Introduction
Notre ouvrage de travail s’intitule La grâce originelle. Il est écrit par
Matthew Fox. Il comporte, en plus de l’introduction et de trois appendices,
vingt six chapitres. Pour notre travail, nous avons choisi le deuxième chapitre
qui a comme thème, La création comme
grâce et la redécouverte de l’art de goûter le plaisir (pp. 47-65). Dans ce
chapitre, l’idée principale que l’auteur veut mettre en exergue est : la
grâce originelle précède la création et elle est le fondement de tout ce qui
est. Pour notre développement, nous suivrons strictement les consignes données
par le professeur. Nous présenterons l’idée maîtresse de l’auteur en s’appuyant
sur les arguments qu’il emploie. Et nous procéderons à l’analyse critique de
l’auteur.
I. La grâce
originelle, fondement de tout ce qui est
Pour Matthew Fox, la grâce est antérieure à la
création. Avant que Dieu crée, la grâce est. C’est pousser par la grâce que
Dieu crée, et cette grâce, reflet de Dieu, est présente dans la création. C’est
pourquoi il affirme : « La
grâce imprègne non seulement l’histoire d’Israel, mais encore toute la Dabhar
et toute la création depuis la nuit des temps. Nous pouvons même dire que la
grâce est antérieure à la création, parce que l’objectif de la création était
la grâce »[1]. Cela
dit, à en croire Matthew Fox, la création ne peut-être qu’une grâce et celle-ci
est enveloppée de cette même grâce. Autrement dit, la création est fruit de la
grâce. C’st la grâce qui alimente et anime la création. Car dit-il :
« La grâce est la parole qui anime
la parole, le désir qui anime la création. Parce que, comme n’importe quel
artiste, le Dieu créateur n’est pas indifférent à son œuvre d’art »[2].
Selon lui, contrairement à l’idée de faute
originelle qui n’a pas un fondement scripturaire, la grâce originelle est
biblique. Pour cette spiritualité de la
grâce originelle qui doit être promue. C’est pourquoi il note : « La grâce originelle est une doctrine
beaucoup plus ancienne et plus biblique, et elle devrait être le point de
départ de la spiritualité »[3].
A la suite d’Elie Wissel, il soutient que « l’idée de faute originelle est absente de la tradition juive »[4].
Puisque « le Dieu de l’Alliance est
le Dieu de la grâce »[5].
La grâce chez les Juifs n’est pas une pure abstraction ; elle est en lien
avec le bien être. Car, « toute la
vocation d’Abraham lui-même, le père de la foi, est taillée pour lui en terme
de grâce »[6].
De ce qui précède, pour Matthew Fox, si la
grâce est antérieure à la création, si elle est le fondement de tout ce qui
existe et si Dieu a fait don de lui-même à la création, la doctrine du péché
originel développée par saint Augustin n’a pas sa raison d’être. Selon lui, les
hommes ne naissent pas avec le péché originel. Au contraire « nous jaillissons dans le monde comme des
bénédictions originelles »[7].
Et pour le professeur Haag, « aucun
homme ne vient au monde pécheur. Comme créature et image de Dieu, il est dès
ses premiers instants entouré par l’amour paternel »[8].
Tout bon artiste ne peut penser concevoir un
objet défectueux avant qu’il ne soit opérationnel, fonctionnel ; tout
artiste aime ce qu’il « crée ». Or Dieu est l’artiste par excellence,
Il aime ses créatures. Alors comment penser à un Dieu qui crée l’homme pécheur
avant sa naissance ? Ainsi pour Matthew Fox, il est impensable que l’homme
vienne au monde directement comme pécheur. Puisque « de toute éternité Dieu nous a aimés. La sainte Trinité a fait don
d’elle-même dans la création de toutes choses et elle nous a conçus corps et
âme, dans l’amour infini »[9].
Donc, pour lui, en citant Irénée, « ‘Dieu
s’est fait Homme pour que l’Homme devienne Dieu’, et non pour effacer le péché
originel »[10].
II. Analyse
critique de la pensée de Matthew Fox
Nous sommes d’accord avec Matthew Fox sur un
certain nombre de points. D’abord la grâce comme fondement de tout ce qui
existe. Dieu n’est pas obligé de créer ; s’Il le fait c’est par pure grâce
c’est-à-dire amour gratuit. Et toutes les créatures sont bonnes aux yeux d
Dieu : « Dieu vit tout ce qu’Il
avait fait. Voilà, c’était très bon » (Gn 1, 31). Ces créatures
bonnes, Dieu les accompagnent et les vivifie par sa grâce. Parce que « la grâce, c’est le don de Dieu qui contient
tous les autres, celui de son Fils (…) C’est le don rayonnant de la générosité
du donateur et enveloppant de cette générosité la créature qui le reçoit »[11].
