« Réjouissez-vous,
exultez, soyez dans l’allégresse… » (Isaïe 66,10-14)
Je commencerai par une affirmation du pape François dans don
Exhortation apostolique « Evangelii gaudium », n.1 :
« La joie de l’Evangile remplit le cœur de toute la vie
de ceux qui rencontrent Jésus. Avec Jésus-Christ, la joie naît et renaît
toujours ». Malheureusement, il constate qu’ « il y a des chrétiens
qui semblent avoir un air de carême sans Pâques. C’est dommage pour eux et pour
leur entourage ».
Le Pape, dès la première année de son pontificat, attirait
notre attention à plusieurs reprises sur l’importance de laisser vivant ce feu
du premier amour. Dans sa rencontre avec les Clarisses d’Assise, le 3 octobre
2013, disait encore : «Cela m’attriste quand je vois des religieux qui ne
sont pas joyeuses. Elles sourient peut-être, mais avec le sourire d’une hôtesse de l’air. Pas avec
le sourire de la joie, de celle qui vient de l’intérieur. Toujours avec Jésus
Christ ».
Pourquoi est-il important que la vie consacrée soit de feu
pour tous les chrétiens ? Simplement parce que la vie consacrée est signe
pour tous les baptisés. Ils sont un ferment, un levain pour faire gonfler la
pâte de l’humanité, ‘‘un don pour un peuple de Dieu en chemin’’. En effet
quand la vie intérieure se ferme sur ses propres intérêts, il n’y a plus de
place pour les autres.
Dans le magistère du Pape François, l’incipit d’Evangelii
gaudium résonne avec une vitalité surprenante: il nous tourne vers ce
mystère merveilleux de la Bonne Nouvelle qui, accueilli dans le cœur de la
personne, en transforme la vie. C’est la parabole de la joie qui nous est
racontée: la rencontre avec Jésus allume en nous la beauté de l’origine, celle
du visage sur lequel resplendit la gloire du Père (cfr 2 Co4, 6), source
de la joie.
Il nous invite à réfléchir sur le temps de
grâce qui nous est donné de vivre.
Accueillir ce magistère, c’est renouveler son existence
suivant l’Evangile, non selon une radicalité comprise comme modèle de
perfection et souvent de séparation, mais dans l’adhésion de tout cœur à
l’événement de la rencontre salvifique qui transforme la vie.
Lorsque nous donnons raison de la joie qui nous habite, nous
devenons un splendide témoignage, une annonce efficace, une compagnie et une
proximité pour les femmes et les hommes qui habitent avec nous.
C’est de ce témoignage que le Pape attend de nous, lorsqu’il
dit que les religieux et religieuses doivent être des hommes et des femmes
capables de réveiller le monde.
A partir de l’écoute de la Parole de Dieu, il nous donne
beaucoup de suggestions, mais ce qui nous interpelle particulièrement, c’est
l’absolue simplicité avec laquelle il propose son magistère, se conformant à
l’authenticité désarmante de l’Evangile. Parole sans glose, répandue avec le
geste large du bon semeur qui, confiant, ne fait pas de discrimination entre
les terrains.
Un appel à abandonner les argumentations institutionnelles
et les justifications personnelles, une parole provocante qui parvient à
interroger nos modes de vie parfois engourdis et somnolents, souvent vécus à la
marge du défi: si vous aviez autant de foi qu’un grain de moutarde (Lc17,
5). Et encore un appel qui nous encourage à nous mettre en mouvement pour
donner raison du Verbe qui demeure parmi nous, de l’Esprit qui crée et qui
renouvelle constamment son Eglise ; pour une confrontation loyale entre
Evangile et Vie.
« Réjouissez-vous, exultez de joie… »
Il nous parle de cette joie qui s’oriente vers
l’avenir : elle sera surabondante (Is.9, 2), le ciel, le désert et la
terre exulteront de joie (Is.35, 1 ; 44,23 ; 49,13), les prisonniers
libérés arriveront à Jérusalem en criant de joie (Is.35, 9 ; 51,11).
La joie : c’est
cela la beauté de la consécration. La joie de porter à tous la consolation de
Dieu, disait le Pape pendant la rencontre avec les séminaristes et les novices
le 7 juillet 2013. Il n’y a pas de sainteté dans la tristesse ! Il ne faut
pas que vous vous désoliez comme les autres, qui n’ont pas d’espérance (1Th.4,
13). Nous avons à témoigner de la joie qui vient de la certitude de se sentir
aimés, de la confiance d’être sauvés. Un message d’espérance qui donne sérénité
et joie. N’ayons donc pas peur, le Seigneur nous traitera comme une maman avec
son fils.
«En vous appelant, Dieu vous dit: ‘ Tu es important pour
moi, je t’aime, je compte sur toi’. Jésus dit ceci à chacun de nous! C’est de
là que naît la joie! La joie du moment où Jésus m’a regardé, l’image du départ.
