POUR QUE L’ENFANT JESUS NAISSE
AUJOURD’HUI EN RD CONGO.
« -Noel, rumeur de joie au cœur de Dieu.
-Un enfant nous est né. Un fils nous est
donné.
-Le peuple qui marche dans les ténèbres, a vu se lever une grande
lumière ».
Voila
tant d’expressions qu’on entend pendant le temps de Noël. Dieu a visité
l’humanité à travers l’incarnation de son Fils Jésus-Christ. Celui-ci s’est inséré
dans le cours de l’histoire de l’humanité, non pas par complaisance, mais pour une
Mission bien déterminée : celle de vivre devant les hommes la plénitude de
la vocation de l’homme tel que voulu par Dieu, afin d’emmener l’homme à une
véritable conversion. Il s’agit de la conversion qui vient du cœur, et non celle conçue au
niveau de la tête. En effet, la
conversion du cœur réconcilie l’homme
avec Dieu et le situe dans une vraie relation avec le prochain ; ceci en
vue de la construction du bien commun. Renouveler donc l’homme et son contexte
de vie, transformer la face de la terre en vue du salut de l’homme est la
mission du Christ. « Sikawa Ngombolo
ekohabiter esika yoko avec mpata, nkoi ekolala près na mwana ntaba, mwana
ngombe et mwana ntambwe bakomanger esika yoko, ata mwana moke ndakoki
koconduire yango. Ngombe na ngombolo ikomanger matiti esika yoko, bana ba yango
bakocoucher esika yoko. Ntambwe na ngombe ikomanger matiti makauki. Mwana moke
ako s’amuser o libulu lya nyoka., mwana moke akoétendre loboko o lilusu lya
etupa » (Is11, 6-8). « O
Yerusalem, teleme mpe ongenge, zambi mwinda mwa yo mozali kotana, nkembo ya
Mokonzi ebimeli yo » (« Lève-toi, et
resplendis, car ta lumière paraît, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi » (Is 60, 1).
Reprenant
ces paroles remplies d’espérance adressée par le Prophète à ses frères Israélites
longtemps croupis sous le lourd fardeau
de l’exil, l’Episcopat du Congo s’adresse au peuple congolais en ces
termes : « O Congo, teleme mpe ongenge.». Mais bien
avant lui, nos aïeuls n’ont pas trouvé mieux que le cri d’espérance jailli du
cœur du Prophète, pour nous exhorter à assumer notre histoire commune, afin de bâtir
un Congo plus beau : « Toteleme
bana ya Congo (Debout Congolais)… ; totelemisa bilongi bya biso egumbami
kala (dressons nos fronts longtemps courbés)… ;… bobanda nzembo esantu ya
mokangano mya bino (…entonnez l’hymne sacré de votre solidarité)…. »
Nous aïeuls nous invitent à entonner notre hymne national, le « DEBOUT CONGOLAIS ».
Mais, au
lieu d’entonner ici le « DEBOUT
CONGOLAIS » dans ce cadre-ci, nous voulons nous arrêter, un temps soit
peu, pour nous interroger sur ce que nous sommes en train de devenir ou, du
moins, le stade où nous sommes présentement. Nous Congolais, pouvons-nous
affirmer, aujourd’hui, sans trouble ni honte au visage, que nous nous sommes
déjà mis debout ? Quels noms pouvons-nous attribuer, nous-mêmes, aux différentes chaînes, qui nous empêchent
de nous mettre debout ? Dans le contexte de crise, qui caractérise
actuellement le pays, que peut faire l’Eglise particulière du Congo afin que
l’espérance annoncée par le Prophète, et
reprise par notre Episcopat (CENCO) à la suite de nos aïeuls, soit
effective ?
