LA RÉCONCILIATION COMME LA MISSION URGENTE
DE L’ÉGLISE
EN AFRIQUE AUJOURD’HUI.« Réflexion sur la théologie Paulinienne de la réconciliation, 2Co 5, 11-21 »
INTRODUCTION GÉNÉRALE
0.1. Problématique.
Le
monde dans lequel nous vivons est un monde en crise à tous niveaux ; c’est
un monde marqué par des conflits sociaux, politiques, économiques et religieux.
Beaucoup de gens se trouvent dans les situations tragiques des réfugies,
de pauvreté scandaleuse, de maladie et de faim qui tuent encore chaque jour de milliers de
personnes, de guerre et les conflits, de crise et de chaos. Malheureusement,
cette situation est rarement causée par les catastrophes d’ordre naturel en
Afrique. Elle est plutôt largement attribuée aux décisions et aux activités
humaines de ceux qui n’ont aucun souci du bien commun[1].
En
face des situations difficiles mentionnées ci-dessus, l'Église d’Afrique a
répondu par diverses formes de proclamations : lettres pastorales,
communiqués de presse, prédications, dépêches, conférences de presse. Par ces
moyens, les dirigeants ecclésiastiques espèrent toucher les cœurs pour
provoquer une conversion qui transforme la société. Par le Second Synode pour
l'Afrique, les dirigeants de l'Église en Afrique ont, selon leurs propres mots,
une fois encore « lancé un appel
vibrant à tous ceux qui sont en guerre en Afrique et font souffrir leurs
peuples : cessez les hostilités et réconciliez-vous ! Ils ont demandé à
tous les citoyens et les gouvernements africains de reconnaître leur fraternité
et de promouvoir des initiatives en tous genres qui encourageraient la
réconciliation et la renforceraient de manière permanente à tous les niveaux de
la société »[2], à une situation où de graves injustices
sociales et politiques et bien d'autres maux sont réduits à un manque de piété
personnelle ; et les approches ecclésiales pour y remédier sont seulement
axées sur la conversion individuelle, laissant de côté la sphère plus étendue
des ramifications sociales et communautaires de ces maux. En d'autres termes,
la proclamation laisse aux individus l'initiative de décider s'ils veulent la
réconciliation ou non. Mais, comme il a été souligné, le cas de l'Afrique n'est
pas seulement une affaire individuelle, il touche toutes les couches de la
société : les institutions étatiques, les groupes ethniques et religieux,
les communautés, les secteurs régionaux et internationaux. L'idée de conversion
individuelle et de confession (mea culpa)
individuelle (privée) n'est tout simplement pas suffisante ; la question
en grande partie mendie encore sa réponse. Les enjeux de la réconciliation en
Afrique sont tels que celle-ci ne peut plus être une décision privée. Il est
vrai qu'une paix durable à long terme ne peut pas être imposée, elle doit être
le fruit des choix individuels et communautaires. Il est vrai aussi que la réconciliation
est une condition préalable pour une paix durable. Ainsi, pour que l'Afrique
bénéficie du projet de réconciliation, elle doit aller au-delà de l'individu,
et donc, au-delà de la proclamation. L'Église en Afrique doit elle-même se
surpasser pour faire face aux péchés accumulés dans le passé qui continuent à
peser sur son peuple.
Elle
doit s'engager dans la purification de la mémoire collective, pour aider à
réparer les relations tendues, à rétablir une communication productive, saine
et harmonieuse entre les différents secteurs de cette réalité qui s'appelle
l'Afrique. La tâche peut sembler déconcertante, mais l'Église-Famille de Dieu
en Afrique peut trouver un réconfort dans les paroles du Pape Jean-Paul
II : « Dieu peut créer des ouvertures pour la paix là où seuls les
obstacles et les fermetures sont apparents »[3],
c'est un impératif pour l'Église. Quelques années avant le génocide du Rwanda,
le Professeur Mary John Waliggo écrivait: « L'avenir de l'Église
chrétienne sera glissant si le christianisme ne satisfait pas les peuples
africains à l'heure de leurs plus urgents besoins. Les générations futures
voudront savoir où était l'Église lorsque les gens souffraient, quel message
elle a donné pour apporter l'espoir »[4].
Telle est la tâche qui attend l'Église-Famille de Dieu en Afrique. Comment les
Instituts missionnaires travaillant sur le continent peuvent-ils s'impliquer
dans ce projet de réconciliation en Afrique ?
