Biographie
Grégoire
de Nysse est né » vers 331 d’une famille d’avocats et de rhéteurs
chrétienne de dix enfants. Sa grande mère sainte Macrine l’Ancienne avait connu
les enseignements de Grégoire le thaumaturge qu’elle transmit à ses enfants ;
deux de ses enfants, saint Basile de Césarée, son ainé de cinq ans et saint
pierre de Sébaste furent évêques comme lui. Sa mère Emmélie, une fois veuve et
sa sœur, Sainte Macrine la jeune devinrent religieuse. Son père tenait une
école de rhétorique à Néocésarée.Il bénéficie de la très forte influence de sa
sœur Macrine et davantage encore de celle de son frère Basile qu’il appellera
« un maitre et un père »
Il
n’a pas reçu des études aussi complètes que son frère Basile de Césarée. Au
sujet de ses études, Grégoire affirmera qu’il « n’a rien de sensationnel à
en dire ».Son frère Basile faisait probablement partir de ses professeurs.
Grégoire
se destina à la vie religieuse, et fut ordonné lecteur, mais il ne se jugera
pas pour autant lié au service de l’Eglise. Après le retrait de la loi scolaire
de l’empereur Julien en 365, il devient maitre de rhétorique. Il se maria avec
Théosébia mais sa jeune femme mourut quelque temps plus tard. Grégoire
déploiera plus tard de ne pas avoir choisi la virginité. Grégoire de Nazianze
lui écrira en lui demandant d’avoir une vie plus fervente. Grégoire de Nysse
aura une vie chrétienne et ira vivre avec les moines et il fait de longs
séjours au monastère de Iris de Basile.
En
371, Grégoire de Nysse fut nommé évêque de Nysse, contre son gré, par Basile de
Césarée. Lui qui n’aspirait qu’à la vie spirituelle et intellectuelle se montra
inapte à toute politique ecclésiastique ; on lui reprocha son manque de
fermeté et les inexactitudes de sa comptabilité. Quelques années après sa
nomination en 374, un synode d’évêques ariens opposés à la doctrine de Nicée
défendue par Grégoire et Basile de Césarée, le dépose, en affirmant qu’il avait
dilapidé les biens de l’évêché. L’empereur Valens favorisant l’arianisme,
Grégoire partit alors en exils.
Après
la mort de Valens, Grégoire reçu un accueil chaleureux dans son diocèse. Il
participa au Concile d’Antioche en 379, afin de mettre fin au schisme qui
divisait la région d’Antioche. Il fut alors chargé par des évêques du synode
d’une mission en Arabie. En 380, il fut nommé archevêque de Sébaste.
Après
la mort de Basile, en 379, Grégoire de Nysse vit son rôle augmenter et
deviendra l’homme de confiance du régime impérial de Théodose le Grand. Il joue
un rôle de première importance au Concile de Constantinople en 381, convoqué
contre l’arianisme. Ce concile compléta la profession de foi de Nicée. C’est
lui qui prononça l’éloge funèbre de mélèce premier d’Antioche, mort durant le
concile et défendra la Nature divine de l’Esprit Saint. Il est désigné par
Théodose comme l’un des prélats dont il faut partager la foi pour être
orthodoxe. On fixe la date de sa mort vers 394.
La
pensée de Grégoire de Nysse est plus pénétrante que celle de Basile de Césarée
et de Grégoire de Nazianze. Les écrits de Grégoire en Grec, sont nombreux et
variés. Le discours catéchétique s’adresse aux catéchistes
et traite des questions de la foi contestées par les hérétiques. La formulation
de la foi, comme toujours se précise dans la controverse.
Il
a en outre commenté dans des homélies divers passages bibliques, notamment
l’Ecclésiastiques, cantique des cantiques et les béatitudes. La datation des
œuvres est extrêmement difficile, car on a trop peu de détail sur sa vie. Mais
la plus grande partie de son œuvre fut écrite après la mort de basile.
Autre
les sources théologiques, nous pouvons aussi citer trois sources profanes qui
eurent une certaine influence, au moins dans leur style, sur la doctrine de
Grégoire de Nysse ce sont : Platon, Plotin et les stoïciens. Il faut faire
une mention spéciale de Plotin (205-270), philosophe mystique néo-platonicien.
