vendredi 3 octobre 2014

Marie y trouvera une place matériellement peu importante, mais profondément significative d'apèrs le P René DE HAES

INTRODUCTION
            Il nous semble que nous ne comprendrons jamais le rôle que la Très sainte Vierge Marie exerça auprès du Christ Souverain Prêtre si nous ne nous plaçons pas dans la lumière de Dieu. Par conséquent, il faut que nous contemplions Marie, celle qui a dit oui, comme Dieu la voit de toute éternité, ou ce qui revient au même, que nous la regardions dans sa prédestination.
1.  Le fondement scripturaire de Marie
La première explication du rôle de Marie est contenue dans le Nouveau Testament dont la rédaction se poursuit durant un demi-siècle. « Marie y trouvera une place matériellement peu importante, mais profondément significative »[1] ; telle est aussi l’opinion du Père René DE HAES. En comptant objectivement les textes où il est question d’elle, on constate que le Nouveau Testament accorde une place discrète à la Vierge Marie. C’est ainsi que notre auteur nous invite à nous arrêter avec une attention particulière à ces données de base qui sont la parole même de Dieu. Ainsi, signalons en passant que Marie est présente à tout le Mystère chrétien, à tous les temps du salut. Pour le Concile, « elle tient la première place auprès du Christ, et de nous la plus proche »[2]. Elle le premier membre du Christ, membre fondateur du corps mystique, le plus important, le plus universel dans la communion des saints, depuis l’origine : la pentecôte où elle fut présente. Elle reste le sommet et le cœur ardent de l’Églises en Jésus-Christ.
La question est sérieuse, la problématique actuelle du portrait de Marie doit être éclairée et jugée, selon l’Abbé R. Laurentin, en fonction des Écritures Saintes. Donnons la parole à notre auteur. Pour lui, les Évangiles sont très laconiques sur Marie. Chez Mgr Laurentin ; seul l’Évangile de Luc nous fait vraiment connaitre sa physionomie spirituelle. Ce médecin de haute culture, au fait des nouvelles méthodes grâce auxquelles les Grecs donnèrent naissance à l’histoire, a enquêté près des témoins oculaires (1, 2). Il n’était pas difficile d’en trouver dans la communauté de Jérusalem qu’il a plusieurs fois visitée (Ac. 11, 27-28 selon le texte occidental et 21, 12-17). Il cite les témoins de l’enfance : voisins de Jean-Baptiste qui gravaient ces paroles-événements en leurs cœurs (Lc. 1, 60), Marie, qui faisait de même, selon le refrain qui revient à deux moments clés de son Évangile :
1. A la fin du récit de Noel (2, 19) : Elle gardait toutes ces paroles et événements dans son cœur ;
2. A la fin de l’Évangile de l’enfance (2, 51) : Elle gardait toutes ces paroles et événements dans son cœur. Le verbe principal « gardait » est nuancé par deux préfixes :
a) elle les «  rassemblait », collationnait, engrangeait (Verbe grec SYN-terein Lc. 2, 19) ;
b) elle les parcourait, entretenait, conservait avec diligence (verbe grec DIA-terein 2, 51).
c) elle les confrontait, précise Luc 2, 19. Pour nous, il est question ici du rapprochement des signes et souvenirs, d’où jaillissent la lumière et le sens. L’Évangile de Luc (1-2), ultime expression de ces souvenirs, confirme qu’ils étaient bien une confrontation vivante et contemplative des événements de la vie du Christ avec l’Écriture. Ce récit est littéralement tissé d’allusions bibliques manifestant que la venue de Jésus accomplit toutes les Écritures. Cette confrontation (le midrash) était le processus courant de la prière et de l’exégèse juive. La venue du Christ l’a en quelque sorte renversée. Avant c’était l’Écriture qui éclairait l’événement. Maintenant c’est l’événement-Christ qui éclaire toute l’Écriture.
Ainsi dit, nous trouvons le modèle dans l’Écriture : Marie est présente à toute la vie du Christ, nous l’avons vu. Elle l’a préparé, au sommet de l’Ancien Testament qu’elle achève. Elle introduit dans la famille humaine (Lc. 1, 28-56), l’éveilla à l’humanité, l’accompagna toute sa vie jusqu'à trente ans, l’engagea dans son ministère, en lui suggérant le signe de Cana (Jn. 2, 1-22). Durant les trois ans de séparation, sa communion spirituelle s’approfondit encore. Elle le retrouva physiquement et moralement, dans la souffrance et la mort du calvaire, en compassion à sa passion. Quant à nous la présence réciproque de Marie à son Fils est pour nous un modèle, puisque, par cette Mère, Dieu est devenu notre Frère et nous l’a donnée pour Mère, en nous identifiant à lui. Toutefois, notre rapport filial est différent de celui d Jésus, car Il est Dieu. Nous sommes d’humbles enfants de cette Mère, qui nous a si profondément et spirituellement adoptés en Lui.