Comprendre et sentir cela est le secret de notre joie. Pour Lui nous ne sommes
pas des numéros mais des personnes; nous devons sentir que c’est Lui qui nous
appelle».(0bservatore Romano, 8-9 juillet 2013, p.6)
Il rappelle à tous, que la vocation est toujours une
initiative de Dieu. C’est le Christ qui vous a appelées à le suivre dans la vie
consacrée et cela signifie accomplir continuellement un «exode» de vous-mêmes
pour centrer votre existence sur le Christ et sur son Evangile, sur la volonté
de Dieu, en vous dépouillant de vos projets, pour pouvoir dire avec Saint Paul:
Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi» (Ga2,
20)».
A l’exemple de Paul, il s’agit d’assumer son style de vie,
d’adopter ses attitudes intérieures, de se laisser envahir par son esprit,
d’assimiler sa surprenante logique et son échelle des valeurs, de partager ses
risques et ses espérances: «guidés par l’humble et heureuse certitude de celui
qui a été trouvé, rejoint et transformé par la Vérité qui est le Christ
et qui ne peut pas ne pas l’annoncer». ( Observatore R.29-30 juillet 2013, P.4)
«C’est seulement dans la joie du oui fidèle, grâce à cette rencontre –ou nouvelle
rencontre –avec l’amour de Dieu, qui se convertit en heureuse amitié, que nous
sommes délivrés de notre conscience isolée et de l’auto-référence». (Ev
g.n.8) La personne appelée est convoquée
à elle-même, c’est-à-dire à son pouvoir être, à reconnaître la profondeur de
cet appel.
La fidélité est conscience de l’amour qui nous
oriente vers Dieu et vers toute autre personne, de façon constante et dynamique,
alors que nous expérimentons en nous la vie du Ressuscité: «Ceux qui se
laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide
intérieur, de l’isolement».(Ev.g.n.1)
Le fait d’être disciple est grâce et exercice d’amour,
exercice de charité oblative: «Quand nous marchons sans la Croix, quand nous
édifions sans la Croix et quand nous confessons un Christ sans Croix, nous ne
sommes pas disciples du Seigneur: nous sommes mondains, nous sommes des
Evêques, des Prêtres, des Cardinaux, des Papes, mais pas des disciples du
Seigneur». (Messe avec les Cardinaux,
14/3/2013, in :AAS 105 (2013),365-366.)
«Le fantasme à combattre est l’image de la vie
religieuse entendue comme refuge et consolation face à un monde extérieur
difficile et complexe». Le Pape nous exhorte à «sortir du nid», pour habiter la
vie des hommes et des femmes de notre temps, et nous livrer nous-mêmes à Dieu
et au prochain. » (Civiltà Cattolica, 165, 2014, 10
«Les gens aujourd’hui ont besoin, certainement
de paroles, mais ils ont besoin surtout que nous témoignions la miséricorde, la
tendresse du Seigneur qui réchauffe le cœur, qui réveille l’espérance, qui
attire vers le bien. La joie de porter la consolation de Dieu».
«La joie naît de la gratuité d’une rencontre! […] Et la joie
de la rencontre avec lui et de son appel pousse à ne pas se renfermer, mais à
s’ouvrir. Elle nous conduit au service dans l’Eglise. Saint Thomas disait: le
bien se diffuse. Et la joie aussi se diffuse. N’ayez pas peur de montrer votre
joie d’avoir répondu à l’appel du Seigneur, à son choix d’amour, et de
témoigner de son Evangile dans le service de l’Eglise. Et vraie la joie, est
contagieuse, elle contamine … elle fait avancer».
Le Pape François confie cette mission aux consacrés et
consacrées: trouver le Seigneur qui nous console comme une mère et consoler le
peuple de Dieu. (0bs. R. 7/7/13, p.7
A présent, je vous invite à accueillir les sollicitations
que le Pape nous propose pour regarder le monde et nous-mêmes avec les yeux du
Christ et en rester inquiets.
LES DEMANDES DU PAPE FRANCOIS
-
Je voulais vous dire un mot et ce mot, c’est la
joie. Partout où il y a les consacrés, les séminaristes, les religieuses et les
religieux, il y a de la joie, il y a toujours de la joie ! C’est la joie
de fraîcheur, c’est la joie de suivre Jésus, la joie que nous donne le Saint
Esprit, pas la joie du monde. Il y a de la joie ! Mais où naît la
joie ?
-
Regarde au plus profond de ton cœur, regarde au
plus profond de toi, et demande- toi : as-tu un cœur qui désire quelque
chose de grand ou un cœur endormi par les choses ? Ton cœur a-t-il
conservé l’inquiétude de la recherche ou l’as-tu laissé s’étouffer par les
choses, qui finissent par l’atrophier ? Dieu t’attend, il te cherche, que
lui réponds-tu ? Te rends-tu compte de cette situation de ton âme ?
