vendredi 5 avril 2013

Saint Augustin 2


1.     Situation de l’auteur et de son contexte :
Romain d’Afrique, Augustin est né  dans une famille modeste en 354 dans la province romaine de Numidie, plus précisément à Thagaste (aujourd’hui Souk-Ahras en Algérie). Son père Patricius, fonctionnaire de l’Empire qui le destine aux plus hautes charges dans l’administration impériale, était païen. Sa mère, la future sainte Monique en revanche, était une ardente chrétienne fervente, elle œuvra inlassablement pour la conversion de son fils. D’ascendance berbère et probablement punique, Augustin sera élevé dans la culture romaine et ne connaitra  d’autre langue que le latin.
Le long périple qui le conduira jusqu’aux villes européennes, commence après ses premières classes à Thagaste, Madaure et Carthage, où il arrive à dix sept ans. Augustin y vécut avec une carthaginoise qui lui donna en 372 un fils Adéodat. Tout en prenant part à la vie turbulente des étudiants de la capitale de l’Afrique romaine, il se forme à la rhétorique, à travers l’étude de Virgile, des historiens et des poètes latins. En lisant l’Hortensuis de Cicéron, qu’il oppose à la Bible dans laquelle il voit un recueil d’histoires irrationnelles destinées à des ignorants, il découvrit seul la philosophie. A partir de ce moment, il aspire à « l’immortalité de la sagesse ».
D’ores et déjà, éveillé à la philosophie, Augustin cherche obstinément une réponse à ses questions, notamment celle de l’origine du Mal : « Unde Malum ?». Il rencontre alors les manichéens[1]. Séduit par leur doctrine, Augustin rejoint la secte, car elle correspond à son expérience intérieure de lutte entre le désir du bien et les pulsions mauvaises. Cette adhésion qui semble lui redonner espoir de libérer son âme de la chair, durera presque dix ans soit de 372 à 382. Mais il fut déçu, en particulier par sa rencontre avec l’évêque manichéen Faustus.
Après avoir été professeur de rhétorique à Carthage dès 374, Augustin arrive à Milan à partir de 384, où il venait d’obtenir une chaire de rhétorique. Là, il découvre les œuvres des philosophes néoplatoniciens tels que Plotin et Porphyre. La lecture de ces œuvres, changent radicalement sa vision du monde et lui révèlent les joies de la contemplation.
Par ailleurs, la lecture des Epitres de Saint Paul, l’influence de sa mère Monique et de l’évêque de Milan Ambroise, l’amènent à se rapprocher des chrétiens. Après le « remous de ses hésitations»[2] il vit un moment intense de déchirement intérieur. Sa conversion fut immédiate et radical, il se fit baptisé à l’âge de 32ans, la nuit de Pâques (en 387) par l’évêque de Milan.
Il s’engage ensuite dans la vie monastique, et fonde un monastère à Hippone, peu après la mort de son fils. Dès lors, sa réputation ne va cesser de croitre dans l’Afrique chrétienne. Il est amené à accepter la prêtrise, par l’assistance qui demande son ordination immédiate au cours d’un office présidé par le vieux évêque Valerius. A partir de ce moment, il redouble d’activité en s’engageant dans les luttes de l’Eglise contre les manichéens, les donatistes, les pélagiens[3]. En 395,  Il devient Evêque d’Hippone.
Son épiscopat est couronné d’une activité pastorale intense : prédication, catéchèse, soin des pauvres, résolution des problèmes locaux et engagement dans des conflits plus larges qui déchiraient alors l'Église. Il garda cependant une vie monastique et écrivit une règle de vie pour sa communauté. C'était alors une période de grands troubles politiques et théologiques avec, d'un côté, le danger des incursions barbares dans l'Empire et la prise de Rome en 410 et, de l'autre, les menaces de schisme et d'hérésie qui pesaient sur l'Église.
L’Evêque Augustin se lança à corps perdu dans la bataille théologique, c’est pendant cette période qu’il compose ses premiers commentaires sur les psaumes. Un premier conflit l'opposa au schisme donatiste. En effet, la grande persécution de Dioclétien au début du IVe siècle avait conduit des chrétiens à renier leur foi. Les donatistes refusaient de les réintégrer, procédaient à des « seconds baptêmes » et considéraient comme invalide tout sacrement conféré par un ministre jugé indigne. Augustin tenta d'abord de les convaincre, puis il dut finalement faire appel à la police impériale pour réduire le schisme. La fin de sa vie fut marquée par l'invasion Vandale en Afrique du Nord. Il mourut pendant le siège d'Hippone, le 28 août 430.
