INTRODUCTION GENERALE
Les conditions dans lesquelles vivent
nombreuses femmes dans le monde ont toujours été préoccupantes. Malgré leur
rôle essentiel dans la famille et la société toute entière, elles sont victimes
des inégalités, des injustices et des violences qui portent atteinte à leur
personne et qui réduisent leur dignité à sa plus simple expression. Aussi,
faut-il reconnaître avec Porcile Santiso qu’un regard objectif sur l’histoire
de l’humanité oblige à constater que la femme a été généralement considérée
comme inférieure, soumise à l’homme et utilisée pour lui, surtout ou
uniquement, pour la procréation et les travaux ménagers[1].
Aujourd’hui encore, nombreuses sont les femmes dans le monde qui subissent des
violences ignominieuses et « innommables » dans différents contextes.
Lorsqu’on
examine la plupart de ces violences, ainsi que celles qui ont été vécues par la
femme dans la Bible, l’on remarque que presque tout se joue sur le corps de la
femme[2].
Sa beauté et sa virginité sont mises en épreuve, son corps devient un
terrain de jeu pour s’amuser.
Face
à une telle situation, la question de la dignité de la femme se pose avec acuité.
Nous voulons la traiter dans ce travail en mettant un accent particulier sur le
corps de la femme. Il s’agit donc de la question de la dignité de la femme à
travers sa corporéité. Plus concrètement quelle est la spécificité de la
corporéité de la femme ? En d’autres termes, comment exprimer la dignité
de la femme à travers sa corporéité qui est toujours une
« proie » de la violence? Ce
sont ces questions qui constituent le
noyau dur de notre recherche, noyau dur à cause duquel nous ferons appel à
l’ouvrage de Porcile Santiso «La femme espace de salut » publié
aux éditions Cerf en 1999 pour scruter sa théologie du corps de la femme
et à la doctrine officielle de l’Eglise catholique. Cette interrogation veut
opérer un changement de lieu pour penser la dignité de la femme. Il ne s’agit
pas de penser la dignité de la femme à partir de ce qu’elle fait mais à partir
de ce qu’elle est, à partir de son être féminin. Certes, le
corps exprime la personne. Il n’est pas seulement un objet de ce monde mais
fondamentalement, quelqu’un, la
manifestation, le langage d’une personne[3].
S’interrogeant sur l’universalité de la situation du statut secondaire de la
femme, Porcile Santiso trouve que toutes les femmes du monde ont le corps, un corps de femme, sexué.
C’est là « la première identité de l’être féminin ; une corporéité
féminine qui implique une façon d’être dans le monde, de se situer (de là le
terme de « situation »), qui suppose une façon d’être et de se
définir » [4].
C’est
pourquoi notre travail s’articulera autour de trois chapitres. Dans le premier
chapitre, nous allons faire une approche définitionnelle des concepts corps,
femme (féminité) et dignité pour saisir leur richesse sémantique. Cela nous
permettra de présenter la pensée de
l’auteur sur la spécificité du corps de la femme dans le deuxième chapitre.
Dans le troisième chapitre, nous allons présenter la pensée officielle de
l’Eglise catholique sur la dignité de la femme et proposer quelques pistes
d’engagement pour la défense de cette dignité en emboîtant les pas au Christ
qui, dans sa vie terrestre, n’a pas été indifférent à cette question de la
dignité de la femme. Commençons donc par préciser le sens que nous voulons reconnaître
aux concepts « corps, femme (féminité) et dignité » pour orienter la
suite de notre argumentation.
PREMIER
CHAPITRE : APPROCHE DEFINITIONNELLE ET CLARIFICATION DES CONCEPTS
Introduction
Dans
ce chapitre, nous voulons, sans nous étendre, expliquer les concepts clés du
sujet qui fait l’objet de notre travail : le corps, la femme (la féminité)
et la dignité. Il est ainsi question de dire ce que nous entendons en parlant
du corps de la femme à partir duquel nous voulons exprimer sa dignité.
I.1.Le corps
Dans
ce point nous allons d’abord parler du mot « corps » tout court,
ensuite nous verrons sa signification du point de vue anthropologique et dans
quelques cultures, suivra aussi le sens du corps dans les deux Testaments : l’Ancien et le Nouveau et
enfin nous parlerons brièvement de la valeur du corps.
I. 1. 1. Le mot « corps »
Selon
le Nouveau Petit Robert de 1995, le
mot « corps », du latin « corpus » est la partie matérielle
des êtres animés ; l’organisme humain par opposition à l’esprit ou à
l’âme. Il est le siège des sentiments, des sensations, de la sensualité. Il
signifie aussi la partie principale d’une chose (corps du navire, corps d’une
lettre). Il peut encore signifier tout objet matériel caractérisé par ses
propriétés physiques ; élément anatomique que l’on peut étudier isolement.
On parle aussi de corps pour signifier un groupe formant un ensemble organisé
sur le plan des institutions. Nous allons évoluer au cours de ce travail avec
la signification du corps comme « organisme humain » [5].
I.1.2. La
signification du corps du point de vue anthropologique et dans quelques cultures
L’Encyclopedia
Universalis, que nous allons résumer dans ce sous-point[6]
montre que dans les sociétés occidentales, on estime couramment que le corps
humain est un élément relevant seulement de la biologie ou de la physiologie et
que sa réalité matérielle doit être pensée d’une façon indépendante des représentations
sociales. Or, les travaux anthropologiques
aussi bien que les études historiques comme celles de Philippe Ariès ou
de Françoise Loux ont décrit l’extrême variabilité selon les sociétés, des
conceptions du corps, de son traitement social, de sa relation avec autrui et
avec le monde. Pour ces dernières, le corps est l’un des éléments constitutifs
de la « personne » ; entendue ici au sens ethnologique, soit les
différents systèmes de représentation de l’être humain, recouvrant, outre le
corps, les « âmes » et les principes de l’être. Quand on considère
ainsi le corps comme un élément parmi d’autres au sein des systèmes
symboliques, variables, comme participant à l’édification d’une personne
sociale, d’un membre conforme à l’image que son groupe institue comme normal,
on se trouve dans une perspective radicalement différente de celles des
conceptions modernes, pour qui le corps est une totalité autonome.
L’Encyclopedia
Universalis précise aussi qu’il y a plusieurs manières de parler du corps
suivant les différentes sociétés et cultures du point de vue de la conception
de l’hérédité et de la composition du
corps. Dans nombreuses sociétés de l’Afrique de l’Ouest, par exemple, l’on
considère que des ancêtres ou puissances extra humain peuvent intervenir dans
l’édification du corps d’un nouveau-né
et tout en le plaçant dans la chaîne filiative des vivants et des morts,
marquer sa singularité. Aussi, certaines anomalies corporelles sont le signe
d’un choix de la part d’une entité surnaturelle et détermineront le devenir
social de l’individu durant sa vie entière. Le rôle joué par les parents dans
la composition du corps physiologique varie selon l’organisation sociale et le
système de parenté. La contribution du père et celle de la mère peuvent être évaluées
d’après deux extrêmes : la transmission de ses propres caractères à
l’enfant se trouvant déniée tantôt à l’un tantôt à l’autre des deux géniteurs.
Entre ces deux pôles, certains éléments (sang, chair, os par exemple) propre au
père ou à la mère sont différenciés et regardés comme participant séparément à
l’édification du corps de l’enfant. Chez les Samo du Burkina Faso, par exemple,
le corps de l’enfant surtout sa chair, lui est fournie par sa mère, son sang
par son père.
Toujours
selon l’Encyclopedia Universalis, le corps n’est pas nécessairement une donnée
définitive : il arrive en Afrique que sorciers ou guérisseurs soient
réputés pouvoir se transformer en animaux à leur gré ; dans les multiples
récits, les chasseurs racontent par exemple que, comme ils abattaient une bête
en brousse, quelqu’un est mort subitement au village. Ce qui correspond au
thème du lycanthrope familier aux récits populaires occidentaux.
Du
point de vue des représentations portant sur la connaissance anatomique du
corps, la conception du rapport entre l’intérieur et l’extérieur du corps, la
notion des frontières du corps varient sensiblement selon les sociétés. Pour
les sociétés traditionnelles, la connaissance des organes et des fonctions
physiologiques n’a de valeur que par son insertion dans la totalité sociale.
Dans les sociétés non africaines, telles que les canaques de Mélanésie,
étudiées par Maurice Leenhardt, les définitions du corps expriment le rapport
de l’homme avec le monde qui l’entoure, en particulier avec le monde végétal.
Du
point de vue de la surface corporelle et statut social, la surface externe du
corps humain est l’objet d’une évaluation variable[7].
Chez les Ndembu de Zambie, étudiés par Vicrtor Turner, la circoncision est le
lieu privilégié de l’articulation entre le corps pris dans sa matérialité et
l’organisation symbolique et sociale propre à tout groupe[8].
En
bref, nous pouvons retenir de ces considérations de l’Encyclopedia Universalis
que la conception du corps, de sa composition, de son traitement social ainsi
que de sa relation avec autrui et avec
le monde varie selon les sociétés. En effet, le corps participe à l’édification
d’une personne sociale, d’un membre conforme à
l’image que son groupe institue comme normal. Voilà pourquoi, dans les
sociétés traditionnelles, par exemple, la connaissance des organes et des
fonctions physiologiques n’a de valeur que par son insertion dans la totalité
sociale. La singularité du corps dépend des éléments qui ont participé à son
édification et de l’évaluation que ce corps subit dans l’organisation sociale
propre à tout groupe. Et qu’en est-il du concept ‘corps’ dans la Bible ?
I.1.3. Le corps dans la
Bible
Nous
voulons présenter ici, de manière très brève, la conception biblique du
corps : dans l’Ancien Testament et dans le Nouveau Testament.
A.
L’Ancien Testament
Dans
l’Ancien Testament, le corps comme la chair est désigné par le terme « basar » [9]. Il
signifie au sens propre le tissu musclé mais aussi l’homme tout entier. Les
Israélites n’opposent pas la chair et l’esprit, ils les considèrent comme deux
éléments d’égale importance et leur attribuent des pensées et des sentiments
(par exemple Ps 16,9 ; 63,2 ; 84,3). Ils ne parlent pas de la
création du corps mais de la création de l’homme[10].
En
d’autres termes, bien que les hébreux distinguent parfois en l’homme l’âme et la chair (Is 10, 18), ils
n’opposent pas l’âme à la chair ou la chair à l’esprit ; tout l’homme est
âme (être vivant) et chair (être vivant qui a un corps ou être faible et
périssable) [11]. On
constate que les Ecrits qui sont nés en tout ou en partie sous
l’influence hellénistique distinguent clairement le corps du principe de vie
(Eccl 12, 7) ou l’oppose à l’âme (Sg 8, 19s ; 9, 15) : le corps
matériel est un poids pour l’âme et alourdit l’esprit dans son effort de pensée[12].
B.
Le Nouveau Testament
Selon
le Vocabulaire biblique de 1964, la notion de corps fréquente dans le
Nouveau Testament, définit l’homme comme un organisme constitué, un tout, une
unité. Ce n’est pas simplement la « forme » de l’organisme humain,
opposé à la substance qui serait son contenu, mais une manière d’être
essentielle et constitutive de l’être humain. Il n’y a pas d’existence humaine
qui ne soit corporelle (I Co 15,35). Cette corporalité de l’homme se manifeste
de la façon la plus immédiate dans le corps matériel de l’homme, cette unité où
les membres divers sont rassemblés en un tout harmonieux et bien coordonné (Mt
5, 30 ; 6, 25 ; Rm 12, 4s ; I Co12, 12-26) [13].
Mais
contrairement à la pensée grecque, le corps contient une réalité plus vaste que
l’unité biologique de l’homme, son corps visible, tangible, sensible. Voilà pourquoi l’Apôtre Paul ne peut pas
concevoir une existence future, par delà la mort et la résurrection sans corps.
Toute fois ce corps ne sera plus un corps charnel mais un corps spirituel (I Co
15, 35-49 ; Ph 3, 21) [14].
Bref,
on peut retenir que dans l’Ancien Testament, le corps comme la chair est
désigné par le terme « basar ».
Il n’est pas opposé à l’esprit. Il signifie au sens propre le tissu musclé mais
aussi l’homme tout entier. C’est cette notion de totalité, d’unité qui est
fréquente dans le Nouveau Testament. L’homme existe à travers le corps duquel
on voit l’unité des divers membres rassemblés
harmonieusement. C’est ce corps qui participera à l’existence future
comme corps spirituel.
I.1.4. La valeur du
corps
Le
corps est ce à travers quoi l’homme existe. Il existe dans son corps si bien
que sans celui-ci, il serait autre que ce qu’il est: être humain. Le corps fait
être dans le monde. Autrement on est un pur esprit. C’est ainsi que Porcile
Santiso écrit : « Le corps
est considéré dans son expression, ses possibilités de présence, de distance,
d’ouverture et de communication. On parle des techniques thérapeutiques qui
passent par l’harmonie gestuelle et on parle d’’expressions corporelles’’» [15].
Selon
Yves Semen, l’héritage de la philosophie platonicienne a considéré que le corps
était une prison pour l’âme, et qu’il convenait de s’en libérer pour retrouver
la pureté de notre essence humaine qui est spirituelle. Le bouddhisme
prêche aussi dans ce sens le détachement d’un monde qui est par essence mauvais
et source de malheur, ce détachement commençant par celui des contraintes
psychiques et corporelles[16].
Le corps est ici mis en accusation : c’est de lui que vient le mal de
notre condition humaine. Devant cette vision du corps comme prison de l’âme, la
question urgente à se poser : pourquoi a-t-on un corps et pourquoi ce
corps semble-t-il rebelle à l’esprit[17] ?
Cette question, selon Yves Semen, donne deux niveaux
d’approcher le corps. On croirait se trouver devant un problème alors que l’on
est en face d’un mystère. Si le corps est un problème alors il faut de solution
relevant de la technique[18].
Selon
le même auteur, la question que pose le corps est beaucoup plus qu’un problème,
c’est un mystère. Cela demande un certains nombre d’attitudes : la
première consiste à le dégrader en le ramenant à un problème. C’est l’attitude
« technicienne » et Gabriel Marcel dit que c’est « une procédure vicieuse dont les sources
doivent être cherchées dans une sorte de corruption de l’intelligence» [19].
La deuxième attitude possible à l’égard du mystère est de s’en détourner. C’est
ce que font vis-à-vis du corps tous les courants de pensé qui méprisent ou
rejettent le corps (encratisme, manichéisme, catharisme, jansénisme,…). Pour
ces derniers, le corps est quelque chose d’imparfait, il faut donc en minimiser
l’importance, le cacher, ne pas en parler, ne pas s’en occuper, bref l’évacuer
de sa vie autant qu’il est possible. La seule attitude droite selon Gabriel
Marcel, consiste d’abord à reconnaître le mystère, l’accueillir, puis
l’approcher, l’apprivoiser, par l’expérience concrète davantage que par la
logique. Enfin le réfléchir par un effort de recueillement intérieur. C’est l’attitude
qu’il nous faut avoir par rapport au mystère du corps et à sa splendeur…[20].
Par
ailleurs, les Pères conciliaires à Vatican II affirment que : « Corps et âme, mais vraiment un, l’homme est,
dans sa condition corporelle même, un résumé de l’univers des choses qui
trouvent ainsi, en lui, leur sommet, et peuvent librement louer leur créateur.
Il est donc interdit à l’homme de dédaigner la vie corporelle. Mais au
contraire, il doit respecter le corps qui a été crée par Dieu et qui doit
ressusciter au dernier jour. (…) C’est donc la dignité même de l’homme qui
exige de lui qu’il glorifie Dieu dans son corps, sans se le laisser asservir
aux mauvais penchant de son cœur » (GS 14).
En
bref, le corps n’est ni un tabou, ni une prison ni quelque chose d’imparfait
dont il faut minimiser l’importance. Il est ce sans quoi l’on existerait
autrement. Il mérite honneur et respect. Les questions qui se posent au sujet
du corps doivent être considérées non comme problème mais comme mystère. C’est
en approchant ce mystère dans une attitude de
recueillement que l’homme peut découvrir ses merveilles et peut être
conduit du visible à l’invisible.
I.2. La femme
Nous
abordons ce point en présentant d’abord les mots « femme » et
« féminité », ensuite le concept « femme » dans quelques
passage du livre de Genèse et enfin la femme dans la tradition religieuse.
I.2.1. Les
mots « femme » et « féminité »
La femme, d’après le Nouveau Petit Robert de 1995, est l’être humain appartenant au sexe
capable de concevoir les enfants à partir d’un ovule fécondé. Cette définition
met l’accent sur la capacité de
concevoir à partir d’un ovule fécondé : cela est particulièrement et spécifiquement féminin. Si telle est
la femme, qu’est-ce alors la féminité ?
Le
concept « féminité » vient de l’adjectif « féminin » plus
le suffixe « ité ». Ce suffixe est utilisé pour indiquer le
caractère. La féminité est alors, d’après le même dictionnaire:« le caractère
féminin ; l’ensemble des caractères propres à la femme ». L’adjectif
« féminin » quant à lui signifie, selon la même source : « ce
qui est propre à la femme ; qui appartient au sexe féminin ; qui a
les caractères de la femme ; qui tient de la femme ; qui ressemble à
la femme, qui a rapport aux femmes ; qui est composé de femme etc. ».
Mais quels sont les caractères proprement féminins ?
Selon
Leonardo Boff, « le féminin n’est
pas un élément exclusif à la femme : il constitue une caractéristique essentielle de tout être
humain… On attribue au féminin toute une dimension de tendresse, de finesse, vitalité,
profondeur, intériorité, sentiment, réceptivité, don de soi, sollicitude et
accueil, dimension qui s’exprime dans l’existence de l’homme et de la femme» [21].