Ainsi,
allons-nous, dans un premier moment, nous saisir de grandes lignes que renferme
cet hymne pour réfléchir sur le chemin parcouru par notre cher pays le Congo,
depuis son indépendance jusqu’à nos jours (I). Cela nous permettra, dans un
second moment, de nous intéresser à la catéchèse comme l’un des moyens dont
dispose l’Eglise particulière du Congo pour hâter la venue du Christ dans le
cœur du Congolais et de la Congolaise, en vue de leur action transformatrice au
cœur de la société congolaise.(II)
I- Analyse
de l’hymne national de la RD Congo
Symbole
d’identité d’un peuple, l’hymne national renferme en même temps son passé et
son futur. En lui, le présent remonte continuellement le cours de l’histoire,
pour aller puiser dans le passé les données nécessaires à la construction du
futur. Comportant, de façon patente, le passé du peuple et, de façon latente,
son avenir, il paraît à la fois comme un héritage et un défi, une tradition et un
engagement. En effet, il permet à la génération présente de s’approprier des
aspirations majeures contenues dans la tradition laissée par les générations
passées, afin de s’engager activement dans la création d’espaces de vie plus
beaux aux générations à venir. L’hymne national est donc un ʽʽvéritable
programme d’actionʼʼ pour un avenir meilleur. Guy MASIETA le qualifie de :
« ʽʽpoteau indicateurʼʼ qui marque
la voie à suivre pour le développement du peuple »[1].
Ainsi, nous
Congolais, en chantant le « DEBOUT
CONGOLAIS », comme un seul homme, nous devons continuellement
renouveler notre disponibilité à œuvrer pour le bien être de chacun et de tous,
sur toute l’étendue du territoire.
Mais que dit
au juste l’hymne national ? En méditant sur notre hymne, nous y découvrons
six idées forces : mouvement, ouverture, abnégation pour le travail bien
fait, pleine liberté, reconnaissance, promesse du témoignage de vie.
1- Le
mouvement
« Debout Congolais, unis par le sort, unis
dans l’effort pour l’indépendance. »
Notre hymne commence
par une expression qui exprime un ordre appelant à un mouvement :
« Debout Congolais ». Le Congo actuel peut-il être comparé à l’homme
qui descendait de Jérusalem à Jéricho, tombé entre les mains des brigands qui
l’ont roué de coups et l’ont laissé à demi mort, après l’avoir dépouillé (Lc10,
30-37) ? Ou était-il assis devant le temple comme l’aveugle guéri par
Pierre au Nom de Jésus (Ac3, 6) ? Tout compte fait le Congo n’était
pas debout. Le bilan dressé en 1992 par la Conférence Nationale Souveraine
(CNS), après 32 ans d’expérience de la RD Congo comme pays indépendant, montre
largement que le pays a été profondément affecté par le mal zaïrois[2].
Ce mal porte les noms de libéralisme, de totalitarisme et d’authenticité mal
conçue et mal appliquée. Il s’agit d’un libéralisme qui met, sans grand effort,
le bien commun au profit d’une minorité intouchable ; d’un totalitarisme
qui a fourni, pendant longtemps, à nos gouvernants, les méthodes de conquête et
de maintien du pouvoir ; et d’une authenticité mal conçue et mal
appliquée, qui a, de tout son poids néfaste, servi à l’inversion des valeurs au
sein de la société congolaise. Aussi, il est à mentionner la recherche des intérêts
égoïstes, tant par des nationaux que par des étrangers, qui a été la principale
cause des rebellions et des sécessions qu’a connus le pays. Aussi, assiste-t-on
à un laxisme moral dans le domaine de la gestion des affaires publiques. Les
institutions financières étatiques et para-étatiques sont, en effet, gérées
comme une caisse du Parti-Etat. Le pays, privé de modèles de référence était
tombé dans la médiocrité ; son image à l’extérieur avait été ternie. Le
système éducatif et la recherche scientifique avaient reçu un coup. Le Congo est
donc, depuis sa transformation en colonie belge jusqu’à la Conférence Nationale
Souveraine en passant par l’organisation hâtive de son indépendance, allongé
par terre ou assis. Il avait besoin de se lever. C’est normal que le « DEBOUT CONGOLAIS » retentisse
encore.
Mais
aujourd’hui, peut-on affirmer, sans aucun
retenu, que le Congo s’est déjà mis debout ? L’abondante littéraire
sur la situation du Congo, toutes pertinentes, venant aussi bien de Congolais
que d’étrangers[3], nous
poussent malheureusement à répondre par le négatif. Il est impérieux que, comme
un seul homme, tous les fils et filles de notre pays se mettent debout en vue
de sa construction.
