEAN
PAUL II, Message pour la célébration de
la journée mondiale de la paix, le 1er Janvier 2002, N° 1-3, voir aussi BENOIT XVI, Deus Caritas est. Lettre Encyclique sur
l’amour chrétien, le 25 décembre 2005, N°
26-28.
[73] LECLERC
E., François d’Assise, le retour à
l’Evangile. Paris, Desclée de Brouwer, 1981, p. 202.
Je ne sais pas s'il existe le forum approprié pour dire cela. Je suis très heureux de ce que le prophète Ogbeifun a fait pour moi. Je voulais dire dr ogbeifun par l'intermédiaire d'un ami qu'il a aidé à gagner une cause de divorce il y a quelques mois et quand je l'ai contacté, il m'aide j’ai jeté un sortilège de mort sur ma mère dans la loi qui était vraiment en train de troubler ma vie et mon avenir, elle n’a jamais voulu que je progresse, chaque fois que je trouve un travail dans une entreprise, je suis renvoyé à cause de la mère de ma sorcière que je possède, je Je ne savais jamais que ma mère en loi était celle qui me dérangeait, mais un jour, j’ai sollicité le Dr Ogbeifun pour obtenir de l’aide et il m’a dit que Justine, ma mère en loi, était celle qui me dérangeait et il m’a aidé à lui lancer un sortilège. Je suis heureux parce que le malfaiteur est mort et depuis lors, ma vie a tourné pour que de bonnes choses marchent bien pour moi et je vis maintenant une vie heureuse et belle avec ma famille, grâce au Dr Ogbeifun. Je vous recommande à Dr Ogbeifun si vous avez un problème, il vous aidera à rétablir la vie conjugale. contactez-le par e-mail à l'adresse ogbefunhearlingtemple@gmail.com ou appelez-le / whatsapp via le +2348102574680
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