Si
le féminin n’est pas exclusif à la femme, il faut reconnaître qu’il est plus
expressif chez la femme qu’il l’est chez
l’homme. Voilà pourquoi Leonardo Boff continue en disant : « On attribue au féminin tout ce qui concerne
la vie, gestation, protection, nutrition ; tout ce qui est relatif à la
créativité, à l’intuition, à la finesse, tout ce qui se réfère à l’intimité, à
l’intériorité, au mystère ; tout ce qui se rapporte au sentiment, à la
réceptivité, à la sollicitude ; tout ce qui touche à la dimension de
douceur, de tendresse et d’accueil » [22].
Par
rapport à notre problématique, nous pouvons retenir que la femme qui est l’être-humain-féminin partage avec l’être-humain-masculin certains
caractères auxquelles elle est plus identifiée
que l’homme. Et c’est en cela que se comprend sa féminité.
I.2.2. Le
concept « femme » dans le livre de Genèse
En
français, outre « homme » et « femme » nous n’avons que le
couple « masculin » et « féminin », les mots
« male » et « femelle » étant plus utilisés pour les
animaux[23].
Après
cette définition de la femme comme être humain appartenant au sexe capable de
concevoir les enfants à partir d’un ovule fécondé, il est intéressant de voir
ce mot dans la langue hébraïque pour exploiter la richesse du vocabulaire. Le
choix porté sur la langue hébraïque se justifie par le fait que le concept en
étude est bien présenté dans la Bible. Cette langue permet aussi d’avoir une
extension plus large de ce concept.
Selon
Edith Castel, la spécificité du vocabulaire hébraïque souligne le développement
de la création. Adam- l’homme générique-, c’est l’être humain ; créature unique
qui contient les deux principes sans lesquels il n’y a pas de vie
possible : Zakhar, le masculin
est associé par sa racine à Zakhor, la
mémoire. Mais pour être mémoire, il a besoin du nekeva, le féminin, qui signifie aussi « dire ». La
source du dialogue se trouve dans le principe féminin. Lorsqu’ Adam s’éveille
de sa torpeur (cf. Gn 2, 21), il découvre la femme à ses côtés, l’hébreu
les appelle respectivement ish et ishah ; la relation en même temps
que la différence apparaît dans
l’orthographe de deux noms[24].
Toujours
selon Edith Castel, du point de vue grammatical, certains disent que ishah vient de ish ; en hébreu « ah » étant le signe du féminin.
C’est ce qui est dit en Gn 2, 23b : « Celle-ci sera appelée femme, car elle fut tirée de l’homme » ;
d’autres soutiennent la préséance de la nomination de la femme[25].
En considérant l’orthographe, on remarque que ces deux mots si proches, diffèrent
par deux lettres : Ish contient un youd, la plus petite lettre de l’alphabet hébreu. Ishah qui n’a pas cette lettre, en
possède une autre que l’homme, par contre n’a pas le « hé ». Ces deux
lettres : youd et hé, donnent Iah,
l’abréviation du tétragramme divin (YHWH, Yahvé) qui se lit Adonaï[26]. Cela
a une double signification : d’une part, Dieu veut associer son Nom à
l’union de deux époux ; d’autre part, cela nous apprend que par la fusion
des contraires, on retrouve l’unité divine. L’union devient cependant un feu dévorant lorsqu’elle exclut la présence
divine. En effet lorsqu’on retire le youd
et le « hé », il ne reste
plus que les lettres « aleph et shine » qui forment le mot feu, esch en hébreu[27].
Par le nom Ishah, et en affirmant que
la femme est de la même chair que lui, Adam fait d’elle son homologue et son
égale[28].
Après que ce premier couple soit chassé du paradis terrestre, ishah reçoit un second nom, un nom
propre : Havah, Eve. Et ce nom
désigne explicitement sa fonction de mère : Adam appela sa femme Havah,
car elle était la mère de tout vivant[29].
Dans
le verset 18 de Gn 2, précise un autre auteur, la ishah est une aide « ‘ezer » en hébreu. Ce mot qui a été
ici et là compris comme signe de subordination, d’infériorité, est en réalité
un terme qui s’emploie fréquemment pour l’action de Dieu Lui-même, comme action
salvatrice. C’est dire que, au contraire, l’offre de cette aide suppose une
certaine supériorité ou pouvoir dans un domaine donné[30].
L’aide (‘ezer) ou le serviteur (‘eved) désigne parfois l’instrument grâce
auquel Dieu vient au secours de ceux qui en ont besoin[31].
Il faut souligner que le terme n’est jamais employé dans l’Ecriture pour
désigner un être inférieur ; au contraire, quelquefois il se réfère à Dieu
afin de le présenter comme sauveur d’Israël (Ex 18, 4 ; Dt 33,
7.26-29 ; Ps 33(32), 20 ; 115(113b), 9.11 ; 121(120), 2 ;
124(123), 8 ; 146(145), 5)[32].
A
partir de ce contenu des noms de la femme dans la Genèse, on perçoit d’emblée
l’abîme qui sépare l’image d’Eve dans l’imaginaire d’Occident-la tentatrice, la
femme fatale,- de sa définition, voire de sa destination
originelle : « donner la vie» [33].
I.2.3.
L’image de la femme dans la tradition
religieuse d’occident
Selon
Edith Castel, dans toutes les traditions religieuses, le statut de la femme est
marqué de signe d’ambivalence, mère et épouse ; être inférieur selon la
culture et rivale de l’homme. Considérée comme impure de par sa physiologie,
c’est pourtant elle qui donne la vie. Elle représente la force spirituelle en
même temps que la tentation. Son pouvoir de séduction la fait jeter hors du
paradis, mais il lui permet aussi, en cas de péril, de sauver son peuple de la
destruction[34]. Les
femmes de la Bible participent à cette ambivalence[35].
Le
Père Michel Evdokimov, prêtre de l’Eglise orthodoxe explique d’Eve ce qui
suit : « Le sexe décrété « faible » pour avoir cédé
aux injonctions du serpent, y apparaît sous un jour bien différent. Le serpent s’est attaqué en premier à la
femme parce spirituellement elle représente le sexe fort. Il savait que s’il
arrivait à circonscrire Eve, Adam tomberait. » La tradition juive
ajoute que si Eve a succombé au serpent, c’est parce qu’elle avait été blessée
par Adam[36].
Cette
image d’Eve tentatrice et responsable des malheurs de l’humanité traverse les
traditions. Dans la Bible, plusieurs femmes sont mises en évidence à travers la
séduction : Tamar qui séduit son beau-père (Gn 38, 13-26) ; la femme
de Putiphar qui calomnie Joseph qui avait refusé ses avances (Gn 39,7-20);
Dalila qui pousse Samson à avouer le secret de sa force (Jg 16, 15-22) ;
Hérodiade qui obtient la tête de Jean-Baptiste (Mt 14, 1-22) ; etc.
En
même temps, on trouve mise en valeur, dans la Bible, la vie des femmes qui ont
marqué l’histoire du peuple d’Israël, en commençant par celles que la tradition
appelle les « matriarches : Sara, Rebecca, Rachel et Léa. » Au
fil des pages de la Genèse, elles apparaissent comme les maillons
indispensables à la réalisation de la promesse que Dieu fit à Abraham le jour
où il lui dit : « Je ferai
de toi un grand peuple (Gn 12,2) » [37]. D’autres femmes sont intervenues
dans l’histoire de l’Alliance, lorsque le peuple est en péril en commençant par
Shiphra et Pua. Il y a aussi celles qui sont connues par leur titre maternel,
telle la mère de sept frères Maccabées ; d’autres encore ont un nom :
Miryam, la sœur de Moïse, Deborah, la femme juge, Anne la mère du prophète
Samuel, Judith et Esher. Elles ont su
conserver vivante l’espérance du salut d’Israël[38].
Pour ce faire, certaines n’ont pas craint de mettre leur féminité et leur
beauté au service de la « bonne cause », sans jamais aller jusqu’à
transgresser la loi de Moïse. Il suffit de considérer l’exemple de Judith qui a
réussit là où les armées d’Israël avaient échoué[39].
Le
regard des Pères de l’Eglise sur la femme est marqué par l’ambivalence qui
caractérisait le regard que le judaïsme portait sur la femme. Dans le cas des
Pères, la dominante reste misogyne. Tertullien, Basile, Augustin, Ambroise
parmi d’autres en ont écrit de toutes les couleurs sur la femme[40].
Lorsque Tertullien exhorte les femmes à la modestie, il écrit ceci :
« Si la foi demeurait aussi grande sur la terre
que la récompense qui l’attend dans les cieux, aucune de vous, mes sœurs
bien-aimées, dès lors qu’elle aurait connu le Dieu Vivant… ne songerait plus à
faire de sa tenue un sujet de plaisir, voire d’orgueil. Elle vivrait en
haillons et ne voudrait qu’un vêtement misérable, traînant partout avec elle
une Eve en proie aux larmes et au repentir. Toute sa mise contribuerait à lui
faire expier le péché qu’elle tient d’Eve, la honte de la faute première, et à
dissiper la malédiction qu’elle a suscitée en perdant le monde… Ne sais-tu pas
qu’Eve c’est toi ? L’arrêt dont Dieu a frappé ton sexe pèse toujours sur
le monde ; coupable, tu dois en accepter les rigueurs. Tu es la porte du
démon, tu as profané l’arbre fatal, tu es le premier traitre à la loi de Dieu,
toi qui as amolli par tes discours, celui dont le démon ne pouvait triompher
par la force. L’image de Dieu, l’homme Adam, tu l’as brisée, comme en te
jouant. Tu méritais la mort, et il a fallu que meure le Fils de Dieu! Et voilà
que tu te mets en tête d’orner ta tunique de peau » [41]
?
Mais
on trouve aussi chez certains Pères de l’Eglise une anthropologie
« d’unité de la création » qui rejoint l’interprétation juive de
texte de la Genèse. C’est le cas de Grégoire de Nysse qui
écrit : « …ce n’est pas
dans la nature humaine que se trouve l’image, pas plus que la beauté ne réside
dans une qualité particulière, mais sur toute la race que s’étend également
cette propriété d’image » [42].
Et
Basile de Césarée d’ajouter : « La femme possède aussi, comme son mari, le privilège d’avoir été
créée à l’image de Dieu. Egalement
honorables sont leurs deux natures, égales leurs vertus, égales leurs
récompenses, et semblables leur condamnation[43]… »
Dans un éloge fait au profit de la femme il écrit : « La nature
de l’homme est-elle capable de rivaliser avec celle de la femme qui
passe sa vie dans les privations ? Est-il capable, lui, d’imiter
l’endurance des femmes dans les jeûnes, dans leur ardeur à la prière,
l’abondance de leurs larmes, leur diligence aux bonnes œuvres ?(…) La femme
vertueuse possède ce qui est à l’image. Tu es donc devenue semblable à Dieu par
la bonté, la patience, l’entente, en aimant les autres et tes frères, en
détestant le mal et en dominant les passions du péché, afin que t’appartienne
le pouvoir de commander» [44].
Par
ailleurs, les femmes vantées par les Pères, ne sont, à entendre certains, plus
de femmes. En parlant de sa sœur Macrina, Grégoire de Nysse écrit « Une femme constitue l’objet de notre
narration, si toutefois on peut encore l’appeler femme. Car je ne sais si l’on
peut désigner selon sa nature elle qui s’est élevée au dessus de sa nature » [45].
D’autres
femmes qui ont trouvé grâce aux yeux des pères n’ont pas mené, à leurs
yeux, une vie « régulière » des
femmes de leur temps. Perpétue et Félicité ont été martyrs. A propos de
Félicité, ce texte écrit par saint Augustin n’est pas moins
révélateur : « Félicité,
elle, était enceinte, dans sa prison. Ses gémissements quand elle accoucha,
témoignèrent qu’elle était femme. Le châtiment d’Eve pesait lourdement sur
elle, mais la grâce de Marie lui fut accordée …»[46].
Selon
Edith Castel, la complexité de l’anthropologie des Pères de l’Eglise est
révélatrice d’un malaise devant le sexe dit « faible ». Ceux qui, en
accord avec le texte de la Genèse, ont mis l’accent sur l’égalité de l’homme et
de la femme, n’ont pas réussi / ou pas voulu ( ?) en tirer des
enseignements quant à la nature des rôles et des fonctions occupés par les
tenants de chacun des sexes à l’intérieur des sociétés tant civiles que
religieuses[47].
Par
rapport à notre problématique, nous pouvons retenir que l’histoire est porteuse
d’une conception dualiste de la femme. Cette dernière est, d’une part, présentée comme être
inférieur, comme responsable des malheurs de toute l’humanité. Certains Pères
de l’Eglise s’alignent aussi dans la vision méconnaissant la femme. L’on
reconnaît, d’autre part, à la femme une force spirituelle. Aussi, la tradition
biblique n’a pas passé sous silence les exploits des femmes qui ont marqué le
peuple d’Israël. Egalement, d’autres Pères de l’Eglise n’ont pas manqué
d’accorder grâce aux femmes dans leurs littératures. Cette ambivalence montre
que le regard porté sur la femme est encore imbu de plusieurs conceptions qui
ont consacré l’amoindrissent de la dignité de la femme. Cela n’est-il pas une
violence parmi tant d’autres faites à la femme ?
I.2.4. La violence
Quand
on parle de la violence, il est difficile d’identifier d’emblée sa nature,
parce que c’est « une réalité qui
concerne tout le monde, homme, femme, enfant, jeune, vieux. La réalité montre
que tout homme est capable d’être acteur et victime de la violence, selon les
cas, les circonstances de temps et de lieu» [48].
Il
est intéressant de souligner dans ce propos de Ntima Nkanza le mot ‘réalité’.
Il comprend la violence comme une réalité. Elle n’est ni mythe ni rêve. Elle est une réalité dans le
cœur de la personne humaine homme et femme. « Elle est le symptôme d’une
carence de « self[49]» de
la personnalité, un disfonctionnement du sens de la loi qui interdit de porter
atteinte à soi et à autrui» [50].
Par
rapport à notre problématique, nous pouvons retenir que la violence qui est une
réalité dans le cœur de l’homme et de la femme, porte atteinte à la dignité de
la personne humaine. Pour notre cas, elle se moque de la dignité de la femme
lorsqu’elle en est victime.
Dans
cette kyrielle des violences, nous sommes interpelés par celles faites à la
femme dans son corps[51].
Certes, en s’attaquant au corps et parfois en le détruisant, la violence
détruit le plus intime de la personne, de sa volonté, de son désir de vivre et
d’aimer. Elle s’en prend à la dignité de l’humain, de la femme dans sa
ressemblance divine. Faire violence au corps humain, c’est atteindre le plus
intime de la personne, car le corps humain n’est pas une simple dépouille ou
une limite dont il faudrait s’affranchir, encore moins une marchandise. Il
n’est ni une chose ni un objet de consommation[52].
I.3. De la dignité de
la personne humaine
Le
Petit Robert définit la dignité, dans un premier moment,
comme fonction, titre ou charge qui donne à quelqu’un un rang éminent. Cette
définition suffit pour comprendre l’émerveillement du psalmiste devant la
grandeur de la personne humaine lorsqu’elle s’écrie : « A voir ton ciel ouvrage de tes doigts, la
lune et les étoiles, que tu fixas, qu’est donc le mortel, que tu t’en
souviennes, le fils d’Adam, que tu le veuilles visiter ? A peine le fis-tu
moindre qu’un dieu ; tu le couronne de gloire et de beauté, pour qu’il
domine sur l’œuvre de tes mains ; tout fut mis par toi sous ses pieds.»
(Ps 8, 3-7.) Dans un second temps, il la définit comme le respect que mérite
quelqu’un. C’est aussi le respect de soi qui implique amour-propre, fierté,
honneur.
Par
rapport à notre problématique, nous pouvons retenir que la dignité de la
personne humaine n’est pas une invention de l’homme. L’être humain a sa dignité
comme homme et comme femme. Tous deux trouvent leur dignité en tant qu’ils sont
voulus différents des autres créatures. Pour cela, l’homme ou la femme ne doit
pas chercher sa dignité dans ce qui lui est extérieur : la fonction et
autre mais le doit dans ce qui lui est spécifique.
Conclusion du premier
chapitre
Dans
ce chapitre, nous avons expliqué les différents concepts-clés que comprend le
sujet de notre travail à savoir : la femme (la féminité), le corps et la
dignité. Nous avons vu que la femme c’est l’être humain féminin, l’être humain
capable de concevoir et la féminité tout ce qui fait que la femme soit une
femme, c’est-à-dire ce sans quoi on n’est pas femme.
Dans
la plupart des traditions, la femme est
toujours présentée subordonnée à l’homme. Dans une analyse sérieuse du concept
femme dans la langue hébraïque, l’on se rend compte que plutôt d’être
subordonnée à l’homme, la femme est son égale ; et le fait qu’elle soit
une aide suppose une certaine supériorité ou pouvoir dans un domaine donné.
Cette supériorité s’affirme dans la spécificité de son corps.
Voilà
pourquoi nous n’avons pas passé outre la valeur que possède le corps et a
fortiori le corps de la femme qui doit « imposer » la dignité qui lui
est due. Malheureusement, c’est ce corps qui est victime de l’agressivité de
l’homme, de la violence humaine. Nous avons défini la dignité comme ce qui
donne à l’homme ou à la femme un rang éminent. Cela est une raison suffisante
pour que du corps soit dégagée des réflexions théologiques. C’est à cet
exercice que nous allons, avec Porcile
Santiso, consacré le chapitre suivant où il sera question de la présentation de
ce qui rend spécifique le corps de la femme.
