INTRODUCTION
Il nous semble que nous ne
comprendrons jamais le rôle que la Très sainte Vierge Marie exerça auprès du
Christ Souverain Prêtre si nous ne nous plaçons pas dans la lumière de Dieu.
Par conséquent, il faut que nous contemplions Marie, celle qui a dit oui, comme
Dieu la voit de toute éternité, ou ce qui revient au même, que nous la
regardions dans sa prédestination.
1. Le fondement scripturaire de Marie
La
première explication du rôle de Marie est contenue dans le Nouveau Testament
dont la rédaction se poursuit durant un demi-siècle. « Marie y trouvera une place matériellement peu importante, mais
profondément significative »[1] ;
telle est aussi l’opinion du Père René DE HAES. En comptant objectivement les
textes où il est question d’elle, on constate que le Nouveau Testament accorde
une place discrète à la Vierge Marie. C’est ainsi que notre auteur nous invite
à nous arrêter avec une attention particulière à ces données de base qui sont
la parole même de Dieu. Ainsi, signalons en passant que Marie est présente à
tout le Mystère chrétien, à tous les temps du salut. Pour le Concile, « elle tient la première place auprès
du Christ, et de nous la plus proche »[2].
Elle le premier membre du Christ, membre fondateur du corps mystique, le plus
important, le plus universel dans la communion des saints, depuis
l’origine : la pentecôte où elle fut présente. Elle reste le sommet et le
cœur ardent de l’Églises en Jésus-Christ.
La
question est sérieuse, la problématique actuelle du portrait de Marie doit être
éclairée et jugée, selon l’Abbé R. Laurentin, en fonction des Écritures
Saintes. Donnons la parole à notre auteur. Pour lui, les Évangiles sont très
laconiques sur Marie. Chez Mgr Laurentin ; seul l’Évangile de Luc nous
fait vraiment connaitre sa physionomie spirituelle. Ce médecin de haute
culture, au fait des nouvelles méthodes grâce auxquelles les Grecs donnèrent
naissance à l’histoire, a enquêté près des témoins oculaires (1, 2). Il n’était
pas difficile d’en trouver dans la communauté de Jérusalem qu’il a plusieurs
fois visitée (Ac. 11, 27-28 selon le texte occidental et 21, 12-17). Il cite
les témoins de l’enfance : voisins de Jean-Baptiste qui gravaient ces
paroles-événements en leurs cœurs (Lc. 1, 60), Marie, qui faisait de même,
selon le refrain qui revient à deux moments clés de son Évangile :
1.
A la fin du récit de Noel (2, 19) : Elle gardait toutes ces paroles et
événements dans son cœur ;
2.
A la fin de l’Évangile de l’enfance (2, 51) : Elle gardait toutes ces paroles et événements dans son cœur. Le
verbe principal « gardait » est nuancé par deux préfixes :
a)
elle les « rassemblait », collationnait, engrangeait (Verbe grec
SYN-terein Lc. 2, 19) ;
b)
elle les parcourait, entretenait, conservait avec diligence (verbe grec DIA-terein 2, 51).
c)
elle les confrontait, précise Luc 2, 19. Pour nous, il est question ici du
rapprochement des signes et souvenirs, d’où jaillissent la lumière et le sens.
L’Évangile de Luc (1-2), ultime expression de ces souvenirs, confirme qu’ils
étaient bien une confrontation vivante et contemplative des événements de la
vie du Christ avec l’Écriture. Ce récit est littéralement tissé d’allusions
bibliques manifestant que la venue de Jésus accomplit toutes les Écritures.
Cette confrontation (le midrash) était le processus courant de la prière et de
l’exégèse juive. La venue du Christ l’a en quelque sorte renversée. Avant
c’était l’Écriture qui éclairait l’événement. Maintenant c’est
l’événement-Christ qui éclaire toute l’Écriture.
Ainsi
dit, nous trouvons le modèle dans l’Écriture : Marie est présente à toute
la vie du Christ, nous l’avons vu. Elle l’a préparé, au sommet de l’Ancien
Testament qu’elle achève. Elle introduit dans la famille humaine (Lc. 1,
28-56), l’éveilla à l’humanité, l’accompagna toute sa vie jusqu'à trente ans,
l’engagea dans son ministère, en lui suggérant le signe de Cana (Jn. 2, 1-22). Durant
les trois ans de séparation, sa communion spirituelle s’approfondit encore.
Elle le retrouva physiquement et moralement, dans la souffrance et la mort du
calvaire, en compassion à sa passion. Quant à nous la présence réciproque de
Marie à son Fils est pour nous un modèle, puisque, par cette Mère, Dieu est
devenu notre Frère et nous l’a donnée pour Mère, en nous identifiant à lui.
