1.
Situation
de l’auteur et de son contexte :
Romain
d’Afrique, Augustin est né dans une famille modeste en 354 dans la
province romaine de Numidie, plus précisément à Thagaste (aujourd’hui
Souk-Ahras en Algérie). Son père Patricius,
fonctionnaire de l’Empire qui le destine aux plus hautes charges dans
l’administration impériale, était païen. Sa mère, la future sainte Monique en revanche, était une ardente
chrétienne fervente, elle œuvra inlassablement pour la conversion de son fils.
D’ascendance berbère et probablement punique, Augustin sera élevé dans la
culture romaine et ne connaitra d’autre
langue que le latin.
Le
long périple qui le conduira jusqu’aux villes européennes, commence après ses
premières classes à Thagaste, Madaure et Carthage, où il arrive à dix sept ans.
Augustin y vécut avec une carthaginoise qui lui donna en 372 un fils Adéodat. Tout en prenant part à la vie
turbulente des étudiants de la capitale de l’Afrique romaine, il se forme à la
rhétorique, à travers l’étude de Virgile,
des historiens et des poètes latins. En lisant l’Hortensuis de Cicéron, qu’il oppose à la Bible dans
laquelle il voit un recueil d’histoires irrationnelles destinées à des
ignorants, il découvrit seul la philosophie. A partir de ce moment, il aspire à
« l’immortalité de la sagesse ».
D’ores
et déjà, éveillé à la philosophie, Augustin cherche obstinément une réponse à ses
questions, notamment celle de l’origine du Mal : « Unde Malum ?». Il rencontre alors les manichéens[1].
Séduit par leur doctrine, Augustin rejoint la secte, car elle correspond à son
expérience intérieure de lutte entre le désir du bien et les pulsions
mauvaises. Cette adhésion qui semble lui redonner espoir de libérer son âme de
la chair, durera presque dix ans soit de 372 à 382. Mais il fut déçu, en
particulier par sa rencontre avec l’évêque manichéen Faustus.
Après
avoir été professeur de rhétorique à Carthage dès 374, Augustin arrive à Milan
à partir de 384, où il venait d’obtenir une chaire de rhétorique. Là, il
découvre les œuvres des philosophes néoplatoniciens tels que Plotin et
Porphyre. La lecture de ces œuvres, changent radicalement sa vision du monde et
lui révèlent les joies de la contemplation.
Par
ailleurs, la lecture des Epitres de Saint Paul, l’influence de sa mère Monique
et de l’évêque de Milan Ambroise, l’amènent à se rapprocher des chrétiens.
Après le « remous de ses
hésitations»[2] il
vit un moment intense de déchirement intérieur. Sa conversion fut immédiate et radical, il se fit baptisé à l’âge
de 32ans, la nuit de Pâques (en 387) par l’évêque de Milan.
Il
s’engage ensuite dans la vie monastique, et fonde un monastère à Hippone, peu
après la mort de son fils. Dès lors, sa réputation ne va cesser de croitre dans
l’Afrique chrétienne. Il est amené à accepter la prêtrise, par l’assistance qui
demande son ordination immédiate au cours d’un office présidé par le vieux
évêque Valerius. A partir de ce moment, il redouble d’activité en s’engageant
dans les luttes de l’Eglise contre les manichéens,
les donatistes, les pélagiens[3].
En 395, Il devient Evêque d’Hippone.
Son
épiscopat est couronné d’une activité pastorale intense : prédication, catéchèse, soin des pauvres,
résolution des problèmes locaux et
engagement dans des conflits plus larges
qui déchiraient alors l'Église. Il garda cependant une vie monastique et
écrivit une règle de vie pour sa communauté. C'était alors une période de
grands troubles politiques et théologiques avec, d'un côté, le danger des
incursions barbares dans l'Empire et la prise de Rome en 410 et, de l'autre,
les menaces de schisme et d'hérésie qui pesaient sur l'Église.
L’Evêque
Augustin se lança à corps perdu dans la bataille théologique, c’est pendant
cette période qu’il compose ses premiers commentaires sur les psaumes. Un
premier conflit l'opposa au schisme donatiste. En effet, la grande persécution
de Dioclétien au début du IVe siècle
avait conduit des chrétiens à renier leur foi. Les donatistes refusaient de les
réintégrer, procédaient à des « seconds
baptêmes » et considéraient comme invalide tout sacrement conféré par
un ministre jugé indigne. Augustin tenta d'abord de les convaincre, puis il dut
finalement faire appel à la police impériale pour réduire le schisme. La fin de sa vie fut marquée
par l'invasion Vandale en Afrique du Nord. Il mourut pendant le siège
d'Hippone, le 28 août 430.
