Notre
travail consiste à résumer l’ouvrage de
Martin LUTHER dont le titre est Le Magnificat
Commentaire l’un des précurseurs du
Protestantisme. En effet, ce travail s’inscrit dans le cadre de notre cours d’Initiation
à la Mariologie qui a comme objet de nous aider à bien saisir le mystère de la
bienheureuse Vierge Marie, comprendre sa place et son rôle dans la vie du
Christ, de l’Eglise et de la vie chrétienne , connaitre et réfléchir sur
les questions de doctrine et de piété liées à la Mère de Dieu[1].
En
effet, notre choix a été porté sur l’ouvrage de Luther pour diverses raisons.
D’abord la méconnaissance de cet ouvrage de la part d’un bon nombre des
chrétiens alors qu’il contient un excellent enseignement autour de la personne
de la vierge Marie; ensuite la pertinence de la pensée de l’auteur et sa compréhension
du Magnificat et enfin, à travers ce travail, il faut le reconnaître, nous
avons été stimulé dans notre dévotion mariale, cet ouvrage nous a fournir un
utile sujet de réflexion profonde à beaucoup des questions que nous avons en
commun ou qui nous séparent avec nos frères protestants autour de la personne
de Marie. Pour
ce qui est du plan du travail, nous préférons garder le plan de l’ouvrage qui
est subdivisé en onze parties correspondant à la prière du Magnificat telle
qu’elle est exprimée dans l’Evangile de Lc 1, 46-55.
I. Mon âme exalte le Seigneur
Marie
formule ses paroles avec une grande ferveur et une allégresse débordante où
s’exalte tout son être. En d’autres termes : « Tout mon être, toutes
les puissances de mon âme tressaillent d’allégresse pour louer Dieu et lui dire
mon amour. Je ne peux pas ne pas faire monter vers Dieu ma louange et j’ai
comme l’impression d’être élevée au-dessus de moi-même ».[2]
Voilà donc ce que ressentent en effet
les âmes qui sont habitées par la présence de Dieu et de l’Esprit Saint. Car ce
n’est pas une œuvre humaine pense l’auteur que de louer Dieu dans l’allégresse. L’âme se trouve dans un
état de passivité joyeuse et c’est Dieu qui agit en elle. Les mots manquent
souvent et sont impuissants quand l’âme se trouve en extase ; il est difficile voire impossible de décrire
cette sorte d’extase, il faut seulement en avoir soi-même fait l’expérience.
Le mot magnificat en effet, vient de
latin « magnificare » qui veut dire magnifier, glorifier, exalter. On l’emploi pour célébrer
celui qui est capable de réaliser beaucoup de grandes et bonnes choses, qui
sait et veut les réaliser. Dans notre cas le terme est appliqué à Dieu seul qui
est capable de tout. Le mot Magnificat prononcé par Marie renferme un triple
but à savoir : louer Dieu, célébrer les grandes
choses qu’il a faites pour fortifier notre foi, enfin consoler tous les petits et
faire trembler tous les puissants de la terre. En entonnant le Magnificat,
Marie ne l’a pas fait seulement pour elle-même, plutôt pour nous tous afin qu’après
elle, nous puissions le chanter aussi pour louer, glorifier le Seigneur pour
les bienfaits qu’il réalise dans notre vie. Ceci demande au préalable la foi en
Dieu et pas une foi imparfaite qui conduirait aux doutes et aux hésitations plutôt la foi authentique,
celle qui doit nous transformer tout au long de notre vie. Haut placé, elle nous oblige à
craindre ; abaissés, elle nous invite à la confiance. Plus le rang est
élevé, plus grande doit être notre crainte ; plus grand est notre
abaissement, plus ferme doit être notre confiance en Dieu[3].
La foi en Dieu doit être ferme et constante, elle doit nous pousser à aimer
Dieu, à le louer, le magnifier et le glorifier comme il convient.