2.  Marie et le sacrifice pour les prêtres
            Il nous semble que le texte complexe du Pseudo-Épiphanie ne considère pas seulement le pain de vie comme une nourriture ; la mention de l’autel et de la rémission des péchés font allusion à sa valeur sacrificielle. Cela nous invite à la suite de notre auteur à examiner dans quelle mesure les homélistes grecs envisagent le rapport de Marie au sacrifice[3]. Car le point est d’importance pour ce sujet. L’Écriture (He. 5, 1) définit le sacerdoce par l’oblation de sacrifices. L’idée de sacerdoce marial ne peut guère prendre consistance qu’en fonction d’un tel rôle à notre avis. Posons-nous un peu cette question ; trouve-t-on vraiment chez les auteurs anciens l’idée que Marie a offert son Fils en sacrifice ? Certains défenseurs de la Co-rédemption l’insinuent. On invoque des textes de Saint Ambroise, de « Quodvultdeus »[4], ou de Siméon Métaphrase sur le rôle de Marie au pied de la croix. L’idée de l’oblation ne s’y trouve pas encore. Sur la présentation de Jésus au temple, un texte d’ Hesychius fait impression : ce n’est point pour elle que Marie fit oblation, mais pour tout le genre humain. G. Roschini commente : « cela semble exprimer une coopération immédiate de Marie à la Rédemption. C’est beaucoup dire, car le contexte diminue la portée de cette phrase massive. Marie n’offre point ici Jésus, mais seulement les deux colombes : l’idée, c’est que Marie étant Vierge, l’oblation qu’elle présente pour sa purification n’a point d’utilité pour elle et tourne au bien de tous les autres »[5]. Donc, on pourrait être tenté de voir plus dans un autre texte, attribué à Saint Cyrille d’Alexandrie, qui semble reconnaitre une part active à la Vierge dans le même de la Présentation de Jésus au temple. Pour notre auteur, Marie conduit  son Fils au temple, mais c’est lui qui sacrifie.
            De ce qui précède, l’Abbé René précise  nettement que les Peres et auteurs anciens n’attribuent aucunement à Marie la fonction d’offrir des sacrifices. Ainsi, la base essentielle manque pour qu’on puisse parler théologiquement de sacerdoce. L’idée que Marie offre son Fils en sacrifice) à Dieu n’a jamais été exprimée avant le 12e siècle. On doit donc se contenter de mentionner quelques pierres d’attente de ce thème encore inexistant : le rôle ministériel de la Vierge, notons sur sa médiation et son rôle dans la Rédemption.
 3.  Rapport Marie et le sacerdoce
            Le thème qu’l nous reste à traiter est bien proche du précédent. Tous les textes que nous allons présenter tournent autour de cette idée que Jésus a pris de la Vierge le corps en lequel il devient prêtre et victime[6]. Ce rapport insiste sur le fait que Jésus prend de Marie sa condition de victime, mais pour lui ; l’état victimal et l’état sacerdotal sont presque identifiés : le Christ, dit-il, est prêtre parce que sacrifice ; aussi passe-t-il souvent d’un concept à l’autre, de là des textes comme celui-ci : Prêtre pur…(le Christ) s’est offert lui-même (comme une) victime pure. Il a offert ce qu’il a reçu de nous et (ce qu’il) a offert (était) pur. C’est de nous qu’il a reçu sa chair, et il l’a offerte. Mais d’où l’a-t-il reçue ? Du sein de la Vierge Marie afin de l’offrir pure pour (nous) impurs, lui le Roi, lui le Prêtre Saint Jérôme, dans sa célèbre lettre sur la virginité de Marie, compare celle-ci à la porte orientale d’Ézéchiel par laquelle notre Pontife selon l’ordre de Melchisédech  entre dans le monde ; c’est en quelque sorte dans le sanctuaire de son sein que Marie porta mystérieusement le Prêtre ; car tout ce qui devait sauver le monde, vient de son sein : le Dieu, le Prêtre et la Victime, le Dieu de la Résurrection, le prêtre de l’oblation.