2.     Thème central du Sermon sur le psaume 41 : La Recherche de Dieu, à l’image du cerf qui a soif.
Le texte soumis à notre réflexion, est de Saint Augustin Evêque d’Hippone,  auteur prolifique, théologien et brillant styliste. C’est un sermon sur le Psaume 41. Avant de découvrir le message qu’Augustin, voulait transmettre à ses auditeurs, nous pensons qu’il est important  de donner un premier aperçu de ce texte biblique. Cela va nous permettre de mieux saisir la portée théologique du commentaire qu’en a fait notre auteur.
« Quand irai-je contemplé la face du Seigneur ? » Exilé, le psalmiste se souvient des années de grâce. Il vit le malheur d’être loin du Temple de Dieu et ses adversaires voient là une punition divine. Dans son exil si douloureux, il continue à désirer le Dieu lointain.
 Tous le psaume, relate cette quête de Dieu faite par l’homme. Cette quête est comparée à une soif d’eau vive. Quand on lit ce psaume, on sent qu’on est en recherche. En exil, le psalmiste est accablé par l’oppression de l’ennemi, les moqueries de ces adversaires, il est meurtri jusqu’aux os. Dans ces gémissements, il n’espère qu’en Dieu, en se posant quelque question : comment être en présence de Dieu ? Comment le voir face à face ? Où est ton Dieu ? Pourquoi se désoler ? Cette quête est douloureuse, mélancolique, nostalgique.
3.     Commentaire du thème : la recherche de Dieu dans le sermon de Saint Augustin
Le psaume 41 que commente Saint Augustin, comme nous l’avons souligné plus haut, commence par un saint désir, « le désir de la vie éternelle ». Augustin invite ses auditeurs à être dans la joie « Comme le Cerf aspire aux eaux vives » (Ps. 42, 2.). A la question qui doit se mettre en recherche de Dieu, tel le cerf assoiffé ? Il donne une réponse: « Ce n’est point un seul homme, mais bien un corps. C’est le corps du Christ, ou l’Eglise.» Parmi ceux qui peuvent être décrit comme ce cerf cherchant les sources d’eau vive, il ya également les catéchumènes, qui viennent, non plus à la source d’eau vive, mais à la fontaine d’eau vive qu’est le baptême. Toutefois, le baptême n’assouvit pas chez les chrétiens cet ardent désir mais plutôt l’attise davantage.
Par ailleurs, l’évêque d’Hippone se demande ce que peut bien signifier ces « fils de Coré », « Fils de l’Epoux », « fils du calvaire ». Saint Augustin fait le lien avec les chrétiens, qui sont par leur baptême « fils de l’Epoux », mais également « Fils de Calvaire », puisqu’ils ont été plongés dans la mort et dans la Résurrection de Jésus-Christ. Ils ont d’ailleurs cette  « marque sur le front », comme signe d’appartenance à cette filiation. Saint Augustin, développe le thème de l’illumination, en invitant ses fidèles à rechercher la lumière de l’intelligence, la Lumière du Seigneur qui est source d’illumination de la raison. Les catéchumènes quant à eux, sont en quête de la source de la rémission des péchés. Car, c’est en Dieu qu’est la lumière de la vie et la source intarissable de toutes les intelligences.
Le cerf dont parle le psaume, à une capacité à tuer les serpents. Après avoir tué les serpents, ils ont une soif encore plus ardente. Saint Augustin compare le serpent, aux vices qui sont en chacun de nous tel que : l’avarice, l’iniquité, les convoitises, la cupidité, bref tout ce qui est contraire à la vérité. Ainsi il exhorte à ce que l’on se débarrasse en nous de tous les vices, mais en conservant le désir d’aller à la source divine, de s’élever et de ne pas rester là. Pour lui, Dieu seul pourra combler les désirs de l’homme.