En suite, la grandeur de Dieu est ce
qu’elle est, nous n’y pouvons rien ajouter. Néanmoins, nous pouvons faire
grandir en nous la connaissance que nous avons de lui, celle qui nous incite à
le louer, à le glorifier pour sa bonté
et sa bienveillance à notre égard. « Mon âme exalte la Seigneur » veut
dire que c’est tout son être, toutes ses puissances et ses facultés qui sont
mis en mouvement. L’expression « mon âme » pour Gallot
signifie : moi-même, dans ce que j’ai de plus profond. C’est toute la
profondeur de mon être qui veut attester les magnificences divine.[4] Marie
est pour ainsi dire, perdue en Dieu et se sent parfaitement unie à sa volonté
sainte, comme elle en témoigne « mon cœur est plein de joie à cause
de Dieu, mon sauveur » Lc 1,47.
Dans
cette première partie, l’accent est placé sur les deux derniers mots à
savoir : Le Seigneur mon Dieu. Marie
ne s’exalte pas soi même et son âme se ne complait pas en elle-même. C’est
plutôt Dieu qu’elle exalte, elle s’oublie elle-même pour rapporter tout à Dieu.
Bien que Dieu ait réalisé de si grandes choses en elle, Marie continue à se
considérer comme la dernière des créatures. Marie est habitée par une grande
humilité, face à la grâce de Dieu dont elle est comblée, elle ne s’en est donc
pas prévalue d’aucune façon. Elle a laissé à Dieu ce qui était à Dieu et une
seule chose la préoccupait : recevoir de son mieux l’Hôte divin qui venait
en elle.
En
effet, Marie a été exposée à une grande tentation cependant, elle s’en est gardée.
Elle a évité de s’exposer de tout orgueil et de toute suffisance à travers sa
merveilleuse humilité qui n’avait d’égale que l’importance des grâces
reçues. C’est cela glorifié Dieu seul en
n’avoir pour soi que le mépris. Mère de Dieu, Marie se voit élevée au-dessus de
toute créature sans se permettre pour autant de sa tranquille simplicité. Marie
nourrit son cœur par les mêmes sentiments d’humilité, laissant le Seigneur agir
en elle de son guise, mais, elle redoute seulement de joyeuse confiance en
Dieu.
II. Et mon esprit tressaille de
joie en Dieu mon sauveur
En
effet, Marie nomme Dieu son sauveur ou sa félicité suprême quand bien même elle
ne le voit. C’est l’Esprit qui lui permet de saisir par la foi les insondables
mystères de Dieu. Elle croit seulement, avec une ferme confiance que Dieu est
son sauveur et sa félicité suprême. Marie appelle d’abord Dieu son Seigneur et
en suite son Sauveur ceci n’est pas sans raison. Avant qu’elle n’énumère les
œuvres de Dieu, Marie loue d’abord la toute puissance de Dieu. Il est celui qui
l’a crée et qui le sauve. C’est par la suite que Marie passe à énumérer les ses
œuvres. Ainsi, Marie nous apprend de quelle façon nous devons aimer et louer
Dieu pour lui-même, sans retour intéressé d’aucune sorte. Aimer et loué Dieu
comme il le mérite, c’est le louer pour sa bonté et sa bienveillance. Voilà une
façon d’aimer Dieu sublime, délicate et pure, celle qui convient à la personne si
sublime et si aimable de la Vierge.[5]
En
suite, certains personnes font semblant d’aimer Dieu d’aimer Dieu. Avides de
consolations, elles ne cherchent dans la piété que leur avantage. Elles songent
d’abord à elles mêmes avant d’aimer Dieu pour sa bonté. Elles sont attirées
seulement par les bienfaits dont Dieu les comblent. Dieu est donc célébré et
loué dans la joie aussi longtemps qu’elles jouissent des ses consolations dans
le cas contraire, pas des louanges moins encore l’action de grâce car ces
personnes sont bien incapables d’aimer te de louer la bonté de Dieu d’une façon
désintéressée. Elles ont appréciée le salut plus que le Sauveur, les dons plus
que le Bienfaiteur, la créature plus que le Créateur. Elles sont donc
incapables de garder comme le souligne Luther les mêmes sentiments de piété
dans l’indulgence comme dans la prospérité, dans la pauvreté comme dans la
richesse.
