Notre
investigation consiste à résumer une partie du livre « le prix de la grâce » dont l’auteur
est Dietrich BONHOEFFER. Cette partie s’intitule « la grâce qui coute ». Il est
important de signifier que Bonhoeffer fut un théologien allemand riche de
promesses et de dons, mais aussi un homme d’exception. Opposé au nazisme, il
fut impliqué dans un complot contre Hitler et mis à mort en Avril 1945 à l’âge
de 39 ans. Martyr, témoin, prophète et précurseur, il reste l’une des grandes
voix de l’Eglise aujourd’hui. Dans cet ouvrage, il développe un cheminement
étroit et rude sur la ligne des crêtes
où « l’essentiel est de régler ses
pas sur ceux de Dieu »[1]. En
fait, la grâce est un don, une faveur
que l’homme reçoit de la part de Dieu. Cependant, cette faveur réclame
une réponse libre de la part de la personne humaine. La grâce divine fait appel
à l’obéissance de la part de l’homme, cette grâce coute chère puisqu’il elle a
coutée cher à Dieu.
En
effet, avec l’extension du christianisme et la sécularisation croissante de
l’Eglise, la notion de la grâce qui coute se perdit de façon graduelle. La vie
chrétienne est confrontée à un relativisme. Avec la mondialisation, tout semble
être permis. En fait, les vices d’alors sont entrain de s’ériger en
vertu ; nous pensons à l’homosexualité, pédophilie, relativisme dans la vie
spirituelle, le syncrétisme religieux, la superstition etc. Avec toutes ces anti-valeurs
qui menacent la vie chrétienne, la grâce divine est devenue comme un bien
commun d’un monde chrétien. On peut l’avoir à bon marché, à vil prix, bref,
sans aucun effort.
1. La grâce à bon marché
En fait, la grâce à bon marché est
comprise par notre auteur comme étant une marchandise à liquider, quelque chose
à vendre, l’auteur la nomme comme « le pardon au rabais, consolation au rabais, le sacrement au
rabais ; la grâce est servant de
magasin intarissable à l’Eglise, où des
mains inconsidérées puisent pour distribuer
sans hésitation ni limite ; la grâce non tarifié, la grâce qui ne
coute rien»[2].
Cette grâce est acquise gratuitement. Non seulement cette grâce s’obtient sans
aucun effort, mais elle se conçoit aussi comme le pardon des péchés. La grâce
est envisagée ici en tant que doctrine, en tant que principe, système ;
c’est le pardon des péchés considéré
comme une vérité universelle. C’est l’amour de Dieu pris comme une idée
chrétienne de Dieu. L’affirmer, c’est posséder
déjà le pardon des péchés.
L’Eglise qui prône cette doctrine
est dorés et déjà, par elle, participante de la grâce. Dans cette Eglise, le
monde y trouve un voile pour couvrir ses péchés, lesquels, il ne se repent pas
et dont il ne désire pas se libérer. La grâce à bon marché est la négation de
la Parole vivante de Dieu, celle qui invite à la conversion en vue du royaume.
Cette grâce se présente comme étant la justification du péché et non du pécheur
puisque la grâce fait tout toute seule, tout n’a qu’à rester comme
auparavant, « toutes nos
œuvres sont vaines ; le monde reste monde et nous, nous demeurons pécheurs
même avec la vie la meilleure »[3].
La
grâce à bon marché est cette grâce que l’on obtient par soi-même. La justification du péché est mise en exergue
que la justification du pécheur repentant. Elle est la prédication du pardon
sans repentance, le baptême sans discipline ecclésiastique, c’est la sainte
cène sans confession des péchés, c’est l’absolution sans confession
personnelle. Cette grâce ne se fait pas accompagner par l’obéissance, elle est
une grâce sans la croix, la grâce où l’abstraction
est faite de Jésus-Christ vivant et incarné.
Par contre, la grâce qui coute est
conçue comme le trésor caché dans le champ, la perle de grand prix, le royaume
du Christ. A cause d’elle, on va et vend tout ce qu’on a, on n’abandonne tout
ces biens pour l’accueillir. Elle est l’Evangile qu’il faut toujours chercher
de nouveau, le don pour lequel il faut prier, la porte par laquelle il faut
frapper. Elle coute puisqu’elle fait appel à l’obéissance ; elle est aussi
grâce parce qu’elle appelle à l’obéissance de Jésus-Christ ; elle coute
car elle est pour l’homme au prix de sa vie ; elle coute parce qu’elle
condamne les péchés ; elle est grâce parce qu’elle justifie le pécheur. La
grâce coute cher d’abord puisqu’elle a couté cher à Dieu, elle a couté à Dieu
la vie de son fils[4].
La grâce qui coute c’est la grâce en tant qu’elle est le sanctuaire de Dieu
qu’il faut protéger du monde; aussi est-elle grâce en tant que Parole vivante,
Parole de Dieu qu’il prononce lui-même comme il lui plait. Cette parole nous
atteint sous la forme d’un appel miséricordieux à suivre le Jésus sur la voie
de l’obéissance, elle se présente à l’esprit angoissé et au cœur abattu sous la
forme d’une parole du pardon. La grâce coute cher car elle contraint l’homme à
se soumettre au joug de l’obéissance de Jésus- Christ[5].
