COMMUNAUTÉS RELIGIEUSES EN AFRIQUE:
LE DÉFI DE LA FIDÉLITÉ/2
* Quelles sont les difficultés majeures que
rencontrent l'accueil et la pratique des conseils évangéliques dans les
cultures africaines?
Quand nous parlons des conseils évangéliques, dont
la profession caractérise toute forme de vie consacrée, nous parlons surtout
d'une attitude profondément unitaire. Les conseils évangéliques ne sont autre
chose que l'expression d'un comportement fondamental qui oriente toutes les
dimensions anthropologiques, définies par la chasteté, la pauvreté et
l'obéissance, vers la relation préférentielle avec Jésus Christ. Avant d'être
une "réponse", c'est-à-dire un engagement concret (et aussi
juridique, avec les vœux) de la personne consacrée qui les assume dans la
profession, les conseils évangéliques sont un "charisme", un don du
Dieu trinitaire qui nous appelle à prendre part à sa vie. L'accueil d'un tel
don exige une attitude de foi. La chasteté, la pauvreté et l'obéissance sont,
au fond, un unique acte de foi, une confessioTrinitatis, qui se traduit ensuite
en comportement moral, en discipline et règle de vie. Sans une vie de foi, les
conseils évangéliques perdent leur valeur théologale. Ils projettent la personne
qui les assume vers un horizon eschatologique ; ils expriment l'éschaton du
Corps du Christ, de l'Eglise, préfigurée en Marie.
Les conseils évangéliques sont en même temps
inséparablement liés à la communauté religieuse qui en soutient l'engagement ;
ils sont également des dons pour édifier la communauté et l'Église. Une
communauté fraternelle et pleine de ferveur religieuse joue un rôle très
important dans la pratique des conseils évangéliques. Le péché contre la
pauvreté, la chasteté et l'obéissance est un péché contre la communauté. Cette
adhésion aux conseils évangéliques, en tant qu'acte personnel et existentiel de
foi, se heurte à toutes les cultures et, de toute évidence, aussi aux cultures
africaines, encore moins pénétrées par les valeurs évangéliques et souvent
dominées par une vision anthropologique qui ne sait pas mettre au centre
l'individu avec sa propre sphère de responsabilité et de liberté.
* On
soutient ça et là que l'engagement pour la chasteté consacrée ne
"s'adapte" pas aux cultures africaines, essentiellement portées à
exalter la vie et la fécondité.
La chasteté consacrée est un engagement qui pose
problème dans toutes les cultures : pour toutes les cultures et pour toutes les
races, elle constitue un défi pour la nature humaine et exige un processus
pénible d'ascèse et de discipline qui dure toute la vie.
Les cultures africaines qui exaltent la fécondité ne
favorisent certainement pas toujours la compréhension d'un tel engagement qui
ne peut être assumé qu'à l'intérieur de la vision précédemment évoquée,
c'est-à-dire à partir d'une attitude de foi, d'amour préférentiel pour le
Christ et pour son Église.
Nous ne pouvons cependant pas accepter la vision
selon laquelle l'homme africain aurait plus de difficultés que les autres à se
donner totalement au Christ, rencontré personnellement sur son parcours
existentiel. Autrement, nous deviendrions racistes tout en insinuant la
conviction selon laquelle l'homme africain n'est pas capable de suivre le
Seigneur avec la même intensité et le même amour que l'homme occidental. On est
souvent confronté, surtout en Afrique, à une vision très restrictive de la
chasteté, fondamentalement conçue comme une abstention de l'exercice de la
sexualité ou encore comme une sublimation de celle-ci, et non comme
appartenance totale à l'Époux, lequel s'est rendu charismatiquement présent
dans le projet évangélique de l'institut religieux. La chasteté est une
disponibilité totale pour ce projet charismatique pour lequel nous offrons nos
énergies et notre corps (et non seulement une partie de celui-ci).
Les personnes consacrées sont appelées à offrir leur
corps, leur cœur, leur travail dans la réalisation de ce projet, ayant renoncé
à la possibilité de fonder leur propre famille et de vivre des relations privées.
Il n'y a donc pas de raison que l'on ait renoncé à tout ceci, au nom du vœu de
chasteté, pour rester toute la vie, par la suite, lié aux problèmes de la sœur,
du neveu, de la tante ou de l'oncle maternel.