2.
Thème
central du Sermon sur le psaume 41 :
La Recherche de Dieu, à l’image du cerf
qui a soif.
Le
texte soumis à notre réflexion, est de Saint Augustin Evêque d’Hippone,
auteur prolifique, théologien et brillant styliste. C’est un sermon sur
le Psaume 41. Avant de découvrir le message qu’Augustin, voulait transmettre à
ses auditeurs, nous pensons qu’il est important
de donner un premier aperçu de ce texte biblique. Cela va nous permettre
de mieux saisir la portée théologique du commentaire qu’en a fait notre auteur.
« Quand irai-je
contemplé la face du Seigneur ? » Exilé, le
psalmiste se souvient des années de grâce. Il vit le malheur d’être loin du
Temple de Dieu et ses adversaires voient là une punition divine. Dans son exil
si douloureux, il continue à désirer le Dieu lointain.
Tous le psaume, relate cette quête de Dieu
faite par l’homme. Cette quête est comparée à une soif d’eau vive. Quand on lit
ce psaume, on sent qu’on est en recherche. En exil, le psalmiste est accablé
par l’oppression de l’ennemi, les moqueries de ces adversaires, il est meurtri
jusqu’aux os. Dans ces gémissements, il n’espère qu’en Dieu, en se posant
quelque question : comment être en présence de Dieu ? Comment le voir
face à face ? Où est ton Dieu ? Pourquoi se désoler ? Cette quête est
douloureuse, mélancolique, nostalgique.
3. Commentaire du thème : la recherche de Dieu dans le sermon de Saint
Augustin
Le
psaume 41 que commente Saint Augustin, comme nous l’avons souligné plus haut,
commence par un saint désir, « le
désir de la vie éternelle ». Augustin invite ses auditeurs à être dans
la joie « Comme le Cerf aspire
aux eaux vives » (Ps. 42, 2.). A la question qui doit se mettre en
recherche de Dieu, tel le cerf assoiffé ? Il donne une réponse: « Ce n’est point un seul homme, mais bien un
corps. C’est le corps du Christ, ou l’Eglise.» Parmi ceux qui peuvent être
décrit comme ce cerf cherchant les sources d’eau vive, il ya également les catéchumènes, qui viennent, non plus à
la source d’eau vive, mais à la fontaine d’eau vive qu’est le baptême.
Toutefois, le baptême n’assouvit pas chez
les chrétiens cet ardent désir mais plutôt l’attise davantage.
Par
ailleurs, l’évêque d’Hippone se demande ce que peut bien signifier ces « fils de Coré », « Fils de
l’Epoux », « fils du
calvaire ». Saint Augustin fait
le lien avec les chrétiens, qui sont par leur baptême « fils de l’Epoux », mais également « Fils de Calvaire », puisqu’ils ont été plongés dans la
mort et dans la Résurrection de Jésus-Christ. Ils ont d’ailleurs cette « marque
sur le front », comme signe d’appartenance à cette filiation. Saint
Augustin, développe le thème de l’illumination, en invitant ses fidèles à rechercher
la lumière de l’intelligence, la Lumière du Seigneur qui est source
d’illumination de la raison. Les catéchumènes quant à eux, sont en quête de la
source de la rémission des péchés. Car, c’est
en Dieu qu’est la lumière de la vie et la source intarissable de toutes les intelligences.
Le cerf dont parle le psaume, à une capacité à tuer les serpents. Après
avoir tué les serpents, ils ont une soif encore plus ardente. Saint
Augustin compare le serpent, aux vices qui sont en chacun de nous tel
que : l’avarice, l’iniquité, les convoitises, la cupidité, bref tout ce
qui est contraire à la vérité. Ainsi il exhorte à ce que l’on se débarrasse en
nous de tous les vices, mais en conservant le désir d’aller à la source divine,
de s’élever et de ne pas rester là. Pour lui, Dieu seul pourra combler les
désirs de l’homme.
