L’Eglise
notre mère a une histoire très riche. Elle a connu en son sein des hommes qui,
par leur sainteté de vie, leur ancienneté, leur orthodoxie et la communion avec
l’Eglise, l’ont marquée. Ce sont ceux là que l’on appelle Pères de l’Eglise. Le
terme « Père » a d’abord désigné les évêques en leur paternité
spirituelle des pasteurs, puis, les évêques qui, dans les conciles, ont
déterminé les règles de la foi dans l’Eglise. Ils sont les garants de dépôt de
la foi qui est au fait l’héritage sacré de la foi qui a été confié, par les
Apôtres à l’ensemble de l’Eglise.[1] Ce
dépôt comprend les Ecritures Saintes et la Tradition des Apôtres.
Le
présent travail porte sur les lettres d’un de ces pères de l’Eglise, en la
personne de Saint Augustin. La première lettre a été adressée à Aurèle, évêque
de Carthage ; et la seconde à Maximin, évêque donatiste. Dans cette
activité intellectuelle, il s’agira de présenter en premier lieu Saint
Augustin, auteur de ces lettres, ensuite présenter Saint Aurèle et Maximin,
destinataires des ces lettres, présenter l’environnement théologique ou le
contexte et la raison de la composition de cette lettre, enfin commenter sur leurs
thèmes principaux.
I. L’auteur et son œuvre
Augustin est né Thagaste en Numidie,
actuelle Algérie le 13 novembre 354. Le calcul des probabilités permet
d’inférer qu’il était sans doute de la pure race Berbère. L’Afrique d’Augustin
était une terre latine. Le latin était non seulement sa langue de culture, mais
déjà sa langue maternelle. Cette terre latine qui a vu naitre Saint Augustin
est une province de cette grande partie romaine, qui s’honorait d’avoir étendu
des limites de la cité aux frontières du monde civilisé. Augustin est né
citoyen romain, son nom romain, nom de famille est Aurelius.[2] Sa
mère Monique était chrétienne et son
père par contre Patricus était païen. Gagné par l’exemplaire douceur de sa
femme Monique qui supportait ses colères comme ses infidélités, Patricus se
fera inscrire comme catéchumène vers la fin de sa vie et il sera baptisé au
moment de sa mort.
Augustin fit des études de
rhétorique dans les villes de Thagaste, Madaure et Carthage en Afrique du nord.
Il vécut à partir de l’âge de dix-sept ans et jusqu’à trente et un ans avec une
carthaginoise qui lui donna en 372 un fils, Adéodat. Augustin découvrit la
philosophie à dix-neuf ans, en lisant l’Hortensius,
œuvre de Cicéron aujourd’hui perdu. Il fut ensuite attiré par le
manichéisme et y adhéra de 372 à 382.
Il refuse une foi qui lui semble démission de
l’esprit et devient membre auditeur de cette secte étrange où on lui promet de
ne pas faire appel à sa croyance, mais à sa raison. Cette doctrine reposant sur le conflit entre bien et mal lui
paraissait correspondre à son expérience intérieure de lutte entre le désir du
bien et les pulsions mauvaises. Mais, dans la suite il fut déçu, en particulier
par sa rencontre avec Faustus.
En
386, après un passage à Rome, il arriva à Milan, où il avait obtenu sa chaire
de rhétorique. Là, il découvrit le néoplatonisme et lut les Ennéades de Plotin. Cette découverte le
prépara à la conversion, dont il fut le récit dans les Confessions. Saint Ambroise,
évêque de Milan occupe une place de choix dans sa conversion. Il en parle in
Confessions de cette manière : « Arrivé là, j’allai faire visite
à l’évêque Ambroise… A mon insu votre main me menait à lui pour qu’il me menât
à vous, conscient cette fois. Cet homme de Dieu m’accueillit paternellement et
se félicita de ma venue avec une charité vraiment digne d’un évêque[3]»
Après cette rencontre fructueuse, Augustin s’adonna à la lecture des Epitres de
Saint Paul. Un jour, il entendit dans
son jardin de Milan une voix qui lui disait « Prends et lis». Il
ouvrit la bible et tomba sur le passage de la lettre aux Romains 13,13 «
Comme en plein jour, conduisons-nous dignement : ni ripailles ni orgies,
ni coucheries, ni débauches, ni querelle, ni jalousie, mais revêtez le Seigneur
Jésus-Christ, et ne prenez pas soin de la chair pour en satisfaire les
convoitises. »
Sa
conversion fut immédiate et se fit baptiser dans la nuit pascale du 23/24 avril
387 par Ambroise, évêque de Milan. Sa mère qui l’avait rejoint en Italie, se
réjouit que ses prières aient été exaucées. Elle mourut un peu plus tard à
Ostie. Signons qu’après cela Augustin regagna l’Afrique, sa ville natale à
Thagaste où il fonda une petite communauté monastique. Il sera ensuite ordonné
prêtre par l’évêque Valère, et par après, sacrer évêque par ce même évêque avec
le droit de succession cela à la demande d’Aurelius, évêque de Carthage. Saint
Augustin est mort le 28 aout 430.