Il est particulièrement important, en Afrique, que
l'on mette l'accent sur cette vérité : être constamment impliqué dans les
problèmes de sa famille d'origine (même de celle élargie) est contraire au vœu
de chasteté. Le paradoxe qui se crée parfois est qu'ayant renoncé, du point de
vue humain, à son propre "futur" au nom de la prophétie
eschatologique, on reste ensuite prisonnier de son "passé". On assume
le vœu de chasteté, en renonçant au projet de fonder sa propre famille, mais on
reste attaché à la famille d'origine, à celle de la sœur, du frère, etc.
Combien de religieux et religieuses, combien de prêtres en Afrique prennent en
charge la famille d'origine qui voit en eux l'opportunité d'une sécurité
sociale ! L'appel de Dieu, surtout dans la vie religieuse, demande qu'on laisse
la maison de son père, que l'on quitte sa propre terre, pour avancer vers une
nouvelle terre et un nouveau peuple.
A ce sujet le Saint Père, en 1980, dans une
Allocution adressée aux Carmélites de Kinshasa, soulignait l'importance du fait
que la fécondité, de même que l'attachement à sa propre famille, qui sont des
valeurs profondément enracinées dans les cultures africaines, peuvent être
vécues par la religieuse africaine à l'intérieur d'une communauté beaucoup plus
vaste, continuellement renouvelée et au bénéfice d'une fécondité spirituelle
absolument surprenante. Attention, cependant, à ne pas faire du problème de
l'attachement à la famille naturelle un problème typiquement africain. Même en
Europe, la famille d'origine, à travers ses liens affectifs et de protection,
exerce un poids déterminant sur les personnes et, en périodes de crise, devient
l'unique refuge et l'unique ancre de salut.
* Le vœu de pauvreté semble poser de nombreux
problèmes aux communautés religieuses qui vivent en Afrique, lesquelles ont
souvent des difficultés pour faire comprendre le sens de cet engagement aux
candidats autochtones.
L'engagement à la pauvreté consacrée comporte
souvent une équivoque pour les membres des communautés religieuses en Afrique.
Ceci parce que les religieux ont généralement un niveau de vie plus aisé par
rapport à celui des populations environnantes. Le vœu sonne comme une duperie,
parce qu'en fait, concrètement, il sanctionne le passage à un style de vie plus
riche par rapport à celui mené jusques alors au sein de sa propre famille.
Concrètement, on renonce à ce qu'on n'a jamais possédé dans le cadre social de
sa propre famille d'origine, pour retrouver, au sein de la nouvelle famille
religieuse, la garantie de recevoir tout ce dont bénéficient les membres de la
communauté.
C'est ainsi qu'en 1986, à travers certaines
instructions et directives données pour la vie consacrée dans le pays,
l'Épiscopat de l'ex-Zaïre s'exprimait opportunément en disant qu'il faut éviter
d'imposer au peuple la "difficile acrobatie de l'esprit" qui consiste
à appeler "pauvre" ce qui est visiblement "riche".
L'engagement à vivre la pauvreté évangélique, en Afrique, exige des instituts
religieux une réflexion profonde sur la manière et sur les structures qui
l'expriment et la rendent authentique et visible. Dans une situation de misère
et de sous-développement, la pauvreté des religieux n'est en aucun cas
évidente. Il est nécessaire qu'on insiste plutôt sur la disponibilité, sur le
service aux pauvres, sur l'abandon des projets personnels, sur la communion des
biens, sur le bien commun et aussi sur l'engagement pour le développement.
En effet, la pauvreté évangélique exige qu'on lutte
contre la misère ; elle demande que l'on travaille dur pour
"s'enrichir" et pour pouvoir donner, afin de participer au mystère du
Fils qui, de riche qu'il était, s'est fait pauvre pour nous enrichir. Comme
aimait le dire Mgr Jean Zoa, ancien Archevêque de Yaoundé, dans toute sa
profondeur de théologien et de pasteur africain : la joie du chrétien se trouve
dans sa capacité de partager ce qu'il a ; mais pour partager, il faut avoir ;
pour avoir il faut produire ; pour produire il faut travailler rationnellement
et s'organiser solidairement avec les autres.