            Rapportons que Marie, en vertu de son rôle à l’Incarnation, ferait le lien entre le sacerdoce de l’Ancien Testament et celui du Christ[7]. Sur la nature de ce lien, on retrouve un conflit qui préoccupe la pensée chrétienne depuis les origines, c’est-à-dire dans quelle mesure y a-t-il continuité ou rupture entre l’Ancienne Loi et la Nouvelle ? Entre l’erreur des judaïsant et celle de Marcion, il reste une marge pour bien des nuances. Toutefois, Saint Jean Damascène met en valeur l’aspect discontinu. Ainsi, Marie transfère le sacerdoce de la race lévitique à la race royale. Nous pensons qu’il s’agit là d’un transfert opéré par Marie, de la loi à la grâce. Or, en matière sacerdotale, nous soulignons la continuité des deux Testaments : la race lévitique se prolonge en Marie et aboutit au sacerdoce du Christ comme un rameau donnant sa fleur. Cela signifie que dès la naissance de Marie, cet épanouissement commence, et l’homéliste discerne déjà en cette petite fille sans tache qui vient de naitre, l’ébauche du sacerdoce du Christ. Marie, dès le jour de sa naissance avait les traits du sacerdoce du Christ. Néanmoins notre auteur reconnait que cette affirmation est peu scripturaire[8].
            De ce qui précède, notons que l’auteur de l’Épitre aux Hébreux avait opposé avec netteté le sacerdoce héréditaire d’Aaron et le sacerdoce transcendant de Melchisédech. Qu’eût-il pensé de cet Aaron qui exerce les fonctions du sacerdoce de Melchisédech ? Le rattachement du Christ à la race sacerdotale était devenu une idée presque classique[9]. La mention de quelques prêtres dans la généalogie du Christ, certains mariages entre la tribu de Juda et celle de Lévi, enfin le fait que Marie était la cousine du prêtre Zacharie, fournirent argument à cette thèse. Toutefois, en discernant typologiquement en Marie, dès le jour de sa naissance, le germe de l’ébauche du sacerdoce nouveau, il est, à notre avis celui qui s’approche le plus de l’idée de sacerdoce marial. De ce qui précède, l’affirmation selon laquelle Marie est mère du Christ-prêtre, on ne saurait déduire qu’elle possède un sacerdoce. Quoiqu’il en soit nous pouvons retenir ce qui suit : Marie, mère de Dieu a engendré le Christ pain de vie, sacrifice, victime et prêtre. Le glissement de cette fonction et qualité sacerdotale est exceptionnel.
            Par conséquent, à la lumière de ce qui vient d’être dit, notre grand souci est celui de savoir si réellement la participation de Marie au sacrifice rédempteur du Christ implique-t-elle un sacerdoce ? Nous estimons que la bienheureuse Vierge se tint debout près de la Croix de son Fils comme les prêtres ont coutume de se tenir debout au saint autel lorsque, sous les espèces du pain et du vain, ils sacrifient et offrent à Dieu le corps sacré et le sang précieux de son Fils. En se tenant ainsi debout, faisant l’office de grande prêtresse, nous estimons que la Vierge très Sainte, l’esprit élevé vers le ciel discourait ainsi en elle-même ; car son esprit n’était point seulement uni avec celui du Christ, il était plutôt avec lui un seul esprit. Certes, Marie n’est point seulement au pied de la Croix ; mais vraiment sur la Croix avec son Fils, là même, crucifiée avec lui[10].  Ce qui nous dispose à dire que Marie a reçu l’onction du sacerdoce royal pour offrir le Christ.   Si le sacerdoce n’a aucun vice ; il n’en peut avoir aucun : donc un prêtre peut en avoir, non le sacerdoce ; puisque la Vierge est sacerdoce comment ne serait-elle pas aussi Sainte, innocente et sans tache, séparée des pécheurs, non sous le rapport de la nature, mais de la faute et de la dette ? Nous sommes d’avis jusqu’ici que la mère de Dieu a rempli des fonctions de prêtre.
Pour nous comme pour notre auteur : La  Mère de Dieu n’a point part au sacerdoce ecclésiastique ou sacramentel hiérarchique ; mais nous ne saurons dire qu’elle a seulement le sacerdoce spirituel commun à tous les chrétiens. Sa participation au sacerdoce du Christ, supérieure à celle des prêtres est hors pair en vertu de trois titres qui lui sont propres : Mère du prêtre eternel, coopératrice au sacrifice de la croix et médiatrice des grâces de rédemption[11].  Signalons toutefois notre recommandation à nos lecteurs une grande prudence de vocabulaire. Si nous pouvons parler de sacerdoce mystique de Marie, mieux vaux s’abstenir d’autres titres comme Co-rédemptrice et Vierge sacerdotale, qui sont sujets à confusion. Au plan ontologique, comme au plan fonctionnel, nous mettons en relief l’analogie étroite entre le sacerdoce du Christ et celui de Marie tout en reconnaissant la subordination du sacerdoce de Marie à celui du Christ. Ontologiquement le sacerdoce de Marie est définit par sa plénitude de grâces. C’est que la grâce capitale est au sacerdoce du Christ, le caractère sacerdotal au sacerdoce hiérarchique, le caractère du baptême et de la confirmation au sacerdoce commun, la plénitude de grâce qui lui est propre l’est au sacerdoce de Marie.