DEUXIEME
CHAPITRE : LA PENSEE DE PORCILE SANTISO SUR LA SPECIFICITE DU CORPS DE LA FEMME
Introduction
Dans
le premier chapitre, en plus des approches compréhensives portées sur les mots
femme, féminité, corps et dignité, nous avons montré la valeur du corps en
insistant sur le fait qu’il révèle le caractère unique de la personne. Il est
le lieu unique de la plus intime relation avec l’autre : le plus intérieur
se dit par le plus extérieur. C’est le corps qui permet la rencontre de l’autre
jusqu’au don de la vie[53].
Dans
le présent chapitre, nous voulons de manière approfondie, nous appesantir sur
le corps au féminin à travers sa spécificité ainsi que le message social et
théologique qu’il porte. Cela avec un double objectif : approfondir la
connaissance sur la grandeur du corps de la femme à travers sa
spécificité ; ce corps à travers lequel elle s’identifie comme être humain
féminin et dans lequel elle jouit de toute sa dignité. Ayant approfondi cela, l’on saura prendre part active
à la lutte que mène la femme pour défendre sa dignité. Cette mise en évidence de la spécificité de
la corporéité de la femme devrait également permettre un changement du regard
porté sur la femme et promouvoir une nouvelle perception de la femme à travers son
corps.
Ce
chapitre est articulé sur trois points à savoir la présentation de l’auteur et
de son ouvrage d’abord, la spécificité du corps de la femme selon Porcile
Santiso ensuite, et les conséquences du langage du corps de la femme enfin.
II.1.
Présentation de l’auteur et de son ouvrage
Marie Thérèse Porcile Santiso est une femme, catholique,
latino-américaine avant d’être professeur de philosophie à Montevideo
(Uruguay), docteur en théologie (de l’université de Fribourg en Suisse). Active
dans le domaine œcuménique et interreligieux (Secrétaire pour l’unité des
chrétiens aux Vatican ; conseil mondial des églises), elle a aussi été
membre d’organismes internationaux, notamment non gouvernementaux à l’ONU. Elle
a été la seule femme admise à l’assemblée de l’épiscopat latino-américaine de
Puebla[54].
Son ouvrage La femme
espace de salut, publié à Paris aux éditions Cerf en 1999,
est un chef d’œuvre. Elle y présente une quête de la spécificité de la
féminité. Pour cela elle ne s’inscrit pas dans les revendications sociales
pourtant les plus légitimes, car, il lui semble qu’elles ont souvent laissé
dans l’ombre la perception que les femmes ont d’elles-mêmes, de leur corps
comme de leur sensibilité propre à la suite de la tradition biblique. C’est
cette voie qu’elle s’engage à explorer, pour l’ouvrir à une dimension
contemplative[55]
rarement développée dans les théologies féministes[56].
Pour y parvenir, elle présente son ouvrage en trois
parties. Dans la première partie (p.27-116) elle commence d’abord à fournir des
jalons pour comprendre le thème de la femme ; suit alors sous cet angle
dans la deuxième partie (p.119-330) une relecture anthropologique des trois
premiers chapitres de la Genèse ; pour en arriver à oser une théologie du
corps de la femme. Et c’est là que l’on est devant quelque chose de neuf et de
riche : tisser des éléments qui, à toute époque, dans toutes les
géographies et cultures, font qu’une femme est une femme. Ces éléments,
l’auteur les nomme « espace intérieur », « temps
vécu », « offrande de la vie ». Une telle approche est proche à
renouveler la vision de l’identité féminine, avec ses conséquences sociales et
ecclésiales. Dans la dernière partie (335-371), l’auteur trouve une consonance
entre l’espace comme métaphore du féminin avec le monde d’aujourd’hui dans la
tentative de relire le « féminin » en Dieu et dans l’Eglise,
d’entendre autrement la mission ecclésiale de l’homme et de la femme. Le livre
atteste que le poétique a plus de poids que la polémique.
II.2.
Spécificité du corps de la femme selon Porcile Santiso
L’auteur aborde cette spécificité en rapport avec le
corporel, car la corporéité qui marque la différence entre l’homme et la femme,
est porteuse d’une spécificité[57].
Elle étudie alors le corps comme langage, le corps comme parole, l’espace
intérieur, la femme et le temps (le corps de la femme à l’épreuve du temps),
l’offrande de la vie, la femme et le sang.
II.2.1.
Le corps comme langage
Porcile Santiso considère le corps comme un langage à
déchiffrer sous trois aspects à savoir la structure interne (ce qui le constitue
en tant que tel : le fait que « ce » corps soit un corps de
femme) ; la phénoménologie, c’est-à-dire la description de ce corps dans
son apparition ; et l’ontologie qui découle de la constitution et de la
description[58]. Elle
soutient que cette analyse du langage suppose une vision du corps de la femme
comme « parole », comme « métaphore », comme signifiant qui
exprime quelque chose[59].
Par ailleurs, l’auteur affirme qu’il y a une façon d’être
« dans le monde » dans un « corps » bien à soi, qui est le
premier état de l’être humain, avec des répercussions incontournables sur le
mode d’agir également unique et particulier. Le corps est langage : le
corps « dit » de façon ouverte, symbolique. L’important c’est de
se rapprocher de son « sens » comme d’un symbole
qui « donne à penser » et de le « lire » en le
décrivant phénoménologiquement[60].
II.2.2.
Le corps comme parole
L’intérêt que poursuit l’auteur est de lire le corps comme
parole vivante et ouverte, le comprendre comme signifiant[61].
L’auteur préfère le terme symbole au signe, car ce dernier porte à une
signification claire et univoque, il obéit à une convention. Par contre, le
symbole est capable de se référer à plusieurs choses en même temps et en
différents lieux[62].
La réflexion sur l’ordre symbolique du corporel ou de la
corporéité de la femme offre une clé qui permet de comprendre ce qu’il ya de
particulier et de signifiant symbolique dans le corps de la femme. C’est à
partir de là que se déduisent les implications pour entrer dans sa modalité de l’être[63].
Cela permet d’échapper le risque d’une différence de subordination d’une part
et ou d’une égalité de nivellement de l’autre[64].
Puisque le corps englobe et transcende ce monde de
différences relativisables et se réfère à la structure[65]
interne, autonome, biologique et somatique, il est l’endroit de la différence
spécifique et universelle, structurelle et corporelle que l’auteur assume et
interprète. C’est cette différence qui donne l’être différentiel de la femme[66].
II.2.3.
Espace intérieur
L’une des spécificités de la corporéité de la femme c’est
l’espace intérieur. Du point de vue de son être sexué, la femme est un être
intérieur. En effet, toute femme est susceptible anthropologiquement (même
quand elle ne peut pas l’être fonctionnellement) d’être porteuse de la vie[67],
car chez la femme, le somatique liée à la naissance de la vie est situé dans
son corps. C’est une partie d’une structure spatiale interne. Cela lui semble
constituer une différence indéniable. Cette intériorité disposerait la femme
pour les uns à la réceptivité et à la passivité pour d’autres[68].
Mais cette structure morphologique de la femme ne voue pas
son corps à un destin aveugle, une fatalité biologique. Elle n’est pas
déterminée fatalement à recevoir mais elle est plutôt conditionnée potentiellement pour recevoir[69].
Si elle est conditionnée à recevoir, c’est parce qu’elle peut
dire : « je peux » (non pas une possibilité de, mais un
pouvoir, une capacité de).
II.2.4.
La femme et le temps
Porcile Santiso pense que la femme a une manière spécifique
de vivre le temps par la médiation d’un liquide cyclique-le sang-qui apparaît à
un moment déterminé de la vie et disparaît à un autre moment. La femme habite
une structure temporelle. C’est dans cette structure que la femme est capable
de recevoir l’autre à l’intérieur de son corps[70],
pour donner la vie à un nouvel être de l’intérieur et finalement à
l’extérieur, au monde.
Le corps de la femme est capable de donner la vie. La
spécificité d’être féminin capable d’être fécondé met en évidence sa
spécificité d’enfanter. Dans la démarche de l’enfantement personne ne se suffit
pas à lui-même. Il y a une réciprocité qui passe par une corporéité différente.
Chez l’homme, la rencontre avec l’autre n’affecte pas sa structure corporelle
interne, car elle se produit à l’extérieur de lui et à l’intérieur de l’autre[71].
Cela n’est pas le
cas pour la femme qui porte le fruit de cette rencontre comme « une autre
vie » dans ses entrailles. Tout son corps, tout son être psychosomatique
est affecté par cette présence vitale en son sein[72].
C’est ainsi que le sens du temps pour l’homme sera plus linéaire, plus projeté
dans le futur et vers l’extérieur tandis que pour la femme, il sera plus
circulaire, plus en relation avec la nature. Il n’est pas identique à celui
d’un cycle naturel répétitif, fixe. Il est à comprendre à l’aide de l’image
d’une spirale où le mouvement circulaire va en s’amplifiant[73].
L’homme se situe dans le temps à travers l’action qu’il a dans le monde.
II.2.5.
L’offrande de la vie
Porcile Santiso pense aussi que la spécificité de la femme
dans l’offrande de la vie est liée à sa constitution, au fait que son corps
peut être habité par un autre. Ainsi, en la femme, on trouve le premier espace
de vie en communauté, le premier lieu communautaire et la première possibilité
de vivre en communion[74].
Il est intéressant de contempler la femme, ses sentiments
et attitudes dès la conception jusqu’à la naissance de l’enfant. Pour Porcile
Santiso le temps de la grossesse est ouvert à une pluralité de lectures :
la parabole de la vie en commun dans un même espace peut être une charge
pesante ou un poids de gloire. Tout dépend, poursuit-elle, de l’amour et de la
liberté avec lesquels et par lesquels la femme est parvenue à assumer le fait de
devenir la demeure de l’autre[75].
Cette double lecture ouvre une gamme des sentiments les
plus variés : la joie, l’intimité, l’espérance, le sens du secret, mais
aussi la gêne, les troubles physiques dont souffrent les femmes[76].
Les femmes souffrent jusqu’au moment de la naissance qui comprend un risque
vital, car naître à la vie peut coûter
la vie à la mère ou à l’enfant. En assumant ce risque, la femme libère l’être
humain. Tout se vit dans et par la mère. Cela est une spécificité indiscutable
de la femme : donner la vie au risque de perdre la sienne propre ; ce
qui n’est pas le cas pour l’homme qui ne connaît pas le même risque pour son
corps et pour sa propre vie[77].
La femme qui libère
l’être à la vie, continue à l’entretenir par son corps. Il y a là une générosité
vitale du corps de la femme : sa poitrine protège et alimente. Aussi la
femme possède un corps qui la rend
capable d’être espace pour une vie
qu’elle garde, protège, abrite et nourrit jusqu’au moment de la naissance et
encore après. C’est une expérience unique, privilégiée, exclusive,
intransmissible et irremplaçable de la femme[78].
II.2.6. La femme et le
sang
Le
tabou en relation avec le sang dans le corps de la femme est présent dans la
plupart des cultures. Il suffit de considérer la tradition juive pour se rendre
compte du traitement qui était réservé à la femme chez qui il y a apparition de
sang ou chez celle qui vient d’accoucher.
Aussi,
chez la majorité des femmes, face à la présence du sang qui s’écoule hors du
corps, on perçoit comme un sentiment
de « saleté », de « blessure ». Dans le langage
commun, on utilise les expressions telles que « être malade »,
« être indisposé » et le sentiment plus profond plus généralisé est
de « gêne », d’ « incommodité» [79].
Face
à cette conception qui a traversé les siècles, Porcile Santiso fait une lecture
positive de l’apparition du sang en ces
termes : « L’éveil ou
l’apparition du sang dans le corps de la femme a une importance
fondamentale : elle marque le passage de l’état d’enfant à celui de
« femme » : le corps est maintenant fécondable et
potentiellement fécond. La forme extérieure de ce corps change, même sa voix et
sa sensibilité se transforment. Tout en elle porte l’empreinte de l’écoulement
du sang. Le sein-espace vital est dorénavant habitable» [80].
La
femme qui ne parvient pas à être concrètement « habitée » dans
sa chair garde sa potentialité spécifique qui marque son être spécifique[81].
Cela étant, cette femme n’et pas moins femme que celle qui a eu l’occasion de
l’actualisation de sa fécondité.
La
femme connaît non seulement l’apparition du sang mais aussi sa disparition. Le
rythme de son corps change. Le pouvoir d’être habité décline, c’est le temps de
la ménopause vécu comme une crise, une mort. La femme porte dans son corps le
fait que la vie ne peut pas retourner au point de départ. Cette expérience du
temps vécu limité fait découvrir à la femme un avant-goût de la mort. A cause
de l’absence du sang régulier, la femme
vit l’expérience de la finitude dans sa propre vie ; c’est une expérience « pédagogique »
fondamentale, propre à la femme[82].
II.
3. Conséquences du langage du corps de la femme
Porcile Santiso tire, du langage du corps de la femme, les
conséquences à deux niveaux : les conséquences sociales et les
conséquences théologiques.
II.
3.1. Conséquence sociale
Le
corps étant un corps de relation, une réflexion sur la corporalité de la femme
doit avoir une répercussion personnelle et aussi des conséquences sociales[83].
L’auteur relève les conséquences sociales sur le plan spatial, la conséquence
sociale du langage du sang et la conséquence sociale du langage de la
nutrition.
II.
3.1.1. Sur le plan spatial
L’auteur
rappelle que la femme dont le sein maternel est le premier lieu où un être
humain cohabite avec un autre être humain en parfaite interdépendance, altérité
et union, n’est pas un être isolé. Elle habite une société où se posent le
problème de cohabitation et de compréhension ; des conflits de guerre à la
suite soit des violations des frontières territoriales, des migrations forcées
des refugiés soit pour des problèmes écologiques dont les causes résident dans
la violation de l’espace vital[84]
etc.
Dans
cette crise des violations des espaces vitaux, celui du corps de la femme n’est
pas épargné. En se basant sur les études biologiques, culturelles,
psychologiques qui permettent d’établir une relation entre le mâle et
l’agressivité[85],
l’auteur fait recourt au corps de la femme en
s’interrogeant : « Dans ce
sens, un corps comme celui de la femme, vulnérable à l’action de l’autre et
dans l’impossibilité de « violer » l’autre par pulsion naturelle,
n’indiquerait-il pas une structure psychosomatique dépourvue d’agressivité dans
sa forme extérieure ? Quel sens a le langage « formel »
d’un corps « violable » ? Qu’aurait à dire à ce monde et à
cette société où il y a tant d’espaces violés le corps de la femme ;
espace de vie habitable et habité » [86]?
L’on
peut alors écouter le corps-espace-vital de la femme inviter la société à
devenir un espace d’accueil de la vie, de sa protection et de sa
croissance, d’habitation et de cohabitation, de transformation et de
maturation, comme il l’est lui-même. Il livre à la société son secret de
réussite : la cohabitation pacifique avec l’autre qui l’habite. C’est un
message de paix pour une société qui se veut un lieu de rencontre, de réunion
des individus et des groupes et, dans son ensemble, un lieu de convergence ou
de divergence des races et des cultures[87].
II.3.1.2.
Conséquence sociale du langage du sang
Porcile
Santiso présente aussi le corps de la femme comme une métaphore sociale. De la
même manière que le corps de la femme se fait porteur de la vie lorsqu’il est
habité, la société doit être aussi porteuse de la vie pour ceux qui y habitent[88].
C’est
ainsi que le ventre-sein maternel est image de la communauté la plus absolue,
dans une parfaite altérité et interdépendance. L’habitant et l’habité partage
le même espace de la façon la plus absolue et la plus totale : liés par le
même sang, le même oxygène, la même eau, ils demeurent ainsi jusqu’au moment où
le plus grand laissera sortir le petit. L’acte de « laisser sortir »,
de « mettre au monde » est un acte de libération le plus total,
l’acte de donner la vie[89].
Cet
acte de donner vie commence avec l’écoulement du sang sans lequel le reste
n’est pas possible. Considérant cet acte, la femme, à travers son corps, est en
train de dire qu’il faut savoir donner la vie au risque de la propre vie.
Porcile Santiso l’exprime mieux à travers ces questions : « Si la société est d’une façon ou d’une autre
le lieu d’échange de la vie, où les êtres humains entrent en contact, que se
passerait-il dans notre société-où l’on fait couler le sang de l’autre par
haine et violence-, si l’on voulait bien accueillir l’expérience irremplaçable
de l’être de la femme- pour qui répandre le sang, c’est donner la vie ?
Que se passerait-il si l’acceptation de ce mystère impliquait une totale
participation-chacun selon son être propre-dans tous les domaines de la vie
sociale » [90]
?
II.3.1.3.
Conséquence sociale du langage de la nutrition
Un
des rôles principaux de la société est de protéger et de répondre aux
nécessités les plus élémentaires : toit, abri, aliment, santé. Le corps de
la femme prodigue tous ces soins pour protéger la vie plus qu’aucune société[91].
Elle assure cela sans aucune menace, sans exploitation de qui que ce soit, elle
a le pouvoir de le faire.
Il
y a une double manière de saisir le message que le corps de la femme adresse à
la société pour ce qui concerne la protection de la vie : D’une part, la
société pour se renouveler doit prendre conscience de la différence et de
l’apport irremplaçable de la femme[92].
Mais il faut que la femme retrouve, découvre et assume son identité propre,
afin que son action dans la société dans toutes ses fonctions qu’elle devra remplir et mener à bien, soit
faite et exercée à partir d’elle-même sans copier les modèles masculins[93].
D’autre part, il faut que l’homme de son côté, découvre l’identité profonde de
la femme, la puissance de son être, la capacité de sa créativité et se libère
ainsi de la prétention d’être le centre du monde[94].
II.3.2. Conséquence théologique
du langage du corps de la femme
Il s’agit de la
conséquence théologique du langage du
corps de la femme sur l’espace, sur la relation espace-temps et de l’aspect de
la nutrition.