Ceci signifie que le discours sur la pauvreté
évangélique ne devient authentique qu'au bout d'un processus durant lequel les
membres des communautés religieuses ont véritablement développé toutes leurs
potentialités, pour produire des richesses et, par la suite, les mettre en
commun afin de les donner aux plus pauvres. L'engagement à vivre la pauvreté
religieuse en Afrique oblige les jeunes candidats à la redécouvrir aussi comme
travail matériel, comme prise en charge de leurs exigences personnelles, comme
conscience que les biens ne tombent pas du ciel (dans le sens qu'ils sont
continuellement assurés par l'Europe), mais que ces biens sont le fruit de
l'engagement de chacun. Jean Paul II, en 1992 à Conakry, affirmait qu'il est
fondamental pour tous les religieux en Afrique de donner l'exemple dans le
travail, lequel est nécessaire pour gagner sa vie et source de fierté ; car, il
associe l'homme à l'œuvre divine de la création continuellement en acte.
L'attitude au travail manuel représente, entre
autres, un élément important de vérification des vocations, justement dans une
vision culturelle très répandue où la vie religieuse est considérée comme une
promotion vers un statut social qui dispense du travail manuel, considéré comme
servile. Cet engagement au travail doit constituer, en outre, un modèle de
développement pour le peuple qui vit dans la misère. Un dernier aspect de la
pauvreté religieuse est la conviction selon laquelle les biens des communautés
ne sont pas des biens privés. Ils n'appartiennent ni aux membres, ni aux
supérieurs, ni même à l'institut, mais ils sont au service du Règne de Dieu qui
se concrétise à travers la réalisation du projet charismatique de l'institut.
* Que dire alors au sujet du vœu d'obéissance qui
semble aujourd'hui moins contesté en Afrique par rapport à ce qu'il est au sein
de la culture démocratique occidentale ?
Même en ce qui concerne l'obéissance religieuse, il
est nécessaire d'écarter plusieurs équivoques. Le contexte socioculturel qui
caractérise de nombreux pays africains a connu la domination et la
colonisation. Il est aussi caractérisé par des structures claniques et
familiales avec des pouvoirs souvent hiérarchisés. Un tel contexte porte
facilement à interpréter l'obéissance religieuse comme une soumission humaine
et sociale à des règles et à des mécanismes préétablis. L'obéissance religieuse
présuppose toujours la liberté, de même que la chasteté consacrée présuppose
l'amour et la pauvreté suppose une richesse que l'on désire donner : c'est là le paradoxe des conseils
évangéliques. En dehors de cela, l'obéissance peut aussi être très commode : on
renonce à réfléchir, à assumer des responsabilités, à construire activement, en
échange de la prise en charge de notre personne par l'institut.
Dans les noviciats, avant de parler de l'obéissance,
il faudrait d'abord éduquer les jeunes à la responsabilité, à la
coresponsabilité, à l'intelligence, à la créativité, à la volonté, à la
participation responsable au projet évangélique de l'institut. Il est
nécessaire de transmettre la conscience que chacun a l'obligation d'apporter sa
contribution au patrimoine commun ; car le charisme de l'institut est confié
par Dieu, qui est à l'origine de toute vocation, à chacun des membres et non
seulement aux supérieurs et aux chapitres.
L'obéissance religieuse exige la liberté et le
partage du projet. L'obéissance est Jésus qui meurt en croix, dans sa
participation extrême au projet du Père et dans son amour pour Lui. Dès lors,
il est nécessaire de redécouvrir la participation au projet de l'institut,
laquelle suppose la connaissance et la fidélité créative à ses origines
charismatiques, à sa propre identité et à ses exigences. En dehors de ce
projet, on risque d'obéir tout simplement à soi-même, à ses propres programmes,
ou alors, il peut s'agir d'une fausse obéissance qui permet de nous décharger
de nos responsabilités tout en rendant coupables les autres quand les choses
tournent au vinaigre.