Toutefois, notre rapport filial est différent de celui d Jésus, car Il est
Dieu. Nous sommes d’humbles enfants de cette Mère, qui nous a si profondément
et spirituellement adoptés en Lui.
2. Marie et le sacrifice pour les prêtres
Il nous semble que le texte complexe
du Pseudo-Épiphanie ne considère pas seulement le pain de vie comme une
nourriture ; la mention de l’autel et de la rémission des péchés font
allusion à sa valeur sacrificielle. Cela nous invite à la suite de notre auteur
à examiner dans quelle mesure les homélistes grecs envisagent le rapport de
Marie au sacrifice[3].
Car le point est d’importance pour ce sujet. L’Écriture (He. 5, 1) définit le
sacerdoce par l’oblation de sacrifices. L’idée de sacerdoce marial ne peut
guère prendre consistance qu’en fonction d’un tel rôle à notre avis.
Posons-nous un peu cette question ; trouve-t-on vraiment chez les auteurs
anciens l’idée que Marie a offert son Fils en sacrifice ? Certains
défenseurs de la Co-rédemption l’insinuent. On invoque des textes de Saint
Ambroise, de « Quodvultdeus »[4],
ou de Siméon Métaphrase sur le rôle de Marie au pied de la croix. L’idée de
l’oblation ne s’y trouve pas encore. Sur la présentation de Jésus au temple, un
texte d’ Hesychius fait impression : ce n’est point pour elle que Marie
fit oblation, mais pour tout le genre humain. G. Roschini commente : « cela semble exprimer une coopération
immédiate de Marie à la Rédemption. C’est beaucoup dire, car le contexte
diminue la portée de cette phrase massive. Marie n’offre point ici Jésus, mais
seulement les deux colombes : l’idée, c’est que Marie étant Vierge,
l’oblation qu’elle présente pour sa purification n’a point d’utilité pour elle
et tourne au bien de tous les autres »[5].
Donc, on pourrait être tenté de voir plus dans un autre texte, attribué à Saint
Cyrille d’Alexandrie, qui semble reconnaitre une part active à la Vierge dans
le même de la Présentation de Jésus au temple. Pour notre auteur, Marie
conduit son Fils au temple, mais c’est
lui qui sacrifie.
De ce qui précède, l’Abbé René
précise nettement que les Peres et
auteurs anciens n’attribuent aucunement à Marie la fonction d’offrir des
sacrifices. Ainsi, la base essentielle manque pour qu’on puisse parler
théologiquement de sacerdoce. L’idée que Marie offre son Fils en sacrifice) à
Dieu n’a jamais été exprimée avant le 12e siècle. On doit donc se contenter de
mentionner quelques pierres d’attente de ce thème encore inexistant : le
rôle ministériel de la Vierge, notons sur sa médiation et son rôle dans la Rédemption.
3.
Rapport Marie et le sacerdoce
Le thème qu’l nous reste à traiter
est bien proche du précédent. Tous les textes que nous allons présenter
tournent autour de cette idée que Jésus a pris de la Vierge le corps en lequel
il devient prêtre et victime[6].
Ce rapport insiste sur le fait que Jésus prend de Marie sa condition de
victime, mais pour lui ; l’état victimal et l’état sacerdotal sont presque
identifiés : le Christ, dit-il, est prêtre parce que sacrifice ;
aussi passe-t-il souvent d’un concept à l’autre, de là des textes comme
celui-ci : Prêtre pur…(le Christ) s’est offert lui-même (comme une)
victime pure. Il a offert ce qu’il a reçu de nous et (ce qu’il) a offert
(était) pur. C’est de nous qu’il a reçu sa chair, et il l’a offerte. Mais d’où
l’a-t-il reçue ? Du sein de la Vierge Marie afin de l’offrir pure pour
(nous) impurs, lui le Roi, lui le Prêtre…
Saint Jérôme, dans sa célèbre lettre sur la virginité de Marie, compare
celle-ci à la porte orientale d’Ézéchiel par laquelle notre Pontife selon l’ordre
de Melchisédech entre dans le
monde ; c’est en quelque sorte dans le sanctuaire de son sein que Marie
porta mystérieusement le Prêtre ; car tout ce qui devait sauver le monde,
vient de son sein : le Dieu, le Prêtre et la Victime, le Dieu de la Résurrection,
le prêtre de l’oblation.
Rapportons que Marie, en vertu de
son rôle à l’Incarnation, ferait le lien entre le sacerdoce de l’Ancien
Testament et celui du Christ[7].
Sur la nature de ce lien, on retrouve un conflit qui préoccupe la pensée
chrétienne depuis les origines, c’est-à-dire dans quelle mesure y a-t-il
continuité ou rupture entre l’Ancienne Loi et la Nouvelle ? Entre l’erreur
des judaïsant et celle de Marcion, il reste une marge pour bien des nuances.