Dans
ce travaille
nous voulons voir comment l’Église peut
construire une culture de communion en Afrique ; enracinée dans les vertus
chrétiennes de réconciliation pour aviser la justice et la paix afin de restaurer les communautés dans leur intégrité et guérir les cœurs blessés
des hommes et des femmes qui ont trop longtemps souffert ! Nous nous sommes posé aussi la question de
savoir si le manque de réconciliation n’est pas un signe de manque de
conversion. Nous constatons aussi que beaucoup de diocèses n’ont pas inscrit,
comme priorité dans leur programme, les problèmes de réconciliation. On se
demande alors comment vont-ils évangéliser des peuples si divisés ?
0.2. Choix du sujet
Si
nous regardons bien l’Afrique, nous allons voir qu’elle est pleine de conflits
tribaux, linguistiques, religieux, de guerres,
de divisions entre les partisans de différents partis politiques etc.
Alors, en regardant tout cela, pouvons-nous dire
qu’il n'y a aucun besoin de redire que
l'Afrique a besoin de réconciliation ? L’expérience forte de notre propre
vie et de la vie autour de nous révèle que, en Afrique nous avons toujours
essayé de résoudre nos problèmes par la force, la guerre et le coup d’état.
Mais jusqu'ici, il n’y a ni paix ni justice sur le continent. Nous pensons que
c’est le moment propice de donner la
chance à la réconciliation, parce que Dieu se réconcilie avec nous et nous
invite à vivre cette réconciliation entre nous.
En fait, le monde entier en a besoin aujourd’hui : les guerres, les
attaques terroristes, la xénophobie, la corruption, la cupidité, l'exploitation
économique, le trafique humain, la menace de la drogue et la violence se
retrouvent non seulement en Afrique, mais dans presque chaque continent. C’est
pour cela que nous pensons que l'Église
en Afrique pourrait donner au monde un nouveau paradigme de réconciliation.
Nous sommes arrivés à ce sujet parce que nous voulons que
le deuxième synode ne soit pas un simple changement de slogan du genre : « Vous
êtes mes
témoins » au « vous êtes le sel de la terre et lumière du monde ». Notre
souci est de voir comment nous allons réaliser tout cela. C’est en réponse à
cette question que, dans ce travail, nous allons proposer de réaliser quelques
propositions au deuxième
synode en ce qui concerne la réconciliation à la manière de St Paul.
0.3. Méthodologie
La
méthodologie qui sera employée dans cette recherche sera à la fois analytique
et critique. L’analyse nous permet de saisir profondément les conditions dans
lesquelles l’Afrique se trouve. La critique, par contre, nous aidera à voir
comment et pourquoi l’Église doit favoriser et valoriser la réconciliation dans
sa mission d’évangélisation en Afrique et comment l’Église peut réussir dans ce
domaine à l’exemple de St Paul. Pour atteindre le but de notre recherche, nous
utiliserons différents ouvrages sur ce sujet de réconciliation et la mission de
l’Église. Nous ne manquerons pas de citer le magistère de l’Église et les
documents pauliens.
0.4. Délimitation du
travail
Notre
travail s’articule en trois chapitres. Dans le premier chapitre, nous
présenterons les définitions des concepts clefs. Ensuite dans le deuxième
chapitre, nous essayerons de présenter
la théologie paulinienne de la réconciliation (2 Co 5, 11-21). Enfin dans le troisième chapitre, réfléchir sur la
réconciliation comme mission urgente de l’Église, à la lecture de la vision du
deuxième synode des Évêques africains. Dans
ce même chapitre nous allons traiter la question de la mission de l’Église en
générale ; et nous donnerons une
petite conclusion à la fin de chaque chapitre, sans oublier la conclusion
générale.
CHAPITRE I
LES DÉFINITIONS DES CONCEPTS CLEFS.
Introduction.
Comme nous le savons sans doute que nous
pouvons avoir un très bel appartement, mais il faut toujours en avoir la clé
pour y entrer. Pour être sûre que nous parlons de la même chose, dans ce premier
chapitre, nous allons essayer d’expliquer brièvement les
termes « Réconciliation, Église et mission ». Ces mots semblaient recouvrir des variétés de sens. Il
y a un risque que, dès le début, nous comprenions différemment les mots. Pour
éviter la confusion, nous allons donner quelques définitions de ces termes
ci-dessus. Notons qu’il n’y a rien de très original dans ce que nous allons présenter
ici, mais il faut parfois revenir à des notions simples et basiques, si nous
voulons comprendre des choses plus compliquées.
1.1.
La Réconciliation, qu’est-ce que c’est ?
Le Concise Oxford Dictionary définit ainsi le mot réconcilier : « rétablir une relation
amiable entre ; trancher (une querelle) ; faire ou rendre compatible ;
faire accepter à quelqu'un (une chose désagréable) »[5]. En d'autres termes, la réconciliation est un passage
de l'inimitié à l'amitié ; elle est réciproque ; C'est un changement
qui s'opère chez les deux parties initialement en désaccord, lesquelles
acceptent maintenant d'enterrer la hache de guerre et de faire route ensemble.