II.3.2.1.
Sur l’espace
L’Eglise
est lieu de la convocation, de la réunion, de l’accueil, de la sainte
Assemblée. Etant Ekklésia, elle est un espace de naissance, d’accueil et
d’hospitalité. Lorsqu’on met dans une relation de convergence la spécificité
féminine de l’accueil et la vocation ecclésiale de l’appel, on découvre que la
femme a une capacité « innée » privilégiée de permettre à l’Eglise
d’être plus visiblement un espace de vie, de réceptivité, d’accueil, de portes
ouvertes. C’est dire tout simplement que dans le langage du corps, la femme a
une fonction originale et irremplaçable dans l’Eglise. Il s’agit ici des
fonctions qui concernent l’ « être » et non le
« faire ». C’est tout l’être de la femme qui doit imprégner tout
l’être (corps) de la société et de tout l’être (corps) de l’Eglise[95].
II.3.2.2.
Sur la relation espace-temps
L’expérience
d’être habité par l’autre est, a dit Santiso, spécifiquement féminin. A travers
celle-ci, la femme vit les catégories de l’espace et du temps lorsque son corps
offre un accueil à l’autre et laisse celui-ci s’y développer. Elle
(l’expérience) est tellement profonde et spécifiquement féminine que seule la
femme peut en parler avec autorité. Monique Dumais, une théologienne canadienne
en témoigne par ces mots : « Les
femmes qui ont conçu, porté en elles pendant neuf mois le corps d’un être
nouveau, qui ont vécu dans les souffrances plus ou moins intenses
l’accouchement et qui, ont pu enfin serrer dans leurs bras ce petit être aimé
qu’elles ont procrée, disent avec émotion ‘ ceci est mon corps’» [96].
En
cela, Parcile Santiso voit dans le corps de la femme un langage eucharistique.
Elle l’exprime dans une relation « analogique » femme-Eglise en ces
termes : « Si l’Eglise est
le lieu, l’espace où se célèbre le Grand Sacrifice de la vie répandue, n’est-ce
pas de toute évidence le corps de la femme qui exprime de la façon la plus
appropriée ce que signifie donner la vie en donnant son sang ? N’est-ce
pas elle qui porte inscrit dans son corps un temps évolutif, cyclique, et
vital ? Le corps de la femme ne possède-t-il pas naturellement un langage
eucharistique » [97]
?
II.3.2.3.
Conséquence théologique de l’aspect de la nutrition
Dans
cet aspect de la nutrition, il ya des conséquences incontournables lorsqu’on
considère ce que la tradition de l’Eglise assume comme tâche nécessaire, celle
d’être Mère-Eglise. Elle doit nourrir ceux qui, en elle, naissent à la vie par
la foi et par d’autres moyens : évangélisation, prédication, catéchèse et
surtout, vie liturgique et sacramentelle. La femme en ce sens, par tout son
être, est signe et sacrement de tout
l’être et toute la mission de toute l’Eglise[98].
Conclusion du deuxième
chapitre
Dans
ce chapitre, nous avons fait, avec Porcile Santiso, la lecture de la
spécificité du corps de la femme comme lieu de redécouverte de sa dignité par
elle-même, d’une part, et par la société et l’Eglise, d’autre part.
Nous
avons vu que l’auteur, dans un effort de trouver ce qui est commun à toutes les
femmes, centre sa réflexion sur trois expériences essentielles et
spécifiquement féminin à savoir l’espace intérieur qui est un « espace
ouvert » d’accueil qui justifie la capacité en la femme d’être porteuse de
la vie, elle est en ce sens conditionnée potentiellement et non fatalement pour
recevoir ; la deuxième expérience est celle du temps vécu qui est perçu
par la médiation du sang et qui met la femme dans une structure corporelle
grâce à laquelle, elle peut recevoir l’autre dans son sein. La lecture que
Porcile Santiso fait du sang périodique de la femme vient bousculer toute une
conception négativiste de cette expérience qui est régulièrement vécue par la
femme. C’est un moment qui indique la puissance de la femme. Et enfin l’offrande de la vie qui consiste à
considérer en la femme, dans sa corporéité tout ce qui contribue à l’accueil,
la protection, la croissance, la libération de la vie. La femme qui libère
l’être à la vie au risque de perdre la sienne propre, continue à l’entretenir
par son corps.
L’auteur
résume la spécificité du corps de la femme dans ces trois expériences
auxquelles les femmes sont « habituées » et que les hommes
connaissent par oui-dire, mais expériences dont on ignore la profondeur,
l’exclusivité et l’extension des conséquences au sein de la société. C’est à
cause de cela que le corps de la femme, à la place d’être le lieu d’expression
de sa dignité, il est le lieu de l’abaissement de celle-ci.
Eu
égard à tout ce qui précède, une question se pose de savoir si la société
est consciente de la potentialité dont
la femme est détentrice. Si oui, pour quoi la dignité de la femme semble
toujours à définir comme si elle était une personne à part ? Pour quoi la
femme est toujours en perpétuelle quête de sa dignité? Et si la société n’était
pas encore consciente, comment construire un monde nouveau sans l’apport de la femme ? Comment parler de la dignité de la femme
lorsqu’à travers le monde elle est encore victime des plusieurs maltraitances
qui nient sa dignité ? Il est urgent de remarquer l’absence de l’apport
spécifiquement féminin dans la conduite de la société. Il faut alors s’engager
pour lutter contre tout ce qui enfreint
la femme à jouir pleinement de sa dignité. C’est à cette lutte que nous
voulons nous engager dans le chapitre suivant.
CHAPITRE TROISIEME : ENGAGEMENT POUR DEFENDRE LA
DIGNITE DE LA FEMME
Introduction
Dans ce
chapitre, nous voulons, après avoir présenté la lecture du corps de la femme
selon Santiso dans le chapitre précédent, poser le fondement d’un engagement en
faveur de la femme et de sa dignité. La
prise au sérieux de la lecture du corps de la femme faite par Santiso pourrait
suffire pour convaincre tout le monde à s’engager dans une lutte pour que la
dignité de la femme soit toujours préservée. Celui qui a le sens d’humanité
devrait se trouver acteur dans ce combat. La question, centrale que nous posons
ici est : « pourquoi lutter pour la dignité de la femme ?
En d’autres termes, quelles sont les raisons pour lesquelles engager une défense
pour la dignité de la femme ? »
Lutter pour la
dignité de la femme, c’est s’inscrire dans le style de vie du Christ. Nous
voulons aussi nous y inscrire en nous inspirant de la vie que le Christ a menée
avec les femmes de son temps. C’est
pourquoi, après un tableau de l’entourage féminin de Jésus, nous allons retenir
les figures de quelques femmes qui ont fait l’expérience de cette présence
libératrice du Christ. Après nous verrons ce qu’enseigne l’Eglise sur la
dignité de la femme. Cela nous permettra de voir quel type de regard il faut
porter sur l’autre, sur la femme en particulier. Mais avant tout cela,
présentons brièvement la situation de la femme au temps de Jésus pour bien
saisir sa nouveauté dans le traitement de la femme.
III. 1. Condition de la
femme au temps de Jésus
Pour
bien percevoir la nouveauté de l’attitude du Christ envers la femme, il sied de
commencer par présenter ce qu’était sa condition de vie.
Selon
Anne-Marie Pelletier, Jésus a habité une société où la femme demeure une
mineure, juridiquement parlant, confinée dans une partie réservée du temple, ou
encore dispensée de la célébration des fêtes annuelles comme de la prière
publique[99]. Pierre
Mourlon Beernaert le dit autrement en affirmant qu’en Orient, la femme ne
participait pas à la vie publique, hormis sa présence à des funérailles au titre de pleureuse ; son
domaine étant la maison[100].
La femme était assujettie par la loi juive. Elle restait juridiquement
dépendante en tous points. Elle était soumise à toutes les défenses de la Torah
et à toutes les rigueurs de sa législation civile et pénale, y compris la peine
de mort[101]. Jésus
qui a grandi dans cette culture où la femme « n’était pas plus qu’un
enfant », a vu ce joug qui pesait sur ses épaules. Son attitude envers ces
femmes qu’il va rencontrer sur son chemin sera choquante, étonnante et
révolutionnaire. Il va agir pour que la femme retrouve sa dignité. Mais quel
était l’entourage féminin de Jésus ?
III. 2. Entourage
féminin de Jésus
Dans le parcourt terrestre de Jésus,
l’on remarque plusieurs figures féminines depuis l’Incarnation jusqu’à la mort
sur la croix. Anne-Marie Pelletier peint un beau tableau de cette présence
féminine dans son ouvrage Le
christianisme et les femmes de la manière suivante :
« Dès l’ouverture de l’Evangile de Luc, c’est
autour de Marie, bien sûr, mais aussi d’Elisabeth, que se noue l’œuvre du
salut, reconnue et célébrée par Anne, la prophétesse attendant dans le Temple,
comme Syméon, la réalisation des promesses. A l’autre bout du récit, à la fin
des Evangiles, des femmes, de nouveau, se hâtent vers le tombeau, au matin de
Pâques, devançant les apôtres. Dans l’intervalle, d’autres se pressent,
nombreuses et diverses, tout au long du ministère de Jésus. Il ya les femmes
dont les synoptiques rapportent qu’elles le suivent depuis la Galilée et
montèrent avec Lui à Jérusalem, à l’heure de sa Passion (Lc 8, 2-3 ; Mt
27, 55-56 ; Mc 15, 40-41). Mais il y a aussi celles qui ne croisent qu’un
instant son chemin. Ainsi de la rencontre avec la samaritaine qui fournit une
scène majeure à l’évangile de Jean (Jn 4, 1-42).Ainsi de la femme adultère,
dans le même évangile, où le Christ dévoile crûment le péché de ceux qui
s’abritent derrière la loi (Jn 8, 1-11). Il y a aussi les prostituées qui sont
déclarées plus proches du Royaume de Dieu que les justes retranchés dans leur
suffisance. Il ya des figures des veuves, telle celle qui va enterrer son fils
unique au moment où elle rencontre Jésus
à la sortie du bourg de Naïm (Lc
7, 11-17). Il y a la femme courbée qu’il guérit un jour de sabbat (Lc 13,
10-17). Il y a la femme qui perd son sang depuis douze ans et qui se glisse
dans la foule pour toucher la frange de son manteau (Mt 9, 20-22). Il y a la
cananéenne qui implore la délivrance de son enfant sans craindre d’affronter le
refus de celui qui est venu d’abord pour les brebis perdus d’Israël (Mt 15,
21-28). Il y a Marthe et Marie, les sœurs de Lazare, qui reçoivent Jésus dans
leur maison et enseignent au lecteur, outre les gestes de l’hospitalité,
l’écoute de l’unique essentiel (Lc10, 38-42). Ce sont elles qui sollicitent Jésus
pour leur frère Lazare : « Seigneur, celui que tu aime est
malade » Jn 11, 3). Et il y a les femmes qui, après le sabbat de la
Passion, se rendront au tombeau pour embaumer un corps mort, en portant dans
leur corps, mystérieusement, la question de la bien-aimée du Cantique des
cantiques : ‘’Avez-vous vu celle que mon cœur aime’’ » [102]
?
On le voit, Jésus n’a pas catégorisé son
entourage. Tout le monde peut avoir accès à Lui. « Il est le seul qui consacre la
dignité de la femme[103] ».
Avant que l’action de Jésus envers quelques femmes particulières ne retienne
notre attention, disons succinctement ce que Jésus a vu en la femme, par delà
le fait d’être un humain crée à l’image
et à la ressemblance de Dieu.
III.3. La femme sous le
regard de Jésus
Jésus
qui est venu à la rencontre de l’homme, ne saurait pas ne pas voir la misère
dans laquelle vivait la femme. Il a vu sa misère[104].
Malgré cela, dans ses différentes rencontres avec des femmes, il ne s’est pas
retenu à admirer les qualités spirituelles de la femme comme le souligne Anne
Marie Pelletier. Plusieurs femmes sont des modèles d’intelligence spirituelle
qui devancent bien des hommes de l’entourage de Jésus. Ainsi, Jésus voit en Marthe qui, alors que
son frère Lazare vient de mourir, une femme qui avance très loin dans la
confession de sa foi. Il va encore se servir de geste d’une femme, pourtant de
mauvaise vie pour enseigner Simon le
pharisien sur cette vérité vitale : la
mesure de l’amour est la mesure du pardon dont on consent à demander la grâce. Il n’a pas manqué de
dire aussi son admiration devant la foi de la cananéenne (« O femme,
grande est ta foi ? »), ou
devant le geste de Marie à Béthanie rependant le parfum de l’onction (Mt
23, 16). Sous le regard de Jésus, se trouvent des femmes modèles dont la
fidélité va jusqu’au plus obscur chemin. Des femmes réputées faibles et
frileuses sont les uniques accompagnatrices du condamné au Golgotha. Les
synoptiques disent qu’elles suivaient de
loin. Jean les décrit entourant Marie au pied de la croix. Les récits du matin
de Pâques mettent en évidence les visites des femmes au tombeau[105]
pendant que les apôtres sont enfermés. Ils n’on même pas cru au message des
femmes, car à leurs oreilles, ces paroles semblèrent du radotage ou du délire
comme le dit Luc en soulignant à quel point ces femmes disciples sont dans le
vrai, alors que les disciples masculins se montrent lents à croire (24, 25.41)[106]. Une autre qualité spirituelle est que les
femmes de l’Evangile ont une conscience
toute spéciale d’avoir besoin de Dieu, qu’elles
reconnaissent dans les œuvres du Christ. Elles sont à épargnées de l’orgueil
qui est obstacle à la conversion du cœur. L’orgueil spirituel qui a envahi les
contemporains de Jésus les tenait éloignés de Lui. Les femmes de l’Evangile ont
aussi une capacité d’accueil et de fidélité privilégiée[107].
Habituées au service, elles sont moins effarouchées par le mystère d’un Messie
venu pour servir et non pour être servi[108].
Jésus a porté un regard pur, libre et objectif sur la femme et sa situation
propre. Cette liberté sera visible dans ses différentes interventions au profit
de la femme. Son attitude sera choquante et étonnante, parce qu’extraordinaire.
C’est une nouveauté que l’on ne pourrait passer sous silence.
III.4. La nouveauté de
Jésus envers la femme
La
question est de savoir en quoi consiste la nouveauté de Jésus dans la situation
de la femme. L’on a vu brièvement ce qu’était cette situation. Plusieurs
attitudes de Jésus marquent un tournant dans la manière de voir et de traiter
la femme.
En
effet, Jésus enseigne[109]
aux femmes sans souci de la réaction des
disciples (Jn 14, 7), il les guérit, même le jour du Sabbat ; il les
envoie témoigner de sa résurrection, il ne tient pas compte de l’impureté
légale de l’hémorroïsse ; il suggère qu’il ne faut pas punir plus
sévèrement l’adultère de la femme (Jn 8,11) ; il refuse le divorce aux
hommes au point que ses disciples, habitués à un certain laxisme sur ce point
ont cette réflexion désabusée : « Si telle est la condition de
l’homme à l’égard de la femme, il n’y a pas intérêt à se marier » (Mt 19,
10). Plus profondément, Jésus juge les femmes d’après leur foi, non d’abord
d’après leur aptitude à remplir leur rôle d’épouse, de mère ou de maîtresse de
maison[110].
Considérons
maintenant trois situations des femmes
et voyons-y la nouveauté de l’attitude de Jésus. Nous retenons le cas de la
femme courbée de Lc 13, 13-17 ; l’hémorroïsse de Mc 5, 25-34 et la femme surprise en adultère de Jn 8, 2-11.
La raison de ce choix réside dans le fait que ces femmes sont touchées dans
leur corps, elles ne jouissent pas pleinement de leur dignité.
III. 4. 1. La femme
courbée (Lc 13, 10-17)
Jésus guérit cette
femme le jour de sabbat[111].
Lorsque Jésus pose un regard sur un être souvent anonyme, et perdu dans la
foule, il ne semble ne voir que lui, et en même temps, en lui, il voit et sauve
les hommes et les femmes de tous les temps et de tous les lieux[112].
C’est le cas de la femme courbée. Voici la description que Blaquière fait de
cette scène qu’elle qualifie facile à imaginer :
« A l’arrière (car dans les synagogues du
temps du Christ les femmes sont séparées des hommes et à l’arrière, le plus
souvent derrière les barreaux ou une grille), se tient une femme infirme à
cause d’un « esprit de faiblesse » (pneuma echousa astheneias).
Elle est là, perdue dans la foule, « recroquevillée sur
elle-même » (le grec sugkuptousa est beaucoup plus fort que
« courbée »). Elle est habituée, depuis dix-huit ans, à son infirmité
qui l’empêche complètement de « lever la tête » (anakupsai). Jésus la
voit. Pour lui, plus de barrières, de
séparation. Les barreaux, réels ou symboliques, sont brisés. L’Evangile ne dit
pas s’il l’appelle à lui ou s’il s’approche d’elle. Peu importe ! Il
l’interpelle directement par delà les assistants : « Femme, sois
libérée des liens de ta faiblesse » (apolelusai tês astheneias). Puis il
la touche et lui « impose les mains ». Immédiatement, elle redevient
droite (anôrthôthê) et elle rend gloire à Dieu » [113].
Avec
cette femme, en faisant lecture de la réaction du chef de synagogue, l’on
comprend que les pharisiens ont moins de miséricorde à la personne que pour
leurs bêtes de somme. Cette femme ne jouissait plus de sa dignité à travers
tout son être à cause de son infirmité physique. Mais Jésus qui sait regarder
la femme au delà de son corps lui rend
sa dignité de « fille d’Abraham »[114].