Le cerf a également la capacité d’entraide en faisant reposer leur tête sur les autres. Là aussi, Saint Augustin exhorte à ce que chacun puisses s’entraider mutuellement dans la quête commune de Dieu. Il s’appui sur Saint Paul qui dit « Portez mutuellement vos fardeaux, et vous accomplirez la loi du Christ». La quête profonde du cerf est d’avoir soif de Dieu, de pouvoir le VOIR. La vie devient ainsi un pèlerinage, avec la soif de voir Dieu.
Dans cette course, l’évêque d’Hippone révèle à ses ouailles que le cerf est aussi, un homme qui n’a pour nourriture jour et nuit que ses larmes. Il interprète ces larmes comme une nourriture bénéfique et non de l’amertume. En effet, lorsque l’on dit que les larmes deviennent « pain », c’est-à-dire nourriture quotidienne, il n’est pas évident que cela soit bien vécu. Le pain des larmes, n’altère en aucune manière la soif de Dieu, mais au contraire donne encore plus de force. On verse des larmes durant notre voyage, mais cela n’ôte ni le désir, ni la joie de la soif de Dieu, au contraire cela donne plus de vigueur. Voici ses propos :
. « Que je sois donc heureux ou malheureux ici bas, dis le Prophète, je verse les larmes d’un saint désir, et ce désir insatiable ne me quitte point ; et le bonheur de cette vie est un malheur pour moi, jusqu’à ce que j’apparaisse à la face de Dieu. »[4]
A la question : « Où est Dieu ?», Saint Augustin tente d’aider son auditoire à savoir et à comprendre où demeure Dieu :
« L’homme désir voir Dieu de qui il tient sa vie ; en regardant la création, il se questionne et finalement, il se dit : qui est l’auteur de tout ce qui existe ? En réfléchissant à cette question, il se rend compte qu’il fait partie de la création et  qu’il a un corps et une âme : un corps qui sert et une âme qui commande, alors il conclut que, l’âme est supérieure au corps. »[5]
 Mais pour trouver les choses invisibles, il passe par la création, par le visible. Après la création, il parle de la créature en se posant la question « mais qui suis-je ? » ; Saint Augustin décrit la créature, en tant qu’âme et corps, tout en accordant la primauté à l’âme, il ne méprise pas le corps ainsi que les cinq sens notamment la vue (le voir).
Saint Augustin affirme qu’il trouve Dieu « au dessus » de son âme. Il fait la distinction entre la «Maison de Dieu » hautement élevée, et le tabernacle de Dieu sur la terre. Pour s’élever à la « Maison de Dieu », il faut passer par le chemin du « tabernacle de Dieu ». Or ce tabernacle n’est autre que l’Eglise, constituée des âmes des fidèles. Mais une « Eglise mystère », puisque pour trouver ce Tabernacle de Dieu, il faut aller « au dessus des âmes », il s’émerveille de ce qu’il VOIT  dans ce tabernacle constitué des âmes des fidèles. L’Eglise est le « tabernacle de Dieu », dans sa pratique des vertus. Cette dernière n’est pas un obstacle à la rencontre avec Dieu, mais au contraire, un moyen servant concrètement à voir la grâce de Dieu agissante au cœur même du monde : son regard humain est transformé afin de reconnaître Dieu au delà de toutes personnes humaines. Même si cette vision est déjà béatifique, il propose une autre élévation : passer du « tabernacle de Dieu » qu’est l’Eglise, à la « Maison de Dieu » : cette dernière étant la source de l’intelligence.
Augustin poursuit son sermon en développant plusieurs thèmes à l’instar de l’expérience que nous pouvons faire du divin, les moyens que nous nous donnons pour y aller tant la fragilité nous rattrape,  comment faire pour être à la hauteur de nos désirs parmi les solutions l’espérance comme moyen de lutter contre la désolation, la confession de foi d’un salut que l’on attend et qui sera donné uniquement auprès de Dieu. Par ailleurs, Augustin montre que la vie humaine est affaire de persévérance, non pas en ses propres forces, mais en la force seul de Dieu. L’homme a ainsi « soif » et « cherche » le salut, que Dieu seul peut accorder lorsque nous serons dans la « Maison de Dieu ».