2-
l’ouverture
« Dressons nos fronts longtemps courbés, et
pour de bon, prenons le plus bel élan dans la paix. »
Notre hymne
invite chacun de nous à adopter une attitude qui n’est réservée qu’aux hommes
libres et fiers : « Lever le front ; marcher la tête haute ». Le
Congolais doit être fier pourquoi ? Parce qu’étant intendant d’un nombre
incommensurable de richesses. La RD Congo n’est-il pas considérée comme un
scandale sur les triples plans agricole, hydrographique et géologique ? En
effet, avec une population qui s’élevait en 2003 à 57.596.000 hts répandus dans
les 11 Provinces qui constituent le pays, le Congo est riche en production
agricole. On y trouve en grande quantité le maïs, le riz paddy, le sorgho, le
manioc, la patate douce, l’igname, le haricot, la banane plantain, la banane
douce…. Au niveau de la production animale, citons les bovins, les ovins, les
lapins, les porcins, les volailles. La production agro-alimentaire donne entre
autres le café, le cacao, le thé, le tabac, le bois, l’huile de palme, le coton
fibre, le quinquina, le caoutchouc, la canne à sucre…. La flore est témoin de
la capacité du pays à porter des cultures. Il n’y a pas de paysage à caractère
semi-désertique ou désertique. Le pays est couvert à 48% par la grande forêt
équatoriale, soit plus ou moins 1,125millions de km2, et à 52% par
la savane, soit 1.220 millions de km2. Ces deux types de végétation
renferment environ 10.000 espèces de plantes et nourrissent près de 409 espèces
d’animaux et d’oiseaux. Plusieurs sortes de plantes des climats tempérés se
cultivent en haute montagne comme le blé et la vigne. Le sous-sol congolais
recèle entre autres du niobium, du germanium, du zinc, du molybdène, de la
cassitérite, du fer en abondance, de la bauxite, du titane, du magnésium, du
wolframite, du cadmium, du béryl, des phosphates, de l’absinthe, du barythène,
du diatomite, du mica, du plomb, de l’émeraude, de la topaze, des terres rares
comme la monazite, la bastnaésite, le calcaire, le cuivre, le zinc métal, le
cobalt, le coltan en grande quantité, l’or fin, le diamant, le charbon, le
pétrole…[4].
Le Congo n’a rien à envier à aucun autre pays du monde. Le Congolais a de quoi être
fier.
Mais peut-on
affirmer, aujourd’hui qu’il a le front levé, qu’il est libre et fier ? La
négative court plus vite que la positive dans notre cas d’espèce. Qui peut être
fier devant le nombre d’enfants accueillis par la rue ou produits par
elle ? Ils portent plusieurs noms selon les réalités vécues : ʽʽenfants
sorciersʼʼ, ʽʽenfants de la rueʼʼ ( Shege ), ʽʽKulunaʼʼ, ʽʽenfants soldatsʼʼ….
Que dire des politiques salariales et d’habitation, des transports urbains, de
la fourniture d’électricité et d’eau potable ? A cœur de ce contraste où
le Congo, en même temps qu’il est tellement riche, est pauvre parmi les
pauvres, qui peut donc avoir le front levé parmi nous ? Il est urgent que
nous nous mettions vite au travail ; notre avenir commun en dépend.
3- L’abnégation
pour le travail bien fait
« Oh peuple ardent par le labeur, nous bâtirons
un pays plus beau qu’avant, dans la paix. »
Notre hymne
nous invite à rejeter tout ce qui concourt à la paresse et à nous appliquer au
travail, dans la paix. Mais de quel travail s’agit-il ? Peut-on construire
une nation dans un système où les services publics sont en grande partie défectueux
et où les salaires sont généralement payés en retard ? En fait, la politique
salariale du Congo n’encourage pas la grande partie de la population en âge de
travailler à s’engager dans le secteur public. Le formel cède le pas devant
l’informel ; la recherche de subsistances à court et moyen termes oblige.