Enfin,
la Vierge Marie a un mérite exceptionnel car bien que comblée des honneurs les
plus inouïs, elle ne se laisse pas éblouir par eux. Une chose comble à ses
yeux :
La
bonté de Dieu, réalité pourtant invisible et non sentie. Le cœur de Marie
incarne le parfait modèle des cœurs droits, humble et dépouilles, qui ont faim
de Dieu et qui le craignent.
III. Parce qu’il a jeté les yeux
sur la bassesse de sa servant, oui désormais toutes les nations me diront
bienheureuse.
Notre
auteur traduit ce passage par : Dieu a jeté yeux sur moi, pauvre petite
fille insignifiante et méprisée[6].
Marie est consciente qu’elle a été choisie par Dieu par pure bonté et sans
aucun mérite de sa part. Car le Seigneur aurait bien voulu choisir les jeunes
filles de la classe de nobles, les reines ou les princesses. C’est pourquoi
Marie a pensé qu’il ne fallait pas qu’on put se glorifier d’être ou d’avoir été
digne de la faveur divine. Elle s’est donné pour proclamer bien haut la bonté
de Dieu. Comme le pense Galot, Marie par ces mots exprime son entière
soumission au Seigneur. « Cet état de servant bien humble, ne semblait pas
destiné à attirer l’attention ; au contraire, il paraissait vous anéantir,
vous faire passer pour peu de chose. Mais le regard divin a tout transformé.
Dieu a jeté les yeux sur vous et vous a
proposée à l’admiration de tous les hommes ».[7]
En
fait, Marie est identifiée aux vrais humbles affirme notre auteur ceux qui ne
pensent nullement aux avantages qu’ils
pourraient retirer de leur humilité. Quand l’on est humble de cœur, on n’aspire
qu’aux bas emplois, aux besognes et aux situations les moins reluisantes ;
l’on ne s’aperçoit même pas qu’on est humble. Ici l’on se trouve dans le
domaine du vrai, du naturel, de l’authentique. « C’est une humilité de bon
aloi qui dicte gestes et paroles ; qui explique cette prédilection marquée
pour les emplois les plus modestes, pour les vêtements simples et
pauvres ; cet empressement à fuir les postes honorifiques.[8]
Marie,
en effet, dans son humilité trouva fort étrange qu’un messager de Dieu vint la
saluer et elle se demande ce que signifiait cette salutation inattendue. Luther
pense que si cette salutation avait été adressée à la fille de Caïphe, cette
dernière ne se serait pas posé des questions. Elle aurait plutôt accepté sans hésitation
la proposition de l’Ange, trouvant fort naturel d’être ainsi honoré. Ceci se
justifie par le fait qu’on est en poursuite des
honneurs sans se rendre compte qu’on est habité par un grand orgueil.
Bref,
le présent verset du Magnificat nous
apprend à connaitre Dieu qui dans son grand amour et dans sa miséricorde a jeté
les yeux par prédilection sur les petits et les méprisés. Et cette connaissance
plus poussée de Dieu ne peut que nous inciter à l’amour, à la confiance et à un
joyeux abandon.
Après
avoir loué son Dieu et son Sauveur pour ses bienfaits, La mère de Dieu en vient
maintenant à louer ses œuvres et ses biens. On louera la Vierge Marie de
génération en génération et cette
louange jamais ne cessera. Marie est proclamée bienheureuse par toutes les
générations jusqu’au dernier des nos descendants. Cette déclaration aux yeux de
Galot ne cesse de se vérifier. Toutes les générations humaines chantent le
bonheur de Marie et elles le font de plus en plus. « Elles reconnaissent
que le Tout Puissant a fait en vous des merveilles, comme il n’en a fait en aucune
autre créature. Nous aussi, en ce moment, nous nous associons à tous ceux qui,
dans le passé, à l’heure actuelle et dans le temps à venir, ont célébré,
célèbrent et célébreront la splendeur dont le Seigneur vous a revêtue ».[9]
IV. Car le Tout-Puissant a fait
pour moi de grandes choses ; saint est son nom.