Il lui redonne son identité, comme à Zachée en Lc 19, 9. Dans une lecture
contemporaine, cette femme est le type de toutes les femmes que Jésus veut
redresser et remettre droites. Car Jésus libère vraiment et rend la parole,
pour glorifier le Dieu qui délie et pour entraîner l’assistance de la synagogue
à la louange[115].
III.4.2. La femme au
flux de sang (Mc 5, 25-34)
Cette femme est en
situation désespérée mais elle est un modèle de foi. Elle ne perd pas
confiance. Sa maladie la retient dans un état prolongé d’impureté (Cf.
Lv 15, 19. 23. 25).
Par ailleurs, en considérant l’importance du sang dans la perspective biblique,
le fait que « la vie de toute
créature, c’est son sang tant qu’elle est en vie » (Lv 17, 11.14),
l’on comprend que quand le récit synoptique insiste sur les incessants
écoulement de sang de cette femme (Mc 5, 25.29 ; Lc 8, 43.44= haima ; Mt 9,20= haimorroousa), il faut entendre à la
fois qu’elle est blessée dans sa féminité même, qu’elle est exclue du culte et
de toute vie sociale, et sa vie même s’en allait peu à peu, avec ses continuels
flux de sang[116].
Ecrasée de culpabilité et de honte, cette femme qui n’était que malade et non
pécheresse, ne peut plus agir librement. Elle doit se tenir écartée de la foule
et vivre dans un isolement qui doit être plus dur à vivre que la maladie
elle-même[117].
Jésus va se laisser toucher par
elle ; ce n’est plus l’impureté de la femme qui est contagieuse ici mais
la force de vie qui vient de Dieu. Jésus s’arrête pour sortir cette femme de
l’anonymat et établir une relation personnelle avec elle. Celle-ci ressentira
la guérison dans son corps. En effet, cette force qui traverse Jésus n’est rien
d’autre que l’énergie du Dieu Créateur et Père, à l’œuvre par delà même la
volonté de Jésus pour venir guérir cette femme au plus secret de son corps de
femme, dans sa sexualité même et au plus profond de son cœur de femme[118].
III.4.3. La femme
adultère (Jn 8, 2-11)
La femme dont il s’agit
ici est une pécheresse. Elle est surprise en flagrant délit d’adultère. Mais
l’accusation des scribes et des pharisiens est elle-même partielle. Alors que
la loi prévoit la mort de l’homme adultère et de la femme adultère (Cf. Lv 20,
10 ; Dt 22,22-24), on peut se demander pourquoi seulement la femme pendant
qu’il s’agit d’une surprise en
flagrance ? L’absence de l’homme laisse se poser la question de savoir les
conditions dans lesquelles la femme est tombée en adultère. D’emblée, on peut
imaginer aussi le regard que cet homme posait sur cette femme avant d’aller
avec elle jusqu’en adultère. Si elle avait de l’estime aux yeux de cet homme,
il serait solidaire avec elle dans l’adultère comme dans la souffrance et la
honte d’être pris en flagrance et d’être accusé au vu et au su de tout le
monde. Mais voilà que cet homme qui n’avait qu’un regard de convoitise et de
désir, ayant atteint son objectif, va profiter de s’échapper à la surprise des
scribes et des pharisiens qui le laisseront partir, on dirait qu’ils étaient
ses complices. Le péché d’adultère va retomber sur la femme seule.
Les scribes et les pharisiens amène
triomphalement[119]
la femme auprès de Jésus. Ils attendent que Jésus puisse ratifier la loi de
Moïse pour que la femme soit lapidée. Il est intéressant de remarquer la
différence entre le regard que Jésus pose sur cette femme pécheresse et celui
des scribes et des pharisiens. Le regard de Jésus voit en cette femme
pécheresse une femme ; celui des scribes et des pharisiens ne voit en elle
que l’adultère[120].
Mais Jésus, après avoir fait tourner
le regard des accusateurs, chacun sur soi, ne condamnera pas la femme. Il va la
décharger du mal du monde dont on fait peser la responsabilité sur ses épaules
comme si les autres n’étaient pas pécheurs[121].
La recommandation de Jésus en renvoyant la femme : « Va, désormais ne pêche plus » (Jn
8,11), laisse voir la volonté de Jésus de libérer tout l’homme, car le péché
rend esclave et altère la dignité de la personne humaine.
L’agir de Jésus envers les femmes de
son temps est une nouveauté. A travers ces trois visages ci-haut citées, l’on
constate l’attention que Jésus porte aux différentes situations des femmes. Il
sait voir ces femmes dans la foule, se laisse toucher par certaines et leur
adresser la parole. Il les remet débout, les redresse, les fait parler et
attend leur réponse. Il ne se laisse pas retenir par la loi lorsqu’il s’agit de
redonner la vie. Il inaugure un nouveau regard, une nouvelle attitude à adopter
envers la femme dans les différentes situations qui enfreignent sa dignité.
Quel est alors l’impact de cette nouveauté de Jésus dans l’agir actuel ?
Quelles initiatives faut-il inventer pour un engagement efficace dans la
défense de la dignité de la femme ? Avant de proposer quelques pistes d’engagement, exposons très
brièvement la doctrine de l’Eglise catholique sur la dignité de la femme.
III.5. La doctrine de
l’Eglise catholique sur la dignité de la femme
Nous voulons présenter
cette doctrine telle que formulée dans la Lettre Apostolique de Jean-Paul II Mulieris dignitatem sur la dignité et la
vocation de la femme. Il s’agira de donner succinctement les grandes
articulations de cette lettre.
Ce document est articulé sur sept
chapitres hormis l’introduction où le pape montre que la question de la dignité
de la femme est un signe de temps.
Cela s’explique par le fait qu’elle a suscité plusieurs interventions dans la
littérature du Magistère. Déjà le Concile Vatican II affirmait dans son message
final « L’heure vient, l’heure
est venue où la vocation de la femme s’accomplit en plénitude, l’heure où la
femme acquiert dans la cité une influence, un rayonnement, un pouvoir jamais
atteints jusqu’ici. C’est pourquoi, en ce moment où l’humanité connaît une si
profonde mutation, les femmes imprégnées de l’esprit de l’Evangile peuvent tant
pour aider l’humanité à ne pas déchoir » (MD 1). A cela s’ajoutent les
discours du pape Pie XII et l’encyclique Pacem
in terris du pape Jean XXIII; et Paul VI confère, après le Concile Vatican
II, le titre de Docteur de l’Eglise à sainte Thérèse de Jésus et à sainte
Catherine de Sienne pour souligner ce signe de temps. Beaucoup d’autres
documents traitent de cette question comme l’encyclique Redemptoris Mater qui
développe et actualise l’enseignement du
Concile Vatican II contenu dans le chapitre VIII de Lumen gentium qui parle de la présence spéciale de la Mère de Dieu
dans le mystère de l’Eglise qui permet de penser au lien exceptionnel entre
cette « femme » et la famille humaine toute entière (cf. MD 2) ;
et la conclusion où le pape affirme que dans l’Esprit du Christ, la femme peut
découvrir tout le sens de sa féminité et ainsi se disposer au « don désintéressé d’elle-même aux
autres, et, par là, « se trouver » elle-même (cf. MD 31).
Dans le premier chapitre intitulé « femme-mère
de Dieu (Théotokos) », le pape traite de la présence de la femme au cœur
de l’événement central du salut, qui détermine la « plénitude du
temps ». En effet, l’envoi du
Fils, consubstantiel au Père, comme homme « né d’une femme »
constitue l’étape culminante et définitive de la révélation que Dieu fait de
Lui-même à l’humanité (cf. MD 3). Ainsi la « plénitude du temps »
manifeste la dignité extraordinaire de la « femme ». Cette dignité
consiste d’une part dans l’élévation surnaturelle à l’union à Dieu en
Jésus-Christ qui détermine la finalité profonde de l’existence de tout homme
tant sur la terre que dans l’éternité ; et d’autre part, elle consiste à
une mise en relief d’une forme d’union à Dieu qui ne peut appartenir qu’à la
« femme », à Marie : l’union entre la mère et son fils. La
Vierge de Nazareth devient «Théotokos » (cf. MD 4). La « plénitude des grâces »
accordée à la Vierge de Nazareth en vue de sa qualité de
« Théotokos » signifie en même temps la plénitude de la perfection de « ce qui est caractéristique de la
femme », de « ce qui est féminin ». Nous sommes ici, en un
sens, au point central, à l’archétype de la dignité personnelle de la femme. La
dignité de tout être humain et la vocation qui lui correspond trouvent leur
mesure définitive dans l’union à Dieu. Marie,
la femme de la Bible, en est l’expression la plus accomplie (cf. MD 5).
Dans
le deuxième chapitre intitulé
« image et ressemblance de Dieu », le pape traite de la question de
la création de l’homme et de la femme. Tous les deux sont des êtres humains,
l’homme et la femme à un degré égal, tous les deux créés à l’image et à la
ressemblance de Dieu. Cette vérité constitue la base immuable de toute
anthropologie chrétienne. Cela signifie que l’homme et la femme, créés comme
« unité des deux » dans leur commune humanité, sont appelés à vivre
une communion d’amour et à refléter ainsi dans le monde la communion d’amour
qui est en Dieu, par laquelle les trois personnes s’aiment dans le mystère de
l’unique vie divine (cf. MD 7).
Le
troisième chapitre de ce document intitulé « Eve-Marie » est
quant à lui consacré à une réflexion sur le péché et en particulier sur le
premier péché, le péché « originel ». Il n’est pas possible de lire
« le mystère du péché » sans se référer à toute la vérité sur l’image
et ressemblance avec Dieu qui est à la base de l’anthropologie biblique. Cette
vérité montre la création de l’homme comme don dans lequel sont contenus le
fondement et la source de la dignité essentielle de l’homme et de la
femme ; aussi l’origine de l’appel à participer tous les deux à la vie
intime avec Dieu. Si l’homme est déjà
par sa nature de personne, l’image et la ressemblance de Dieu, sa
grandeur et sa dignité s’épanouissent
dans l’alliance avec Dieu, dans l’union avec Lui, dans la recherche de l’unité
fondamentale qui appartient à la « logique » interne du mystère même
de la création (cf. MD 9). La référence au mystère de la création à l’image et
à la ressemblance de Dieu permet de saisir aussi le mystère de la
« non-ressemblance » avec Dieu qu’est le péché et qui se manifeste
dans le mal présent dans l’histoire du monde (…). Le péché de l’homme a des
conséquences sur les rapports originels
entre l’homme et la femme qui répondaient
à la dignité de personne qu’avait chacun d’eux.
Par
ailleurs, le pape affirme : « La femme ne peut-au nom de sa
libération de la « domination » de l’homme tendre à s’approprier les
caractéristiques masculines, au détriment de sa propre originalité féminine. Il existe une crainte fondée qu’en agissant
ainsi la femme ne s’épanouira pas mais pourrait au contraire déformer et perdre ce qui constitue sa
richesse essentielle » (cf. MD 9-10). La dernière partie de ce chapitre présente la mission de la femme
dans la lutte salvifique du rédempteur contre l’auteur du mal dans l’histoire
de l’homme en faisant une comparaison entre Eve (mère de tous les vivants (Gn 3,20), témoin du commencement biblique, dans lequel sont contenues la
vérité sur la création de l’homme à l’image et à la ressemblance de Dieu, et la
vérité sur le péché originel) ; et Marie ( témoin du nouveau « commencement » et de la « création nouvelle »), deux
figures qui se rejoignent sous le nom de la femme. Marie est « le nouveau
commencement » de la dignité et de
la vocation de la femme, de toutes
les femmes et de chacune d’entre elles. En Marie, Eve redécouvre la véritable
dignité de la femme, de l’humanité féminine. Cette découverte doit
continuellement atteindre le cœur de chaque femme et donner un sens à sa
vocation et à sa vie (cf. MD 11).
Le
quatrième chapitre présente le Christ dans le monde féminin. Son attitude envers les femmes est ici mise en
évidence. La nouveauté que le Christ apporte apparaît dans ses paroles et dans
toute son attitude à l’égard des femmes, attitude extrêmement simple et, pour
cette raison, extraordinaire (…), c’est une attitude caractérisée par une grande
profondeur et une grande transparence. Le Christ s’est fait auprès de ses
contemporains l’avocat de la vraie dignité de la femme et de la vocation que
cette dignité implique. Dans la suite de ce chapitre sont présentées les femmes
que Jésus a rencontrées sur sa route. C’est ce que nous avons présenté dans les
points précédents (cf. MD12-16).
Le
cinquième chapitre traite de deux dimensions de la vocation de la femme :
la maternité et la virginité. Ces deux dimensions trouvent, à la lumière de
l’Evangile, la plénitude de leur sens et de leur valeur en Marie qui, Vierge,
devint Mère du Fils de Dieu (cf. MD 17). La maternité est le fruit de l’union
matrimoniale d’un homme et d’une femme, de « la connaissance »
biblique qui correspond à « l’union des deux dans la chair » (Gn2,
24) et réalise ainsi, de la part de la femme, un « don de soi »
spécial, expression de l’amour nuptial dans lequel les époux s’unissent si
étroitement qu’ils constituent « une seule chair ». La maternité est
liée à la structure personnelle de l’être féminin et à la dimension personnelle
du don. Elle constitue un « rôle » particulier dans le rôle commun
des parents et même le rôle le plus exigeant. La maternité de la femme exprime
un appel et un défi particulier qui s’adresse à l’homme et à sa paternité. La
maternité de toute femme comprise à la lumière de l’Evangile, n’est pas
seulement « de chair et de sang » : en elle s’exprime la
profonde « écoute de la parole du
Dieu vivant » et la
disponibilité à « garder » cette parole, qui est « la parole de la vie éternelle »
(cf. Jn 6,68). La maternité de la femme est le premier seuil dont le
franchissement est aussi la condition de la « révélation des fils de
Dieu » (cf. Rm 8,19) (cf. MD 18-19). La maternité est rapprochée de la
virginité en en étant aussi distinguée. Le sens de la virginité a été développé
et approfondi comme une vocation de la femme, dans laquelle sa dignité est
confirmée à l’image de la Vierge de Nazareth. Il convient de considérer
également la virginité comme une voie pour la femme, la voie sur laquelle,
d’une manière différente du mariage, elle épanouit sa personnalité de femme. On
ne peut comprendre correctement la
virginité, la consécration de la femme dans la virginité, sans faire appel à
l’amour sponsal : c’est en effet dans cet amour que la personne devient
l’un pour l’autre. La prédisposition innée de la personnalité féminine à la
condition d’épouse trouve une réponse dans la virginité ainsi comprise. La
femme appelée dès le « commencement » à être aimée et à aimer,
rencontre dans la vocation à la virginité d’abord le Christ, le Rédempteur qui « aima jusqu’à la fin » par le
don total de lui-même, elle répond à ce
don par le « don désintéressé » de toute sa vie. Elle se donne
donc à l’Epoux divin, et le don de sa personne tend à une union de caractère
proprement spirituel : par l’action de l’Esprit Saint elle devient « un seul esprit » avec le Christ-Epoux.
Tel est l’idéal évangélique de la virginité dans lequel se réalisent d’une
manière spéciale à la fois la dignité et la vocation de la femme (cf. MD 20).
Dans
le sixième chapitre intitulé « l’Eglise, épouse du Christ), l’on présente
à travers les paroles de la Lettre aux
Ephésiens 5, 25-32, la vérité sur l’Eglise comme Epouse du Christ, montrant
aussi comment cette vérité se fonde dans la réalité biblique de la création de
l’être humain, homme et femme. Comme le Christ a aimé l’Eglise et s’est livré
pour elle (cf. Ep 5, 25) voulant qu’elle soit « resplendissante, sans
tache ni ride » (Ep 5, 27), ainsi le mari doit aimer sa femme (cf. MD
23-24).
Le
dernier chapitre montre que le Christ mort et ressuscité pour tous, offre à l’homme, par son Esprit, lumière et
forces pour lui permettre de répondre à sa très haute vocation.
L’insistance particulière sur la dignité
de la femme et sa vocation (…) peut et doit être accueillie dans « la
lumière et les forces » que l’Esprit du Christ accorde à l’homme, et cela
aussi à notre époque fertile en transformation multiples. Nous ne pouvons faire
face à ces changements de manière juste et appropriée que si nous revenons aux
fondements qui se trouvent dans le Christ, aux vérités et aux valeurs
« immuables » dont il reste
lui-même le « témoin fidèle » (cf. Ap 1,5) et le Maître (cf. MD 28). La dignité de la femme se mesure
dans l’ordre de l’amour qui est essentiellement un ordre de justice et de
charité. Elle est intimement liée à l’amour qu’elle reçoit en raison même de sa
féminité, et d’autre part à l’amour qu’elle donne à son tour. La femme ne peut
se trouver elle-même si ce n’est en donnant son amour aux autres. Si la dignité
de la femme témoigne de l’amour qu’elle reçoit, pour aimer à son tour, le
paradigme biblique de la « femme » semble montrer aussi que c’est le
véritable ordre de l’amour qui définit la vocation de la femme elle-même. Il
s’agit ici de la vocation dans son sens fondamental, on peut dire universel,
qui se réalise et s’exprime par les « vocations » multiples de la
femme dans l’Eglise et dans le monde (cf. MD 30). A la lumière de tout ce qui
précède, quelles pistes d’engagement peut-on envisager pour travailler en vue de la dignité de la
femme ?
III. 6. Quelques pistes
d’engagement pour la dignité de la femme
La lecture du corps de la femme
faite par Santiso est un argument suffisant pour que l’on s’engage dans la
défense pour la dignité de la femme, dignité
bafouées dans son corps. Aussi, l’attitude du Christ envers les femmes
qu’il a rencontrées est inspiratrice aujourd’hui pour savoir le regard qu’il faut
poser sur la femme. Nous voulons proposer quelques pistes concrets susceptibles
de rendre explicites ces deux arguments susmentionnées : la formation au
respect de la personne humaine, la formation à la connaissance de soi et
l’éducation du regard.