Aussi, peut-on attendre grand-chose d’une jeunesse qui, dans sa grande
majorité, se consume dans la boisson, la
danse et le sexe ? Au même rythme effréné que les sectes, les débits de
boisson ʽʽterrassesʼʼ poussent comme des champignons le long des rues et
ruelles. Comment récupérer la masse d’énergie qu’on dépense dans la boisson et
la danse, pour l’investir dans le travail bien fait ? La ʽʽdébrouillardiseʼʼ
doit être découragée au profit du sérieux dans le travail en vue de la pleine
libération de notre pays. Avec nos dirigeants, nous persistons à chanter :
« nous bâtirons un pays plus beau qu’avant ». Où se trouve-t-il ce
pays beau qu’avant ? Le constat, c’est que le peuple meurt de faim ;
il n’a pas accès aux soins de santé ; l’éducation est confrontée à des
problèmes presque insolubles ; il n’y a pas de route et les
infrastructures laissées par nos colonisateurs sont en état de délabrement.
Aujourd’hui, le modèle référentiel de la jeunesse, c’est les musiciens.
Chanter, danser, boire avec tous les vices qu’ils drainent derrière eux
peuvent-ils nous emmener à bâtir un pays plus beau qu’avant ? Comment
construire un pays plus beau dans un système de violence où la société tue ses
propres fils. « Le ʽʽKulunaʼʼ ne
mérite pas la prison, mais le tombeau », dit une expression populaire.
Mais nous oublions que le ʽʽShegeʼʼ et surtout le ʽʽKulunaʼʼ constituent,
aujourd’hui, le reflet parfait de notre société. Ne nous arrive-t-il pas, en
blaguant, de parler de ʽʽKuluna en cravateʼʼ pour fustiger le comportement de
nos politiciens, de ʽʽNsango kulunaʼʼ pour indexer certains prêtres ou
personnes consacrées, de ʽʽSoda kulunaʼʼpour certains abus venant de nos
militaires … ! L’avortement ne dérange plus les consciences individuelles.
A moins que pour nous, bâtir un pays plus beau qu’avant signifie vivre dans la
médiocrité et faire de la violence l’ultime moyen pour arriver à la pleine
liberté.
4- La pleine
liberté
« Citoyens, entonnez l’hymne sacré de votre
solidarité ; fièrement, saluez, l’emblème d’or de votre souveraineté. »
Notre hymne
nous invite à ne jamais perdre de vue que nous constituons un peuple ʽʽlibre à
jamaisʼʼ. Un peuple souverain, est un peuple libre, libre de toutes contraintes
étrangères. Responsable premier de la destinée nationale, c’est à lui de
choisir ses dirigeants par le jeu d’élections libres et transparentes. Sur le
plan économique, c’est à lui de définir le prix de ses services au niveau des
marchés internationaux. Sur le plan culturel, il lui revient d’apprécier et
d’adopter le système éducatif qui répond le mieux à ses exigences culturelles,
son contexte de vie.
Constituons-nous
vraiment un peuple souverain ? Sur le papier, cela ne souffre de l’ombre
d’aucun doute. Mais dans la réalité, le Congo demeure encore, dans tous les
domaines, un pays sous tutelle, totalement dépendant. La politique et
l’économie du pays sont dirigées par les ʽʽgrands de ce mondeʼʼ. Notre système
de formation (enseignements primaire, secondaire et universitaire) est conçu de
telle sorte que nous n’apprenons pas à penser par nous-mêmes, mais à penser
comme les autres veulent que nous pensions : à penser par procuration, à
reproduire la pensée des autres devant nos défis propres. Ce que disent
Washington, Bruxelles et Paris sont plus importants aux yeux de nos dirigeants
que ce que nous disons[5].
Ils financent nos élections, nous imposent nos dirigeants par le biais même des
urnes. Sur les quatre présidents, qui se sont succédés au pouvoir aucun n’a été
réellement choisi par nous les Congolais. Joseph Kasa-Vubu a été élu au second
degré par les parlementaires de l’époque. Joseph-Désiré Mobutu est arrivé au
pouvoir par un coup d’état militaire. Laurent-Désiré Kabila est arrivé au
pouvoir au terme d’une guerre de conquête et d’occupation. L’actuel président
Joseph Kabila a accédé au pouvoir par une sorte de succession dynastique[6].