Quant
à ce qui concerne ses œuvres, nous signifions qu’elles sont nombreuses. Parmi
lesquelles nous avons 500sermons et 218 lettres. Dans cette production nous
avons des ouvrages théologiques et philosophiques, des écrits de polémique
doctrinale et des œuvres relevant de la pastorale : commentaires
d’Ecritures, sermons.
II. Destinataires des lettres :
AURÈLE, évêque de Carthage et Maximin, évêque donatiste.
Aurèle fut évêque de Carthage de 392
à 430. Pendant tout ce temps, il fut le chef véritable de l’Eglise d’Afrique
qui comptait alors cinq cents évêques. Il la gouverna de manière exemplaire,
aidé par son grand ami Augustin, de qui il reçut de sages avis sur la conduite
qu’il devait tenir à l’égard des donatistes. Saint Aurèle dut réunir plus de
trente conciles tant étaient nombreux et turbulents les évêques qui se laissaient aller à des déviances hérétiques.
Il présidait le concile convoqué et Saint Augustin parlait et définissait la
doctrine. Il lui demandait aussi d’écrire un traité à l’usage des monastères
pour contrer les moines qui trafiquaient les reliques des martyrs pour s’en
faire de l’argent ou qui taxaient lourdement les fidèles qui venaient les
vénérer.[4]
Quant à Maximin, il sied de
signifier qu’il s’agit d’un évêque donatiste qu’on accusait d’avoir rebaptisé
un diacre catholique. Saint Augustin veut lui demander des explications pour
cet acte qu’il juge comme un crime. Son
langage respire le désir de la paix, l’ardent amour de l'unité et de la vérité,
et parfois s'élève jusqu'à l'éloquence. Ce sont les deux personnages à
qui Saint Augustin avait adressé les deux lettres.
III. Contexte historique et raison
de la rédaction de ces lettres
La lettre XXII de Saint Augustin fut
rédigée en 390 de notre ère. Nous sommes dans une époque où Théodose Ier et
Gratien règnent comme empereurs, l’un en
Orient et l’autre en Occident. Il est important de signifier que tous les deux
sont chrétiens et par conséquent ils élèvent le christianisme nicéen au rang de
la seule religion officielle et obligatoire par l’Edit du 18 février 380, dit
l’Edit de Thessalonique. Ils l’ont publié de cette façon : « Tous les
peuples doivent se rallier à la foi transmise aux Romains par l’apôtre Pierre,
celle que reconnaissent Damasse et Pierre d’Alexandrie, c’est-à-dire la Sainte
Trinité du Père, Fils et du Saint-Esprit. »[5]
Devant un tel fait obligeant, rien
ne sera étonnant de trouver dans l’Eglise des chrétiens qui ne savent pas
distinguer leur droite de leur gauche, c’est-à-dire, qui ne connaissent rien
comme exigences de cette vie, car la préparation leur a fait défaut et par
conséquent ces derniers vont se lancer dans n’importe quel scandale ou crime
comme Saint Augustin le signifie dans la lettre XXII. A cette époque, l’Eglise
était devenue une Eglise de masse. A travers ce décret des ces empereurs, les
temples de l’empire de Théodose sont alors fermés, d’autres transformés en
Eglises et la statue de la déesse Victoire est retirée du Senat Romains.