III. 6.1. La formation
au respect de la personne humaine
Il s’agit d’apprendre à
reconnaître la dignité de toute personne humaine, c’est-à-dire en connaître le
fondement ainsi que ce qui est obstacle à cette dignité.
III.
6.1.1. Le fondement de la dignité humaine
Le
fondement de la dignité humaine repose sur deux bases qui se
compénètrent : la création à l’image de Dieu et la rédemption en
Jésus-Christ.
- La
création à l’image de Dieu
L’individu
humain a la dignité de personne, il n’est pas seulement quelque chose, parce
qu’il est à l’image de Dieu. Il est capable de se connaître, de se posséder et
de librement se donner et entrer en communion avec d’autres personnes (CEC 357). En d’autres
termes de toutes les créatures visibles, l’homme est « capable de
connaître et d’aimer son créateur » ; il est « la seule
créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même » ; lui seul est
appelé à partager par la connaissance et l’amour, la vie de Dieu. Il a été créé
à cette fin et c’est là la raison fondamentale de sa dignité (CEC 356)
L’être
humain créé à l’image de Dieu est homme et femme, car « être
homme », « être femme » est une réalité bonne voulue par
Dieu : l’homme est la femme ont une dignité inamissible qui leur vient
immédiatement de Dieu leur créateur (cf. Gn 2, 7.22). L’homme est la femme,
sont avec une même dignité, « à l’image de Dieu ». Dans leur
« être-homme » et leur « être-femme », ils reflètent la
sagesse et la bonté du Créateur (CEC
356).
B. Le
salut en Jésus-Christ
La
plus grande expression de la dignité humaine vient à l’homme par Jésus-Christ.
Entre toutes les créatures du monde visible et invisible, Dieu a choisi l’homme
pour s’unir à lui consubstantiellement dans le mystère insondable de
l’Incarnation. Et alors, l’homme a cessé d’être un peu moins qu’un être divin
pour devenir véritablement Dieu dans la personne divine du Christ[122]
(cf. Jn 1, 14).
Aux
yeux de Dieu, l’homme a une telle valeur et une telle dignité que Dieu, par
amour pour lui, a livré à la mort son Fils Jésus-Christ. Il n’ya pas de plus
grande preuve d’amour, ni une plus grande expression de la grandeur de l’homme,
en dehors de ce geste de Dieu. Qu’il soit un petit enfant encore dans le ventre
de sa mère, qu’il soit un vieillard, un malade, un mutilé, une personne
marginalisée, sa grandeur est telle que le Fils de Dieu a voulu donner sa
propre vie pour. Tout homme a droit à la reconnaissance et au respect de sa
dignité humaine. Il a une valeur par ce qu’il est, et non par le rendement que
l’on prétend en tirer. Attenter à sa vie ou à ses droits, c’est violer les
droits de Dieu, c’est attenter au Christ, qui s’est identifié à lui comme l’un
d’entre nous[123].
Et
concernant la femme, « tant que la
dignité de la personne humaine, quels que soient son âge, son sexe, sa race, sa
condition sociale, etc. n’est pas promue, la dignité de la femme sera toujours
sujette à caution »[124]. Aussi,
dans le même angle d’idée, tant que cette notion de la dignité sera obscure
dans l’entendement de la femme, elle demeurera obnubilée par « les pratiques coutumières qui contribuent à sa chosification et à son
infériorisation par rapport à l’homme et
par les habitudes et les images qui la dévalorisent dans la culture ambiante »[125].
III.6.1.2.
La perte de la dignité
Cette notion de
la perte de la dignité est complexe. Elle peut donner place à plusieurs points
de vu suivant une critériologie de son fondement.
Mais
en considérant le fondement de la
dignité telle que sus-posée, nous pouvons, certes affirmer que le péché
est ce qui entraîne la perte de la dignité humaine. Il en est le
« virus » si bien que là où il est, pas de dignité. Il amoindrit ainsi l’image de Dieu à laquelle l’homme est
crée. Il faut considérer le péché dans sa triple dimension :
Péché
comme refus de Dieu : le péché, en effet, est une réalité essentiellement
religieuse qui ne se comprend qu’en rapport avec Dieu. Il est une offense à
Dieu en tant que Créateur et Sauveur, un refus de l’amour de Dieu et de son
plan de communion[126].
Péché
comme refus des autres : d’après la Bible et selon le Décalogue, l’amour de
Dieu et l’amour du prochain sont inséparables, ils se présentent comme un seul
oui au Dieu de l’Alliance. C’est ainsi dans cette perspective que les prophètes
invitent à la fidélité à l’alliance en dénonçant en même temps aussi bien
l’idolâtrie que les injustices du peuple. Dieu n’accepte aucun culte, si
splendide soit-il, s’il est superficiel et formel, s’il n’est pas accompagné
par le sens et l’exercice de la justice et du respect des autres hommes (cf. Am
2,6-8 ; Jr 5, 23-27 ; Ez 18,5-17)[127].
Péché
comme refus de soi-même en tant que refus de son propre moi dans son être et
dans son devenir être. L’homme est un être appelé à se réaliser dans la
communion avec Dieu et les autres[128].
Cette
triple dimension du péché aide à comprendre largement ce qu’on peut appeler la
perte de la dignité de la femme à travers sa corporéité. Il s’agit de toute
pratique qui « chosifie » la femme, qui ne respecte pas son statut
d’ « être-humain-image-de-Dieu ». Cette perte de la dignité peut
être provoquée par ce que fait la femme elle-même ou la conséquence des actes
d’autres personnes sans moralité.
III.6.1.3.
Les outils pour une catéchèse sur la dignité de la femme
La
formation au respect de la personne humaine, et pour le cas de la femme,
suppose une catéchèse appropriée dont nous voulons donner quelques outils et
présenter brièvement les passages qui peuvent servir à cette catéchèse. Ces
outils sont : Le Compendium de la Doctrine sociale de l’Eglise, le Catéchisme
de l’Eglise Catholique, la lettre apostolique mulieris dignitatis, que nous avons déjà résumée dans les pages
précédentes et l’Exhortation Apostolique post-synodale Africae munus.
- Compendium
de la Doctrine sociale de l’Eglise
Ce
document offre beaucoup de matières sur l’égale dignité de toutes les personnes
(p. 79-81 ; 144-148). Nous pouvons y lire ce qui suit : « Dieu ne fait pas acception de personne (Ac
10,34 ; Cf. Rm 2,11 ; Ga 2,6 ; Ep 6,9), car tous les hommes ont
la même dignité de créature à sa ressemblance. L’Incarnation du Fils de Dieu
manifeste l’égalité de toutes les personnes quant à leur dignité (…). Etant
donné que sur le visage de tout homme resplendit quelque chose de la gloire de
Dieu, la dignité de chaque homme devant Dieu constitue le fondement de la
dignité de l’homme devant les autres hommes. C’est aussi le fondement ultime de
l’égalité et de la fraternité radicale entre les hommes, indépendamment de leur race,
nation, sexe, origine, culture et classe » (CDSE 144). On peut encore lire ce qui suit :
« Seule la reconnaissance de la
dignité humaine peut rendre possible la croissance commune et personnelle de
tous (Cf. Jc 2,1-9). Pour favoriser une telle croissance, il est
particulièrement nécessaire de soutenir les plus petits, d’assurer effectivement
des conditions d’égalité entre l’homme et la femme, et de garantir une égalité
objective entre les diverses classes sociales devant la loi» (CDSE
145) .
Au
n°146 de ce même document, on trouve un moyen pour assurer aux femmes la place
à laquelle elles ont droit dans l’Eglise et dans la société. Ce moyen consiste
à l’étude sérieuse et approfondie des
fondements anthropologiques de la condition masculine et féminine, visant à préciser l’identité
personnelle propre de la femme dans sa relation de diversité et de
complémentarité réciproque avec l’homme, et cela, non seulement pour ce qui
regarde les rôles à jouer et les fonctions à assurer, mais aussi et plus
profondément pour ce qui regarde la structure de la personne et sa
signification ».
Par
ailleurs, le document traite de la question des femmes et le droit au travail.
Il montre que : « Le
génie féminin est nécessaire dans toutes les expressions de la vie
sociale ; par conséquent, la présence des femmes dans le secteur du
travail aussi doit être garantie. (…) La reconnaissance et la tutelle des
droits des femmes dans le contexte du
travail dépendent, en général, de l’organisation du travail, qui doit tenir
compte de la dignité et de la vocation de la femme, dont la vraie promotion (…)
exige que le travail soit structuré de manière qu’elle ne soit pas obligée de
payer sa promotion par l’abandon de sa propre spécificité (…). C’est une
question à partir de laquelle se mesurent la qualité de la société et la
tutelle effective du droit au travail des femmes» (CDSE 295).
- Le
Catéchisme de l’Eglise Catholique
Le
Catéchisme de l’Eglise Catholique traite de la création de l’homme du n° 335 au
n°379. Il montre la dignité dont jouit l’homme par le fait d’être crée à
l’image de Dieu (cf. CEC 357). Il est la seule créature que Dieu a voulu pour
elle-même ; il est appelé à partager la vie de Dieu (cf. CEC 356). Le Catéchisme
montre que l’égalité et la différence entre l’homme et la femme sont voulues
par Dieu : l’égalité dans le fait d’être personne humaine et la différence dans le fait d’être
homme et d’être femme (cf. CEC 369). C’est pourquoi, l’homme et la femme crées
ensemble sont voulus par Dieu l’un pour l’autre (cf. CEC 371). Cela ne signifie
pas que Dieu les ait créés à moitié ou incomplets ; mais Il les a créés
pour une communion des personnes, en laquelle chacun peut être
« aide » pour l’autre parce qu’ils sont à la fois égaux en tant que
personnes (« os de mes os… ») et complémentaires en tant que masculin
et féminin (cf. CEC 372). C’est dans ce sens que l’homme et la femme, dans le
dessein de Dieu, ont la vocation de « soumettre » la terre (Gn 1,28)
comme « intendants » de Dieu (…) (cf. CEC 373).
Il
faut considérer aussi tout ce que le Catéchisme enseigne sur le sixième
commandement : Tu ne commettras pas
d’adultère (cf. CEC 2331-2391). Dans cette section, sont développés les
thèmes de la création de l’homme et la femme, la vocation à la chasteté qui traite
de l’intégrité de la personne, de l’intégralité du don de soi, des divers
régimes de chasteté, des offenses à la chasteté (luxure, masturbation,
fornication, pornographie, prostitution, viol),
de chasteté et homosexualité ; de l’amour des époux où l’on
développe le sous thèmes sur la fidélité conjugale, la fécondité du mariage et
le don de l’enfant ; les offenses à la dignité du mariage ( adultère, le
divorce) et les autres offenses à la dignité du mariage ( polygamie, inceste,
union libre, droit à l’essai). Tout cet enseignement est à connaître pour que
chaque homme et chaque femme puisse reconnaître et accepter son identité
sexuelle. La différence et la complémentarité physiques, morales et
spirituelles sont orientées vers les biens du mariage et l’épanouissement de la
vie familiale (cf. CEC 2333).
- L’exhortation
apostolique post-synodale « Africae munus »
Ce document de 177 paragraphes ne réserve que 5 aux
femmes (n°55-59). Dans ce document, le pape affirme : « Les
femmes en Afrique apportent une grande contribution à la famille, à la société
et à l’Eglise avec leurs nombreux talents et leurs dons irremplaçables. Comme
le disait Jean-Paul II : « La
femme est celle en qui l’ordre de l’amour dans le monde créé des personnes
trouve le lieu de son premier enracinement ». L’Eglise et la société
ont besoin que les femmes aient toute leur place dans le monde afin que l’être humain puisse y vivre sans
se déshumaniser complètement » (AM 55).
Par ailleurs, le pape reconnaît le travail qu’il y
a encore à faire dans la lutte pour la dignité de la femme en
disant : « S’il est
indéniable que des progrès ont été accomplis pour favoriser l’épanouissement et
l’éducation de la femme dans certains pays africains, il reste cependant que,
dans l’ensemble, sa dignité, ses droits ainsi que son rapport essentiel à la
famille et à la société ne sont pas pleinement reconnus et appréciés. Ainsi la
promotion des jeunes filles et des femmes est-elle souvent moins favorisée que
celle des garçons et des hommes. Trop nombreuses sont encore les pratiques qui
humilient les femmes, les avilissent au nom de la tradition ancestrale. Avec
les Pères synodaux, j’invite instamment les disciples du Christ à combattre
tous les actes de violence contre les femmes, à les dénoncer et à les condamner
(…)»(AM 56) . Il continue en rappelant qu’ « il faut reconnaître, affirmer et défendre
l’égale dignité de l’homme et de la femme : tous les deux sont des personnes,
à la différence de tout autre être vivant dans le monde autour d’eux »
(…). L’Eglise se doit de contribuer à cette reconnaissance et à cette
libération de la femme en suivant l’exemple donné par le Christ qui la
valorisait (cf. Mt15, 21-28 ; Lc7, 36-50 ; 8, 1-3 ; 10,
38-42 ; Jn 4, 7-42). Pour cela il faut créer pour elle un espace de prise
de parole et d’expression de ses talents par des initiatives qui affermissent
sa valeur, son estime de soi et sa spécificité, lui permettant alors d’occuper
dans la société une place égale à celle de l’homme-sans confusion ni
nivellement dans la spécificité de chacun-, car ils sont tous deux
« images » du Créateur (cf. Gn1, 27) (AM 57). Le pape termine en
invitant les femmes à se former au catéchisme et à la Doctrine sociale de
l’Eglise pour se doter des principes qui les aideront à agir en véritables
disciples. Ainsi elles pourront s’engager avec discernement dans les différents
projets relatifs aux femmes. Il les invite de continuer à défendre la vie car Dieu les a constituées réceptacles
de la vie. (…); d’aider par leurs conseils leur exemple les jeunes filles afin
qu’elles abordent sereinement la vie
adulte. L’Eglise compte sur les femmes pour créer une « écologie humaine »
par l’amour et la tendresse, l’accueil et la délicatesse, et enfin la
miséricorde, valeurs qu’elles savent inculquer aux enfants et dont le monde a
tant besoin (cf. AM 59).
III.6.2. La formation à
la connaissance de soi
Cette
formation aidera la personne à se connaître dans ce qu’elle a de spécifique,
ses capacités, ses valeurs les plus profondes sans ignorer ses limites. Elle
vaut pour un homme comme pour une femme. Pour ce qui concerne la femme, cette
formation consistera à vulgariser les
nouvelles réflexions sur l’être de la femme en vue d’approfondir la
connaissance de soi et changer la conception antique de l’être femme qui
traînent les idées négativistes sur celle-ci. Alors dans le cas précis de
notre travail sur la dignité de la femme
à travers sa corporéité, la réflexion de Santiso est digne d’être vulgarisée.
On peut imaginer l’apport d’une telle pensée dans le changement de mentalité.
Si la femme pouvait comprendre la potentialité de son corps telle que nous
présenter par Santiso, elle s’engagerait davantage à lutter pour son inviolabilité,
et sa dignité ne serait plus à marchander ou à négocier. Cette formation à la
connaissance de soi permettra de savoir découvrir l’autre à travers ses
spécificités et développer une attitude d’estime, de révérence et de vénération
de l’autre plutôt que de chercher à se l’approprier. Une éducation du regard
s’impose.
III.6.3. L’éducation du
regard
Il s’agit ici, de considérer
l’éducation du regard comme moyen de préserver toujours la dignité de
l’autre ; et pour notre cas de la femme à travers son corps. La connaissance de soi que nous avons évoquée ne se limite pas
seulement au seul sujet. Mais en se connaissant, la personne est capable de
connaître l’autre et de poser sur lui un regard qui sort de l’ordinaire, un regard converti[129]
à l’exemple du regard du Christ. Cela implique une éducation du regard, toute
éducation devant rechercher avant tout le respect de l’autre[130].
En
effet, différents regards sont possibles lorsqu’on est en face de
l’autre : on peut avoir un regard d’indifférence qui consiste à ne pas reconnaître la présence
de l’autre. Alors on s’érige comme le seul existant, comme étant le centre du
monde, insensible à la vie des autres. L’autre regard est un regard utilitaire
car, comme le dit Xavier Lacroix, « il
arrive que notre regard ne s’arrête pas au corps d’autrui, que ce dernier soit
même transparent, au profit de la visée d’actions, des projets ou d’entreprises
par rapport auxquelles il n’est qu’un moyen. L’autre est alors interlocuteur,
partenaire, collaborateur, avant d’être une personne » [131]. Un autre regard, c’est le regard
désirant. Ce dernier est celui qui cherche à franchir la distance qui le sépare
du corps appréhendée dans sa beauté. Sous ce regard, le corps apparaît comme
étant proche et lointain, saisissable et insaisissable, personnel et
impersonnel[132]. C’est
un regard qui vise à posséder l’autre. Et comme dit le pape Jean-Paul
II : « Il s'agit d'un “acte intérieur bien défini”: le
regard “pour désirer”, c'est à dire celui qui se pose sur l'autre pour se
l'approprier, pour s'en servir, pour se satisfaire. Autrement dit le regard
“prédateur” ou “séducteur” qui réduit l'autre à l'état d'objet de satisfaction
et aboutit à la “chosification” de la personne qui, de sujet qu'elle est par
essence, devient simple objet que l'on tente de s'approprier. Cet acte
intérieur du “regard pour désirer” conduit ainsi à la négation de la qualité de
personne chez l'autre en tant que sujet du don et aboutit à la falsification de
la communion auxquelles sont appelées les personnes à travers l'attraction
mutuelle» [133]. Ce regard crée une
relation perverse, car il se fixe sur une partie ou sur un élément du corps[134] ; c’est un regard
qui dénude. Or, « la nudité est
humiliante ou offensante lorsque le corps y est réduit à l’état d’objet ou
lorsque l’une de ses parties devient fascinante, se substituant, dans les yeux
de l’autre, à la perception du corps dans sa globalité[135] ». Lacroix Xavier exprime mieux cette pensée à travers une
peinture de René Magritte qui présente la perception du sexe dans le visage de
l’autre. Il fait ce commentaire en disant lorsque le sexe efface le
visage, c’est comme si le regard porté sur ce visage effacé, disait :
« Sois désirable et tais-toi. Tu
n’as pas droit au regard, à la parole, à la respiration. Tu n’as ni yeux, ni
nez, ni bouche. Lorsque le corps n’est plus perçu à partir du visage, nous
sommes sur le chemin de la violence (…)»[136] . C’est un regard
de celui qui ne connaît pas l’unité et la vraie dignité de tous les hommes (cf.