Et toutes ces manières non démocratiques d’accession au pouvoir ont été
légitimées par des pays qui se réclament, à travers le monde, du titre de
gardiens de la démocratie.
Il urge que
tous, comme un seul homme, nous les fils et filles de ce beau pays, nous nous
levions pour nous réapproprier notre destin, notre histoire et notre terre, don
béni.
5- La
reconnaissance
« Congo. Don béni, Congo ; oh pays,
Congo ; des aïeux, Congo. »
Notre hymne
nous invite à être reconnaissants envers le Créateur et envers nos aïeux. Si le
premier a fait don, à nos aïeux, de ce pays où coulent ʽʽle lait et le mielʼʼ,
un pays qui regorgent d’un nombre impressionnant de richesses humaines et
matérielles, ceux-ci ont su les préserver et nous les léguer en héritage. A
nous aujourd’hui d’entretenir cet héritage pour le léguer aux générations
futures.
« La négligence d’un don laissé par les aïeux
apporte toujours malheur », dit-on souvent. Qu’avons-nous fait, nous
Congolais, du don béni laissé par nos aïeux ? Aujourd’hui, le Congo est
devenu un pays pauvre parmi les pauvres. La misère noire est en train de
décimer une grande partie de la population ; et cette faim ouvre
grandement la porte à la violence sociale. Le pays est immensément riche avec
une population extrêmement pauvre. Nombre d’adultes et jeunes préfèrent aller
vivre et mourir à l’extérieur, en particulier en Occident, qui offre, à leurs
yeux, des conditions de vie paradisiaques. Le déboisement sauvage, c’est-à-dire
non organisé, provoque inévitablement la disparition de plus en plus de nos
espaces verts. Les richesses du sol et du sous-sol sont continuellement pillés
par des puissances étrangères avec la complicité de certains fils du pays. L’égoïsme,
la paresse et la négligence sont des vices qui bloquent la société et constituent
des freins au progrès du pays. Nous devons, à tout prix, les bannir en
cultivant l’esprit de solidarité à tous les niveaux pour construire un pays
plus prospère. Ainsi notre cher pays sera-t-il à jamais un pays libre, et
fera-t-il le bonheur de nos enfants.
6- La
promesse du témoignage de vie
« Nous peuplerons ton sol et nous assurerons
ta grandeur. Trente juin, o trente juin, jour sacré, soit le témoin ; jour
sacré de l’immortel serment de liberté que nous léguons à notre postérité pour
toujours. »
Notre hymne
nous pousse à faire un vœu, dans l’aujourd’hui de notre histoire ; celui de
lutter de toute notre force pour maintenir ou, du moins, améliorer la liberté
acquise par nos aïeux le 30 juin 1960. En effet, ce serment de liberté, nos aïeux
l’ont légué à leurs postérités de générations en générations, et c’est à nous
de le prononcer aujourd’hui ; non seulement le prononcer, mais aussi et surtout
l’assumer. Nous avons alors la lourde responsabilité d’assurer paix et liberté
à tous nos concitoyens, sans exception aucune.
Mais qu’en
est-il au juste ? La situation à l’Est du pays, les tensions
post-électorales fréquentes ; la faiblesse de l’Etat et de ses
institutions ; la grande promiscuité dans plusieurs parcelles donnant lieu à des conditions
précaires de logement et d’hygiène ; l’insécurité grandissante avec le
phénomène ʽʽKulunaʼʼ ; la corruption ; le détournement des deniers
publics ; les conflits interethniques ; la sous information d’une grande
portion de la population ; le manque de liberté suffisante de la presse,
surtout celle privée ;;la difficulté de paiement des salaires, la
fragilité et la vulnérabilité du milieu rural ; la recherche effrénée du
profit individuel…. Tous ces maux nous mettent en demeure, et exigent une
action convergée de toutes les couches de notre société.