Dans
partie suivante nous allons essayer de voir comment l’Eglise malgré la pression
venant du monde a pu conserver la notion
de la grâce qui coute. Aussi, nous essayerons de montrer que dans la même
Eglise, certains des pasteurs au cours de son histoire ont failli quelque peu à
leur mission en annonçant la grâce à bon
marché, au lieu d’annoncer la grâce qui coute, à travers différentes pratiques
comme la simonie. D’où certaines exhortations à la conversion et à la
réforme comme celui de son fils prêtre Martin Luther qui par la suite va déchoir
de même plus bas en prônant aussi la grâce à bon marché.
En
effet, l’Eglise à travers le monachisme conserva la notion de la grâce qui coute,
celle qui implique l’obéissance. En fait, des hommes et des femmes pour l’amour
du Christ quittaient tout ce qu’ils avaient et se forçaient d’obéir dans une
pratique quotidienne aux sévères commandements de Jésus-Christ, de sorte que la
vie monacale devient une vivante protestation à l’endroit de la sécularisation
du christianisme et de la grâce à prix réduit. Cependant, l’Eglise en
supportant cette protestation, en ne la laissant pas se développer jusqu’à son
éclat final, elle l’a relativisée ; bien plus, elle en a même dès lors
tiré la justification de sa propre vie sécularisée ; car, désormais, la
vie monacale se trouva être la prouesse isolée des quelques-uns, prouesse à laquelle il n’était pas question
d’astreindre la masse du peuple de l’Eglise. Le monachisme commettra donc
l’erreur, celle de ne pas suivre l’itinéraire de la grâce dans une stricte
obéissance. « Il s’est bien plutôt
éloigné fondamentalement de ce qui est chrétien en laissant son itinéraire
devenir la prouesse isolée et facultative de quelques-uns et, ce faisant, en
revendiquant pour cet itinéraire un caractère méritoire particulier »[6].
C’est ainsi que Dieu lors de la réforme réveilla par le canal de son serviteur
Martin Luther, l’Evangile de la pure grâce qui coute. Luther dut quitter le
couvent et rentrer dans le monde, non que le monde fût en soi bon et sain, mais
le couvent n’était rien d’autre que le monde.
En
effet, dans le monachisme, l’humble entreprise de l’obéissance était devenue
une œuvre méritoire des saints. La négation
de soi-même de celui qui obéit à Jésus
s’y révélait ultime affirmation d’eux-mêmes par des dévots. Ainsi le
monde pénétra de force en plein milieu
de la vie monacale où il se remettait dangereusement à l’œuvre. C’est
dans cet échec de l’ultime possibilité de mener une vie pieuse que Luther saisit
la grâce. Il vit dans la faillite du monde monacal. La grâce qui s’offrit à lui
coutait chère, elle brisa toute son existence. C’est la justification du
pécheur et non point justification du péché qui amène Luther à sortir du
couvent. Et la grâce dont il fit l’objet était une grâce qui coute cher, elle
était le pardon des tous les péchés. Elle coutait chère car elle ne dispensait pas de travailler ou
d’obéir.
Toutefois,
dans l’histoire de la réforme, ce n’est pas la reconnaissance par Luther de la
pure grâce qui coute qui a fini par remporter la victoire mais ce fut au
contraire, « l’instinct religieux de
l’homme toujours en éveil pour découvrir l’endroit où l’on peut acquérir la
grâce au prix le plus bas ».[7] En
découvrant la pure grâce, il a proclamé une dispense d’obéissance à l’égard du
commandement de Jésus dans le monde. En fait, si la grâce est le «
résultat » donné par le Christ lui-même, de la vie chrétienne, cette vie
n’est alors à aucun moment dispensée d’obéissance. Si par contre, la grâce est
l’hypothèse de principe de ma vie chrétienne, je possède alors, par là-même,
d’avance la justification des péchés que je commette pendant cette vie dans le
monde.
En
proclamant ouvertement « Pecca fortiter, sed fortius fide et gaude in
Cristo » qui veut dire : Pèche courageusement, mais crois et
réjouis-toi en Christ d’autant plus courageusement, Luther proclame la grâce à
bon marché. Selon sa pensée, on peut donc
continuer à pécher puisque le monde est en principe justifié par grâce. Par
conséquent, la vie chrétienne consiste à vivre dans le monde comme tout le
monde, à rien se distinguer du monde. Le chrétien est dispensé de l’obéissance de
Jésus par la grâce à bon marché.
En
fait, la critique que nous comptons formuler à l’endroit de notre auteur c’est
d’apprécier les arguments avec lesquels il a su défendre sa thèse. Notre auteur
s’est montré honnête et vrai quand il présente les deux types de grâce à savoir
la grâce à bon marché et la grâce qui coute. Egalement en présentant la
position de l’Eglise au cours du monachisme et celle de Martin Luther à travers
l’histoire, il s’est montré encore une
fois de plus crédible et franc.
Nous
voici au terme de notre travail où il a été question de donner le résumé du livre « le
prix de la grâce » dont l’auteur est Dietrich BONHOEFFER. En fait,
nous retenons que la grâce reste une participation, une ressemblance à la vie
divine qui réclame une réponse libre de la personne humaine. Cette grâce est
acquise au bout d’un effort, c’est-à-dire, l’homme est appelé à collaborer avec
Dieu pour son salut. La grâce de Dieu
n’efface pas la liberté de l’homme mais plutôt, elle l’humanise et la
perfectionne.
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