Enfin, on ne saurait oublier que la pratique des
conseils évangéliques engage non seulement chacun des membres, mais aussi
l'institut tout entier. Il n'y a aucun sens à dire que le religieux vit dans la
pauvreté pendant que l'institut possède beaucoup de richesses ; que le
religieux vit dans la chasteté, mais que l'institut n'est pas chaste en raison
de sa prostitution vis-à-vis du pouvoir et du manque du courage de parler et de
proclamer la vérité. Et encore, que le religieux vit le vœu d'obéissance, mais
les choix de l'institut n'obéissent pas au projet charismatique qui seul
justifie son existence dans l'Église.
* Les cultures africaines ne valorisent pas facilement
l'individu et ses choix. Ne représentent-elles pas, dans ce sens, un obstacle
sérieux pour une vision capable de soutenir le choix vocationnel d'une vie
consacrée ?
De nombreuses cultures africaines sont marquées par
une vision anthropologique de type clanique. Ici l'individu n'a pas de valeur
en dehors de son clan, de son groupe et de sa famille qui décide pour lui. Il
est très souvent difficile, dans de nombreuses langues d'Afrique, de traduire
le mot "personne", qui est une notion fondamentale pour une
philosophie et une théologie chrétiennes.
Dans ce contexte, il s'agit d'agir en profondeur
même avec une créativité au niveau terminologique, sans oublier par exemple que
la valeur assumée par la parole "personne" est la résultante de la
réflexion trinitaire et christologique des premiers siècles de l'Église. Il
serait nécessaire de déclencher un processus de "re-création
linguistico-terminologique" semblable à celui entrepris par la réflexion théologique et conciliaire
des premiers siècles. Là où on ne récupère pas le sens de la responsabilité et
la capacité de donner des réponses personnelles, on ne comprendra pas
l'obéissance, encore moins la fidélité et l'amour.
En Afrique, on est souvent confronté au phénomène de
la sorcellerie, c'est-à-dire à une vision de forces magiques qui dominent la
vie, la nature et l'histoire, une vision qui soustrait l'homme à la fatigue de
sa propre liberté de choix et de sa propre responsabilité. Ne nous étonnons
pas, car même en Occident, il existe un mécanisme analogue à celui-ci, bien
qu'il s'exprime par des formes culturelles différentes, qui affaiblit la
conviction de la responsabilité de l'individu là où, par exemple, une vision
structuraliste la soumet aux différentes forces du contexte social, humain et
environnemental.
Il faut donc découvrir dans l'Église et dans la
société africaine, au sein même du conflit social (car il n'existe pas de
prétendues sociétés non conflictuelles, comme certains anthropologues le
voudraient), la liberté qui est avant tout liberté de faire des choix et donc
liberté de donner définitivement sa propre vie, liberté qui se livre par amour,
dans l'obéissance, dans la chasteté et dans la pauvreté. Nous devons croire que
l'Évangile est vraiment libérateur ; il sépare le fils de son père, la fille de
sa mère et crée une nouvelle culture. Le lien de sang et de nature est dépassé
par le lien de la grâce et de l'esprit. Cet Évangile est un vrai défi pour ces
cultures africaines au sein desquelles les liens familiaux, ethniques et
claniques se transforment parfois en religion. Tant que nous ne serons pas
capables de vivre la communauté religieuse et de former une nouvelle famille
dans l'Église, nous serons toujours liés au cordon ombilical de notre famille
d'origine.
Il y a en plus une autre dimension propre à
certaines cultures africaines qui représente un obstacle pour la foi
chrétienne. C'est là où on affirme une vision cyclique du temps qui refuse le
progrès, le développement, la nouveauté. La culture biblique nous présente une
vision du temps qui comporte en elle-même la possibilité d'un progrès. Dieu
fait irruption dans l'histoire de l'homme et la transforme, en la faisant
progresser pour arriver à la plénitude qui est le Christ total.
La même chose survient dans notre histoire
personnelle, si nous acceptons d'entrer dans cette vision biblique. Quand Dieu
appelle Abraham et, dans sa liberté, ce dernier répond à l'appel en accueillant
la Parole, c'est une nouvelle histoire qui naît et qui brise la vision cyclique
du temps. On ne pourra plus dire que "ce qui fut, cela sera, ce qui s'est
fait se refera, et il n'y a rien de nouveau sous le soleil !" (Qo 1,9).
Abraham accueille la Parole, quitte son pays et la maison de son père et va
vers la réalisation de la promesse. Il crée une nouvelle histoire, une nouvelle
culture et un nouveau peuple.