 4. 1.  L’assistance de la Très sainte Vierge Maie dans le ministère sacerdotale
            Appelée à collaborer avec notre Seigneur à l’œuvre su salut, Marie continue cette coopération avec ses ministres. Elle aide pour ainsi dire dans leur ministère, avec une sollicitude et une délicatesse incomparables. Mais c’est parce qu’elle retrouve en eux le sacerdoce du Christ. Par conséquent si notre Seigneur a daigné avoir besoin de Marie dans l’œuvre de la Rédemption, c’est sans doute, en partie, parce qu’il voulait nous apprendre que nous ne pourrions pas nous passer de l’assistance de la Très Sainte Vierge dans le ministère sacerdotal. Signalons que le premier acte du ministère public de Jésus fut accompli à la prière de la Très Sainte Vierge. Ce fut le miracle des noces de Cana (Jn. 2, 1). C’est elle encore à notre connaissance qui obtint, par sa prière l’abondance des grâces du Saint Esprit dont les apôtres avaient besoin pour être des colonnes de l’Église, comme une mère qui prie à la veille de l’ordination de son fils, de sorte que si les apôtres ont pu faire l’œuvre gigantesque qu’ils ont accomplie, c’est grâce à l’intercession de marie. Nul doute qu’elle ne les ait assistés de sa prière durant les années qu’elle passa sur terre, chez saint Jean. Elle demandait et elle obtenait pour eux les grâces nécessaires à leur mission, les grâces de prédication, les grâces de conversion des païens, les grâces des premiers témoins de la foi. Elle était là, comme une mère cachée, pour veiller à la fondation des églises.
            Mais au ciel sans doute, nous sommes sûrs que sa royauté n’a plus d’obstacle ; elle voit et fait quoi qu’il en soit tout avec le Christ-Roi, nullement limitée par le nombre ou l’espace. Dès lors Paul Philippe concède qu’elle prie pour chaque prêtre afin que leur ministère soit fécond, elle les obtient des lumières et des forces qu’ils n’auraient pas eues sans elle et que peut-être ils n’avaient même pas demandées[12]. Marie exerce sur le prêtre un rôle spécial, un rôle qui lui est propre, en raison de sa maternité et de son union avec eux : elle apprend aux prêtres à être non seulement des pères pour les âmes, des directeurs qui les guident et des maitres qui leur enseignent la vérité, mais aussi à être des mères. Car sans doute, le prêtre pouvait apprendre de notre Seigneur ce rôle maternel, car Jésus et éminemment Père et mère des âmes.
            Par ailleurs, Marie donne aux prêtres une compassion inépuisable pour ceux qui souffrent et pour ceux qui sont faibles. C’est elle, enfin qui les enseigne à allier la simplicité de la colombe à la prudence de serpent. Pour nous tout ce qui, chez Ève, devient duplicité, est chez Marie, magnanimité et rectitude parfaites, en même temps qu’humilité supérieure. Elle sait se taire quand il faut ; elle a préféré garder silence plutôt que de se justifier devant Joseph avant l’heure de Dieu (Jn. 2, 1-11).
            Si le prêtre a besoin de la Très Sainte Vierge, en revanche elle a également besoin du prêtre. Rien donc qui puisse nous étonner en cela, puisque le Christ lui-même a voulu avoir besoin de prêtres pour continuer son action sacerdotale dans le monde, pour appliquer ainsi les fruits de la Rédemption à chaque âme. Certes, dans l’ordre actuel de la providence et sauf exception individuelle, sans les prêtres le Christ ne peut rien faire pour établir son règne dans les âmes. On ne s’étonnera pas que la Très Sainte Vierge, qui de plus en plus, n’est pas prêtre au sens sacerdotal du mot, ne puisse rien sans les prêtres. Donc elle a besoin du prêtre pour établir son règne, qui est le règne du Christ. Elle attend par le fait même que les prêtres lui donnent des âmes, qu’ils la fassent connaitre aux fideles et qu’ils leur apprennent à se livrer à elle.