Toutefois, Saint Jean Damascène met en valeur l’aspect discontinu. Ainsi, Marie
transfère le sacerdoce de la race lévitique à la race royale. Nous pensons
qu’il s’agit là d’un transfert opéré par Marie, de la loi à la grâce. Or, en
matière sacerdotale, nous soulignons la continuité des deux Testaments :
la race lévitique se prolonge en Marie et aboutit au sacerdoce du Christ comme
un rameau donnant sa fleur. Cela signifie que dès la naissance de Marie, cet
épanouissement commence, et l’homéliste discerne déjà en cette petite fille
sans tache qui vient de naitre, l’ébauche du sacerdoce du Christ. Marie, dès le
jour de sa naissance avait les traits du sacerdoce du Christ. Néanmoins notre
auteur reconnait que cette affirmation est peu scripturaire[8].
De ce qui précède, notons que
l’auteur de l’Épitre aux Hébreux avait opposé avec netteté le sacerdoce
héréditaire d’Aaron et le sacerdoce transcendant de Melchisédech. Qu’eût-il
pensé de cet Aaron qui exerce les fonctions du sacerdoce de Melchisédech ?
Le rattachement du Christ à la race sacerdotale était devenu une idée presque
classique[9].
La mention de quelques prêtres dans la généalogie du Christ, certains mariages
entre la tribu de Juda et celle de Lévi, enfin le fait que Marie était la
cousine du prêtre Zacharie, fournirent argument à cette thèse. Toutefois, en
discernant typologiquement en Marie, dès le jour de sa naissance, le germe de
l’ébauche du sacerdoce nouveau, il est, à notre avis celui qui s’approche le
plus de l’idée de sacerdoce marial. De ce qui précède, l’affirmation selon
laquelle Marie est mère du Christ-prêtre, on ne saurait déduire qu’elle possède
un sacerdoce. Quoiqu’il en soit nous pouvons retenir ce qui suit : Marie,
mère de Dieu a engendré le Christ pain de vie, sacrifice, victime et prêtre. Le
glissement de cette fonction et qualité sacerdotale est exceptionnel.
Par conséquent, à la lumière de ce
qui vient d’être dit, notre grand souci est celui de savoir si réellement la
participation de Marie au sacrifice rédempteur du Christ implique-t-elle un
sacerdoce ? Nous estimons que la bienheureuse Vierge se tint debout près
de la Croix de son Fils comme les prêtres ont coutume de se tenir debout au
saint autel lorsque, sous les espèces du pain et du vain, ils sacrifient et
offrent à Dieu le corps sacré et le sang précieux de son Fils. En se tenant
ainsi debout, faisant l’office de grande prêtresse, nous estimons que la Vierge
très Sainte, l’esprit élevé vers le ciel discourait ainsi en elle-même ;
car son esprit n’était point seulement uni avec celui du Christ, il était
plutôt avec lui un seul esprit. Certes, Marie n’est point seulement au pied de
la Croix ; mais vraiment sur la Croix avec son Fils, là même, crucifiée
avec lui[10]. Ce qui nous dispose à dire que Marie a reçu
l’onction du sacerdoce royal pour offrir le Christ. Si le sacerdoce n’a aucun vice ; il
n’en peut avoir aucun : donc un prêtre peut en avoir, non le
sacerdoce ; puisque la Vierge est sacerdoce comment ne serait-elle pas
aussi Sainte, innocente et sans tache, séparée des pécheurs, non sous le
rapport de la nature, mais de la faute et de la dette ? Nous sommes d’avis
jusqu’ici que la mère de Dieu a rempli des fonctions de prêtre.
Pour
nous comme pour notre auteur : La
Mère de Dieu n’a point part au sacerdoce ecclésiastique ou sacramentel
hiérarchique ; mais nous ne saurons dire qu’elle a seulement le sacerdoce
spirituel commun à tous les chrétiens. Sa participation au sacerdoce du Christ,
supérieure à celle des prêtres est hors pair en vertu de trois titres qui lui
sont propres : Mère du prêtre eternel, coopératrice au sacrifice de la
croix et médiatrice des grâces de rédemption[11]. Signalons toutefois notre recommandation à
nos lecteurs une grande prudence de vocabulaire. Si nous pouvons parler de
sacerdoce mystique de Marie, mieux vaux s’abstenir d’autres titres comme Co-rédemptrice
et Vierge sacerdotale, qui sont sujets à confusion. Au plan ontologique, comme
au plan fonctionnel, nous mettons en relief l’analogie étroite entre le
sacerdoce du Christ et celui de Marie tout en reconnaissant la subordination du
sacerdoce de Marie à celui du Christ. Ontologiquement le sacerdoce de Marie est
définit par sa plénitude de grâces. C’est que la grâce capitale est au
sacerdoce du Christ, le caractère sacerdotal au sacerdoce hiérarchique, le
caractère du baptême et de la confirmation au sacerdoce commun, la plénitude de
grâce qui lui est propre l’est au sacerdoce de Marie.