C'est cette même réalité que nous sommes invités à
vivre au sein de nos communautés religieuses. Face à l'interpellation de la
Parole de Dieu, nous pouvons répondre "oui" ou "non". Cela
comporte une nouveauté dans un sens comme dans l'autre, dans le bien ou dans le
mal. L'homme ne demeure jamais le même, quand il est confronté à la parole de
Dieu. La nouveauté nous vient de Dieu, de sa transcendance qui entre dans notre
histoire et exige notre réponse.
* La vie commune est un grand défi pour les
religieux. Quelle est son importance en Afrique ?
Le témoignage de la vie de communauté est
fondamental. La communauté est le signe de la communion trinitaire. Nous ne
devons jamais oublier que le Dieu en qui nous croyons est un Dieu trinitaire,
le Dieu d'Abraham, d'Isaac, de Jacob, de Jésus Christ, et pas simplement le
dieu de la philosophie grecque ou celui des religions traditionnelles. La vie
religieuse est l'icône de la Trinité. Selon l'expression, très profonde, de
l'exhortation Vita consecrata, elle est "l'une des traces perceptibles
laissées par la Trinité dans l'histoire, pour que les hommes puissent connaître
la fascination et la nostalgie de la beauté divine" (Vita consecrata, 20).
La vie commune des religieux se construit à l'image
de cette communion trinitaire. Si nous détruisons la communauté, nous cessons
d'être icônes et nous cachons les traces laissées par la Trinité dans
l'histoire. On cache ces traces chaque fois que nous nous soumettons aux critères
de la race, de l'ethnie, de la culture, des différences sociologiques et
caractérielles... Là où ces distinctions sont plus fortes que l'unité, il n'y a
plus de vie religieuse. Le défi trinitaire consiste précisément dans la
construction de l'unité à partir de la diversité.
Au sein de la Trinité nous trouvons la plus grande
distinction en ce qui concerne les relations entre les personnes (le Père n'est
ni le Fils ni l'Esprit), mais en même temps réside en elles l'unité la plus
abyssale (c'est le même Dieu en trois personnes). La vie religieuse est icône,
"trace" et confession de la Trinité. La réalité trinitaire demeure un
mystère pour nous ; nous pouvons cependant nous approcher d'un tel mystère par
la voie de l'expérience. Dans nos communautés religieuses, nous pouvons
construire l'unité à partir de nos différences ; ceci nous permettra, entre
autres, de mieux comprendre le mystère trinitaire.
Dans une vraie communauté n'existent pas ceux qui ne
font que donner et ceux qui ne font que recevoir : nous sommes tous appelés à
donner et à recevoir. Si nous ne sommes pas capables d'offrir un exemple
d'unité dans notre famille religieuse, comment pourrons-nous parler d'amour et
d'unité aux autres ? Dans ce cas, tout le travail que nous faisons ne serait
plus l'œuvre à travers laquelle la grâce de Dieu se rend présente et nous ne
serions plus que des hypocrites. Par contre, dans la mesure où nous menons une
vie fraternelle authentique, nous pourrons faire des progrès dans la vie
intérieure et aussi dans la mission, dans l'annonce et dans l'action
apostolique.
Le grand défi de la mission ne consiste pas, à mon
avis, dans l'exportation ou l'extension du modèle occidental ; encore moins
dans la multiplication des modèles ecclésiaux liés aux différentes identités
culturelles. Il s'agit plutôt de créer des modèles "transculturels"
qui préfigurent, dans le temps et dans l'histoire, l'Église comme "signal
levé devant les nations" (Sacrosanctum Concilium, 2). Le défi majeur est
de former des communautés prophétiques où l'on soit capable de conjuguer le
maximum de différences avec la plus profonde unité et communion.
Revenant à l'exemple de la vie trinitaire, cette
dernière possède sa dimension interne, ad intra, et une dimension externe, ad
extra. Si les missions ad intra se constituent dans l'opposition des relations des personnes trinitaires, dans
les missions ad extra, l'on souligne l'action unitaire de toute la Trinité.
C'est la même chose pour la communauté religieuse : on trouve en son sein tout
genre de distinctions, mais à l'extérieur c'est l'institut qui est présent et
qui œuvre.
(À suivre)
18/11/2010
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