            De ce qui précède, n’oublions pas que le rôle de la Très Sainte Vierge Marie dans la vie du prêtre découle de celui qu’elle tient auprès de notre Seigneur. Marie est la mère du prêtre parce qu’elle est la mère du Christ. Ce don gratuit du sacerdoce de Jésus qui fait de chrétientés prêtres, s’accomplit à la prière et sous le regard de notre mère. C’est elle qui forme les prêtres aux vertus du Christ Prêtre et qui révèle en eux l’amour infini dont ils sont aimés, comme elle forma les apôtres au Cénacle, avec une exquise discrétion et par le rayonnement de sa présence. Mais elle veut être aimée des prêtres comme elle le fut de Jésus, et elle veut s’unir à eux d’une union qui ressemble à celle qu’elle eut avec Jésus et qui continue et multiplie celle qu’il a consacrée lui-même entre elle et saint Jean.
 4. 2.  La prière de Marie pour les prêtres
            Aux prêtres, Marie, qui a réalisé en elle l’unité entre ministère et sainteté subjective, dit de façon pressante : faites de même à votre tour ! Effectivement que Marie soit la mère des prêtres, cela peut aisément en ce qui nous concerne se conclure du fait qu’elle est mère du Souverain Prêtre, puisque c’est de lui qu’ils tiennent tous leur sacerdoce. C’est donc dès l’Annonciation et par ce fiat qui a tout décidé, que la Très Vierge pure est devenue notre mère et/ou des prêtres. Mais ce n’est là qu’une maternité en germe, en puissance, pour emprunter l’expression de Phillipe Paul. En réalité, c’est à la croix, dans son union à l’action sacerdotale par excellence de Jésus, dans sa collaboration au sacrifice Rédempteur, que Marie est devenue la mère de chacun d’entre nous, car c’est alors que Jésus nous a engendrés vraiment à la vie nouvelle. C’est à ce moment que Marie a mérité, avec et dans le Christ, toutes les grâces de leur vocation et de leur vie sacerdotale. Certes, marie ne voyait pas chacune des âmes sacerdotales, mais Jésus savait et voyait, et cela suffisait, puisqu’elle lui était unie et qu’elle n’avait d’efficacité sur le cœur de Dieu que par le cœur sacré de Jésus[13].
            Paul Phillipe  estime sans doute que, ceci est vrai de tous les hommes, mais il convient de l’appliquer spécialement aux prêtres, puisqu’ils ont pour mission de travailler au salut des âmes[14]. C’est pourquoi nous disons qu’ils y sons invités par Jésus lui-même ; n’a-t-il pas, du haut de la croix, confié sa mère à l’un d’entre nous ? « Voilà ton fils » dit-il à sa mère en indiquant saint Jean : « Voilà la mère » ajouta t-il en s’adressant à l’apôtre bien aimé. Et celui-ci nous confie que, depuis cette heure là, il la prit chez lui (Jn. 20, 25-27), marquant bien ainsi le caractère très spécial de la maternité de Marie à son égard. Marie lui est vraiment confiée par notre Seigneur avant de mourir. La question que nous pouvons nous poser ici, est celle de savoir si nous ne pouvons pas voir dans ces paroles de Jésus, l’annonce de la maternité de Marie sur tous les prêtres ? Nous sommes d’avis que saint Jean tenait sans doute notre place et/ou celle des prêtres, nous aussi, les enfants de Marie, comme tous les autres apôtres. N’oublions pas surtout que les Actes des apôtres nous disent en effet, que pendant les jours qui séparèrent l’ascension de la pentecôte, les douze se tenaient au Cénacle, tous ne formant qu’une seule âme, persévérant dans la prière avec Marie, mère de Jésus (Ac. 1, 14). Toutefois, nous pouvons bien penser qu’elle répondait volontiers aux questions posées par les disciples de Jésus, mais son recueillement, à cette heure si grave, devait imposer une grande discrétion et pousser les apôtres à la prière silencieuse.
            Marie, en effet pressentait que des grâces immenses allaient descendre du ciel et transformer ces hommes encore si faibles et si pleins de vues hues en colonnes de l’Église[15]. Elle priait de toute la puissance de son cœur, elle demandait au Saint Esprit de se répandre avec abondance en chacun d’eux, et de les transformer de fond en comble, de leur donner l’Esprit de Jésus, de faire d’eux d’autres christs, des prêtres.