Maintenant
la Vierge Marie évoque les œuvres et les dons que le Seigneur a accompli en sa faveur. En effet,
en posant sur elle son regard, Dieu se donne lui-même. Son regard bienveillant
c’est sa bonté gratuite, et ceci est
expliqué par son libre choix. Voilà pourquoi Marie considère comme primordiale
ce regard divin posé sur elle. Avant de proclamer : « Toutes
les générations me diront bienheureuse, car le Tout- Puissant a fait pour moi
de grandes choses», elle commence par dire : « Le Seigneur a daigné
jeter les yeux sur la bassesse de sa servante ».
En effet, Marie nous montre en la circonstance
que plus l’âme est pieuse et recueillie, plus elle est sobre en paroles. Elle
sent en effet, son incapacité absolue à exprimer avec des mots ses pensées et
ses sentiments.[10]
En parlant des merveilles que Dieu a accomplies pour elle, Marie fait
uniquement allusion à la maternité divine. Cette grâce initiale explique toutes
les autres faveurs si nombreuses que Dieu lui a comblée. Elle résume ce qui fait
son honneur et sa félicité, elle nous permet aussi de comprendre pourquoi Marie
occupe, à la tête de l’humanité, un rang unique et absolument exceptionnel. Ce
quatrième verset du Magnificat se conclut par ces mots : « Saint est
son nom ».
Saint
désigne ce qui est mis à part, réservé
pour Dieu, ce que personne ne doit ni toucher ni souiller, mais que l’on doit
entourer d’honneur. C’est dans ce contexte que le nom du Seigneur doit être
respecté car prétendre se l’approprier serait un crime de lèse-majesté.
V. Et sa miséricorde s’étend de
génération en génération sur ceux qui le craignent.
Ce
présent verset pourrait à la vue de notre auteur se traduire en ces
termes : « Sa miséricorde s’étend du père sur les fils et sur tous
leurs descendants ». Marie après avoir célébrer les œuvres que Dieu a
accompli en sa faveur, elle passe à célébrer maintenant les œuvres que Dieu
réalise en faveur de l’humanité toute entière. Tout au long de ces quatre
versets, Marie évoque six œuvres divines. La première œuvre de Dieu est la
Miséricorde.
En
effet, Marie commence par ce qu’il y a de meilleur et de plus grand dans
l’homme, c’est-à-dire les dons de l’esprit et de l’intelligence. Dieu est plein
de miséricorde envers ceux qui se laissent dépouiller des biens moraux en leur
possession, tels que leurs droits, leur sagesse etc. et, ce par esprit de
détachement et de pauvreté. Ils ne se croient jamais digne de la moindre chose,
si insignifiante soit-elle. Ils préfèrent se présenter dénués de tout devant
Dieu et devant les hommes. Quand à leurs qualités, ils considèrent que Dieu les
leur a données sans aucun mérite de leur part et ils les utilisent avec retenue
en louant et remerciant le bon Dieu[11]. Ce
n’est pas leur volonté qu’ils veulent faire,
mais uniquement celle de Dieu. Ceci se
justifie par le fait que les louanges ainsi que la gloire, ils ne les
recherchent pas pour eux-mêmes, pour Dieu seul. Et Marie nous fait clairement
comprendre que Dieu préfère nous témoigner sa bienveillance plutôt que sa
sévérité.
VI. Il a déployé la force de son
bras, il a dispersé les hommes au cœur superbe.
Cette
sixième partie constitue la seconde œuvre de Dieu : confondre l’orgueil de
l’esprit. Dans les saintes Ecritures, le bras de Dieu désigne sa toute
puissance qui lui permet d’agir sans aucune intervention des créatures. Quand
Dieu agit par intermédiaire des créatures, on voit de façon claire où se situe la force et où se trouve la faiblesse.