La
lettre XXIII s’inscrite dans un contexte de crise, de schisme entre l’Eglise
catholique et le donatisme. Ce dernier trouve sa genèse dans un climat de
persécutions des chrétiens d’Afrique romaine. Dès les années 295-299, ces provinces
africaines comptent des martyrs. Mais la répression prend une forme systématique lors
de la grande persécution de Dioclétien
au début du IVe siècle.
Dans un premier temps, en Afrique proconsulaire et en Numidie,
les gouverneurs se livrent à des perquisitions et détruisent les objets du
culte. Les évêques sont sommés par les autorités de livrer les écrits sacrés et
les objets du culte. Les attitudes sont diverses : Félix, évêque de Thibiuca, s’y refuse et se voit transféré
puis exécuté à Carthage
; Paulus,
évêque de Cirta,
obéit et livre tout ; l’évêque de Carthage, Mensurius, use d’un stratagème et ne livre
que des ouvrages que les chrétiens considèrent comme hérétiques.
Mais l’édit de 304, qui exige un
sacrifice général aux dieux romains, donne une nouvelle tournure aux
persécutions. Les chrétiens qui refusent de s’y conformer sont menacés de mort
ou condamnés aux travaux forcés. Bien des clercs cèdent alors aux vexations et
aux contraintes du pouvoir. Certains chefs religieux livrent leurs
coreligionnaires aux Romains et vont jusqu’à brûler en public des livres
sacrés. Ces Chrétiens sont désignés sous les termes de « lapsi
» — de lapsus
: celui qui est tombé — ou encore de « traditores » — de tradire
: livrer (les livres sacrés). C’est ainsi que l’'évêque Donat organisa le parti
des intransigeants, pour qui la validité des sacrements dépendait de la
sainteté des ministres. Donat est donc parti fondé une Eglise des pures comme
il ne voulait pas se souiller.[6]
C’est
dans ce contexte que Saint Augustin apprend que Maximin, évêque donatiste fut rebaptisé
le diacre Mutugenne qui venait de l’Eglise catholique. Augustin lui adresse
alors cette lettre pour lui demander des explications à cet égard et l’inviter
à des conférences de vive voix ou par lettres.
IV. Les thèmes et commentaire de ces lettres
a) La lettre XXII
Dans la lettre
XXII, Saint Augustin développe trois thèmes ou trois maux dont souffre l’Eglise
d’Afrique. Il s’agit de la débauches et ivrogneries, impudicités et
dissolutions et enfin querelles et jalousie. Ces trois maux lui viennent de la
lettre de Saint Paul aux Romains 13,13.
Il exhorte son ami Aurèle de pouvoir l’aider à les extirper au sein de
la communauté chrétienne car ces maux qui constituent un grand scandale et un
crime au sein du peuple chrétien.
En effet,
Saint Augustin se retrouve en écrivant cette lettre en Afrique, précisément à
Thagaste dans sa ville natale. Il se montre très inquiet pour l’avenir de l’Eglise.
Il déplore des usages grossiers et coupables sous apparence de religion dans
les cimetières et sur les tombeaux des martyrs. Les trois crimes ou scandales dont Saint
Augustin fait mention dans cette lettre constituent les maux que Saint Paul
exhorte aux Romains de faire attention comme jadis. Pour notre auteur, personne
de coupable de ce crime n’est jugé digne non seulement du ministère
ecclésiastique, mais aussi de la communion des sacrements.
En outre, ces
trois scandales à savoir, les débauches et ivrogneries, impudicités et
dissolutions, querelles et les jalousies ayant comme lieu privilégié les
cimetières sont aux yeux du peuple charnel et grossier honorent non seulement les martyrs, mais
encore soulagent les morts. Ils sont
même pratiqués au dire de Saint Augustin dans des maisons même de prière, ce
qu’il n’arrive pas à digérer. Il souffrirait que ce crime soit en dehors de ces
lieux sacrés. Il le signifie de cette façon : « Supportons, si l'on
veut, ces choses dans le désordre de la vie de famille, dans les festins qui se
font à l'intérieur de la maison, et recevons le corps du Christ en compagnie de
ceux avec qui on nous défend de manger le pain; mais au moins qu'une si grande
infamie soit écartée des sépulcres où reposent les corps des saints, des lieux
où l'on dispense les sacrements, des maisons de la prière. Qui oserait
interdire dans les demeures particulières ce qu'on appelle honorer les martyrs,
quand on le fait dans les lieux saints?"
