Dans
ce travail, nous allons essayer de commenter le troisième chapitre de
l’évangile de Saint Jean afin de bien
comprendre le message que l’évangéliste Jean nous propose. Il sied de noter que
cet évangile est subdivisé en deux grandes parties à savoir : l’entretien
de Jésus et le docteur de la loi, Nicodème et le nouveau témoignage que Jean
Baptiste porte sur Jésus. Au-delà des discussions sur la composition de cet évangile,
une opinion réunit les spécialistes autour d’une subdivision en deux grandes
parties à savoir : Jean 1,19-12,50 : Cette séquence est nommée livre des signes, et Jean
13,1-20,31 : Celle-ci est appelée livre de l’heure ou livre de la gloire [1]
I. JESUS ET NICODEME : Jésus,
docteur venu de Dieu et auteur de la renaissance spirituelle
En
effet, les signes prodigieux donnés par Jésus attirent sur lui l’attention des
autorités juives de Jérusalem, chargées par Dieu de veiller sur l’orthodoxie et
de dépister l’imposture des faux
prophètes. Le Sanhedrin l’espionne et l’harcèle de questions insidieuses. Les
pharisiens nationalistes lui tendent des pièges partout en lui demandant par
exemple si un juif pieux doit payer le tribut à César païen pensant l’enfermer
dans le dilemme de soumission à Rome avec infidélité à la loi ou fidélité à la
loi avec rébellion contre Rome.( Mt 12,13-17). A ces espions malveillants, auxquels Jésus
se garde bien de se confier, succède un docteur de la loi en quête de lumière.
Nicodème se montre comme un simple juif pieux et qui connait la loi, mais il
apparait aussi comme un homme sagace et de sens mesuré dans ses
jugements ; encore que ne craignant pas de prendre parti nettement au
moins dans sa conscience, mais il reste marqué par le réalisme terre à terre de
la sagesse juive[2].
En
effet, Nicodème est bien connu comme docteur de la loi, membre du Sanhédrin (Jn
3,10 ; 7,48-50) qui vint trouver Jésus la nuit. Serait-ce parce que la
coutume juive recommande l’étude nocturne de la Torah ou par peur des
juifs ? (Jn19, 36 ; 12,46). Pour Saint Jean, la démarche extérieure
de ce pharisien implique une démarche intérieure correspondante, un élan de foi
naissante. Il vient de nuit ce qu’il veut avoir avec le maitre éminent un
entretien prolongé et ouvert, chose impossible dans une rencontre publique
troublée souvent les hargnes des adversaires. Nicodème cherche aussi à ne pas
être vu des ses collègues, qui ne manquent pas de railler les partisans de
Jésus (Jn7, 52) en attendant de les frapper d’anathèmes (Jn9, 22 ; 12,42-43).
En
soulignant cet aspect, l’évangéliste veut suggérer que cet homme, bien que
docteur, se trouve encore dans les ténèbres de l’ignorance, il vient consulter
le maitre qui est venu de la part de Dieu. Comme un bon juif, il souhaite
rencontrer Jésus celui en qui il a reconnu un être ayant une relation avec
Dieu. Au dire de certains exégètes, ce pharisien qui se laisse impressionner
par les miracles de Jésus espère de lui quelques lumières. Chemin faisant, on
le verra s’élever contre le jugement sévère des pharisiens, même il s’engagera
pour assurer une sépulture digne à Jésus. (Jn19, 39).
Par
ailleurs, en abordant Jésus, Nicodème utilise la même déclaration comme celle
de ses collègues pharisiens : « Maitre, nous savons que tu dis la
vérité, tu n’as pas peur de ce que pensent les autres et tu ne tiens pas compte
de l’apparence des gens, mais tu enseignes la vérité sur la conduite qui plait
à Dieu… » (Mc12, 14). Ceci nous montre que, pour ce pharisien et certains
de ses collègues au cœur droit, les signes que Jésus opère manifestent à
suffisance que Dieu est avec lui et qu’il agit intimement avec lui et en lui. Guichou P. pense que Jésus suggère à cette âme assoiffée un monde de lumière à découvrir et à conquérir. Ce
monde nouveau ne rien d’autre que le royaume de Dieu. Dans une déclaration
solennelle, Jésus révèle à Nicodèmes ce royaume, mieux pour entrer sous la
domination paternelle de Dieu, il faut renaitre d’en haut, être engendre de
Dieu, devenir son enfant (Jn1, 12-13).