4. 1. L’assistance
de la Très sainte Vierge Maie dans le ministère sacerdotale
Appelée à collaborer avec notre
Seigneur à l’œuvre su salut, Marie continue cette coopération avec ses
ministres. Elle aide pour ainsi dire dans leur ministère, avec une sollicitude
et une délicatesse incomparables. Mais c’est parce qu’elle retrouve en eux le
sacerdoce du Christ. Par conséquent si notre Seigneur a daigné avoir besoin de
Marie dans l’œuvre de la Rédemption, c’est sans doute, en partie, parce qu’il
voulait nous apprendre que nous ne pourrions pas nous passer de l’assistance de
la Très Sainte Vierge dans le ministère sacerdotal. Signalons que le premier
acte du ministère public de Jésus fut accompli à la prière de la Très Sainte
Vierge. Ce fut le miracle des noces de Cana (Jn. 2, 1). C’est elle encore à
notre connaissance qui obtint, par sa prière l’abondance des grâces du Saint
Esprit dont les apôtres avaient besoin pour être des colonnes de l’Église,
comme une mère qui prie à la veille de l’ordination de son fils, de sorte que
si les apôtres ont pu faire l’œuvre gigantesque qu’ils ont accomplie, c’est
grâce à l’intercession de marie. Nul doute qu’elle ne les ait assistés de sa
prière durant les années qu’elle passa sur terre, chez saint Jean. Elle
demandait et elle obtenait pour eux les grâces nécessaires à leur mission, les
grâces de prédication, les grâces de conversion des païens, les grâces des
premiers témoins de la foi. Elle était là, comme une mère cachée, pour veiller
à la fondation des églises.
Mais au ciel sans doute, nous sommes
sûrs que sa royauté n’a plus d’obstacle ; elle voit et fait quoi qu’il en
soit tout avec le Christ-Roi, nullement limitée par le nombre ou l’espace. Dès
lors Paul Philippe concède qu’elle prie pour chaque prêtre afin que leur
ministère soit fécond, elle les obtient des lumières et des forces qu’ils
n’auraient pas eues sans elle et que peut-être ils n’avaient même pas demandées[12].
Marie exerce sur le prêtre un rôle spécial, un rôle qui lui est propre, en
raison de sa maternité et de son union avec eux : elle apprend aux prêtres
à être non seulement des pères pour les âmes, des directeurs qui les guident et
des maitres qui leur enseignent la vérité, mais aussi à être des mères. Car
sans doute, le prêtre pouvait apprendre de notre Seigneur ce rôle maternel, car
Jésus et éminemment Père et mère des âmes.
Par ailleurs, Marie donne aux
prêtres une compassion inépuisable pour ceux qui souffrent et pour ceux qui
sont faibles. C’est elle, enfin qui les enseigne à allier la simplicité de la
colombe à la prudence de serpent. Pour nous tout ce qui, chez Ève, devient
duplicité, est chez Marie, magnanimité et rectitude parfaites, en même temps qu’humilité
supérieure. Elle sait se taire quand il faut ; elle a préféré garder
silence plutôt que de se justifier devant Joseph avant l’heure de Dieu (Jn. 2,
1-11).
Si le prêtre a besoin de la Très
Sainte Vierge, en revanche elle a également besoin du prêtre. Rien donc qui
puisse nous étonner en cela, puisque le Christ lui-même a voulu avoir besoin de
prêtres pour continuer son action sacerdotale dans le monde, pour appliquer
ainsi les fruits de la Rédemption à chaque âme. Certes, dans l’ordre actuel de la
providence et sauf exception individuelle, sans les prêtres le Christ ne peut
rien faire pour établir son règne dans les âmes. On ne s’étonnera pas que la
Très Sainte Vierge, qui de plus en plus, n’est pas prêtre au sens sacerdotal du
mot, ne puisse rien sans les prêtres. Donc elle a besoin du prêtre pour établir
son règne, qui est le règne du Christ. Elle attend par le fait même que les
prêtres lui donnent des âmes, qu’ils la fassent connaitre aux fideles et qu’ils
leur apprennent à se livrer à elle.