Si
un prince gagne la guerre, c’est que Dieu s’est servi de lui pour battre les
adversaires. Quelqu’un qui subit un dommage quelconque c’est par
l’intermédiaire d’une créature que cela lui arrive. Dieu donc fait et brise
ainsi une créature par une autre. Dieu permet souvent que les bons soient
dépouillés de leur force, de leur assurance.
Mais
c’est en ce moment là qu’ils sont plus près de Dieu même s’ils ne se rendent
pas compte suite aux épreuves qu’ils subissent. C’est à partir du moment comme
le signifie Luther où la faiblesse de
l’homme est à son comble que Dieu intervient avec le plus d’éclat pourvu qu’on
est une foi vive et confiante. Ainsi, « sur la croix, le Christ avait été
réduit à une totale impuissance et c’est justement là qu’il releva le mieux le
défi de ses ennemis, remportant une éclatante victoire et sur la mort, sur le
monde, sur l’enfer et sur le mal ».[12]
En
effet, la perte des superbes dont nous parle le Magnificat est certaine et
fatale dès hors qu’ils se sentent surs de leur prudence et de leur sagesse
puisque la sagesse de Dieu n’est plus en eux. Marie les nomme des hommes au cœur
superbe car seules leur semblent bonnes leurs opinions, leurs pensées, leur
manière de voir ; non pas celles que Dieu pourrait leur inspirer. Ils se
prennent comme source prétendue de toute sagesse et ils se dressent contre Dieu
et contre ses amis.
VII. Il a renversé les potentats de
leurs trônes
Cette
septième partie constitue également la troisième œuvre de Dieu. Le Très-haut en
use avec les potentats comme avec les sages et les prudents. Cependant, Dieu
les abandonne à leur propres lumières et aux pensées de leur cœur puisqu’ils ne
mettent leur confiance en eux-mêmes. Dieu les renverse en permettant qu’ils
soient entrainés à leur perte par leur puissance puisqu’en mettant toute leur
confiance en eux, ils se comportent en arrogant envers les petits, les vrais humbles.
En
effet, ce passage ne dit que Dieu brise les trônes mais chasse les puissants de
leur trône, non plus qu’il laisse les petits dans leur abaissement, mais qu’il
les élève ; ceci veut signifier que tant que le monde sera monde, il
faudra de toute nécessité des pouvoirs publics, des gouvernants. Ce que Dieu
déplore c’est profité du pouvoir, des ses fonctions pour faire peser sur les
bons, les petits un régime d’injustice et de violence.
VIII. Et il a élevé les humbles
En
fait, les humbles ne sont pas d’abord et surtout ceux qui pratiquent
l’humilité, mais « ceux qui, aux yeux du monde, ne sont rien et ne
jouissent d’aucun prestige ».[13]Les
humbles dont il est question sont ceux-là qui se complaisent dans leur misère
et leur néant et rejettent toute ambition. Comme le signifie Luther, Dieu
élève les humbles ne veut pas dire qu’il les met sur des trônes à la place de
ceux qu’il en a fait descendre, moins encore qu’il témoigne sa miséricorde à
ceux qui le craignent en les installant dans la chaire des grands docteurs.
Cela veut dire tout simplement que c’est en lui-même et par son Esprit qu’il
les élève, pour les établir juges sur les rois, les puissants et les sages.
IX. Il a rassasié de biens les affamés et
renvoyé les riches les mains vides
Comme
nous venons de le signifier tantôt, les humbles selon notre auteur sont ceux
qui aiment vivre dans cette condition, surtout s’ils y sont contraints à cause
de la Parole de Dieu et de la justice.
L’intervention de Dieu ressort d’autant plus que l’impuissance de la créature est absolue et totale. Il faut se voir
abandonné de tous pour que Dieu intervienne. Marie en disant que le Seigneur
rassasiait les affames cela suppose que cette abondance, loin d’être nuisible,
sera utile et bienfaisante non seulement pour le corps, mais aussi pour l’âme.