CEC 225).
L’autre type de regard, c’est le regard personnalisant
que l’on peut aussi qualifier de chaste[137]. Dans ce regard, le
désir ne sera pas absent car, il y a toujours une part de désir dans
l’appréhension de la beauté. Mais le désir n’est pas seulement
« concupiscence », c'est-à-dire appétit ; il est aussi
célébration, reconnaissance, hommage, ferveur[138]. Ce regard chaste,
poursuit Lacroix Xavier, est celui qui supporte la distance, qui n’est pas
fasciné par la chair ou par une vision morcelée du corps. C’est un regard pour
lequel, la forme même ou l’aspect, aussi
séduisants soient-ils, ne l’emporte jamais totalement sur l’expression et sur
la présence. C’est aussi un regard pour lequel le corps est d’abord
corps-sujet, et non pas objet. C’est un regard pur, la pureté étant la capacité
de percevoir la chair d’un regard sans mélange, plus disposé à accueillir le
corps de l’autre qu’à se l’approprier. Alors, entre le corps et la personne,
entre le visible et l’invisible, il n’y a plus d’obstacle. Lacroix Xavier voit
dans ce regard la contemplation de Dieu lorsqu’il dit : « Heureux les cœurs purs, ils verront
Dieu »… dans le corps d’autrui[139]. C’est à ce type de
regard qu’il faut éduquer le regard pour avoir un regard humanisant comme celui
du Christ.
Le Catéchisme de L’Eglise Catholique donne des
moyens pour grandir dans la pureté. « La
pureté du cœur est le préalable à la
vision. Dès aujourd’hui, elle nous donne de voir selon Dieu, de recevoir autrui
comme un prochain ; elle nous permet de percevoir le corps humain, le
nôtre et celui du prochain, comme un temple de l’Esprit Saint, une
manifestation de la beauté divine» (cf. CEC
2519). Ce combat pour la pureté
peut être vaincu par la vertu et le don de chasteté, car la chasteté permet
d’aimer d’un cœur droit et sans partage ; par la pureté d’intention qui consiste
à viser la fin véritable (…) : trouver et accomplir en toute chose la
volonté de Dieu ; par la pureté du
regard, intérieur et extérieur ; par la discipline des sentiments et
de l’imagination ; par le refus de toute complaisance dans les pensées
impures qui inclinent à se détourner de la voie des commandements divins :
« la vue éveille la passion chez les insensés » ; et aussi par
la prière[140]
(cf.
CEC 2520). En plus de cela, le CEC
donne un autre moyen en montrant que la pureté a besoin de la pudeur qui est une partie intégrante de la tempérance. Elle préserve l’intimité de
la personne et désigne le refus de ce qui doit rester caché (...). Elle guide les regards et les gestes
conformes à la dignité des personnes et de leur union. La pudeur protège le
mystère des personnes et de leur amour. Elle demande que soient remplies les
conditions du don et de l’engagement définitif de l’homme et de la femme entre
eux. La pudeur est modestie. Elle inspire le choix du vêtement. (…). Enseigner
la pudeur aux enfants et aux adolescents, c’est éveiller au respect de la
personne humaine (cf. CEC 2521-2527).
Conclusion du
troisième chapitre
Dans ce chapitre, il était question de poser le fondement d’un
engagement en vue de la dignité de la femme. Ayant remarqué la pertinence de la
réflexion de Porcile Santiso, qui fait une lecture du corps de la femme en
montrant ce qu’il a de spécifique, nous trouvions suffisante cette réflexion
comme un argument anthropologique pouvant susciter l’engagement de quiconque a
quelque chose d’humanité pour la dignité de la femme. Mais comme si cela ne
suffisait pas, nous nous sommes réalisé que celui qui s’engage dans la défense pour
la dignité de la femme s’inscrit dans la dynamique du Christ.
C’est pourquoi nous nous y sommes inscrits en montrant comment le
Christ s’est engagé pour cette cause. Pour y arriver, nous avons présenté la
situation de la femme au temps de Jésus,
situation où la femme ploie sous le
poids du fardeau de la loi. Dans son entourage féminin, on peut remarquer qu’il
réserve un accueil digne à tous ; il sait voir la femme à travers toutes
les femmes qu’il a rencontrées. C’est ce qui va marquer sa nouveauté dans
le rapport avec les femmes de sont temps. Il se laisse toucher par la femme
hémorroïsse, il guérit la femme courbée le jour du sabbat, il prend la défense
de la femme adultère et non de l’adultère etc. Il agit librement pour
promouvoir la dignité de la femme à travers sa corporéité.
Cela
nous a conduits à présenter la doctrine de l’Eglise catholique sur la dignité
de la femme avant de tracer quelques pistes d’engagement à savoir la formation
au respect de la personne humaine en présentant le fondement de la dignité de
la personne ; la formation à la connaissance de soi qui aboutit à la
connaissance et l’estime de l’autre, et permet de poser un regard humanisant
sur celui-ci. C’est ainsi que nous avons trouvé nécessaire de vulgariser les
réflexions qui présentent une nouvelle manière de comprendre l’héritage
culturel dans le traitement de la femme. Alors Santiso trouve ici droit de cité. Enfin nous avons considéré l’éducation du regard comme
moyen pour promouvoir la dignité de la femme à travers sa corporéité et de
toute personne humaine.
CONCLUSION GENERARALE
« De
la dignité de la femme à travers sa corporéité. Lecture compréhensive de la
conception du corps selon Porcile Santiso ». Tel est le thème qui a
constitué l’objet de notre recherche. Tout est parti du constat que la femme
est toujours victime de la violence à travers sa corporéité. Sa dignité est
alors mise en difficulté, bafouée, réduite à sa plus simple expression. Pour Porcile
Santiso, la corporéité de la femme est un lieu où sa dignité doit être
redécouverte par elle –même et aussi par tout
le monde en vue de toujours la respecter. C’est ce que nous avons taché
de faire tout au long de ce travail.
Dans
le premier chapitre nous nous sommes préoccupé de scruter le sens des concepts
clés de notre sujet pour fonder déjà la dignité de la femme à travers le sens
que nous offrent ces concepts. En étudiant
le concept corps, nous avons retenu des considérations de l’Encyclopedia
Universalis que la conception du corps, de sa composition, de son traitement
social ainsi que de sa relation avec
autrui et avec le monde varie selon les sociétés. Après cela nous avons cherché
à comprendre le même concept dans la Bible
et nous avons retenu que dans l’Ancien Testament, le corps comme la
chair est désigné par le terme « basar ».
Il n’est pas opposé à l’esprit. Il signifie au sens propre le tissu musclé mais
aussi l’homme tout entier. C’est cette notion de totalité, d’unité qui est
fréquente dans le Nouveau Testament. L’homme existe à travers le corps duquel
on voit l’unité des divers membres rassemblés
harmonieusement. C’est ce corps qui participera à l’existence future
comme corps spirituel.
Du
concept femme, nous avons vu que la
femme qui est l’être-humain-féminin partage
avec l’être-humain-masculin certains
caractères auxquelles elle est plus identifiée
que l’homme. Et c’est en cela que se comprend sa féminité. Ayant
revisité le contenu des noms de la femme dans la Genèse, nous avons perçu
d’emblée l’abîme qui sépare l’image d’Eve dans l’imaginaire d’Occident-la
tentatrice, la femme fatale,- de sa définition, voire de sa destination
originelle : « donner la vie» [141].
Finalement nous avons montré que l’histoire est porteuse d’une conception
dualiste de la femme. Elle est, d’une part, présentée comme être inférieur,
comme responsable des malheurs de toute l’humanité. Malgré cela, la tradition
biblique n’a pas passé sous silence les exploits des femmes qui ont marqué le
peuple d’Israël. Egalement, d’autres Pères de l’Eglise n’ont pas manqué
d’accorder grâce aux femmes dans leurs littératures. Cette ambivalence montre
que le regard porté sur la femme est encore imbu de plusieurs conceptions qui
ont consacré l’amoindrissement de la dignité de la femme.
Dans
le deuxième chapitre, nous avons présenté la manière dont Porcile Santiso présente
la richesse de la corporéité de la femme. Cette lecture suscite une grande
admiration en remarquant comment le corps de la femme est mis en valeur même à
travers ce qui traditionnellement a été objet de mépris et de dénigrement de
celle-ci. C’est ce que nous avons appelé spécificité dans la pensé de Porcile
Santiso. Dans sa démarche, elle s’évertue à trouver ce qui est commun à toutes les femmes.
Sa réflexion est centrée sur trois expériences essentielles et spécifiquement
féminin qu’elle nomme : espace intérieur qui est un « espace
ouvert » d’accueil qui justifie la capacité en la femme d’être porteuse de
la vie, elle est en ce sens conditionnée potentiellement et non fatalement pour
recevoir ; la deuxième expérience est celle du temps vécu qui est perçu
par la médiation du sang et qui met la femme dans une structure corporelle
grâce à laquelle, elle peut recevoir l’autre dans son sein. La lecture que
Porcile Santiso fait du sang périodique de la femme vient bousculer toute une
conception négativiste de cette expérience qui est régulièrement vécue par la
femme. C’est un moment qui indique la puissance de la femme. Et enfin l’offrande de la vie qui consiste à
considérer en la femme, dans sa corporéité tout ce qui contribue à l’accueil,
la protection, la croissance, la libération de la vie. La femme qui libère
l’être à la vie au risque de perdre la sienne propre, continue à l’entretenir
par son corps.
De
cette triple spécificité du corps de la femme, l’auteur dégage les différentes
conséquences sur le plan social et théologique. Elle montre par exemple combien
l’acte de donner vie qui commence avec l’écoulement du sang sans lequel le
reste n’est pas possible est riche d’enseignement. Considérant cet acte, on
comprend que la femme, à travers son corps, est en train de dire qu’il faut
savoir donner la vie au risque de la propre vie. C’est ce que Porcile Santiso exprime
mieux à travers ces questions : « Si la société est d’une façon ou d’une autre le lieu d’échange de la
vie, où les êtres humains entrent en contact, que se passerait-il dans notre
société-où l’on fait couler le sang de l’autre par haine et violence-, si l’on
voulait bien accueillir l’expérience irremplaçable de l’être de la femme- pour
qui répandre le sang, c’est donner la vie ?Que se passerait-il si
l’acceptation de ce mystère impliquait une totale participation-chacun selon
son être propre-dans tous les domaines de la vie sociale» [142] ?
Aussi,
comme conséquence théologique, lorsqu’on met dans une relation de convergence
la spécificité féminine de l’accueil et la vocation ecclésiale de l’appel, on
découvre que la femme a une capacité « innée » privilégiée de
permettre à l’Eglise d’être plus visiblement un espace de vie, de réceptivité,
d’accueil, de portes ouvertes. C’est dire tout simplement que dans le langage
du corps, la femme a une fonction originale et irremplaçable dans l’Eglise. Il
s’agit ici des fonctions qui concernent l’ « être » et non le
« faire ». C’est tout l’être de la femme qui doit imprégner tout
l’être (corps) de la société et de tout l’être (corps) de l’Eglise[143]. Cette lecture porcilienne du corps nous a
permis de comprendre que l’être féminin est encore méconnu par elle-même et par
la société. Et c’est pourquoi elle est la cible des violences qui sont fruit de cette ignorance.
Voilà
pourquoi nous avons consacré le troisième chapitre à un engagement pour
défendre la dignité de la femme. Tout en considérant le changement que peut
opérer une réflexion comme celle de Porcile Santiso, nous avons fondé cet
engagement sur le Christ qui n’a pas été indifférent à la situation des femmes
de son temps durant son séjour terrestre. C’est ainsi que de la Condition de la
femme et de l’entourage féminin de Jésus, nous avons contemplé la femme sous le regard
de Jésus, un regard pur, libre, objectif et personnalisant. C’est ce regard qui
définit la nouveauté de l’attitude de Jésus envers les femmes : la liberté
d’accueillir les marginalisées de la société, de se laisser toucher par elles,
de leur adresser et accorder la parole, de les guérir etc. Et pour que notre
engagement ne soit pas une action isolée, nous avons présenté la doctrine de
l’Eglise catholique sur la dignité de la femme en scrutant les documents du
Magistère qui insistent sur le fondement de cette dignité, c'est-à-dire la
création à l’image et à la ressemblance de Dieu et le fait que Jésus Lui-même a
redonné cette dignité à l’homme à travers le don de sa vie.
Pour ne pas être trop théorique, nous avons
proposé quelques pistes concrètes pour cet engagement à savoir : la
formation au respect de la personne humaine et à la connaissance de soi. La
première consiste à dire pourquoi la personne humaine doit être respectée ;
et la seconde permettra à la personne de se connaître à travers sa spécificité,
ses qualités comme ses limites. Elle ne passera pas sous silence les réflexions
qui soutiennent le changement de la conception archaïque de la femme. La
dernière piste que nous avons proposé c’est l’éducation du regard. Il y a en
effet différents types de regard : le regard d’indifférence qui consiste à ne pas reconnaître la présence
de l’autre, il y a aussi le regard utilitaire ; le regard désirant qui
cherche à franchir la distance qui le sépare du corps appréhendée dans sa
beauté, c’est un regard qui vise à posséder l’autre. Il y a aussi le regard personnalisant, c’est un regard pour
lequel le corps est d’abord corps-sujet, et non pas objet. C’est un regard pur,
capable de percevoir la chair d’un regard sans mélange, plus disposé à
accueillir le corps de l’autre qu’à se l’approprier. C’est à ce type de regard
que notre éducation veut porter avec l’espoir de modeler notre regard à celui
du Christ et ainsi devenir un moyen de préserver toujours
la dignité de l’autre ; et pour notre cas de la femme à travers son corps.
Au
demeurant, il est intéressant de remarquer que la dignité de la femme est
souvent recherchée là où elle n’est pas, c’est-à-dire dans ses différentes activités.
Il est urgent de comprendre qu’il n’y a pas de meilleur endroit où la femme
pourrait retrouver sa dignité si ce n’est qu’à travers son corps et sa
spécificité. C’est à cela que s’est évertuée Porcile Santiso en montrant qu’on
peut parler autrement du corps de la femme. D’où l’engagement de l’homme et de
la femme à se battre pour que la femme jouisse pleinement de sa dignité à
travers sa corporéité.
BIBLIOGRAPHIE
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en français sous la direction de l’Ecole biblique de Jérusalem, Paris, Cerf et Verbum
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Ø MERODE Marie
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TABLE DES MATIERES
DEDICACE .............................................................................................................................. I
EPIGRAPHE........................................................................................................................... II
REMERCIEMENTS
............................................................................................................ III
SIGLES .................................................................................................................................. IV
INTRODUCTION GENERALE ........................................................................................... 1
PREMIER CHAPITRE :
APPROCHE DEFINITIONNELLE ET CLARIFICATION DES CONCEPTS 3
Introduction................................................................................................................................ 3
I.1.
Le corps................................................................................................................................ 3
I. 1.
1. Le mot « corps » ........................................................................................................ 3
I.1.2.
La signification du corps du point de vue anthropologique et dans quelques
cultures ....................................................................................................................... 4
I.1.3.
Le corps dans la Bible ................................................................................................. 6
A. L’Ancien Testament ............................................................................................... 6
B. Le Nouveau Testament ........................................................................................... 6
I.1.4.
La valeur du corps ....................................................................................................... 7
I.2. La femme ............................................................................................................................. 9
I.2.1.
Les mots « femme » et « féminité » ............................................................................ 9
I.2.2.
Le concept « femme » dans le livre de Genèse ......................................................... 10
I.2.3. L’image de la femme dans la tradition religieuse d’occident
......................................... 12
I.2.4.
La violence ................................................................................................................ 15
I.3. De la dignité de la personne humaine ................................................................................ 16
Conclusion du premier chapitre ............................................................................................... 17
DEUXIEME CHAPITRE :
LA PENSEE DE PORCILE SANTISO SUR LA SPECIFICITE DU CORPS DE LA FEMME 18
Introduction.............................................................................................................................. 18
II.1. Présentation de l’auteur et de son ouvrage
...................................................................... 18
II.2. Spécificité du corps de la femme selon
Porcile Santiso ................................................... 19
II.2.1.
Le corps comme langage .......................................................................................... 20
II.2.2.
Le corps comme parole............................................................................................. 20
II.2.3.
Espace intérieur ........................................................................................................ 21
II.2.4.
La femme et le temps ............................................................................................... 22
II.2.5.
L’offrande de la vie ................................................................................................. 22
II.2.6. La femme et le
sang ................................................................................................. 23
II. 3. Conséquences du langage du corps de la
femme ............................................................ 25
II.
3.1. Conséquence sociale ............................................................................................... 25
II. 3.1.1. Sur le
plan spatial ............................................................................................. 25
II.3.1.2.