De ce qui précède, n’oublions pas
que le rôle de la Très Sainte Vierge Marie dans la vie du prêtre découle de
celui qu’elle tient auprès de notre Seigneur. Marie est la mère du prêtre parce
qu’elle est la mère du Christ. Ce don gratuit du sacerdoce de Jésus qui fait de
chrétientés prêtres, s’accomplit à la prière et sous le regard de notre mère.
C’est elle qui forme les prêtres aux vertus du Christ Prêtre et qui révèle en
eux l’amour infini dont ils sont aimés, comme elle forma les apôtres au
Cénacle, avec une exquise discrétion et par le rayonnement de sa présence. Mais
elle veut être aimée des prêtres comme elle le fut de Jésus, et elle veut
s’unir à eux d’une union qui ressemble à celle qu’elle eut avec Jésus et qui
continue et multiplie celle qu’il a consacrée lui-même entre elle et saint
Jean.
4. 2.
La prière de Marie pour les prêtres
Aux prêtres, Marie, qui a réalisé en
elle l’unité entre ministère et sainteté subjective, dit de façon
pressante : faites de même à votre tour ! Effectivement que Marie soit
la mère des prêtres, cela peut aisément en ce qui nous concerne se conclure du
fait qu’elle est mère du Souverain Prêtre, puisque c’est de lui qu’ils tiennent
tous leur sacerdoce. C’est donc dès l’Annonciation et par ce fiat qui a tout
décidé, que la Très Vierge pure est devenue notre mère et/ou des prêtres. Mais
ce n’est là qu’une maternité en germe, en puissance, pour emprunter
l’expression de Phillipe Paul. En réalité, c’est à la croix, dans son union à
l’action sacerdotale par excellence de Jésus, dans sa collaboration au
sacrifice Rédempteur, que Marie est devenue la mère de chacun d’entre nous, car
c’est alors que Jésus nous a engendrés vraiment à la vie nouvelle. C’est à ce
moment que Marie a mérité, avec et dans le Christ, toutes les grâces de leur
vocation et de leur vie sacerdotale. Certes, marie ne voyait pas chacune des
âmes sacerdotales, mais Jésus savait et voyait, et cela suffisait, puisqu’elle
lui était unie et qu’elle n’avait d’efficacité sur le cœur de Dieu que par le
cœur sacré de Jésus[13].
Paul Phillipe estime sans doute que, ceci est vrai de tous
les hommes, mais il convient de l’appliquer spécialement aux prêtres,
puisqu’ils ont pour mission de travailler au salut des âmes[14].
C’est pourquoi nous disons qu’ils y sons invités par Jésus lui-même ;
n’a-t-il pas, du haut de la croix, confié sa mère à l’un d’entre
nous ? « Voilà ton fils » dit-il à sa mère en indiquant
saint Jean : « Voilà la mère » ajouta t-il en s’adressant à
l’apôtre bien aimé. Et celui-ci nous confie que, depuis cette heure là, il la
prit chez lui (Jn. 20, 25-27), marquant bien ainsi le caractère très spécial de
la maternité de Marie à son égard. Marie lui est vraiment confiée par notre
Seigneur avant de mourir. La question que nous pouvons nous poser ici, est
celle de savoir si nous ne pouvons pas voir dans ces paroles de Jésus,
l’annonce de la maternité de Marie sur tous les prêtres ? Nous sommes
d’avis que saint Jean tenait sans doute notre place et/ou celle des prêtres,
nous aussi, les enfants de Marie, comme tous les autres apôtres. N’oublions pas
surtout que les Actes des apôtres nous disent en effet, que pendant les jours
qui séparèrent l’ascension de la pentecôte, les douze se tenaient au Cénacle,
tous ne formant qu’une seule âme, persévérant dans la prière avec Marie, mère
de Jésus (Ac. 1, 14). Toutefois, nous pouvons bien penser qu’elle répondait
volontiers aux questions posées par les disciples de Jésus, mais son
recueillement, à cette heure si grave, devait imposer une grande discrétion et
pousser les apôtres à la prière silencieuse.
Marie, en effet pressentait que des
grâces immenses allaient descendre du ciel et transformer ces hommes encore si
faibles et si pleins de vues hues en colonnes de l’Église[15].
Elle priait de toute la puissance de son cœur, elle demandait au Saint Esprit
de se répandre avec abondance en chacun d’eux, et de les transformer de fond en
comble, de leur donner l’Esprit de Jésus, de faire d’eux d’autres christs, des
prêtres.