Le cerf a également la capacité d’entraide en faisant reposer
leur tête sur les autres. Là aussi, Saint
Augustin exhorte à ce que chacun puisses s’entraider mutuellement dans la quête
commune de Dieu. Il s’appui sur Saint Paul qui dit « Portez mutuellement vos fardeaux, et vous accomplirez la loi du
Christ». La quête profonde du cerf est d’avoir soif de Dieu, de pouvoir le
VOIR. La vie devient ainsi un pèlerinage, avec la soif de voir Dieu.
Dans cette course, l’évêque
d’Hippone révèle à ses ouailles que le cerf est aussi, un homme qui n’a pour nourriture jour et nuit que ses larmes. Il
interprète ces larmes comme une nourriture bénéfique et non de l’amertume. En effet,
lorsque l’on dit que les larmes deviennent « pain », c’est-à-dire
nourriture quotidienne, il n’est pas évident que cela soit bien vécu. Le pain
des larmes, n’altère en aucune manière la soif de Dieu, mais au contraire donne
encore plus de force. On verse des larmes durant notre voyage, mais cela n’ôte
ni le désir, ni la joie de la soif de Dieu, au contraire cela donne plus de vigueur.
Voici ses propos :
. « Que
je sois donc heureux ou malheureux ici bas, dis le Prophète, je verse les
larmes d’un saint désir, et ce désir insatiable ne me quitte point ; et le
bonheur de cette vie est un malheur pour moi, jusqu’à ce que j’apparaisse à la
face de Dieu. »[4]
A la question : « Où est Dieu ?», Saint
Augustin tente d’aider son auditoire à savoir et à comprendre où demeure Dieu :
« L’homme désir voir Dieu de qui il tient sa vie ; en regardant la
création, il se questionne et finalement, il se dit : qui est l’auteur de
tout ce qui existe ? En réfléchissant à cette question, il se rend compte
qu’il fait partie de la création et
qu’il a un corps et une âme : un corps qui sert et une âme qui
commande, alors il conclut que, l’âme est supérieure au corps. »[5]
Mais pour trouver les choses invisibles, il
passe par la création, par le visible. Après la création, il parle de la
créature en se posant la question « mais qui
suis-je ? » ; Saint Augustin décrit la créature, en tant qu’âme
et corps, tout en accordant la primauté à l’âme, il ne méprise pas le corps
ainsi que les cinq sens notamment la vue (le voir).
Saint Augustin affirme qu’il trouve
Dieu « au dessus » de son âme.
Il fait la distinction entre la
«Maison de Dieu » hautement élevée, et le tabernacle de Dieu sur la terre.
Pour s’élever à la « Maison de
Dieu », il faut passer par le chemin du « tabernacle de Dieu ». Or ce tabernacle n’est autre que
l’Eglise, constituée des âmes des fidèles. Mais une « Eglise
mystère », puisque pour trouver ce Tabernacle de Dieu, il faut aller
« au dessus des âmes », il s’émerveille de ce qu’il VOIT
dans ce tabernacle constitué des âmes des fidèles. L’Eglise est le « tabernacle de Dieu », dans sa pratique des
vertus. Cette dernière n’est pas un obstacle à la rencontre avec Dieu,
mais au contraire, un moyen servant concrètement à voir la grâce de Dieu
agissante au cœur même du monde : son
regard humain est transformé afin de reconnaître Dieu au delà de toutes
personnes humaines. Même si cette vision est déjà béatifique, il propose
une autre élévation : passer du « tabernacle de Dieu » qu’est
l’Eglise, à la « Maison de Dieu » : cette dernière étant la source
de l’intelligence.
Augustin poursuit son sermon en
développant plusieurs thèmes à l’instar de l’expérience que nous pouvons faire du divin, les moyens que nous nous donnons pour y aller tant la fragilité nous
rattrape, comment faire pour être à la hauteur de nos désirs parmi les
solutions l’espérance comme moyen de
lutter contre la désolation, la
confession de foi d’un salut que l’on attend et qui sera donné uniquement
auprès de Dieu. Par ailleurs, Augustin montre que la vie humaine est
affaire de persévérance, non pas en ses propres forces, mais en la force seul
de Dieu. L’homme a ainsi « soif » et « cherche » le salut,
que Dieu seul peut accorder lorsque nous serons dans la « Maison de
Dieu ».