De ce qui précède, nous pouvons déduire que le terme réconciliation présuppose ce qui suit :
Ø Ce terme engage au moins deux parties.
Ø Un incident désagréable cause une dispute, un
conflit, une rancœur, une animosité.
Ø Une partie est probablement présumée (ou
accusée de) être impliquée dans cet incident désagréable.
Ø Cet incident conduit à une rupture de
communication, et empêche l'existence d'une relation normale entre les parties
concernées.
D’âpres lineamenta, la réconciliation signifie
« simplement un accord, un consensus ou une résolution d’un problème ou
d’une dispute, d’autre part l’élimination de l’animosité ou la fin de la
violence…..ce qui est important c’est de rétablir à nouveau une relation
normale, rétablir la communication et aller au- delà de la dispute. De ce point de vue, la
réconciliation a un caractère pragmatique ; c’est un langage
d’apprentissage de vie avec les autres, en sociétés pluralistes et de gestion
pacifique des conflits »[6]
Ainsi l'acte de la réconciliation
consiste-t-il à amener des parties en désaccord à rétablir une relation normale
entre elles. Ce qui sous-entend l'établissement de réseaux de communication, de
dialogue entre les parties, une révélation de la vérité des faits,
l'acceptation de reconnaître ses torts, les rôles joués par les personnes
impliquées, un accord sur l'indemnisation pour les offenses commises et un
consensus mutuel pour enterrer la hache de guerre et avancer ensemble. La réconciliation
surmonte les crises, restaure la dignité des gens et ouvre la voie au
développement et à la paix durable entre tous les peuples et à tous les niveaux[7].
Dans la perspective
sociologique de la résolution des conflits, la réconciliation est considérée
comme un processus à plus long terme visant à surmonter l’hostilité et la
méfiance entre les peuples divisés. Elle exige que les parties reconnaissent le
besoin de développer une compréhension commune des causes et de la nature du
conflit et d’élaborer des notions de responsabilité communes[8].
Le terme réconciliation
implique « l’idée de ré-couture » et de recomposition du tissu de
relations humaines rompues pour une raison ou une autre. Cette remise en
harmonie s’exprime, souvent par l’idée fondamentale de
« changement », « rassemblement » de « réunion »,
de « purification » et « d’expiation »[9].
Comme mentionné ci-dessus, une réconciliation présuppose des événements (en
général négatifs) qui ont causé offenses, rancunes et douleurs, et qui ont
conduit à la rupture de la cohésion sociale se traduisant par l'animosité et la
méfiance.
En
effet, le mot réconciliation vient du latin
reconciliare[10]
qui, au sens propre, signifie : ramener, faire rentrer, et au sens
figuré : ramener la paix, réconcilier. Pour l’Église Catholique Romaine,
la réconciliation a longtemps été l’acte solennel par lequel un hérétique est
reçu au sein de l’Église (il y a là une idée de ramener, de faire rentrer).
Selon, le Dictionnaire Biblique pour tous, ce
mot signifie : rétablir l’amitié entre personnes brouillées, ou la paix
entre ennemis, ou encore remettre en accord, en harmonie des personnes qui
étaient brouillées[11].
Aucune
de ces définitions ne peut convenir à la nécessité de réconciliation après des
crises profondes et meurtrières : pourrons-nous dire sérieusement à des
Rwandais ou Ivoiriens après le génocide ou aux Guinéens après l’événement du 28
septembre 2009, ou aux partisans de Gadaffi en Libie, et d’autres pays qu’ils
doivent se remettre en harmonie ou se « rabibocher » ? En grec,
le verbe « katallasso »,
que nous traduisons par réconcilier, est construit sur une racine « allos » traduite par « autre »
et à partir d’un verbe « allasso » qui signifie « rendre
autre, échanger ». Ce verbe réconcilier signifie avant tout
changer à l’égard de quelqu’un.[12] Les mots grecs ayant pour racine «
allosso » n’ont donc pas du tout
le sens de « retour » du mot latin « reconciliare ». La réconciliation, au sens grec est beaucoup
plus dynamique qu’au sens latin. C’est à cause de cette dynamique grecque que le terme nous invite à dénoncer les
« guerres locales ou régionales, les massacres et les génocides qui se
déroulent sur le continent » et qui doivent nous interpeller de manière
toute particulière. C’est pour cela que le Pape Benoit XVI pendant sa rencontre avec le conseil spécial pour
l’Afrique du synode des Évêques, il a lancé un appel à la réconciliation, pour
la construction d’une Afrique plus juste et pacifique, « aucune différence ethnique ou culturelle, de race, de sexe ou
de religion ne doit devenir entre vous un motif d’affrontement »[13],
a-t-il estimé. C’est en choisissant le sens dynamique du mot grec qui invite au
changement à l’égard de l’autre et traduit en français par réconciliation, que
nous aborderons notre recherche.