Les affamés sont ceux qui sont privés non seulement de la nourriture mais aussi
des autres biens temporels. Dans cette partie de Magnificat nous sommes devant
choses impressionnantes et insondables : Dieu comble et Dieu abandonne. Il
comble ses faveurs à ceux qui mettent leur confiance en lui et abandonne les
suffisants, les orgueilleux.
X. Il a porté secours à son
serviteur Israël, se souvenant de sa miséricorde
Marie
en effet, conclut le Magnificat en revenant sur ses premières paroles comme
nous l’avons déjà évoqué dans nos parties précédentes. Marie évoque ici le chef
d’œuvre de Dieu par excellence, c’est-à-dire l’Incarnation. Les grandes choses
accomplies en elle seront la source de grâces précieuses, non seulement pour
elle mais aussi pour le peuple d’Israël. Dans la bouche de Marie, le mot Israël
désigne le peuple juif lui-même quand bien même ce dernier ne voulut pas
recevoir l’Homme Dieu.
XI.
Ainsi qu’il avait promis à nos pères, en faveur d’Abraham et de sa descendance
à jamais.
En
effet, si le Très-Haut a porté secours à Israël et à ses descendants, ce n’est
pas à cause de leur mérite. C’est uniquement à cause de sa promesse. C’est donc
par pure bonté que Dieu a fait cette promesse. Et dans le Magnificat, la Vierge
Marie, Mère de Dieu essaye souligner cette promesse absolument gratuite que Dieu
fit à Abraham.
La
première conclusion que l’on peut tirer des paroles de Promesse aux yeux de
notre auteur est que « sans le Christ, le monde malgré toute sa
science et ses œuvres, est voué à la malédiction, au péché et à la damnation
éternelle ».[14] C’est
en s’appuyant sur l’expression employée
par Dieu lui-même que l’on arrive à cette conclusion. En effet, Dieu ne dit
pas : « En ta
postérité seront bénies quelques nation, mais toutes les nations ». Dans
ces paroles de la promesse, les
prophètes en ont tiré nombreuses déductions entre autres : « il
n’y avait partout sur la terre que méchanceté, misère, mensonge, déloyauté,
aveugle, bref, absence de Dieu».[15] La
seconde déduction suggère par les paroles de la promesse : « cette
postérité d’Abraham ne devait pas lui être donnée par un homme et une femme,
selon les lois ordinaires de la nature ». Car, ainsi comme nous l’avons
vu, quiconque voit le jour dans ces conditions est maudit dès sa naissance. Si
les fils de la promesse devaient délivrer le monde de cette malédiction, il
devait donc être préservé de toute malédiction et de toute souillure pour être
fils de bénédiction, plein de grâce et de vérité.
En
effet, Dieu a donc donné à Abraham le vrai et authentique fils promis en le
faisant naitre d’une de ses descendantes la Vierge Marie, sous l’action du
Saint-Esprit sans l’œuvre d’un homme. Ce fils est un fils et un authentique
descendant d’Abraham et représentant vraiment cette postérité en qui seront
bénies toutes les familles de la terre. « Il suffit en effet, de croire au
Messie, de l’invoquer, de le confesser et de s’attacher à lui pour échapper à
toute malédiction et recevoir la bénédiction promise ». Jésus est donc la
postérité d’Abraham non parce qu’il est né d’un descendant du patriarche comme les
juifs s’y étaient attendus mais plutôt
car né d’une de ses filles, la vierge Marie. C’est ce que veut signifier ici la
vierge Marie en rappelant la promesse de Dieu en faveur d’Israël. Elle voyait
cette promesse déjà réalisée en elle et le proclame disant que Dieu a porté
secours à Israël, qu’il s’est souvenu de sa miséricorde.