Ensuite,
Saint Augustin, pour montrer sa sollicitude envers l’Eglise, à travers ce texte,
il essaye de proposer à Aurèle les moyens nécessaires pour pouvoir extirper ce
crime au sein du peuple chrétien. Vu sa lourdeur, l’autorité du concile est
bien placée pour lutter contre pour le faire. Cependant, cette autorité doit
être accompagnée non pas à travers des prescriptions. Ceci c’est pour ne pas tomber dans le risque de
craindre dans l’évêque la puissance de son autorité au lieu de craindre Dieu
qui parle à travers ces paroles. Plutôt l’autorité du concile doit être
accompagnée par des instructions qui ne soient pas ni farouchement, ni durement
moins encore impérieusement mais ces instructions doivent passer par des avis.
Les menaces sont nécessaires cependant elles doivent être employés avec
douceur.
b) La lettre XXIII
Dans cette lettre, le thème
principal nous semble être le baptême. Saint Augustin à travers cette lettre
comme nous l’avons signifié un peu plus haut demande à Maximin, évêque
donatiste de lui fournir des explications nécessaires sur le rebaptême du
diacre MUTUGENNE. Il signifie d’être violemment affligé non seulement de la
malheureuse chute de ce diacre maie encore plus du crime de Maximin. Pour lui
montrer la lourdeur de ce crime, Augustin le signifie de cette
façon : « Je fus violemment affligé et de la malheureuse chute
de ce diacre et de votre crime si imprévu, ô mon frère Je sais ce que c'est que
l'Eglise catholique : les nations sont l'héritage du Christ, et son royaume n'a
pour limites que les limites de la terre. Vous le savez, vous aussi, et, si
vous l'ignorez, apprenez-le ; cela est facile lorsqu'on le veut. Rebaptiser un
hérétique déjà marqué de ce sceau de sainteté qui est une tradition de la
discipline chrétienne, c'est tout à fait un péché; mais rebaptiser un
catholique, c'est un crime énorme. »
En effet, en
apprenant cette situation, Saint Augustin était parti à la rencontre du diacre
Mutugenne pour savoir davantage si l’information reçue était conforme à la
réalité. Malheureusement, il l’avait vu. C’est ainsi que Saint Augustin avait
trouvé les parents du diacre Mutugenne et ces dernier avaient confirmé
l’information selon quoi leur fils, diacre de l’Eglise catholique s’était fait
un membre de la secte donatiste et par
conséquent il s’était fait baptisé. Notre auteur demande à ce dernier de lui
notifier cela par écrit si cela était vrai. Pour arriver à cela, Augustin
l’invite à faire preuve de maturité et de liberté sans être influencer ou avoir
peur. Il le dit de cette façon : « Pourquoi
votre voix n'éclate-t-elle point avec une heureuse et triomphante liberté?
Pourquoi cachez-vous sous le boisseau l'utile éclat de votre lumière? Pourquoi,
vous dépouillant des vieux haillons d'une servitude timide pour vous revêtir de
confiance chrétienne, ne sortez-vous pas et ne dites-vous pas : - Je ne connais
qu'un baptême consacré et marqué par le nom du Père, du Fils et du
Saint-Esprit; il est nécessaire que j'approuve cette forme partout où je la
trouve; je ne détruis pas ce que je reconnais venir du Seigneur; je ne souffle
pas sur l'étendard de mon roi ? ». Notre auteur promet au diacre
Mutugenne que la lettre qu’il va lui envoyer ne sera pas lue par lui-même mais
aussi elle sera lue pour tout les fidèles dans l’Eglise. Ceci pour mettre les
fidèles, lesquels le diacre Mutugenne servait avec courage et fidélité au
courant de la situation et ainsi les avertir en leur donnant des enseignements
là-dessus.