1.2.
Le terme réconciliation dans l’Ancien Testament.
L'Ancien Testament raconte un certain nombre de
conflits et d'affrontements entre frères, entre membres d'une même famille,
entre tribus ; certains de ces récits se terminent par une réconciliation,
d'autres non. L'Ancien Testament reconnaît donc la dimension de la violence, il
la déplore et il souligne la nécessité et le pouvoir de la réconciliation. Les
querelles de famille entre Jacob et Esaü (Gn 25,19-33,20) ou entre Joseph et
ses frères (Gn 37-45) sont des exemples de conflits entre personnes et
peut-être aussi entre communautés. Ces récits illustrent également le pouvoir
d'une attitude réconciliatrice chez les gens qui essaient de résoudre des
conflits, d'abolir la haine et de soulager des injustices, réelles ou perçues,
par la négociation, le pardon et la recherche d'une base commune et d'un avenir
partagé. L'Ancien Testament évoque aussi, à de très nombreuses reprises,
l'aliénation entre Dieu et son peuple, ainsi que le désir et l'appel pressant
de Dieu à la réconciliation et au rétablissement d'une relation brisée et
rompue par l'orgueil de l'homme et par diverses formes de rébellion contre le
Dieu de vie et de justice. On voit donc que la réconciliation est un thème
récurrent des textes bibliques et du langage liturgique d'Israël - notamment
des Psaumes, même si, en hébreu, il n'existe pas de terme spécifique pour dire
« réconciliation ». Les livres appartenant à la tradition des lamentations,
notamment les Lamentations de Jérémie et le Livre de Job, expriment d'une façon
poignante l'aspiration des êtres humains à la réconciliation[14].
L’Alliance
faite entre Dieu et le peuple d’Israël marque la vie du peuple en termes de
relation privilégiée. Les prophètes rappelleront à plusieurs reprises les
exigences de renouvellement de l’Alliance. C’est-à-dire le retournement du
peuple infidèle vers Dieu à travers des images comme celle de l’épouse qui
retourne vers son mari après son adultère (Os 2, 20), (Jr 31, 31-34). Le
mot « réconciliation » ne figure pas dans ces versets. La
rencontre réconciliatrice sera exprimée en termes de recherche de Yahvé de la
part du peuple (Os 5,13) ; et de la part de Dieu, il se laissera trouver (Jr 29, 13-14).
Dans
tous ces textes nous voyons que les juifs attribuaient à la colère de Dieu les
maux qui les frappaient ; le retour à la prospérité et au bonheur serait
donc à attribuer à une réconciliation. Dieu doit pour cela changer ses propres
sentiments. L’idée n’est aucunement que Dieu « serait réconcilié »
par l’action des hommes, que les prières le rendraient réconcilié. Le contexte
n’invite pas à comprendre le verbe dans ce sens purement passif ; il nous
faut le comprendre au sens réfléchi. Les prières invitent Dieu à modifier ses
dispositions, mais nous savons qu’il ne les modifiera qu’en raison de sa
miséricorde[15].
L’application de ce terme aux rapports de l’homme avec Dieu n’apparait qu’avec
le Judaïsme hellénistique[16].
Nous
notons que tous les rites d’expiation du culte mosaïque, ordonnés à la purification
des fautes les plus variées, visaient finalement la réconciliation de l’homme
avec Dieu. Pourtant le temps n’était pas encore venu de la complète rémission
des péchés, et les fidèles du vrai Dieu restaient dans l’attente de quelque chose
de meilleur (Cf. 2Mc 1,5 ; 7,33 ; 8, 29). La réconciliation parfaite
et définitive à été accomplie par le Christ Jésus « le Médiateur entre
Dieu et les hommes » (1 Tm 2, 5).
1.3.
Le terme réconciliation dans le Nouveau Testament.
La
réconciliation est un concept récurrent dans le Nouveau Testament. La où nous
parlons de « réconcilier », le grec emploie différents verbes de même
racine. Nous trouvons dans le Nouveau Testament
diαλλασσω (dialassô), kαταλλασσω
(katallassô), αποkαταλλοσω (apokatallosô), σuvαλλαϭϭω (synallassô). L’idée fondamentale de ces verbes parait être
celle de changement ; il s’agit de rendre autre[17].
Nous trouvons dans le NT que nos relations
avec Dieu ont été restaurées grâce au sang versé par le Christ. Mais, dans Mt
5, 9, Jésus montre aussi son souci pour la guérison au sein de la société. Il
désire voir les relations entre les gens restaurées, et il espère que les
Chrétiens soient des bâtisseurs de paix et de réconciliation. Cela veut dire
que les Chrétiens doivent être en paix les uns avec les autres mais aussi ont
un rôle à jouer
dans la création d’opportunités afin que les non croyant qui sont en conflit
puissent se rencontrer et se réconcilier.