La dépendance littéraire de Grégoire envers lui est évidente.
Cependant
cette influence doit être mitigée : nous assistons dans son œuvre à une
entière transformation du platonisme comme néoplatonisme de Plotin. L’influence
plotinienne, bien plus qu’une influence réelle dans la doctrine consiste plutôt
en « d’expression ».La nouveauté du Christianisme, dans la recherche
d’une formulation adéquate, se voit obligée d’acquérir la maîtrise de ce
langage philosophique profane, mais en modifiant considérablement le sens.
CONTEXE
Après
la période des débuts du grand siècle, où nous avons vu naître l’arianisme,
nous arrivons à une période riche en très grands écrivains de haute culture
intellectuelle, tant à l’Orient qu’en Occident.
Au IV° siècle, l’empire tend en effet, à se diviser de
plus en plus et cela aura des conséquences non seulement dans l’ordre
politique, mais aussi dans l’ordre religieux étant donné l’emprise qu’ont les
empereurs dans l’Eglise.
En ce qui concerne la doctrine, les Centres d’intérêts ne
sont plus les mêmes en Orient et en Occident : l’arianisme ouvre le feu en
Orient, et les Cappadociens ont eu une part prépondérante dans l’apaisement de
l’incendie ; Saint Augustin, en Occident, n’en recueillera que les
retombées. Mais il devra faire front contre d’autres controverses propres à
l’Afrique comme le donatisme, ou qui auront leur origine en Occident comme le pélagianisme.
A cette époque aussi, les premières controverses christologiques s’amorcent en
Orient, à Antioche, mais ce ne sera que durant la période suivante, que Nestorius
osera attaquer la maternité divine de Marie. C’est bien donc la question
trinitaire qui occupe l’Orient chrétien du IV° siècle.
Au milieu de ce siècle, la crise
arienne bat son plein. Pour la combattre l’Esprit suscite en Cappadoce trois
grands théologiens : Basile de Césarée, son ami Grégoire de Nazianze et
son frère Grégoire de Nysse ; connus sous le nom des « trois
Cappadociens ». Ils vont poursuivre l’œuvre théologique d’Athanase,
l’amenant à sa perfection, et assurer à la fin de leur vie, la ruine de
l’arianisme et la victoire éclatante de la foi de Nicée. Notre recherche
portera sur le traité de Grégoire de Nysse intitulé la création de l’homme.
Voulant ainsi compléter les homélies sur l’Hexameron de son frère
Basile qui n’a pas eu le temps de traiter de la création de l’homme et faisant
cadeau de Pâques à son frère Pierre, Grégoire de Nysse consacre à ce sujet le
présent traité : il y présente
l’homme comme le sommet et le couronnement de la création.
Appelé
à dominer le monde, l’homme se révèle par de nombreux traits, supérieur à
l’animal, particulièrement par son aptitude au langage. Cette disposition
témoigne du mystère de sa nature où l’Esprit et le corps sont tellement unis
qu’il est impossible de localiser précisément la faculté directrice de l’âme
dans le corps.
Ultimement,
ce qui définit la grandeur de l’homme c’est qu’il a été créé à l’image de Dieu.
Grégoire décrit alors en quoi consiste cette ressemblance.
I-
L’homme
comme maître de la création.
Après
avoir montré la disposition de la création cosmique où Dieu l’a disposée de
telle sorte que l’homme trouve tout ce dont il aura besoin pour survivre et
pour organiser ses activités. Ainsi la création de la Nature précède celle de
l’homme non pour diminuer ou anéantir la valeur de l’homme mais plutôt pour lui
accorder tout pouvoir sur les autres créatures. Grégoire nous l’exprime en ces
termes : « L’homme est amené le dernier dans la création, non
qu’il soit relégué avec mépris au dernier rang, mais parce que dès sa
naissance, il convenait qu’il fut roi de son domaine ».