C’est sûr qu’au ciel dans la vision
béatifique, elle voit les prêtres et même elle agit sur eux sans que leur
nombre l’entrave ; elle aime tous les prêtres et elle veille sur chacun
d’eux autant que s’ils étaient seuls au monde. C’est elle qui a demandé,
conjointement à Jésus, qu’ils soient prêtres ; ou plutôt pour parler en
toute rigueur théologique, disons que l’amour infini a décrété dans ses
desseins eternels qu’ils seront appelés au sacerdoce en vertu des mérites du
Christ et de ceux de sa mère, en réponse à leur commune prière. C’est elle qui
encore maintenant, demande sans cesse toutes les grâces dont les prêtres ont
besoin pour persévérer dans l’amour du Christ et des âmes, pour marcher dans la
voie étroite de la perfection, souvent si contraire à leurs inclinations, pour
exercer avec zèle leur ministère, pour célébrer chaque messe avec plus de
ferveur que la précédente[16]. C’est elle, enfin, qui pria pour les prêtres
et qui les assistera à l’heure de leur mort.
4. 3.
La grandeur du sacerdoce et le respect de Marie pour les prêtres
Si Marie prie toujours pour les prêtres,
c’est parce qu’elle sait mieux qu’eux ce qu’est ce sacerdoce qui est imprimé
dans leur âme. A l’ordination le prêtre est d’office marqué au sacerdoce même
du Christ. Il reçoit par le fait même le caractère du sacrement de l’ordre qui
lui a conféré un pouvoir spirituel. C’est le pouvoir permanent indélébile de
faire de ce que faisait le Christ comme Prêtre ; rendre le Fils de Dieu
présent sur l’autel, offrir au Père le sacrifice même du Christ d’une manière
sacramentelle, donner aux hommes le corps et le sang du Christ en nourriture,
réconcilier les pécheurs avec Dieu, enseigner les vérités éternelles, etc.[17]Autrement
dit, le caractère sacerdotal donne aux prêtres le pouvoir d’être des médiateurs
entre Dieu et les hommes. C’est pourquoi d’ailleurs Saint Thomas fait sien le
souci des prêtres en leur rappelant leur grandeur : « Le prêtre doit être un intermédiaire entre l’homme et Dieu.
Par la faveur de sa prière, il doit toucher Dieu comme l’un des extrêmes, et
par la miséricorde et la compassion, il doit toucher l’autre extrême, à savoir
l’homme »[18].
Le prêtre dispose de deux actes,
l’un qui est principal et qui concerne le corps réel du Christ et l’autre qui
concerne le corps mystique. D’où les prêtres peuvent user de ce pouvoir comme
ils veulent, célébrer la messe à l’heure qu’ils choisissent, refuser le pardon
aux âmes qu’ils ne jugent pas prêtes à le recevoir, hélas ils peuvent abuser de
pouvoir en crucifiant à nouveau le Fils de Dieu (He. 6, 6) et en perdant les
âmes qui les sont confiés. Mais ce pouvoir sacerdotal n’est qu’un pouvoir
instrumental. Les prêtres n’agissent pas seulement au nom du Christ comme un
ambassadeur chargé de plusieurs pouvoirs, mais ils agissent sous la motion
actuelle du Christ. Il n’y a en effet qu’un prêtre, nous dit Saint Paul
(1Tm. 2, 5). Les prêtres ne sont qu’en lui et par lui. Si par l’impossible, le
Christ cessait d’être Prêtre au ciel, immédiatement tous les prêtres de la
terre redeviendraient des hommes comme les autres. C’est pourquoi lors de
l’ordination l’évêque ne transmet son sacerdoce, comme le pontife de l’ancienne
loi ; et quand les prêtres exercent leur ministère, ils ne donnent pas de
leurs mérites, mais ils communiquent la grâce même du Christ. Les prêtres sont
donc rendus participants et, en quelque sorte, sacramentellement identifiés à
l’être même du Christ Prêtre, par le seul fait qu’ils sont prêtres et
indépendamment de leur sainteté ou de leur misère personnelle.
Néanmoins toute cette grandeur du
sacerdoce, ce pouvoir formidable qui fait trembler les démons et que
reconnaissent les anges, comme le dit Saint Cyrille de Jérusalem, tout ce que
les prêtres essayent de deviner un peu mais qu’ils comprennent si mal, Marie,
elle, le sait et le voit dans la lumière du Christ Prêtre. Cependant, ce
pouvoir n’est qu’un pouvoir ministériel, car ces âmes, en définitive, ne leurs
appartiennent pas. Elles sont au Christ, à Dieu, et les prêtres ne sont que des
serviteurs inutiles, des instruments par eux-mêmes très limités et très
faibles, mais forts par lui (1Co. 3, 9). Aussi, les prêtres doivent avoir un
immense respect des âmes, ne pas les accaparer, ne pas leur imposer leur façon
de voir, ne pas abuser de leur pouvoir, mais ils doivent chercher plutôt à
discerner les intentions du Grand Prêtre, Jésus Crist sur chacune d’elles et
les conduire selon les vouloirs de Dieu.