En lisant bien Mt 5, 7-10, nous constatons que le Christ nous invite à
être les Artisans de réconciliation, de justice et de la paix. Il nous invite à
refuser la violence qui est devenue le mal endémique du continent. C’est pour
cela que nous devons accepter d’être persécutés parce que nous dénonçons les
injustices, la mauvaise gestion, l’exploitation, et nous devons être solidaires
avec ceux qui pleurent, écrasés par la misère[18].
Le chrétien est donc appelé à aimer et à
pardonner, selon une mesure qui transcende toute mesure humaine de justice et
induit une réciprocité entre les êtres humains reflétant celle entre Jésus et
le Père ( Jn 13, 34 s. ; 15, 1-11 ; 17, 21-26). Dans cette optique, le
thème de la réconciliation et du pardon des offenses prend un grand relief. À
ses disciples, Jésus demande d’être toujours prêts à pardonner à ceux qui les
auraient offensés, de même que Dieu lui-même offre toujours son pardon : « Remets-nous nos dettes comme nous-mêmes les
remettons à nos débiteurs » (Mt 6, 12.14-15). Celui qui est en
mesure de pardonner au prochain montre qu’il a compris le besoin qu’il a
personnellement du pardon de Dieu. Le disciple est invité à pardonner « jusqu’à soixante-dix fois sept fois » celui
qui l’offense, même si celui-ci ne demande pas pardon (Mt 18, 21-22).
Jésus
insiste sur l’attitude requise de la personne offensée à l’encontre de ses
offenseurs. Elle est appelée à faire le premier pas, effaçant l’offense
moyennant le pardon offert « du fond du cœur » (Mt 18, 35 ; Mc 11,
25), sachant qu’elle est elle-même pécheresse devant Dieu qui ne refuse jamais
le pardon demandé avec sincérité. Dans Mt 5, 23-24, Jésus demande à l’offenseur
d’« aller se réconcilier avec son propre frère qui a quelque chose contre lui
», avant de présenter son offrande à l’autel : Dieu n’agrée pas un acte cultuel
opéré par celui qui ne veut pas réparer auparavant le tort qu’il a causé à son
prochain. Ce qui compte, c’est de changer son propre cœur et de montrer de manière
appropriée que l’on veut réellement la réconciliation. Dans tous les cas, le
pécheur, conscient que ses péchés blessent tout à la fois sa relation à Dieu et
à son prochain ( Lc 15, 21), ne peut attendre le pardon que de Dieu
seul, car Dieu seul est toujours miséricordieux et prêt à effacer les péchés.
C’est là aussi la signification du sacrifice du Christ qui nous a purifiés une
fois pour toute de nos péchés (He 9, 22 ; 10, 18). Ainsi, l’offenseur et
l’offensé sont réconciliés par Dieu dans sa miséricorde qui les accueille tous
et les pardonne.
Nous
trouvons souvent dans le Nouveau Testament, des passages traitant des problèmes
de conflits dans les Églises. C’étaient tout autant un problème au début de
l’église que maintenant.
1.4. L’étymologie du mot Église et son sens dans
l’Ancien Testament et le Nouveau Testament.
Le
mot « Église » est une traduction française du mot grec, « ékklèsia », qui se trouve 114 fois dans le NT[19]. Ékklèsia vient de deux mots grecs : ék, qui signifie « hors de »
et kaléô,
qui signifie « appeler ». Alors littéralement ékklèsia signifie « appeler
hors de »[20]. Dans le monde grec profane ce mot était
utilisé pour désigner l’assemblée des citoyens, convoquée par le héraut pour la
discussion et la décision des affaires publiques. Par exemple l’assemblée
tumultueuse d’Ephèse dans Ac 19, 32-41[21].
Dans la LXX au contraire, le mot désigne une
assemblée convoquée pour un geste
religieux, souvent culturel (Dt 23, 1 R 8 ; Ps 22, 26). Le mot hébreu « qahal », dans l’AT est employé surtout par l’école
deutéronomique pour désigner l’assemblée par exemple de l’Horeb (Dt 4, 10), des étapes
de Moab (Dt 31, 30)[22]
etc. La langue latine a repris le
concept ékklèsia sans pratiquement le modifier, et parle de l’écclésia. D’ecclésia
nous avons le mot Église, en français.
Mais
si ékklèsia traduit toujours qahal,
ce dernier mot est parfois rendu sous d’autres vocables, en particulier par « synagogue »
(Nb 16, 3 ; 20, 4 ; Dt 5, 22), qui rend plus souvent le mot
sacerdotal « ‘édah ».