Ou bien dors-tu ? Crois-tu que Dieu t’attend ou bien pour toi cette vérité
ne représente-t-elle que « des mots » ?
-
Nous sommes victimes de cette culture du
provisoire. Je voudrais que vous réfléchissiez à cela : comment puis-je
être libre part rapport à cette culture du provisoire ?
-
C’est une responsabilité avant tout des adultes,
des formateurs : donner un exemple de cohérence aux plus jeunes. Nous
voulons des jeunes cohérents ? Soyons cohérents nous-mêmes ! Sinon,
le Seigneur nous dira ce qu’il disait des pharisiens au peuple de Dieu :
« faites ce qu’ils disent, mais pas ce qu’ils font ! ».
cohérence et authenticité.
-
Nous pouvons nous demander, suis-je inquiet pour
Dieu, pour l’annoncer, pour le faire connaître ? Ou est-ce que je me
laisse séduire par cette mondanité spirituelle qui pousse à tout faire par
amour de soi-même ? Nous, consacrés, pensons aux intérêts personnels, à
l’efficacité des œuvres, au carriérisme. Tant de choses auxquelles nous pouvons
penser… Est-ce que je me suis pour ainsi dire « installé » dans ma
vie chrétienne, dans ma vie sacerdotale, dans ma vie religieuse, dans ma vie de
communauté aussi, ou bien est-ce que je conserve la force de l’inquiétude pour
Dieu, pour sa Parole, qui me porte à « aller à l’extérieur », vers
les autres ?
-
Comment nous comportons-nous face à l’inquiétude
de l’amour ? Croyons-nous à l’amour envers Dieu et envers les
autres ? Où sommes-nous nominalistes à ce sujet ? Non pas de façon
abstraite, pas seulement en paroles, mais le frère concret que nous
rencontrons, le frère qui est à côté de nous ! Nous laissons-nous
inquiéter par leurs nécessités ou bien restons-nous enfermés en nous-mêmes,
dans nos communautés, qui sont souvent pour nous une « communauté-confort » ?
-
Ca, c’est un beau chemin, un beau chemin vers la
sainteté ! Ne jamais dire du mal des autres. « Mais, Père, il y a des
problèmes… ». Dis-le au supérieur, dis-le à la supérieure, dis-le à
l’évêque, qui peut trouver une solution. Ne le dis pas à celui qui ne peut pas
aider. C’est important : la fraternité ! Mais dis-moi, dirais-tu du
mal de ta mère, de ton père, de tes frères ? Jamais. Alors pourquoi le
fais-tu dans la vie consacrée, au séminaire, dans la vie entre prêtres ? Uniquement
cela : réfléchissez, réfléchissez… La fraternité ! Cet amour
fraternel !
-
Au pied de la croix, Marie est la femme de la
douleur et dans le même temps de l’attente vigilante d’un mystère plus grand
que la douleur, sur le point de s’accomplir. Tout semble vraiment fini ;
toute espérance pourrait se dire éteinte. Elle aussi, à ce moment-là, en se
souvenant des promesses de l’annonciation, aurait pu dire : elles ne sont
pas avérées, j’ai été trompée. Mais elle ne l’a pas dit. Et pourtant,
bienheureuse parce qu’elle a cru, elle voit bourgeonner de cette foi un avenir
nouveau et attend avec espérance le demain de Dieu. Je pense parfois :
savons-nous attendre le demain de Dieu ? Ou voulons-nous
l’aujourd’hui ? Le demain de Dieu, pour elle, c’est l’aube du matin de la
Pâque, de ce premier jour de la semaine. Cela nous fera du bien de penser, dans
la contemplation, à l’accolade du fils avec la mère. La seule lampe allumée au
sépulcre de Jésus est l’espérance de la mère qui, à ce moment- là, est
l’espérance de toute l’humanité. Je me demande et je vous demande : dans
les monastères, cette lampe est-t-elle encore allumée ? Dans les
monastères, attend-on le demain de Dieu ?
-
L’inquiétude de l’amour pousse toujours à aller
à la rencontre de l’autre, sans attendre que l’autre manifeste son besoin.
L’inquiétude de l’amour nous offre le don de la fécondité pastorale, et nous
devons nous demander, chacun de nous, comment se porte ma fécondité
spirituelle, ma fécondité pastorale ?
-
Une foi authentique implique toujours un désire
profond de changer le monde. Voilà la question que nous devons nous
poser : avons-nous nous aussi de grandes visions et un grand élan ?
Sommes-nous nous aussi audacieux ? Avons-nous de grands rêves ? Le
zèle nous dévore-t-il (cf.Ps 69,10) ? Ou bien sommes-nous médiocres et
nous contentons-nous de nos programmations apostoliques de laboratoire ?
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