La
Très Sainte Vierge Marie les voit comme son prolongement, elle contemple en eux
le sacerdoce de son Fils bien aimé. Et alors, quelles que soient leurs misères
personnelles, elle a pour chacun d’entre eux une vraie vénération. Pour Marie,
un prêtre est toujours un prêtre, une image vivante de son Fils et, si cette
image est défigurée par le péché, elle n’en a qu’un désir plus ardent de lui
rendre la ressemblance avec le Christ, car elle voit dans la vision de Dieu.
4. 4.
Le dévouement de Marie pour la
sanctification des prêtres
Notons que la grâce sacerdotale est
le principe de l’union du prêtre avec le Christ-Prêtre ; elle lui donne de
vivre en prêtre. Ainsi par le caractère, il est le Christ, instrument du
moins ; il est un autre. Par la grâce sacerdotale, il vit en autre
Christ. Ce n’est plus moi qui vis, nous dit Saint Paul, c’est le Christ qui vit
en moi (Ga. 2, 10). Par ailleurs, Jésus est dans son prêtre et le fait vivre de
sa propre vie sacerdotale[19].
C’est-à-dire, les prêtres ne sont plus des simples serviteurs, ils sont ses
amis. Ils y sont spécialement invités par
Jésus, puisque ce sont ses premiers prêtres qu’il a appelés ses amis
(Jn. 15, 15).
En effet, cette intimité n’est pas
un privilège réservé aux seuls prêtres. Toutefois, tout chrétien en état de
grâce peut aspirer à une pareille union avec Jésus, puisqu’il possède la
charité, cette vertu qui crée entre l’homme et Dieu une véritable amitié à
notre avis. Disons même qu’il y a des laïcs qui parviennent à un degré
d’intimité avec Dieu, supérieur à celui de bien des prêtres. Cependant en
recevant l’onction sacerdotale, le prêtre ne cesse pas d’être un chrétien et
lui aussi est capable, à ce titre de vivre dans l’amitié de Jésus.
Marie a pour le caractère sacerdotal
un respect et une vénération immenses avions-nous dit. Elle a une soif ardente
de trouver en leurs âmes le Christ lui-même, de voir, de voir la grâce
sacerdotale fructifier au centuple dans leurs vie de prêtres. Pour le bien heureux
Grignion de Montfort, Marie leurs veut des prêtres tout de feu, des apôtres
ardents dans l’amour infini des cœurs vivant du Christ son Fils. Marie apporte
sur les prêtres l’amour maternel qu’elle avait pour Saint Jean et le zèle dont
elle brûlait pour sa sanctification. Marie les aime, chacun en particulier avec
une tendresse et une sollicitude indicibles, en sorte qu’ils puissent, en toute
vérité, l’appeler leur mère, comme Jésus sans doute le faisait ici-bas. Nous
pensons que si vraiment nous voulons être de vrais prêtres selon le cœur de
Jésus, il faut que les candidats prêtres et/ou les prêtres doivent être plus que les fideles les plus fervents, des
fils de Marie.
Quoiqu’il
en soit, nous sommes tous ; prêtres et laïcs les enfants de Marie, toutes
les grâces qui nous viennent de Dieu passent par son cœur Immaculé, en même temps que par le cœur
Sacré de Jésus. D’où, nous ne seront pas à notre avis d’autres Christ si nous
ne sommes pas des enfants de la Vierge Marie. Voila pourquoi l’abandon total à
Marie semble être urgent, l’abandon au bon plaisir de Marie dans tous les
événements de notre vie est le plus sûr moyen pour apprendre à pratiquer
l’abandon à la volonté de notre Père qui est aux cieux. Si nous nous sommes
vraiment donnés à Marie, si nous lui confions le soin de notre sanctification,
nous pouvons être sûrs qu’elle nous formera dans la pratique des vertus
sacerdotales avec le zèle immense. Marie est vraiment la mère du prêtre et son
modèle dans la croissance de la charité.
4. 5.
De l’union du prêtre avec Marie
Puisque
nous admettons que continue et reproduit à l’autel le sacerdoce du Christ
dans son acte principal, il faut que l’union mariale au sacrifice de Jésus se
continue et se reproduise, elle aussi. Sans doute, cette union du prêtre avec
Marie peut ne pas être consciente, tout comme le prêtre peut être distrait en
consacrant l’hostie ou le calice sans que la consécration soit rendue invalide,
car Jésus, lui n’est jamais distraite. Et, de même au ciel Marie n’oublie
jamais de s’unir au prêtre qui représente le Christ et d’offrir avec lui le
sacrifice au Père, comme ici-bas, elle s’est unie à Jésus pour offrir avec lui
le sacrifice de la croix. Le prêtre communie donc aux sentiments de Jésus
crucifié, il fait sien l’amour du Christ pour Marie et il accueille l’amour de
Marie pour le Christ qui est en lui[20].