Eglise et synagogue sont deux termes à
peu prés synonymes ( Jc 2,2). Elles ne s’opposeront que lorsque, les chrétiens
se seront appropriés le premier, en réservant le second aux juifs.[23]
Le choix d’ékklèsia par la LXX a sans
doute, par les suggestions de l’étymologie,
ce sens, venant de ék kaléô ( j’appelle de, je convoque), qui indiquait
par lui-même qu’Israël, le peuple de Dieu, était le rassemblement des hommes
convoqués par l’initiative divine, et il rejoignait par conséquent une
expression sacerdotale où l’idée d’appel
s’exprimait par « klètè
hagia », qui est une traduction littérale de « miqra
qodèš », qui « signifie convocation sainte » ( Ex 12,
16 ; Lv 23, 3 ; Nb 29, 1)[24].
Alors,
il est tout naturel que Jésus, fondant un nouveau peuple de Dieu en continuité
avec l’ancien, l’ait désigné par un nom biblique de l’assemblée religieuse (il
a du dire en araméen soit ‘édta, soit
kenista, rendu le plus souvent par
synagogue, soit plus probablement qehala),
nom rendu par ékklèsia en (Mt 16, 18). De même la première génération
chrétienne, se sachant le nouveau peuple de Dieu (1 P 2, 10) préfiguré par « l’église du
désert » (Ac 7, 38), a adopté un terme qui, venant des Ecritures, était
très apte à la designer elle-même comme « Israël de Dieu » (Ga 6,
16 ; Ap 7,4 ; Jc 1, 1 ; Ph 3, 3).[25]
Alors c’est ce mot qui a été choisi dès
l’époque apostolique pour désigner le groupe des disciples de Jésus ressuscité.
Jésus lui-même a très peu utilisé ce mot d’ « Église ». Il a employé
ce mot une fois en tout et pour tout :
« tu es Pierre, et sur cette pierre
je bâtirai mon Église » (Mt 16, 18).
L’Église est, en quelque sorte, l’ébauche, le chantier actif mais
inachevé du royaume de Dieu. Nous le remarquons que ce terme ne désigne jamais
ni bâtiment ni un lieu de culte, comme
c’est le cas aujourd’hui. Nous avons plusieurs passages dans le NT pour
confirmer que le mot Eglise parle des gens et pas le lieu. Par
exemple ; dans l’évangile selon
saint Mt 18 : 17, Jésus dit ; « S’il refuse de vous écouter, dis- le à l’Église. Il continue en disant
que « S’il refuse même d’écouter l’Église, mets- le sur le même plan que
les incroyant et les gens avec qui vous évitez toute relation »[26].
Dans le livre des Actes des Apôtres,
l’auteur nous apprend que quand Pierre était
gardé en prison, l’Église ne cessait d’adresser pour lui des prières à Dieu (cf.
Ac 12,5). Et puis, nous pouvons trouver tant d’autres passages par l’exemple
en ; Ac 14, 27 ; 15,
3 ; 18, 22 ; 20, 28
etc
Dans
le Nouveau Testament, il y a plusieurs termes utilisé pour désigner l’Église. En
voici une liste pas forcement complète,
mais l’essentiel y est :
Ø Bercail
(bergerie) (Jn 10, 1-16)
Ø Champ
de Dieu (1 Co 3, 9)
Ø Construction
de Dieu (1 Co 3, 9)
Ø Temple
Saint (Ep 2, 21)
Ø Cité
Sainte (Ap 21, 2)
Ø Famille
de Dieu (Ep 2, 19)
Ø Assemblée
de Dieu (1 Co 1, 2)
Ø Peuple
de Dieu (1 P 2, 10)
Ø Épouse
du Christ (Ga 5, 23-30)
Ø L’épouse
immaculée (Ap 19, 7)
Ø Demeure
de Dieu chez les hommes (Ap 21, 3)
Ø Corps
du Christ (Ga 3, 27-29)
Ø Jérusalem
d’en haut (Ga 4, 26)
Ø Notre
mère (Ga 4, 26)
Ø Maison
de Dieu (1Tim 3, 15)
Ø Troupeau
(Jn 10, 1-6)
Ces
images sont multiples, mais aucune n’a la prétention de dire la totalité
du mystère. Chacune souligne un aspect. Il est important de les faire jouer les uns avec les autres,
sans se limiter à une seule. Tel croyant ou telle communauté ecclésiale, ou
encore telle époque peut donner sa préférence à l’une ou à l’autre. Tous ont à
admettre que le regard qu’ils portent sur
l’Église est partiel, et qu’ils ne peuvent laisser dans l’ombre les
aspects de l’Église auxquels ils portent moins d’attention[27].