Dans cette quête de Dieu, notre
auteur affirme que le chemin de
l’humilité : s’abaisser en vue d’être élevé, est nécessaire. Toutefois, lorsque l’homme est dans le bonheur et la
paix, il doit s’instruire des voies de la sagesse et de la Miséricorde. Car, l’homme n’est qu’un pèlerin sur la
terre, sa destinée est de tendre vers les biens éternels. C’est pourquoi, sa
conduite doit être bonne et que ses actes soient au profit de son semblable
afin que le règne de Dieu vienne et s’installe sur la terre.
Pour terminer son sermon, Saint
Augustin invite ses ouailles à être fort afin de ne pas succomber à la
tentation dans leur combat en faveur d’une pureté de vie. Il rend un vibrant
témoignage aux martyrs, qui souffrent courageusement à cause de l’amour du Christ,
en montrant que ces souffrances
extérieures sont différentes de la couronne qu’ils ont à l’intérieur. C’est
elle qui leur permet de tenir. Une couronne qui leur permet à la fois de
confesser la foi et de s’affermir dans l’espérance.
4. Appréciation personnelle du thème :
Après cette analyse du sermon de
Saint Augustin, il sied de dire qu’en
commentant le psaume 41, on a l’impression que le Saint évêque nous fait une
confidence personnelle de son itinéraire spirituelle qui l’a conduit à
l’Eglise. En effet, il a eu une jeunesse mouvementé, mais également préoccupé
et tourmenté par sa recherche du sens. Plus tard, il comprendra que c’est Dieu
qu’il cherchait. Pour s’en convaincre, il n’ya qu’à voir ce qu’il nous en dit
dans son très beau texte les confessions.
De ce fait, nous pouvons dire qu’à
la lumière de l’impression que nous avons eue de notre psaume que, dans la recherche
de Dieu il ya le désir positif de savoir et de comprendre où demeure Dieu. C’est
dire que, tout désir loin d’être mauvais est essentiel en l’homme. Il peut être
la trace de Dieu en l’homme. Ce qui lui pousse toujours d’aller en avant, à
chercher Dieu à l’exemple du cerf altéré. C’est en ayant un désir insatisfait
qu’Augustin a cherché Dieu. Cette découverte de Dieu n’est pas un fait fortuit.
Cette catéchèse nous a révélé de
même que la figure du cerf représente, aussi bien les catéchumènes que les
baptisés. Tous, ont « la soif de Dieu ». Avoir sans cesse
« soif » de celui seul qui seul peut les abreuver et les désaltérer,
mais aussi « soif » de la vie bonne et de la vie morale.
Conclusion :
Au regard de tout ce qui précède,
nous pouvons dire que Saint Augustin a écrit sur tous les sujets qui
concernaient l’Eglise de son temps. Seulement, avec l’évolution du monde
actuel, nous constatons que beaucoup de thèmes et de questions traités par lui
continuent à concerner l’Eglise actuelle. Comme les autres écrits des Pères, on
peut y trouver des orientations, des éléments de réponses aux questions que se
pose le chrétien d’aujourd’hui à l’heur du pluralisme religieux.
Voici quelques critères que Saint Augustin,
nous donne pour assouvir notre soif de trouver Dieu :
v Etre en
communion ecclésiale, car la « soif de Dieu » s’accompagne d’un amour
extraordinaire pour l‘Eglise en tant que « tabernacle de Dieu » ;
v Renoncer au
mal, comme « broyage » des péchés, à l’image du cerf qui
« tue » le serpent en l’écrasant avec son sabot ;
v Confesser la
foi en l’espérance, afin de cheminer vers la Maison de Dieu.
Bibliographie :
Ø DHAMMAN Adalbert G., Dictionnaire des Pères de
l’Eglise, Paris, Desclée de Brouwer, 1977, 239 p.
Ø J. QUASTEN,
initiation aux Pères de l’Eglise, tome 2, Paris, Cerf, 1956,548p.
Ø Cyrille
ATITUNG, Cours de patrologie I, (note inédite), I.S.E.M., année 2011-2012.
[1] Pour les
disciples de MANI (216-277), le monde est partagé entre le bien et le mal, et
les ténèbres de la matière obscurcissent
la lumière de l’esprit.
[2] Cfr.
Saint Augustin, Les confessions.
[3] Un débat
public l’oppose à un ancien ami manichéen le 28 Aout 392.
[4] Saint
Augustin, sermon sur le Psaume 41.
[5] Ibid.
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