Ensuite la grâce originelle prime sur la faut
originelle. Tout ce que Dieu crée est bon ; et Dieu ne cesse de créer.
Parmi ces créatures bonnes figure l’homme. Chaque homme est unique et original
pour Dieu. Les descendants d’Adam ne sont pas de copies conformes de celui-ci.
Chaque homme, dès ses premiers instants de vie, bénéficie de l’innocence
originelle, même si après il peut toujours comme Adam désobéir à Dieu. A propos
de l’innocence originelle dont bénéficie tout homme le pape Jean Paul II
dit :
« Chez
tout homme, sans la moindre exception, cet état- l’état ‘historique’
précisément- enfonce ses racines dans sa propre ‘préhistoire’ théologique, qui
est l’état de l’innocence originelle (…) Le surgissement de la ‘peccabilité’
comme état, comme dimension de l’existence humaine se trouve dès le début en rapport
avec cette réelle innocence de l’homme comme état originel et fondamental,
comme dimension de l’être créé ‘à l’image de Dieu’. Il en fut ainsi pour le
premier homme- homme et femme- en tant que dramatis personae et protagonistes
des évènements que décrit le texte yahviste (Gn 2et 3), mais aussi pour tout le
parcours historique de l’existence humaine. L’homme historique est donc, pour
ainsi dire, enraciné dans sa préhistoire théologique révélée. Et pour cette
raison tout élément de sa ‘pecabilité’ historique s’explique (tant pour l’âme
que pour le corps) par référence à l’innocence originelle »[12].
De ce qui précède, comment peut-on parler du
péché originel hérité par un homme avant sa naissance ? La grâce de Dieu
est l’amour d’un Père, elle crée des fils que nous sommes. Cet amour
inestimable que Dieu a pour l’homme, sainte Catherine de Sienne le chante en
ces termes : « Quelle raison
T’a fait constituer l’homme en si grande dignité ? L’amour inestimable par
lequel Tu as regardé en Toi-même ta créature, et Tu T’es épris d’elle ;
car c’est par amour que Tu l’as créée, c’est par amour que Tu lui as donné un
être capable de goûter ton Bien éternel » (CEC n° 356). Saint Jean
Chrysostome est sur la même longueur d’onde quand il dit : « Quel est donc l’être qui va venir à
l’existence entouré d’une telle considération ? C’est l’homme, grande et
admirable figure vivante, plus précieux aux yeux de Dieu que la création tout
entière : c’est l’homme » (CEC n° 358).
« A
propos de la grâce, mot que les théologiens emploient pour désigner la
bienveillance absolument gratuite que, de toute éternité, Dieu témoigne à
l’homme en l’appelant à partager sa propre vie (…) La grâce a sa source non en
l’homme mais dans la bienveillance de Dieu »[13]. Cela dit, attribuer à chaque homme qui vient
au monde dès sa naissance le péché originel, c’est limiter l’amour de Dieu aux
seuls premiers parents, Adam et Eve. Or, Dieu, « sa bonté s’étend de
génération en génération » (Lc 1, 50) et sa générosité est pour toutes ses
créatures. Au sujet de la générosité de Dieu,
« le
mot qui traduit sans doute le mieux l’effet produit sur l’homme par la
générosité de Dieu est celui de bénédiction. La bénédiction est beaucoup plus
qu’une protection extérieure, elle entretient avec celui qui la reçoit la vie,
la joie, la plénitude de la force, elle établit entre Dieu et sa créature une
rencontre personnelle, elle fait poser sur l’homme le regard et le sourire de
Dieu, le rayonnement de sa face et de sa grâce, et ce lien a quelque chose de
vital, il touche à la puissance créatrice »[14].
Donc, comme les premiers parents que
« Dieu les bénit et Dieu dit : ‘soyez féconds et prolifiques,
remplissez la terre et dominez-là » » (Gn 1, 28), Dieu continue de
bénir chaque homme créé à son image et à sa ressemblance (Gn 1, 26).