Ékklèsia
peut avoir le sens d’assemblée de tous les chrétiens vivant en un milieu donné.
Ékklèsia par exemple dans certaines villes mentionnées : Jérusalem (Ac 8,
1), Antioche ( Ac 11, 26), Corinthe ( 1 Co 1, 2), Thessalonique (1 Th 1,1)
etc. C’est dans ce sens d’Eglise comme assemblée de tous les chrétiens vivant
en un milieu donné que nous pouvons parler de l’Église en Afrique.
Dans
son essence, l’Église est le rassemblement de tous les baptisés affirmant leur
foi en Jésus ressuscité. Elle est organisée en communautés ayant chacune sa
structure, et regroupée dans des ensembles appelés Église locale. En raison des
séparations intervenues au sein du christianisme, nous distinguons l’Église
Catholique romaine dont le chef spirituelle est le Pape, les Églises orthodoxes
et les Églises issues de la Reforme. Dans notre travaille nous allons nous
limiter seulement à l’Église Catholique romaine.
1.5. La notion de l’Église selon le Droit Canonique
et le Magistère.
Qu’appelle-t-on
Église ? Au cours de l’histoire, cette interrogation a reçu plusieurs
tentatives de réponse. Faisant notre tour le déploiement historique sur la
conception de l’Eglise, le Code de 1917 a préféré définir l’Église, au canon
100, § 1 comme une personne morale[28],
d’institution divine avec une idée de fond opposant la base de l’Eglise à son
sommet. En réalité, œuvre de son temps, le Code
de 1917, outre la conception de l’Église comme Corps du Christ, société d’hommes, multitude organisée des fidèles,
communauté de foi, …, a aussi hérité la conception de l’Église comme une société parfaite. Voila pourquoi il est
dit que ce Code avait suivi davantage les droits séculiers et avait consacré la
conception pyramidale de l’Église[29].
Le
concile de Vatican II (1962 -1965) par contre, oriente sa vision sur l’Église
autrement que le Code qui était en
vigueur avant et pendant sa tenue, notamment le Code de 1917. Ce concile a mis
en lumière l’image réelle et authentique de l’Église. C’est cette image réelle
constituant la nouvelle ecclésiologie, qui se trouve être consignée dans le
Code de 1983. D’ailleurs il va falloir affirmer clairement que le nouveau Code
traduit en langage canonique la doctrine de l’ecclésiologie conciliaire[30].
Tenant
compte de cette image réelle et authentique,
l’Église, sacrement universel de
salut, se présente comme le Peuple de
Dieu. C’est-à-dire que l’Église se présente, d’une part, comme une société
constituée et organisée, ayant un système juridique qui se fonde sur la charité
et où
l’autorité est conçue comme service, et d’autre part, comme une réalité douée d’organes hiérarchiques et gouvernée
par le Successeur de Pierre et les Évêques en communion avec lui[31].
En somme, en Droit canonique, l’Église, en
dehors de son aspect mystique, est conçue comme une réalité organique voulue
par Dieu. Et sa constitution hiérarchique se fonde sur le Collège des Évêques
uni à son Chef. Avec l’ecclésiologie du concile de Vatican II, à
la conception de l’Église opposant volontiers la base au sommet, se substitue une
conception communautaire : Église-communion ; une communion qui se
traduit par une certaine co- responsabilité. Le code de 1983 met moins l'accent sur le caractère
hiérarchique et ordonné de l'Église.
Il veut au contraire promouvoir l'image d'une Église-peuple de Dieu (référence
explicite à la constitution de 1964 Lumen Gentium)
et d'une hiérarchie au service des autres (can. 204)[32].
Selon
le symbole de Nicée (325) – Constantinople (381), les Chrétiens catholiques
croient dans une Église qui est «
Une, Sainte, Catholique et Apostolique ». Elle est Une
parce qu’elle a comme origine et comme modèle l’unité d’un seul Dieu dans
la Trinité des personnes ; comme
fondateur et comme tête, Jésus Christ qui rassemble tous les peuples dans
l’unité d’un seul corps ; comme âme, l’Esprit Saint, qu’unit tous les
fideles dans la communion avec le Christ. Elle a une seule foi, une seule vie sacramentelle,
une seule succession apostolique, une espérance commune et la même charité[33].
L’Église est « sainte » parce que le Dieu très saint en est l’auteur. Le
Christ s’est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier et de la rendre
sanctifiante. L’Esprit Saint la vivifie par charité. En elle réside la
plénitude des moyens du salut[34].
L’Église est « catholique », mot grec qui veut dire « universelle »
parce qu’est elle est envoyée en mission
vers toutes les nations, toutes les
époques et toutes les cultures aux quelles
elles appartiennent.