Conséquence sociale du langage du sang ......................................................... 26
II.3.1.3.
Conséquence sociale du langage de la nutrition ............................................... 27
II.3.2.
Conséquence théologique du langage du corps de la femme .................................. 27
II.3.2.1. Sur
l’espace ....................................................................................................... 27
II.3.2.2.
Sur la relation espace-temps .............................................................................. 28
II.3.2.3.
Conséquence théologique de l’aspect de la nutrition ........................................ 28
Conclusion du deuxième chapitre ............................................................................................ 29
TROISIEME CHAPITRE :
ENGAGEMENT POUR DEFENDRE LA DIGNITE DE LA FEMME ....................... 30
Introduction.............................................................................................................................. 30
III. 1. Condition de la femme au temps de Jésus .................................................................... 30
III. 2. Entourage féminin de Jésus ........................................................................................... 31
III.3. La femme sous le regard de Jésus .................................................................................. 32
III.4. La nouveauté de Jésus envers la
femme ........................................................................ 33
III.
4.1. La femme courbée (Lc 13, 10-17) ......................................................................... 34
III.4.2.
La femme au flux de sang (Mc 5, 25-34) ............................................................... 35
III.4.3.
La femme adultère (Jn 8, 2-11) .............................................................................. 36
III.5.
La doctrine de l’Eglise catholique sur la dignité de la femme .................................. 37
III.
6. Quelques pistes d’engagement pour la dignité de la femme .................................... 42
III.
6.1. La formation au respect de la personne humaine .................................................. 42
III.
6.1.1. Le fondement de la dignité humaine ............................................................. 42
A. La création à l’image de Dieu
............................................................................. 42
B. Le salut en Jésus-Christ ....................................................................................... 43
III.6.1.2.
La perte de la dignité ..................................................................................... 43
III.6.1.3.
Les outils pour une catéchèse sur la dignité de la femme ............................... 44
A.
Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise .................................................... 45
B. Le Catéchisme de l’Eglise
Catholique .................................................................. 46
C. L’exhortation apostolique post-synodale « Africae munus » ............................... 46
III.6.2. La formation à la connaissance de
soi ........................................................................ 48
III.6.3. L’éducation du regard
................................................................................................. 48
Conclusion du troisième chapitre ............................................................................................. 51
CONCLUSION GENERARALE ........................................................................................ 52
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................ 56
[1] Cf. SANTISO
P., La femme, espace de salut, Paris,
Cerf, 1999, p. 27.
[2] En lisant certains passages de la Bible, l’on
remarque la mise en épreuve de la femme à cause de sa beauté et virginité:
En Gn 19,6-8 Loth expose ses propres filles à des violeurs, pour préserver son
honneur face à ses trois visiteurs. (V 8 Ecoutez : j’ai deux filles qui sont
encore vierges, je vais vous les amener ; faites-leur ce qui vous semble
bon…). En Jg 19,22-24 la fille vierge de Guivéa est proposée par son propre
père à une bande des violeurs,… (V 24 : Voici ma fille qui est vierge, je vous la livrerai. Abusez d’elle et
faites ce que bon vous semble…). En Gn 12,11-16 Sara portée à l’adultère
par son mari. (V11… « Vois-tu,
je sais que tu es une femme de belle apparence. » V14 « …les Egyptiens virent que la femme était très
belle. » En Gn 26,6-7 Rebecca est portée à l’adultère par son propre
mari Isaac. (V 6(…) les gens du lieu me
feront mourir à cause de Rebecca, car elle est belle. ») En 2S 11, 2-4
le roi David use de son pouvoir de chef pour convoquer la femme d’Urie et
coucher avec elle. (V2 … s’étant levé de son lit, alla se promener sur la terrasse de
la maison du roi et aperçut, de la terrasse, une femme qui se baignait. Cette
femme était belle.) En Lm 5, 11 : Ils
ont violés des femmes dans Sion, des vierges dans les villes de Juda. En
2S13, 1-22 Tamar est piégée et violée par son frère Amnon. V1 … Absalon avait une sœur qui était belle…
En Est 2,2-8 le roi Assuérus possédait un harem composé des filles vierges
enlevées de force. V2… Que l’on cherche
pour le roi des jeunes filles vierges et belles… En Dn 13,1-27 :
Suzanne et les deux anciens. V2… Il avait
épousé une femme du nom de Suzanne, fille d’Helcias ; elle était d’une grande beauté et craignait
Dieu. En Est 1, 10-19 la reine Vasti désobéit à l’ordre du roi qui, à
l’état d’ivresse, la fit venir pour montrer au peuple et aux ministres sa
beauté : ce qu’elle était belle à regarder. (Cf. NGALULA J., Dieu dénonce et condamne les violences
faites aux femmes, Kinshasa, Mont Sinaï, 2005.)
[3] Cf. CLEMENT
O., Corps de mort et de gloire. Petite
introduction à une théopoétique du corps, Paris, Desclée de Brouwer, 1995, p. 10.
[4]
SANTISO P., Op. cit., p.
113-114.
[6] Cf. Encyclopedia Universalis, corpus 6,
climatologie-cytologie, Paris, 1996, p. 598.
[7] Il existe
universellement une pensée de la conformité corporelle, qui sépare le normal de
l’anormal, les « membres » du groupe des « étrangers ». La
sémiologie de l’appartenance sociale revêt ainsi des formes variées, qui
consistent fréquemment en un marquage tégumentaire. Pour être socialement
approuvés, les corps sont « retravaillés ». La capacité (au sens
juridique) d’occuper certains statuts ou de remplir certains rôles sexuels par
exemple, ne s’effectue qu’au prix de l’exhibition d’un corps immédiatement
signifiant, laquelle permet de situer d’emblée l’appartenance ethnique ou
la position sociale d’un individu ; afin de différencier
« nous » et « eux ». Des nombreuses sociétés pratiquent le
marquage ethnique : peintures corporelles dans les sociétés
sud-américaines, tatouage et scarification dans les sociétés africaines,
procédés qui peuvent coexister avec diverses mutilations (avulsion
dentaire, ablation d’un doigt, etc). Un tel système des signes, dont le code
est connu de tous, permet à chacun d’identifier par le regard tout individu
rencontré.
[8] Cf. Encyclopedia Universalis, corpus 6,
climatologie-cytologie, Paris, 1996, p. 599.
[14] Cf. Ibidem, p. 126.
[15] SANTISO
P. La femme espace de salut, Paris,
Cerf, 1999, p. 125.
[17] Cf. Ibidem, p.
72.
[18] Cf. Ibidem, p.
72.
[23] CASTEL
E., L’éternité au féminin. La femme dans
les religions, croire aujourd’hui n°18, Paris, Assas, 1996, p. 24.
[27]Cf. Ibidem, p.
30.
[30] SANTISO
P., op. cit., p. 157-158.
[31] DUMAS
A., L’Anthropologie, p. 33 cité par
P. SANTISO, op. cit., p.158.
[33] CASTEL E., op.
cit., p.31.
[34] Ibidem, p.51.
[35] Pour approfondir les thématiques sur les
femmes, le livre : Les femmes qui
peuplent la Bible. Anthologie des thématiques et références sur les 250 femmes
de la Bible, écrit par la Sœur Josée Ngalula
et Jean Ikanga, publié
aux Editions Mont Sion en 2006 est incontournable.
[45] Ibidem, p. 60. Pour mériter cet éloge,
l’intéressée avait décidé de « garder sa foi à un fiancé en voyage (dans
l’autre monde, après un départ prématuré de cette terre) » et donc, en
langage clair de rester dans l’état de virginité.
[48] NTIMA NKANZA, préface de J. NGALULA (dir.), Oser la défendre dans son
inviolabilité. Actes de l’Atelier « Religion et violences faites aux femmes ». Kinshasa, 2-4 juin 2005.
[49] Le self
est la capacité à être soi-même, à assurer sa continuité psychique et à savoir
maîtriser l’expression de ses
pulsions sexuelles.
[51] Comme
nous traitons du thème du corps et non de la violence, le livre J. NGALULA (dir.), Oser la
défendre dans son inviolabilité. Actes de l’Atelier « Religion et violences faites aux femmes ».
Kinshasa, 2-4 juin 2005, est très éclairant et abondant sur ce thème de la
violence avec toutes ses conséquences sociales, les enjeux théologiques ainsi
que les pistes pour une pastorale de victime de la violence. C’est
tragique « d’assister impuissant, « L’exploitation éhontée
de la femme, prix à souhait comme butin de guerre et poussée plus que jamais à
la chosification… » Cf. CENCO, Défis
pastoraux au seuil du XXIème siècle, n° 160-161.
[55] SANTISO
P., La femme espace de salut, Paris,
Cerf, p. 12.
[61] Cf. Ibidem,
p. 235.
[62] Cf. Ibidem, p. 235. Le symbole universel est le seul dans lequel la relation entre le
symbole et ce qu’il symbolise n’est pas une simple coïncidence mais plutôt
quelque chose d’intrinsèque (…). FROMM E., The forgotten language, New York
Toronto, 1959, p. 18, cité par Santiso P., op.
cit, p. 236.
[65] La
structure c’est quelque chose qui constitue la forme et l’identité profonde de
l’être. L’analyse de la structure que l’auteur entreprend, s’applique à tirer
les conséquences qui émanent des éléments constitutifs, morphologiques qui
rendent différents l’être de la femme à partir de sa corporalité spécifique. Cf. SANTISO P., op.
cit., p. 241.
[66] Cf. Ibidem,
p. 237.
[70] Cf. Ibidem,
p. 244.
[71] Cf. Ibidem,
p. 245.
[72] Cf. Ibidem,
p. 246.
[73] Cf. Ibidem,
p. 247.
[78] Cf.
Ibidem, p.
252 : Il n’y a aucune référence sur le rôle social et domestique de la
femme comme « épouse et mère » ; on ne parle pas ici de
rôles ou de fonctions sociales, mais plutôt d’un langage ouvert sur un plan
anthropologique, on lit ce corps comme symbole-parole, avec des sens multiples.
Il y a et il y aura des femmes qui, pour différents motifs, ne sont ni ne
seront épouses ou mères. Cependant elles auront en elles ce qui les constitue
comme « femmes » : un corps ouvert à la rencontre, un temps
rythmé par le sang ; une capacité structurale, interne et externe de porter,
de libérer et d’alimenter la vie.
[82] Cf. Ibidem, p.
255-256.
[86]Cf. Ibidem, p.
257.
[88] Cf. Ibidem, p. 259. Cela
signifie que la société doit être un lieu où l’être humain pourra jouir de tous
les droits que sa dignité mérite. Elle doit accorder un temps de maturation et
de croissance qui la conduira à une véritable et entière libération.
[92] Cf. Ibidem, p. 260. Les
femmes en Afrique apportent une grande contribution à la famille, à la société
et à l’Eglise avec leurs nombreux talents et leurs dons irremplaçables (BENOIT
XVI, Exhortation Apostolique
post-synodale Africae Munus, n° 55).
[98] Cf. Ibidem, p. 264.
[99] Cf.
PELLETIER A. M., Le christianisme et les
femmes, Paris, Cerf, p. 26-27. Dans le judaïsme, les femmes n’appartenaient
pas à l’assemblée liturgique (d’où l’expression : « sans compter
les femmes et les enfants ») Ex 12, 37. LAURENTIN R., « Jésus et les femmes : une révolution
méconnue » in Concilium n° 154, Paris, Beauchesne, 1980, p. 98. Aussi, les
coutumes relatives au pur et à l’impur, tout en excluant la femme de la vie de
la communauté, n’indiquaient pas en soi une qualification morale, mais
simplement un état d’aptitude ou d’inaptitude au culte et à la vie de communauté
cultuelle.
[100]Cf. BEERNAERT
P. M., Marthe, Marie et les autres. Les visages féminins de l’évangile, Bruxelles, Lumen vitae, p.
34. Anne-Marie Pelletier objecte cette idée en disant qu’on ne peut pas s’en tenir à l’image d’une
femme confinée à l’espace domestique et qui serait tenue à distance des grands
des grands événements qui ont eu lieu avec l’Eventus Christus. Elle s’appuie sur le fait que Jésus a rencontré
des femmes sur sa route. Cf. PELLETIER
A. M., op. cit., p. 28.
[101]Cf.
BEERNAERT P. M., op. cit., p. 45. Pour les
commandements positifs de la Torah, on se servait d’une
expression : « Les mâles sont tenus à tous les commandements
liés à un temps déterminé ; les femmes par contre en son libérées »
Quiddushin 1,7).
[103]LEON- DURFOUR
X., Vocabulaire de théologie biblique,
Paris, 1970, coll 441.
[104] Cette
misère consiste au joug de la Loi qui pesait plus sur la femme, par exemple la
plupart des lois de l’Ancien Testament et du judaïsme concernant les femmes
dans le cadre du mariage, voient les femmes essentiellement comme des épouses,
des mères, des maîtresses de maison. Ces lois sont généralement pour protéger
le mari(…). La législation concernant le mariage est beaucoup plus sévère pour
la femme que pour le mari. La femme compte parmi les possessions de son mari
avec la maison (et même après la maison ; en Ex 20,17). Son mari peut la
répudier tandis qu’elle ne peut demander le divorce. L’inconduite de l’épouse
est réprimée beaucoup plus sévèrement que celle du mari. Bref, la femme est
traitée comme une « perpétuelle mineure ». Au temps de Jésus, la
répudiation en cas d’adultère ou même en cas de stérilité après dix ans de
mariage était considérée comme une obligation. Pour certains rabbins, on
pouvait même répudier sa femme si elle avait brûlé un plat ou si on en avait
trouvé une autre plus belle. Marie de MERODE de CROY, « Rôle de la femme
dans l’Ancien Testament » in Concilium,
n° 154, avril 1980, p. 89.
[106] Cf. BEERNAERT P. M., op. cit., p. 213.
[107] Il faut
remarque que, parmi les ennemis de Jésus, les évangiles ne mentionnent aucune
femme. Signe que les femmes étaient plus ouvertes à accueillir le message du
Christ sinon on ne pourrait ne pas parler de telles femmes. On ne rapporte pas
non plus la moindre parole péjorative ou de réprobation que Jésus aurait
rapporté à l’endroit de l’une d’entre elles, quelle que fût son audace ou sa
déchéance. Cf. DERMIENCE A., « Femme et ministères dans l’Eglise
primitive » in Spiritus n° 137, décembre 1994, p.388.
[109] Le
noyau dur de l’enseignement de Jésus c’est l’annonce de la proximité du Règne
de Dieu en paroles et en actes. Pour le redire avec Marc « le temps
est accompli, le Règne de Dieu s’est approché : convertissez-vous (changez
vos cœurs) et croyez à l’Evangile »
(Mc 1,15). Cet enseignement concerne tous les contemporains de Jésus, sans
faire des différences entre les sexes ; il lançait son appel au ‘’cœur’’
et à la conscience de chacune et de chacun. L’attitude de Jésus de se faire
accompagner par des disciples hommes et femmes qui écoutent le même
enseignement, donne la mesure de l’envergure d’esprit et de la liberté
intérieure de Jésus, dans un milieu juif qui n’accordait aux femmes qu’une considération
fort mesurée et ne les situait dans leur rôle qu’à la maison, chez elles (c’est-à-dire chez leur mari) et avec
leurs enfants. Pour Jésus, l’écoute de la Parole prime tout le reste. Cf. BEERNAERT P. M., op. cit., p.
223-224.
[110] MERODE Marie
de Croy, op. cit., p. 90.
[111] Le
caractère commun des guérisons
sabbatiques est qu’elles ne sont pas, en
quelque sorte arrachées à la miséricorde de Jésus malgré le sabbat, mais
volontairement données justement le jour du sabbat, car toutes accomplies à l’initiative
de Jésus et sans que le malade l’ait demandée (…) En prenant l’initiative
de guérir, il veut manifester clairement l’initiation de Dieu qui vient sauver
et libérer son peuple (Cf. BLAQUIERE G., La
grâce d’être femme, Paris-Fribourg, Saint-Paul, 1981, p. 24-25).
[112]
Cf. BLAQUIERE G., op.cit., p. 23.
[114] Cf. Ibidem, p.28.
[116] Cf. Ibidem, p.
126.
[119] QUERE F., Les femmes de l’Evangile, Paris, Seuil, 1978,
p. 20.
[120] Cf. BEERNAERT P. M., op. cit., p. 97.
[124] NGALULA J., (dir.), Oser la défendre dans son inviolabilité. Actes de
l’Atelier « Religion et violences faites aux femmes »,
Kinshasa, 2-4 juin 2005, p. 134.
[128] Cf. Ibidem, p. 10.
[133] Cf. SEMEN Y., La sexualité selon
Jean-Paul II,
Paris, Presse de la Renaissance, 2004, p. 141-142.
[134] Cf.
LACROIX X., op. cit., p. 18.
[138] Cf. Ibidem, p. 19. Lorsque Rembrandt peint, nu, le corps de
sa bien-aimé, sous le titre de « Bethsabée
au bain », celle-ci est comme habillée de gloire par la qualité du
regard que son amant porte sur elle et qui ruisselle sur sa peau, sur sa chair
célébrée.
[140] Je croyais que la
continence relevait de mes propres
forces, (…) forces que je ne me connaissais pas. Et j’étais assez sot pour ne
pas savoir que personne ne peut être continent, si tu ne le lui donnes. Et
certes, tu l’aurais donné, si de mon gémissement intérieur, j’avais frappé à
tes oreilles et si d’une foi solide, j’avais jeté en toi mon soucis (Saint
Augustin, Confessions 6, 11, 20).
[141] Cf. CASTEL
E., L’éternité au féminin. La femme dans
les religions, croire aujourd’hui n°18, Paris, Assas, 1996, p.31.
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