Face à cette
situation, Saint Augustin se dit d’avoir froid au dos ; il n’a pas se
contenir ni garde son calme car, un crime comme celui-ci doit être porté à la
connaissance de tout les membres de la communauté ou mieux à l’Eglise,
rebaptisé un diacre pour lui cela constitue une véritable mort de l’un des
frères. Il s’exprime de cette manière : « Je
ne puis me taire au sujet de notre diacre rebaptisé, car je sais tout ce qu'il
y aurait de mauvais pour moi dans un tel silence. Je ne songe pas à passer
inutilement mon temps dans les honneurs ecclésiastiques, mais je songe à rendre
compte au Prince de tous les pasteurs des brebis qui m'ont été confiées. Si par
hasard vous ne vouliez point que je vous écrivisse ces choses, il faudrait,
frère, pardonné à mes craintes : j'appréhenderais beaucoup que d'autres
catholiques fussent rebaptisés par vos amis, si je me renfermais dans le
silence ou la dissimulation. J'ai donc résolu, autant que le Seigneur me
donnera de pouvoir et de force, de conduire cette affaire de manière à ne
laisser ignorer à aucun de ceux qui sont en communication avec nous dans nos
conférences pacifiques combien grande est la différence entre l'Eglise
catholique et les hérésies ou les schismes, et combien il faut éviter ces
zizanies, ces sarments retranchés de la vigne du Seigneur. »
Pour finir, Saint Augustin
invite le diacre soit à pouvoir lui écrire sur le vrai motif de son baptême ou
bien à pouvoir accepter d’engager avec lui une série des conférences.
V. Appréciation
personnelle : Augustin face au donatiste pour la validité de baptême.
C'est ici qu'intervient la réflexion
sur le baptême, qui est la porte d'entrée dans l'arche. Alors que les
donatistes considèrent les sacrements donnés par les traditores comme
invalides, Augustin fait dépendre leur validité non pas de la qualité morale du
ministre, mais de l'action salvifique du Christ. Même donnés hors de l'unité de
l'Eglise, les sacrements sont valides. Ce dernier point n'allait pas de soi,
car il se heurtait de front à l'autorité de Cyprien, dont se réclamaient
justement les donatistes.
Cyprien considérait en effet comme invalide le baptême
donné hors de l'unité. Augustin va reprocher aux " Cyprianistes " -
les donatistes - de mal comprendre le ma"tre en ne distinguant pas " entre
le sacrement et l'effet ou le fruit du sacrement " . Selon Augustin,
Cyprien n'a pas nié la validité d'un baptême administré par un ministre
indigne, comme le prétendent les donatistes, mais seulement le baptême conféré
par un ministre séparé de l'Eglise, et faisant cela, il n'a jamais dit que le
baptême était invalide, mais seulement qu'il est inutile au regard du salut et
même nuisible. " Seul le catholique bien disposé reçoit le sacrement
recte, utiliter, salubriter, fructuose, ad salutem ; à lui seul, il est
utile : prodest ; au contraire le dissident et le mauvais catholique
reçoivent le baptême perniciose, poenaliter, ad judicium ." [7]
Si Augustin reconnaît donc qu'il existe chez les donatistes des " biens
" d'Eglise, des vestiges d'Eglise, tel le baptême, il ajoute aussitôt
qu'ils ne possèdent ces biens que pour leur perte, faute d'avoir la charité,
c'est-à-dire d'être unis au Corps du Christ. Car la charité est " le
don qui compense pour l'absence de certains autres ", mais sans ce
don, tout le reste " est possédé en vain ". Quiconque vit hors de
l'unité ne peut pas réellement recevoir l'Esprit. Tous les dons que les
donatistes peuvent posséder ne valent donc rien. En conséquence de cette
doctrine, celui qui a reçu le baptême, fût-ce par un ministre indigne ou
schismatique, n'a pas à être rebaptisé, mais pour que son baptême produise son
effet, il lui faut revenir à l'unité. Citons ce texte-clé d'Augustin : "
Les sacrements peuvent être possédés
et administrés par ceux qui sont l'ivraie du dedans (intus = les mauvais
chrétiens), non pour leur salut, mais pour leur perte qui les destine au feu ;
ils peuvent l'être aussi par ceux qui sont l'ivraie du dehors (foris = les
donatistes) et qui les ont reçus de l'ivraie du dedans entrée en dissidence,
car la dissidence ne les leur a pas fait perdre. En voici la preuve indubitable
: à leur retour, on ne les redonne pas à ceux d'entre eux qui s'étaient retirés
et qui viennent à rentrer. " (De baptismo, IV, 9, 13, BA 29)
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