Par
sa création « l’image de Dieu », l’homme est ordonné à la possession
des biens divins. A l’origine de la création de l’homme, il y’a l’amour de Dieu
qui désire communiquer ses biens à d’autres. Pour cela, il faut qu’il y ait une
certaine connaturalité de l’âme avec Dieu, qui la rende capable de connaître et
de désirer les biens divins pour y participer. En vue de cette formation de
l’homme, un plan est d’abord établi par le créateur pour déterminer l’être à
venir, sa nature, l’archétype dont il portera la ressemblance, sa fin, son
genre d’activité et l’exercice de son pouvoir : Tout cela se résume à
travers ces paroles de Dieu. « Faisons l’homme à notre image et
ressemblance ; qu’il commande aux poissons de la mer, aux bêtes de la
terre, aux oiseaux des cieux, aux animaux et à toute la terre ».
En
effet, cette création d’un être fini à l’image et à la ressemblance d’un Dieu
infini implique une ontologie dynamique. L’homme est conçu de manière
dynamique, c’est un être de désir, une capacité croissant éternellement à
mesure même qu’elle est comblée, en sorte qu’il puisse y avoir à la fois
rassasiement et désir, repos et mouvement.
II L’homme apte au
langage
De
par sa stature, l’homme est apte au commandement et est doté d’un pouvoir
royal. Telle est la dignité humaine par rapport aux animaux. Cette attitude de
commandement de l’homme apparait clairement dans la finalité des mains qui ont
une aide particulière pour le besoin du langage : «Puisque l’homme était un vivant apte à la
parole, il fallait que l’instrument de son corps fut construit en rapport avec
les besoins du langage » .
Certes
les hommes utilisent les mains pour d’autres fins aussi mais leur destination
première est le langage. Leur existence a fait que la stature de l’homme est
autre que celle de l’animale. Il convient de souligner que pour Grégoire l’âme
humaine regroupe ou récapitule les trois degrés de l’âme : l’âme
naturelle, l’âme sensitive et l’âme intellectuelle ou spirituelle. Autrement
dit Grégoire garde les grandes lignes de l’anthropologie d’Origène :
l’homme est corps, âme et Esprit.
III-
La nature humaine est un mystère
Nous
sommes ici au cœur de la pensée de Grégoire. L’esprit crée est un infini en
perpétuel progrès, tandis que Dieu est un infini en acte et la matière est
purement finie.
La
relation de création s’exprime ainsi dans le fait que l’esprit reçoit
perpétuellement de Dieu l’accroissement à l’être. Donc cette relation est une
relation actuelle : l’Esprit est continuellement
créé. Une conséquence de cette relation sera si Dieu est essentiellement
don, l’esprit créé, lui, est accueil dans la mesure où il est tourné vers
Dieu et où il se reçoit de lui, que l’homme existe pleinement et ratifie
librement son être. Cette affirmation de Grégoire tire son origine de 1co2,
10-12 : « car c’est à nous
que Dieu l’a révélé par l’Esprit ;
l’Esprit en effet scrute tout, jusqu’aux profondeurs divines. Qui donc chez les
hommes connaît les secrets de l’homme, sinon l’esprit de l’Homme qui est en
lu ? De même nul ne connaît les secrets de Dieu, sinon l’Esprit de Dieu.
Or nous n’avons pas reçu, nous l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de
Dieu, afin de connaître les dons que Dieu nous a faits ».
Ainsi,
Grégoire exprime merveilleusement l’unité trinitaire en faisant une comparaison
entre l’Esprit divin et l’esprit humain : « celui qui est vu inséparablement dans l’un, est un dans
toute vérité, et il est premier dans le premier, et unique dans l’unique. Car
tout comme l’esprit de l’homme qui est en lui et l’homme lui-même sont un seul
homme, ainsi aussi l’Esprit de Dieu est en lui et Dieu lui-même seront appelés
à proprement parler, le Dieu un, premier et unique, l’Esprit ne pouvant être
séparé de celui en qui il est ». Grégoire explique cette comparaison
en faisant recours à cette Parole de Dieu : « faisons l’homme à notre image et ressemblance ».