Dans cette quête de Dieu, notre auteur  affirme que le chemin de l’humilité : s’abaisser en vue d’être élevé, est nécessaire. Toutefois, lorsque l’homme est dans le bonheur et la paix, il doit s’instruire des voies de la sagesse et de la Miséricorde. Car, l’homme n’est qu’un pèlerin sur la terre, sa destinée est de tendre vers les biens éternels. C’est pourquoi, sa conduite doit être bonne et que ses actes soient au profit de son semblable afin que le règne de Dieu vienne et s’installe sur la terre.
Pour terminer son sermon, Saint Augustin invite ses ouailles à être fort afin de ne pas succomber à la tentation dans leur combat en faveur d’une pureté de vie. Il rend un vibrant témoignage aux martyrs, qui souffrent courageusement à cause de l’amour du Christ, en montrant que ces souffrances extérieures sont différentes de la couronne qu’ils ont à l’intérieur. C’est elle qui leur permet de tenir. Une couronne qui leur permet à la fois de confesser la foi et de s’affermir dans l’espérance.
4.     Appréciation personnelle du thème :
Après cette analyse du sermon de Saint Augustin,  il sied de dire qu’en commentant le psaume 41, on a l’impression que le Saint évêque nous fait une confidence personnelle de son itinéraire spirituelle qui l’a conduit à l’Eglise. En effet, il a eu une jeunesse mouvementé, mais également préoccupé et tourmenté par sa recherche du sens. Plus tard, il comprendra que c’est Dieu qu’il cherchait. Pour s’en convaincre, il n’ya qu’à voir ce qu’il nous en dit dans son très beau texte les confessions.
De ce fait, nous pouvons dire qu’à la lumière de l’impression que nous avons eue de notre psaume que, dans la recherche de Dieu il ya le désir positif de savoir et de comprendre où demeure Dieu. C’est dire que, tout désir loin d’être mauvais est essentiel en l’homme. Il peut être la trace de Dieu en l’homme. Ce qui lui pousse toujours d’aller en avant, à chercher Dieu à l’exemple du cerf altéré. C’est en ayant un désir insatisfait qu’Augustin a cherché Dieu. Cette découverte de Dieu n’est pas un fait fortuit.
Cette catéchèse nous a révélé de même que la figure du cerf représente, aussi bien les catéchumènes que les baptisés. Tous, ont « la soif de Dieu ». Avoir sans cesse « soif » de celui seul qui seul peut les abreuver et les désaltérer, mais aussi « soif » de la vie bonne et de la vie morale.



Conclusion :
Au regard de tout ce qui précède, nous pouvons dire que Saint Augustin a écrit sur tous les sujets qui concernaient l’Eglise de son temps. Seulement, avec l’évolution du monde actuel, nous constatons que beaucoup de thèmes et de questions traités par lui continuent à concerner l’Eglise actuelle. Comme les autres écrits des Pères, on peut y trouver des orientations, des éléments de réponses aux questions que se pose le chrétien d’aujourd’hui à l’heur du pluralisme religieux.
 Voici quelques critères que Saint Augustin, nous donne pour assouvir notre soif de trouver Dieu :
v  Etre en communion ecclésiale, car la « soif de Dieu » s’accompagne d’un amour extraordinaire pour l‘Eglise en tant que « tabernacle de Dieu » ;
v  Renoncer au mal, comme « broyage » des péchés, à l’image du cerf qui « tue » le serpent en l’écrasant avec son sabot ;
v  Confesser la foi en l’espérance, afin de cheminer vers la Maison de Dieu.


Bibliographie :
Ø   DHAMMAN Adalbert G., Dictionnaire des Pères de l’Eglise, Paris, Desclée de Brouwer, 1977, 239 p.
Ø  J. QUASTEN, initiation aux Pères de l’Eglise, tome 2, Paris, Cerf, 1956,548p.
Ø  Cyrille ATITUNG, Cours de patrologie I, (note inédite), I.S.E.M., année 2011-2012.







[1] Pour les disciples de MANI (216-277), le monde est partagé entre le bien et le mal, et les ténèbres de la matière obscurcissent  la lumière de l’esprit.
[2] Cfr. Saint Augustin, Les confessions.
[3] Un débat public l’oppose à un ancien ami manichéen le 28 Aout 392.
[4] Saint Augustin, sermon sur le Psaume 41.
[5] Ibid.

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