En
suite, Xavier DUFOUR pour sa part
« Cet homme qui vient, au fond pour solliciter une lumière veuille
d’abord poser une borne qu’il décide à ne pas franchir.»[3] Ce
qui manifeste cette attitude c’est la perplexité dont manifeste Nicodème à
l’égard de la réponse de Jésus. Il essaye donc d’échapper à l’idée de renaitre
car il ne peut concevoir une vie réellement au dessus de la nature humaine. Il n’est pas possible qu’un vieillard comme
lui puisse naitre de nouveau. Jésus écarte cette idée qui semble être absurde
et précise de quelle naissance il est
question, une naissance de l’eau et de l’esprit, mieux, le baptême de l’Esprit.
Pour Jésus, le seul moyen pour entrer dans le domaine spirituel qu’est le règne
de Dieu, c’est d’être engendré et naitre dans cette eau vivifiante.
Face
à cette attitude de Nicodème, Jésus l’interpelle car, étant chargé d’interpréter
et transmettre le message des textes de la loi, Nicodème était censé de
connaitre le sens de ces textes. (Mc 3,9-10).
En
constatant en effet, le non-accueil de son interlocuteur, Jésus n’a pas fin à
l’entretien, il l’amplifie par ailleurs dans une interrogation soulignant les
difficultés pour le peuple d’Israël de croire à la parole du Christ.
Nicodèmes,
chemin faisant, se rend compte qu’il s’agit de tout autre chose qu’il pouvait
supposer ou imaginer. Il vient d’apprendre que l’on peut et que l’on doit même
être régénéré spirituellement par Dieu. C’est ainsi qu’il veut savoir de quelle
manière elle se réalise, à quelle condition il pourra lui-même obtenir cette
régénération car il est désormais éclairé sur la nécessité en même temps que
sur la possibilité d’une telle renaissance.
Le
12 et le 13 verset de ce troisième chapitre semble constituer une transition où
l’on passe du baptême, répandant le don de l’Esprit sur les hommes à l’œuvre de
salut opéré par le fils de l’homme, source de ce baptême et cause de cette
effusion de l’Esprit. L’entretien de Jésus et Nicodème reprend à partir du
verset 14 par un monologue qui est formulé à la troisième personne. Cette
partie essaye donc d’esquisser une synthèse du dessein du
salut. Jésus y aborde des différents sujets comme la descente du ciel du fils
de l’homme et son élévation (3,13-14), l’amour de Dieu envers le monde (3,16).
Ces révélations débouchent sur la vie éternelle laquelle est obtenue par la foi
au fils de Dieu (3,15-16).
Bref,
cette première partie résume l’enseignement sur la vie donnée par Dieu. En
effet, pour Saint Jean, Dieu a comme caractère essentiel un amour sans mesure
pour ses créatures, amour dont la force
incomparable et la liberté souveraine s’unissent dans un don aussi gratuit que
total. Le but de ce don est que les hommes aient « la vie ». Jusque
ici, nous avons remarqué que la vie est rendue accessible à l’humanité par la
mort et la glorification du Christ, puis communiquée à chaque homme par le
baptême ; nous apprenons maintenant comment l’homme peut jouir
effectivement de ce don du fils de Dieu par la foi. La venue du fils de Dieu
sur la terre n’a pas été le jugement comme le messianisme imaginait. Sa venue a
eu comme but de conduire à la vie ceux qui acceptent de se conformer à la
lumière.
II. LE DERNIER TEMOIGNAGE DE JEAN
BAPTISTE
A
la place de Nicodème, qui après un dialogue riche de sens, a disparu de la
scène, voici que Jean Baptiste proclame la foi en Jésus. En effet, pendant que
Jean baptise à Anion près de Salim, soit 30 kilomètre au sud du lac Tibériade,
Jésus baptise aussi non loin de lui. C’est ainsi qu’une discussion éclate entre
les disciples de Jean et un juif au sujet de la purification. (Jn 3,25).