            C’est sûr qu’au ciel dans la vision béatifique, elle voit les prêtres et même elle agit sur eux sans que leur nombre l’entrave ; elle aime tous les prêtres et elle veille sur chacun d’eux autant que s’ils étaient seuls au monde. C’est elle qui a demandé, conjointement à Jésus, qu’ils soient prêtres ; ou plutôt pour parler en toute rigueur théologique, disons que l’amour infini a décrété dans ses desseins eternels qu’ils seront appelés au sacerdoce en vertu des mérites du Christ et de ceux de sa mère, en réponse à leur commune prière. C’est elle qui encore maintenant, demande sans cesse toutes les grâces dont les prêtres ont besoin pour persévérer dans l’amour du Christ et des âmes, pour marcher dans la voie étroite de la perfection, souvent si contraire à leurs inclinations, pour exercer avec zèle leur ministère, pour célébrer chaque messe avec plus de ferveur que la précédente[16].  C’est elle, enfin, qui pria pour les prêtres et qui les assistera à l’heure de leur mort.
 4. 3.  La grandeur du sacerdoce et le respect de Marie pour les prêtres
            Si Marie prie toujours pour les prêtres, c’est parce qu’elle sait mieux qu’eux ce qu’est ce sacerdoce qui est imprimé dans leur âme. A l’ordination le prêtre est d’office marqué au sacerdoce même du Christ. Il reçoit par le fait même le caractère du sacrement de l’ordre qui lui a conféré un pouvoir spirituel. C’est le pouvoir permanent indélébile de faire de ce que faisait le Christ comme Prêtre ; rendre le Fils de Dieu présent sur l’autel, offrir au Père le sacrifice même du Christ d’une manière sacramentelle, donner aux hommes le corps et le sang du Christ en nourriture, réconcilier les pécheurs avec Dieu, enseigner les vérités éternelles, etc.[17]Autrement dit, le caractère sacerdotal donne aux prêtres le pouvoir d’être des médiateurs entre Dieu et les hommes. C’est pourquoi d’ailleurs Saint Thomas fait sien le souci des prêtres en leur rappelant leur grandeur : « Le prêtre doit être un intermédiaire entre l’homme et Dieu. Par la faveur de sa prière, il doit toucher Dieu comme l’un des extrêmes, et par la miséricorde et la compassion, il doit toucher l’autre extrême, à savoir l’homme »[18].
            Le prêtre dispose de deux actes, l’un qui est principal et qui concerne le corps réel du Christ et l’autre qui concerne le corps mystique. D’où les prêtres peuvent user de ce pouvoir comme ils veulent, célébrer la messe à l’heure qu’ils choisissent, refuser le pardon aux âmes qu’ils ne jugent pas prêtes à le recevoir, hélas ils peuvent abuser de pouvoir en crucifiant à nouveau le Fils de Dieu (He. 6, 6) et en perdant les âmes qui les sont confiés. Mais ce pouvoir sacerdotal n’est qu’un pouvoir instrumental. Les prêtres n’agissent pas seulement au nom du Christ comme un ambassadeur chargé de plusieurs pouvoirs, mais ils agissent sous la motion actuelle du Christ. Il n’y a en effet qu’un prêtre, nous dit Saint Paul (1Tm. 2, 5). Les prêtres ne sont qu’en lui et par lui. Si par l’impossible, le Christ cessait d’être Prêtre au ciel, immédiatement tous les prêtres de la terre redeviendraient des hommes comme les autres. C’est pourquoi lors de l’ordination l’évêque ne transmet son sacerdoce, comme le pontife de l’ancienne loi ; et quand les prêtres exercent leur ministère, ils ne donnent pas de leurs mérites, mais ils communiquent la grâce même du Christ. Les prêtres sont donc rendus participants et, en quelque sorte, sacramentellement identifiés à l’être même du Christ Prêtre, par le seul fait qu’ils sont prêtres et indépendamment de leur sainteté ou de leur misère personnelle.
            Néanmoins toute cette grandeur du sacerdoce, ce pouvoir formidable qui fait trembler les démons et que reconnaissent les anges, comme le dit Saint Cyrille de Jérusalem, tout ce que les prêtres essayent de deviner un peu mais qu’ils comprennent si mal, Marie, elle, le sait et le voit dans la lumière du Christ Prêtre. Cependant, ce pouvoir n’est qu’un pouvoir ministériel, car ces âmes, en définitive, ne leurs appartiennent pas. Elles sont au Christ, à Dieu, et les prêtres ne sont que des serviteurs inutiles, des instruments par eux-mêmes très limités et très faibles, mais forts par lui (1Co. 3, 9). Aussi, les prêtres doivent avoir un immense respect des âmes, ne pas les accaparer, ne pas leur imposer leur façon de voir, ne pas abuser de leur pouvoir, mais ils doivent chercher plutôt à discerner les intentions du Grand Prêtre, Jésus Crist sur chacune d’elles et les conduire selon les vouloirs de Dieu.