Et ainsi, à l’autel, le prêtre reçoit lui-même l’aide que celui qu’il
représente a reçu à la croix, l’assistance bénie de Marie. Comme Jésus a voulu
avoir besoin d’elle au calvaire, ainsi, le prêtre a vraiment besoin de cette
présence sainte chaque jour à la messe, présence invisible mais combien
efficace sur son pauvre cœur d’homme.
Conclusion
A la communion, le prêtre a plus
particulièrement encore besoin de la Très sainte Vierge Marie, non pas pour
être le Christ puisque c’est par le caractère sacerdotal qu’il est marqué au
sacerdoce de Jésus, mais pour profiter lui-même d’une telle grâce d’identification
au Christ. Elle lui enseigne à s’unir à la victime sainte du calvaire, en
conformité à l’hostie de son sacrifice. Toutefois, tout nous vient par
Marie ; puisqu’elle est médiatrice de toutes les grâces.
Une véritable union d’amour
s’établit, en effet, entre Marie et le prêtre, une amitié toute spirituelle,
toute divine même. C’est Dieu qui est le lien de leurs cœurs ; c’est en
lui qu’ils s’aiment et en lui seul, car l’amour qui unit Marie au prêtre et, le
prêtre à Marie est un amour de charité, et il n’est que cela. Cependant, cette
union revêt des modalités différentes selon qu’elle est réalisée par des
simples fideles ou par des prêtres. Pour des laïcs, en effet, elle consiste à
s’identifier tellement à Vierge Marie par l’imitation de ses vertus, et à
entrer si profondément dans sa propre vie intérieure par les intuitions de
l’amour, qu’ils en arrivent à revivre, en quelque sorte, et à continuer à
travers les siècles l’union de mariale avec Jésus. Mais lorsqu’il s’agit du
prêtre, la perspective change. Le caractère de l’ordre a marqué son être au
sacerdoce du Christ et lui a donné le pouvoir
de reproduire les actions mêmes du souverain Prêtre, en outre, la grâce
sacerdotale lui permet de vivre en prêtre, en autre Christ.
Lorsqu’un prêtre a compris cela, sa
vie en est toute transformée. Et, dans les heures d’isolement ou peut être de
tentation, il voit en elle la confidente sûre dont son cœur humain sent la
nécessité ; le cœur Immaculé de Marie est ce cœur complémentaire dont le
prêtre a besoin afin qu’il ne soit pas seul (Gn. 2, 18). Certes, la charité
établit entre Marie et lui est une véritable amitié pour qu’il comprenne tout
ce que cela comporte d’intimité avec elle, dans et par le Christ ; cette
charité, c’est celle qui brûlait dans le cœur de notre Seigneur pour la Vierge
Marie et que le prêtre fait sienne pour continuer ici-bas cette amitié sainte.
[1] Cf. René LAURENTIN, Court Traité de Théologie Mariale, Paris, éd.,
P. Letheilleux, 1953, p. 17.
[2] Lumen Gentium n° 54.
[3] Cf. René LAURENTIN, Marie l’Église et le sacerdoce II, op.cit. p.
47.
[4] H.SELLER et P. STRAETER (De modalitate corredemptionis, dans
Gregorianum 28, 1947, p. 302) citent en tête d’une liste d’auteurs défendant la
coopération formelle de Marie au sacrifice du Christ un texte de QUODVULTDEUS +
453) dont on doit l’édition à Dom A. WILMART (Rev. Bénédictine 42 (1930) pp.
5-18). Marie, aux noces de Cana, aspire au jour où le raisin-Christ sera pressé
pour la Rédemption du monde. Ce n’est point encore l’idée d’oblation.
[5] S. sur la Prés. PG LXXVII, cité par René LAURENTIN, op.cit, p. 48.
[6] Cf. René LAURENTIN, op.cit, p. 62.
[7] Ibid., p.66.
[8] Ibid., p. 67.
[9] Ibid.
[14] Ibid.
[15] Ibid.
[16] Ibid., p. 25.
[17] LUYEYE LUBOLOKO François, Les
sacrements dans l’Église Catholique, Kinshasa, éd., Médiaspaul, pp. 35-38.
[18] S. THOMAS, « Sacerdos debet
esse medius inter hominem et Deum, cum per devotionem orationis debet tangere
Deum tanquam unum extremum, sic per misericordiam et compassionem debet tangere
alterum extremum scilicet hominem », In Ep. Ad Hebr., V, lect. 1.
[20] Ibid., p. 63.
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