L’affaire est soumise par la suite à Jean par
ses disciples et ce dernier au lieu de constater chez eux un motif de jalousie,
il convient de penser à un désir d’éclaircissement. Ainsi, Jean prépare ses
disciples donc pour le maitre qui viendra les prendre plus tard (Jn 10,40-42)
En
effet, pour Xavier DUFOUR, Jean rend témoignage à Jésus en répondant à la question posée par les johannites. Avec
la présence de Jésus, on tend vers la réalisation de la promesse, vers la
croissance de Jésus qui seul compte.[4] A
travers ce témoignage, Jésus prend la place du Baptiste. Celui-ci a été l’ami
de l’époux qui a préparé sa venue. L’époux venu, il n’a qu’à disparaitre, à se
retirer donc devant le seul maitre de la fête. Dans le récit de noces à Cana
(2,1-11), Jean nous a déjà présentés en Jésus l’époux divin de l’Eglise et de
chaque croyant. Il nous invite donc à nous réjouir de l’avènement de ces noces
spirituelles, à vivre dans la foi dans cette mystérieuse communion de vie et
d’amour avec le Christ. Il est impérieux de faire savoir que ce retrait n’est
pas pour lui une humiliation douloureuse car il n’avait que cela comme mission.
Ainsi donc « Jean n’est que de la terre et son témoignage bien
qu’inspiré par Dieu, reste le témoignage porté par un homme. Jésus vient du
ciel et par conséquent il ne saurait être mis sur le même plan que Jean. Il
parle des choses divines avec assurance et clarté car il les a vues et
entendues comme nous voyons et entendons les choses du monde »[5]
Enfin,
nous entendons certaines personnes dire souvent que l’homme ne peut ni se
refaire, ni refaire sa vie. Certaines d’autres affirment souvent :
« Il faut me prendre comme je suis ; je ne puis changer à mon
âge ». Toutes ces expressions dans le domaine naturel demeurent vraies.
Dans notre travail nous avons démontré
que Nicodème, pharisien, docteur de la loi n’y a pas échapper en demandant à
Jésus « Peut-on par hasard rentrer dans les seins de sa mère et
renaitre ?»(Jn3, 4). Dans le
domaine spirituel, ces expressions ne sont pas vraies car le Christ offre la
possibilité de naitre à une vie nouvelle, à une nature renouvelée : en
plongeant le croyant dans l’Esprit Saint, il fait de lui un être à son image,
un homme spirituel, vivant de vie divine. C’est de ceci qu’il s’agit dans la première
partie de notre travail. Le premier entretien met en lumière deux faits
inséparables : l’œuvre du salut
accomplie en Jésus Christ, le don de la vie céleste par sa mort et sa
résurrection, ensuite, l’appropriation du salut à chaque homme, la réception de
cette vie céleste par le sacrement du baptême.
Dans l’entretien avec Nicodème, Jésus part de
ce deuxième fait pour s’élever jusqu’au premier. En outre, en proclamant la foi
en Jésus, le baptiste le fait en deux temps : Jean premièrement interpellé
au sujet de Jésus qui baptise avec succès, il en exalte la supériorité et dit
la joie parfaite que suscite en lui sa présence. (Jn 3,22-30). Il fait en suite
l’écho à des paroles que Jésus a prononcées dans le discours précédent (Jn3,
31-36). En Jésus, Dieu a tout remis ; il est son envoyé et son témoin
direct, enfin son révélateur. N’étant pas le Messie, ni le fils de Dieu mais
simplement témoin et l’ami de l’époux, Jean a reçue de Dieu comme mission de préparer la
venue du Messie. Il connait la plénitude de la joie en son humble rôle. Ainsi
il se caractérise par un admirable désintéressement qui exclut toute recherche
personnelle et qui lui fait trouver son bonheur dans le service et toute sa
joie dans la joie de son ami. C’est ainsi qu’il peut dire : « Il
faut que lui grandisse et que moi, je décroisse» (Jn3, 30).
Bibliographie
1.
GEORGE A et GRELOT M. ; Introduction à la
bible tome III, vol 4, Tradition johannique, Paris, Desclée, 1977.
2.
BOUYER L. ; Le quatrième évangile,
Paris, Casterman, 1955.
3.
DUFOUR X. ; Lecture de l’évangile
selon Saint Jean, tome I, Paris, Seuil, 1970.
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