L’homme n’est vraiment image dans la mesure où il possède tous les attributs de
cette image. Et donc s’il se détourne de cette image, sa croissance s’arrête et
il devient nature.
IV-
L’homme créé à l’image de Dieu
Cette
affinité avec le divin mêlée à la nature humaine la ressemblance avec Dieu est
donc constituée par les biens de la grâce : la pureté, la béatitude,
l’innocence, vertus qui sont, comme chez Origène, une participation à la vie du
Christ. Ce mot « vertu » n’est pas à entendre dans le sens moral,
mais au sens ontologique : c’est l’écoulement de la vie divine dans l’âme.
Ces vertus donnent à l’homme une ressemblance avec Dieu et une certaine parenté
grâce à cette parenté, l’âme peut jouir de Dieu qui est sa fin, par la
connaissance et l’amour.
Dans
la connaissance, l’âme contemple Dieu dans le miroir de la nature divine que
constitue en elle la vie de la grâce, la pureté. C’est alors à travers la vie
de la grâce qui est en elle que l’âme expérimente la présence de Dieu qui est
le principe de sa divinisation. Toutefois il faut signaler que ceci n’est pas
en contradiction avec l’autre affirmation de Grégoire qui dit : « l’essence de Dieu est toujours
inaccessible » ; car cette connaissance bien qu’elle nous
rapproche de Dieu, laisse cependant son essence toujours mystérieuse.
Dans
l’amour c’est la présence de Dieu qui est saisie, l’expression de la forme
suprême de l’union à Dieu. Ce primat de l’Amour est lié à sa doctrine de la
transcendance absolue de Dieu. Si la vision de l’essence divine est à jamais
inaccessible, l’amour qui atteint Dieu dans cette essence, telle qu’elle est en
elle-même, dépasse toujours la connaissance qui ne l’atteint que dans un
miroir.
L’homme
a donc été créé par Dieu à son image de façon à lui être uni par la
connaissance et par l’amour. Mieux encore, il faut dire qu’entre la
connaissance et l’amour, il y a une causalité réciproque : c’est parce que
l’âme connaît Dieu qu’elle l’aime et parce que l’âme aime Dieu qu’elle désire
de s’unir à lui et que Dieu lui communique cette participation de sa vie dans
laquelle elle connaît. Mais cette connaissance n’égalant jamais l’infinité de
la nature divine, l’amour de l’âme dépasse toujours la connaissance qu’elle a
de Dieu et l’ouvre à une connaissance nouvelle.
Conclusion : le
rapport entre l’homme et la nature ; la crise écologique.
Dieu
pouvait être perçu comme favorable et bienveillant pour l’homme, il lui avait
délégué sa part de souveraineté et de sa maîtrise du cosmos. Ainsi l’homme
pouvait s’instituer gestionnaire de la nature et de ses potentialités.
La
maîtrise exercée par l’homme sur la nature l’a mis en position d’en exploiter
les ressources. Il en a assurément résulté un bien être accru et de meilleures
conditions d’existence. Mais il convient de souligner d’une part que cette
maîtrise de la nature et la participation à ses fruits n’étaient pas également
réparties entre tous les hommes ; d’autre part, l’exploitation
systématique des ressources naturelles entraînait des dépenses considérables
d’énergie et de matières premières, portait atteinte au paysage, au sol, à la
mer, à l’espace et à l’homme lui-même.
Aussi
nous paraphrasons Monseigneur José DORE, qui nous donne des propositions pour
mieux entrer en contacte avec la nature : l’homme doit désormais accepter
de cultiver à l’égard de la nature une attitude fondamentale de mesure et de
respect ; parce que la nature est
là avant lui, comme autre que lui ; et qu’elle représente pour lui un
« donné » gratuit dont il n’est aucunement propriétaire.
Sources
1*
Grégoire de Nysse, Création de l’homme (chap. I – chap. XI)
2*Bernard
Pottier, Dieu et le Christ selon Grégoire de Nysse ; éd. Culture et
vérité, Bruxelles, 1994, 523p.
DORE
J., l’homme devant, dans, contre, avec la nature. Les réflexions écologiques
d’un théologien, in A .R .M.
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