La Très Sainte Vierge Marie les voit comme son prolongement, elle contemple en eux le sacerdoce de son Fils bien aimé. Et alors, quelles que soient leurs misères personnelles, elle a pour chacun d’entre eux une vraie vénération. Pour Marie, un prêtre est toujours un prêtre, une image vivante de son Fils et, si cette image est défigurée par le péché, elle n’en a qu’un désir plus ardent de lui rendre la ressemblance avec le Christ, car elle voit dans la vision de Dieu.


 4. 4.  Le dévouement  de Marie pour la sanctification des prêtres
            Notons que la grâce sacerdotale est le principe de l’union du prêtre avec le Christ-Prêtre ; elle lui donne de vivre en prêtre. Ainsi par le caractère, il est le Christ, instrument du moins ; il est un autre. Par la grâce sacerdotale, il vit en autre Christ. Ce n’est plus moi qui vis, nous dit Saint Paul, c’est le Christ qui vit en moi (Ga. 2, 10). Par ailleurs, Jésus est dans son prêtre et le fait vivre de sa propre vie sacerdotale[19]. C’est-à-dire, les prêtres ne sont plus des simples serviteurs, ils sont ses amis. Ils y sont spécialement invités par  Jésus, puisque ce sont ses premiers prêtres qu’il a appelés ses amis (Jn. 15, 15).
            En effet, cette intimité n’est pas un privilège réservé aux seuls prêtres. Toutefois, tout chrétien en état de grâce peut aspirer à une pareille union avec Jésus, puisqu’il possède la charité, cette vertu qui crée entre l’homme et Dieu une véritable amitié à notre avis. Disons même qu’il y a des laïcs qui parviennent à un degré d’intimité avec Dieu, supérieur à celui de bien des prêtres. Cependant en recevant l’onction sacerdotale, le prêtre ne cesse pas d’être un chrétien et lui aussi est capable, à ce titre de vivre dans l’amitié de Jésus.
            Marie a pour le caractère sacerdotal un respect et une vénération immenses avions-nous dit. Elle a une soif ardente de trouver en leurs âmes le Christ lui-même, de voir, de voir la grâce sacerdotale fructifier au centuple dans leurs vie de prêtres. Pour le bien heureux Grignion de Montfort, Marie leurs veut des prêtres tout de feu, des apôtres ardents dans l’amour infini des cœurs vivant du Christ son Fils. Marie apporte sur les prêtres l’amour maternel qu’elle avait pour Saint Jean et le zèle dont elle brûlait pour sa sanctification. Marie les aime, chacun en particulier avec une tendresse et une sollicitude indicibles, en sorte qu’ils puissent, en toute vérité, l’appeler leur mère, comme Jésus sans doute le faisait ici-bas. Nous pensons que si vraiment nous voulons être de vrais prêtres selon le cœur de Jésus, il faut que les candidats prêtres et/ou les prêtres doivent être  plus que les fideles les plus fervents, des fils de Marie. 
Quoiqu’il en soit, nous sommes tous ; prêtres et laïcs les enfants de Marie, toutes les grâces qui nous viennent de Dieu passent par son  cœur Immaculé, en même temps que par le cœur Sacré de Jésus. D’où, nous ne seront pas à notre avis d’autres Christ si nous ne sommes pas des enfants de la Vierge Marie. Voila pourquoi l’abandon total à Marie semble être urgent, l’abandon au bon plaisir de Marie dans tous les événements de notre vie est le plus sûr moyen pour apprendre à pratiquer l’abandon à la volonté de notre Père qui est aux cieux. Si nous nous sommes vraiment donnés à Marie, si nous lui confions le soin de notre sanctification, nous pouvons être sûrs qu’elle nous formera dans la pratique des vertus sacerdotales avec le zèle immense. Marie est vraiment la mère du prêtre et son modèle dans la croissance de la charité.
 4. 5.  De l’union du prêtre avec Marie
            Puisque nous admettons que  continue  et reproduit à l’autel le sacerdoce du Christ dans son acte principal, il faut que l’union mariale au sacrifice de Jésus se continue et se reproduise, elle aussi. Sans doute, cette union du prêtre avec Marie peut ne pas être consciente, tout comme le prêtre peut être distrait en consacrant l’hostie ou le calice sans que la consécration soit rendue invalide, car Jésus, lui n’est jamais distraite. Et, de même au ciel Marie n’oublie jamais de s’unir au prêtre qui représente le Christ et d’offrir avec lui le sacrifice au Père, comme ici-bas, elle s’est unie à Jésus pour offrir avec lui le sacrifice de la croix. Le prêtre communie donc aux sentiments de Jésus crucifié, il fait sien l’amour du Christ pour Marie et il accueille l’amour de Marie pour le Christ qui est en lui[20]. Et ainsi, à l’autel, le prêtre reçoit lui-même l’aide que celui qu’il représente a reçu à la croix, l’assistance bénie de Marie. Comme Jésus a voulu avoir besoin d’elle au calvaire, ainsi, le prêtre a vraiment besoin de cette présence sainte chaque jour à la messe, présence invisible mais combien efficace sur son pauvre cœur d’homme.