Cependant, pour
arriver à ce stade, il faut nécessairement une transformation des mentalités. A
qui incombera ce travail ardu de transformer l’homme congolais et la femme
congolaise ? José MPUNDU répond en ces termes :
« Travailler à la création d’une nouvelle
mentalité est la mission primordiale de la famille (donc des parents), de
l’école (donc des enseignants et de tous les éducateurs), des églises (donc des
serviteurs de Dieu de tout genre), des organisations de la société civile et
des partis politiques (donc des leaders politiques). Toutes ces institutions
sociales doivent, dès à présent, prendre à cœur la transmission au congolais et
à la congolaise, dès le berceau, des valeurs d’égalité, de respect, de
participation, de justice et de liberté comme points de repère et guides de
leur vie personnelle »[7].
Ainsi
devant cet appel urgent que lance la société congolaise à tous ses fils et
filles, pensons-nous réfléchir dès à présent sur la contribution que pourra
apporter l’Eglise particulière du Congo.
II- Action
de l’Eglise particulière du Congo dans la perspective de l’incarnation
Voila là le
carrefour des contrastes sur lequel nous nous situons présentement. Et c’est,
justement, au cœur de cette situation que nous nous préparons à fêter la
Nativité de Jésus. Quel sens voulons-nous donner à cet Evénement ?
Pourrions-nous saisir cette opportunité pour
réfléchir sur le destin commun de notre pays ? Si oui, quelle peut être
la contribution de l’Eglise particulière du Congo ? Selon nous, pour que
l’incarnation du Fils de Dieu devienne source de l’engagement social des
Congolais, l’une des pistes pastorales primordiales que l’Eglise locale doit
emprunter de façon pressante est la formation catéchétique, non de tous les
Congolais ; ce qui est impossible à tous égards, mais de ses propres
fidèles.
Mais pourquoi donner une place de
choix à la formation catéchétique ? En effet, forme
particulière du ministère de la Parole, la formation catéchétique naît de la
profession de foi de l’Eglise et vise la naissance et la consolidation de la
foi chez le croyant[8].
Elle vise la gestation de la vie divine et la maturation de notre filiation
divine acquise dans le Christ ; ceci en vue de notre plein engagement dans
l’Eglise et dans la société. Elle est donc l’acte d’éducation à travers une formation
initiale et continue, qui conduit à une vie d’imitation du Christ. Nous, fils
et filles du Congo, avons donc besoin d’une catéchèse qui puisse nous amener à reproduire, de façon
authentique, les actes et les paroles du Christ dans notre vie et dans notre
société. Un travail de fond doit donc être fait, par notre Eglise particulière,
pour repenser et redynamiser la catéchèse dans son contenu, ses méthodes et à
tous les niveaux de la formation. En fait, telle qu’elle se donne aujourd’hui,
cela n’éveille pas réellement notre conscience à l’engagement chrétien dans la
société. Nous avons l’impression que le formalisme est dominant dans notre
pratique catéchétique. Le contenu de la catéchèse que nous recevons
actuellement, surtout celle initiatique, est sérieusement en déphasage par
rapport à la réalité sociopolitique, économique et culturelle de notre pays.
Elle nous parle, certes, de grandes figures de l’Ancien Testament; des actes et
paroles du Christ et des Apôtres; de la liturgie sacramentelle ; de
la doctrine de l’Eglise catholique romaine sur telles ou telles autres vérités
de la foi chrétienne. Mais, on a l’impression qu’apparemment, nombre important
de ces données n’apportent une réponse concrète aux questions existentielles
que la culture et la société congolaise sont en train de poser à l’Homme
Congolais d’aujourd’hui. Il sort alors de la catéchèse tel qu’il y est entré,
sans aucune transformation. Le contenu de la catéchèse doit donc être centré,
certes sur la Bible, la liturgie et la doctrine ; mais tout ceci doit
nécessairement conduire le Congolais à rencontrer Christ au cœur des valeurs
positives de sa culture et au milieu des défis que présente aujourd’hui la
société congolaise.
Le problème du contenu
fait donc appel à celui des méthodes. Quelles méthodes catéchétiques nous
faut-il aujourd’hui en RD Congo ? Nous ne serons pas longs. Que ce soit la
méthode traditionnelle, celle passive encore qualifiée de ʽʽvoie descendanteʼʼ,
ou la méthode active encore qualifiée de ʽʽvoie ascendanteʼʼ, nous devons
arriver à une pratique catéchétique dans laquelle l’apprenant est mis au centre
de la recherche ; une recherche qui exige de lui un recours constant aux
données bibliques, liturgiques et doctrinales afin de mieux comprendre ses
propres données culturelles et vis-versa.