Nous ne sommes pas d’accord avec Matthew Fox
quand il dit que « la doctrine du
péché originel peut elle-même contribuer au péché »[15]. La
doctrine du péché originel, selon nous, est une interpellation pour l’homme,
une invitation à faire la volonté de Dieu. Puisque la faut originelle n’est
rien d’autre que la désobéissance à Dieu. Le début de la Genèse nous dit que
Dieu n'a pas créé l'homme pécheur, mais qu'il l'est devenu en désobéissant à
son créateur. C’est ce que dit aussi autrement Bruno Synnott en ces termes : «nous
dirons que le péché n’est ni un gène, ni une inclinaison naturelle ou innée au
mal (pré ou post chute), mais tout simplement un manque de
foi/confiance/obéissance dans la révélation divine disponibles à l’humanité à
chacun des stades de son développement moral et spirituel »[16].
De façon générale l’homme, de part sa liberté, est beaucoup plus penché
vers le mal ; nous en faisons quotidiennement l'expérience. Mais nous pouvons
faire un petit pas de plus : nous ne faisons pas qu'imiter le mal qui est
autour de nous, nous naissons tous avec une orientation vers le mal. Nous ne le
commençons certes pas radicalement, mais nous le recommençons .Donc la doctrine du péché originel est là
pour rappeler à l’homme la tentation permanente qui le guette de se faire
« Dieu ».
Conclusion
A partir de ce chapitre du livre de Matthew
Fox, nous retenons que la grâce est antérieure au péché et tout ce qui existe
est le fruit de la grâce. Il en est de même pour l’homme qui, de toute éternité, Dieu aime. Il
le crée par amour et Lui a tout soumis. Nous pensons que la question de la
transmission du péché originel soulignée par notre auteur mérite d’être
approfondie. Puisque
« à
ce palier de l’enseignement de la doctrine, il faudra donc mieux éviter de
dire, comme on le fait d’habitude : tout homme vient au monde pécheur, par
suite du péché du premier homme (ce qui ne manque pas d’être vrai mais se
trouve exprimé dans une brachylogie souvent mal entendue par les fidèles, comme
si l’homme était purement et simplement ‘’puni’’ par la faute commise par un
autre). On affirmera avec plus de pertinence : tout homme a besoin de
renaître de l’Esprit parce qu’il est de race pécheresse, chaînon d’une histoire
qui se définit, en dehors de sa reprise par le Christ, comme un naufrage dans
le mal. Péché de nature par conséquent dont l’explication la plus prochaine
est, non pas Adam (cause lointaine), mais la corruption de la personne à cause
d’une nature déviée, reçue par génération »[17]
Certes, l’Ecriture Sainte ne change pas mais son interprétation
peut faire l’objet d’un changement. Avec les découvertes scientifiques et les
nouvelles lumières dont bénéficie la théologie aujourd’hui, il convient de
tenir un autre discours sur la question de la transmission du péché originel
Bibliographie
·
FOX Matthew, La grâce originelle,
Paris, Bellarmin-Desclée De Brouwer, 1995, 416 p
·
Catéchisme
de l’Eglise Catholique
·
Encyclopédie
catholique, théo
·
Vocabulaire
Théologique Biblique
·
Jean-PAUL II, Homme et femme Il les créa. Une spiritualité du corps, Paris, Cerf,
2005, p. 694 p
·
MASCALL Eric, Perspective scientifique et message chrétien, in « Concilium », n°26, 1967, p. 115-121
·
Bruno SYNNOTT, Bonté originaire, justice originelle et
perfection morale d’Adam, sur internet :www.nrt.be/docs/articles/.../1800- La+prédication+du+péché+originel.pdf
[1] Matthew
FOX, La grâce originelle, Québec,
Bellarmin, 1995, p. 52
[2] Ibidem, p. 50
[3] Ibidem, p. 56
[4] Ibidem, p. 53
[5] Ibidem, p. 51
[6] Ibidem, p. 52
[7] Ibidem, p. 54
[8] Ibidem, p. 54
[9] Ibidem, p. 55
[10] Ibidem, p. 55
[11] Vocabulaire Théologique Biblique, p. 512
[12]
Jean-PAUL II, Homme et femme Il les créa.
Une spiritualité du corps, Paris, Cerf, 2005, p. 25-26
[13]Nouvelle encyclopédie, théo, p. 699b
[14] Vocabulaire Théologique Biblique, p. 514
[15] Mtthew FOX, Op.cit, p. 59
[16]Bruno SYNNOTT, Bonté originaire, justice originelle et
perfection morale d’Adam, sur internet : www.nrt.be/docs/articles/.../1800-La+prédication+du+péché+originel.pdf
[17] Eric
MASCALL, Perspective scientifique et
message chrétien, in « Concilium »,
n°26, 1967, p. 117
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