La
dernière expression : « En faveur d’Abraham et de sa descendance à
jamais » veut signifier que la
promesse faite à la descendance d’Abraham reste toujours valable, à travers les
siècles jusqu’au dernier jour. En effet, bien que dans leur immense majorité,
les juifs s’obstinent dans leur aveuglement, il y en a cependant toujours si
peu nombreux soient-ils qui se convertissent au Christ et qui croient en lu
puisque la promesse renfermée dans le dernier verset du Magnificat tiendra toujours.
Nous voici au terme de notre travail où nous nous sommes efforcé à
résumer le Commentaire de Luther sur le magnificat. Il est certain de signifier
que la dévotion Martin à la Mère de Dieu est profonde. Dans son sermon de Noel
1523 il déclare : « Je crois, qu’il n’y a personne parmi nous
qui n’abandonnerait sa mère pour être
fils de Marie…»[16].
Jusqu’ à la fin de sa vie Luther conserva les fêtes de l’Annonciation, de la
Visitation et de la Purification.
Qui est Marie
selon Martin Luther ?
Pour Luther Marie est la « bienheureuse
vierge », mère de Dieu. Cependant il la présente comme une simple
femme, méprisée et indigne de l’honneur qui lui est fait. Alors qu’elle n’est
qu’une pauvre jeune fille sans apparence extraordinaire, Dieu a jeté son regard
sur elle et l’a utilisée afin que « personne ne puisse se glorifier devant
lui d’avoir été ou d’être digne » de la grâce qu’il accorde. Cette grâce
n’est pas une récompense accordée pour un quelconque service que Marie, ou toute
autre personne, aurait rendu à Dieu. Cette jeune femme humble est « l’atelier » que Dieu s’est
choisi et dans lequel il travaille pour le bien de tous. En Marie « se
sont rencontrés la richesse surabondante de Dieu avec sa profonde pauvreté,
l’honneur divin avec son « néant » (c’est ainsi que Luther traduit le
mot « humilitas »), la dignité divine avec sa petitesse, la bonté
divine avec son absence de mérite,
la grâce divine avec son indignité »[17].
Ce n’est donc pas le « néant » de Marie qu’il faut louer mais seul le
regard que Dieu a posé sur elle.
Bien que se sachant mère de Dieu, au-dessus de tous les hommes, elle n’en
demeure pas moins simple car
d’elle-même, elle ne se situe pas au-dessus de l’homme le plus humble.
« Si elle l’avait fait, elle serait tombée avec Lucifer dans les abîmes
infernaux », nous dit Luther. Elle n’a pas succombé à cette tentation.
D’ailleurs Luther insiste pour dire qu’elle ne veut pas que nous nous tournions
vers elle mais, par elle, vers Dieu. Elle confesse, dans sa prière, qu’elle
n’est qu’une servante du monde entier
car l’œuvre, accomplie en elle, de l’incarnation n’est pas pour son seul
bénéfice mais pour celui de « tout Israël », c’est-à-dire de toute
l’humanité. La mère de Dieu rend grâce à Dieu pour la promesse faite et tenue à
Abraham. Elle loue Dieu. Elle ne se loue pas elle-même.
[1] . Cfr.
Notes du cours préparées par le prof. P. Abel NSOLO
[2] . LUTHER M. ; Le Magnificat, commentaire, Paris, Salvator, 1967, p.21
[3] . Ibidem
p.34.
[4] . GALOT
J. ;
Pleine de grâce, Paris, Desclée, 1960, p.79.
[5] . LUTHER M.; Op.cit, p.40
[6]. Ibidem, p.48
[7] . GALOT J. ; Op. cit, p.80
[8] . LUTHER M.; Op. cit, p.49
[9] . GALOT J.; Op.Cit. p.80.
[10] . LUTHER M.; Op.cit , p. 67
[11] . Ibidem, p.86.
[12] . Ibidem, p.89.
[13] . Ibidem, p.101.
[14] .
Ibidem, p.118
[15] .
ibidem. p. 119
[16] .
CHAVALLIER B. ; Je vous salue Marie,
Paris, Fayard, 1981, p. 42
[17] . LUTHER M. ; Oeuvres,
Labor et fides, tome III, p.41
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