Conclusion
            A la communion, le prêtre a plus particulièrement encore besoin de la Très sainte Vierge Marie, non pas pour être le Christ puisque c’est par le caractère sacerdotal qu’il est marqué au sacerdoce de Jésus, mais pour profiter lui-même d’une telle grâce d’identification au Christ. Elle lui enseigne à s’unir à la victime sainte du calvaire, en conformité à l’hostie de son sacrifice. Toutefois, tout nous vient par Marie ; puisqu’elle est médiatrice de toutes les grâces.
            Une véritable union d’amour s’établit, en effet, entre Marie et le prêtre, une amitié toute spirituelle, toute divine même. C’est Dieu qui est le lien de leurs cœurs ; c’est en lui qu’ils s’aiment et en lui seul, car l’amour qui unit Marie au prêtre et, le prêtre à Marie est un amour de charité, et il n’est que cela. Cependant, cette union revêt des modalités différentes selon qu’elle est réalisée par des simples fideles ou par des prêtres. Pour des laïcs, en effet, elle consiste à s’identifier tellement à Vierge Marie par l’imitation de ses vertus, et à entrer si profondément dans sa propre vie intérieure par les intuitions de l’amour, qu’ils en arrivent à revivre, en quelque sorte, et à continuer à travers les siècles l’union de mariale avec Jésus. Mais lorsqu’il s’agit du prêtre, la perspective change. Le caractère de l’ordre a marqué son être au sacerdoce du Christ et lui a donné le pouvoir  de reproduire les actions mêmes du souverain Prêtre, en outre, la grâce sacerdotale lui permet de vivre en prêtre, en autre Christ.
            Lorsqu’un prêtre a compris cela, sa vie en est toute transformée. Et, dans les heures d’isolement ou peut être de tentation, il voit en elle la confidente sûre dont son cœur humain sent la nécessité ; le cœur Immaculé de Marie est ce cœur complémentaire dont le prêtre a besoin afin qu’il ne soit pas seul (Gn. 2, 18). Certes, la charité établit entre Marie et lui est une véritable amitié pour qu’il comprenne tout ce que cela comporte d’intimité avec elle, dans et par le Christ ; cette charité, c’est celle qui brûlait dans le cœur de notre Seigneur pour la Vierge Marie et que le prêtre fait sienne pour continuer ici-bas cette amitié sainte.




[1] Cf. René LAURENTIN, Court Traité de Théologie Mariale, Paris, éd., P. Letheilleux, 1953, p. 17.
[2] Lumen Gentium n° 54.
[3] Cf. René LAURENTIN, Marie l’Église et le sacerdoce II, op.cit. p. 47.
[4] H.SELLER et P. STRAETER (De modalitate corredemptionis, dans Gregorianum 28, 1947, p. 302) citent en tête d’une liste d’auteurs défendant la coopération formelle de Marie au sacrifice du Christ un texte de QUODVULTDEUS + 453) dont on doit l’édition à Dom A. WILMART (Rev. Bénédictine 42 (1930) pp. 5-18). Marie, aux noces de Cana, aspire au jour où le raisin-Christ sera pressé pour la Rédemption du monde. Ce n’est point encore l’idée d’oblation.
[5] S. sur la Prés. PG LXXVII, cité par René LAURENTIN, op.cit, p. 48.
[6] Cf. René LAURENTIN, op.cit, p. 62.
[7] Ibid., p.66.
[8] Ibid., p. 67.
[9] Ibid.
[10] Ibid. p. 238.
[11] Ibid. p. 577.
[12] Ibid. p. 97.
[13] Ibid. p. 24.
[14] Ibid.
[15] Ibid.
[16] Ibid., p. 25.
[17] LUYEYE LUBOLOKO François, Les sacrements dans l’Église Catholique, Kinshasa, éd.,     Médiaspaul, pp. 35-38.
[18] S. THOMAS, « Sacerdos debet esse medius inter hominem et Deum, cum per devotionem orationis debet tangere Deum tanquam unum extremum, sic per misericordiam et compassionem debet tangere alterum extremum scilicet hominem », In Ep. Ad Hebr., V, lect. 1.
[19] Ibid. p. 31.
[20] Ibid., p. 63.

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