Quand aux différents
niveaux de la catéchèse, remarquons d’entrée que lorsqu’on parle de catéchèse,
plusieurs d’entre nous ne pensent qu’à l’initiation, tout comme si la catéchèse
se limite à cela. En fait, il existe principalement trois niveaux de l’instruction
catéchétique, à savoir : la catéchèse
de base encore appelée catéchèse
d’initiation, la catéchèse permanente
ou catéchèse ordinaire, et la catéchèse de perfectionnement ou catéchèse spécifique ou encore catéchèse fonctionnelle. [9]
La catéchèse
d’initiation se présente parfois sous deux aspects qui s’entremêlent et se
complètent : la catéchèse pré-baptismale qu’on désigne également sous les
vocables de pré- catéchuménat, pré-catéchèse ou catéchèse kérygmatique ;
et la catéchèse baptismale ou élémentaire. Tandis que la première intervient
comme première annonce pour susciter d’abord la conversion chez des personnes
ayant débuté la formation catéchétique sans aucune conversion authentique
préalable ; la seconde est donnée aux adultes convertis, pour les préparer
au baptême, ou aux enfants déjà baptisés dès le bas âge, pour les préparer aux
autres sacrements de l’initiation chrétienne. Cette seconde catéchèse, en
transmettant donc les données de la foi, conduit à la profession de foi :
elle fait naitre la foi.
La catéchèse
permanente, pour ce qui la concerne, est celle que les chrétiens doivent
recevoir continuellement pour nourrir et développer leur vie de foi. Le lieu
ordinaire de cette catéchèse est l’homélie dominicale ; elle en est la
forme privilégiée. Mais il est aussi d’autres lieux, qui ne sont pas pour
autant intégrés à l’acte liturgique comme l’éducation familiale continue, les
formations dispensées dans les différents mouvements de paroisse, les sessions
de formation, les conférences, les recollections et retraites, etc.
Relativement à la
catéchèse perfective, elle approfondit, de façon systématique, le message
chrétien par un enseignement théologique qui éduque vraiment à la foi, fait
grandir dans l’intelligence de la foi et donne au chrétien la capacité de
rendre compte de son espérance dans le monde de son temps. Il s’agit de la
catéchèse théologique donnée aux futurs pasteurs dans les séminaires de
formation, celle donnée à certaines catégories de laïcs appelés à défendre la
foi dans la société contre certains de ses détracteurs.
La question des niveaux
de la catéchèse fait naitre, entre autres, celle de la formation des agents
pastoraux et celle des structures de la formation. Nous avons besoin de
structures adéquates, à ces différents niveaux de la catéchèse, pour que toute
la vie du fidèle chrétien congolais soit une vie maintenue sous l’emprise de la
formation catéchétique. Ainsi, en dehors du ʽʽCentre Lindongeʼʼà Kinshasa par
exemple, on peut chercher à créer, au niveau de chaque doyenné, des centres de
formation pastorale pour faciliter la formation des catéchistes et autres
agents pastoraux. Au niveau des paroisses, une formation régulière des parents
chrétiens, sous forme de recollection, peut être organisée par les curés et
leurs collaborateurs en vue de solidifier la catéchèse familiale et celle qui
se donne au niveau des CEVB (Communautés Ecclésiales Vivantes de Base).
Les mass médias ne doivent pas faire piètre
figure dans l’effort à fournir par l’Eglise aujourd’hui dans le pays. Comme
Eglise, nous devons chercher à étendre nos informations sur une longue
distance, et vers toutes les couches de la société, afin d’apporter une
certaine éducation chrétienne à chacune d’elles. L’Eglise particulière du Congo
a donc besoin de revoir aujourd’hui sa pratique catéchétique pour permettre au
fidèle chrétien congolais de rencontrer réellement le Christ, en vue de la
transformation de sa société qui passe par celle de sa vie.
En
somme, ʽʽgémissant
et pleurant dans cette vallée de larmesʼʼ, le peuple congolais a besoin de
secours. Et le seul que l’Eglise catholique sise en son sein a à lui proposer,
c’est le Christ. Il faut que sa naissance soit vraiment une réalité
transformatrice de notre histoire aussi
bien individuelle que commune. Mais pour que cela advienne, l’Eglise a la
lourde responsabilité d’organiser la formation catéchétique de ses fidèles, de
telle sorte que celle-ci soit en mesure de les amener à se pencher
continuellement sur la Bible, la liturgie et la doctrine afin de répondre aux
défis sociaux. Notre témoignage de vie chrétienne authentique deviendra alors
ferment de transformation de la société congolaise.
Yaka kofanda o kati ya mokili moye
opesaki na bankoko ba biso. Mbotama ya yo o kati ya biso ekobongola mpasi ya
biso na nkembo ya yo. Oh, visite cette terre que tu as donnée à nos ancêtres.
Viens, Sauveur du monde, lève-toi, Clarté d’en haut ; Vrai Soleil du jour
nouveau, viens percer notre nuit profonde. Ta naissance au cœur de notre
histoire transfigurera nos tourments en douleurs d’enfantement où, déjà, surgit
ta gloire. Nos douleurs ne disparaitront donc pas, mais elles seront
christifiées ; désormais vécues dans la pleine conscience de ta présence.
Vois donc le mal et la souffrance qui nous tiennent jusqu’au cou ; vois
tant de Congolais chancelant dans l’immense enchainement du mépris et des
violences[10].
Oh Notre Frère Christ et Seigneur, nous périssons, descends vite à notre
secours ».
Comlan Armel
ATOHOUN
[1] Guy
MASIETA, « Debout Congolais. (Lève-toi et marche) », in Revue Engagement social, no.20,
Limete-Kinshasa, L’Epiphanie, 2006, p.9
[2]
Mgr I. MATONDO kwa NZAMBI, « Déclaration de la Conférence Episcopale du Zaïre
à la Conférence Nationale Souveraine (C.N.S.) », in Revue Eglise africaine et dialogue, no.12,
Kinshasa, Facultés Catholiques de Kinshasa, 1993, pp.5-23
[3]
MPUNDU José, Un autre Congo est possible
si…, …… ; TALA-NGAI Fernand, R.D.C.
de l’an 2001 : déclin ou déclic ?, Kinshasa, Analyses sociales,
2001, 220 p ; MASIETA Guy, Debout
Congolais (Lève-toi et marche), in revue Engagement social, no.20,
Limete-Kinshasa, L’Epiphanie, 2006, 39 p ; KAMA FUNZI MUDINDAMBI Firmin, Le Congo : un mendiant assis sur un
montagne d’or, Kinshasa, Amimweni, 2008, 165 p ; Revue Eglise
africaine en dialogue, no.12 ; Revue Congo-Afrique ; Revue Renaitre,
bimensuel chrétien d’information et d’opinion, SANTEDI Kinkupu Léonard, Les défis de l’évangélisation dans l’Afrique
contemporaine, Paris, Karthala, 2005, 162 p ; Conférence Episcopale
Nationale du Congo, Nouvelle
évangélisation et catéchèse dans la perspective de l’Eglise famille de Dieu en
Afrique. Instruments à l’usage des agents de l’évangélisation et de la
catéchèse en République Démocratique du Congo, Kinshasa-Gombe, Secrétariat
Général de la CENCO, 2000, 142 p…
[4]Cf.
Firmin KAMA FUNZI MUDINDAMBI, Le Congo :
un mendiant assis sur une montagne d’or.
[5]
Cf. José MPUNDU, Un autre Congo est
possible si….
[6]
Idem, p.11-12
[7]
José MPUNDU, Op.cit, p. 28
[8] DUBUISSON Odile, L’acte catéchétique; son but, sa pratique, Paris, le Centurion,
1982, p. 26.
[9]
Ibidem, no. 61-71.
[10]
Livre des heures. Prière du temps présent, Paris, Cerf - Desclée - Desclée de
Brouwer - Mame, 1980, p. 2 et 7
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