L’Église est « apostolique » parce qu’elle a pour fondations les
apôtres ( Ep 2, 20) ; par son enseignement, qui est celui des
Apôtres ; par sa structure, parce qu’elle est édifiée, sanctifiée et
gouvernée, jusqu’au retour du Christ, par les Apôtres grâce à leur successeurs,
les Évêques en communion avec le successeur
de Pierre.[35]
Ces
quatre notes : une, sainte,
catholique et apostolique, se complètent et se renvoient l’une à l’autre.
Dire l’Église « une », c’est dire qu’elle est communion. La dire
« sainte », c’est la situer dans le projet de Dieu. La dire
« catholique », c’est la situer dans la diversité du monde. La dire
« apostolique », c’est la situer dans l’histoire en continuité avec
ses origines.
Et
enfin nous ajoutons « romaine », pour la distinguer des autres
Eglises qui utilisent les titre de catholiques, essentiellement l’Église
anglicane qui se considérait à sa fondation comme l’Eglise catholique en
Angleterre. « L’Église est, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement,
c’est-à- dire à la fois signe et moyen
de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain »[36].
Dans
le langage chrétien, le mot « Église » désigne « l’assemblée
liturgique », mais aussi la « communauté locale » ou toute la « communauté
universelle des croyants ». Ces trois significations sont en fait inséparables. L’Église,
c’est le peuple que Dieu rassemble dans
le monde entier. Elle vit de la Parole de Dieu et du Corps du Christ et devient
ainsi elle-même Corps du Christ[37].
En regardant sa structure hiérarchique nous
pouvons penser que l’Église n’est qu’une
institution historique avec des résultants historiques, mais aussi avec des
erreurs et même des crimes. Mais ce regard ne va pas assez loin. Le Christ, en effet, fait
tellement confiance aux chrétiens,
pécheurs qu’ils sont, qu’il n’abandonne jamais l’Église. Cette
inséparable union du divin et de l’humain, du péché et de la grâce, est le
secret de l’Église[38].
Il
faut que l’Église mesure bien la
tournure qu’elle doit prendre dans le contexte
africain, un contexte de guerres, conflits, injustices, tribalisme, visages défigurés par la faim, et d’actes de
terrorisme.
1 .7. La
notion de la mission de l’Église
Selon
Youcat, le mot mission vient du mot latin « missio » qui veut dire « envoi ».
Youcat continue en disant que la mission
est la raison d’être de l’Église. C’est l’ordre donné par le Christ à tous les Chrétiens
d’annoncer l’Evangile en paroles et en actes afin que toute personne puisse se
décider librement pour le Christ[39].
« Allez dans le monde entier, proclamer l'Évangile à toute la création » (Mc 16, 15), tel est le mandat que le Christ Ressuscité
donne à ses Apôtres avant de monter vers le Père. Mû par un ardent désir de
faire connaitre le Christ, Saint Paul dans la lettre aux Corinthiens dit : « Annoncer
l'Évangile en effet n'est pas pour moi un titre de gloire ; c'est une
nécessité qui m'incombe. Oui, malheur à moi
si je n'annonçais pas l'Évangile ! » ( l Co 9,16).
Selon D. BOSCH, la mission est
indéfinissable et on ne peut pas la délimiter et l'enfermer dans une
définition. Voilà la tentative d'une définition qu’il nous donne:
« La mission chrétienne met en lumière la relation dynamique
entre Dieu et le monde, en particulier telle qu’elle est d'abord relatée dans l’histoire du
peuple de l'Alliance, Israël, et ensuite, définitivement, dans la venue, la vie,
la mort, la résurrection et l'élévation de Jésus de Nazareth »[40].
Selon
le Petit dictionnaire de Théologie catholique, la mission chrétienne consiste à
prêcher librement l’Évangile au milieu de tous les peuples et dans toutes les
situations historiques pour appeler les hommes à la libre obéissance de la foi
(Mt 28, 19). Cette mission, ayant un caractère public, modifie nécessairement
les conditions sociales aussi, sans avoir directement des buts sociaux ou politique. Elle se heurtera toujours à la
contradiction venant de l’homme pécheur, et elle ne sera jamais achevée[41].
Cette mission fait disparaitre les aversions, elle renverse des murs
d’hostilité, elle franchit les frontières entre individus et groupes[42].
Selon Carl Braaten, la mission est le processus qui explore le
sens universel de l’Évangile dans l’histoire[43]. Braaten ne connait pas de
meilleure définition de la mission que celle-là. La mission se base sur la
conviction que l’Évangile du Christ est valable pour tous les peuples ;
conviction qui se manifeste par un effort constant pour rejoindre les autres,
réalisant ainsi concrètement cette pertinence universelle.
La mission c’est, en premier et en dernier lieu, la présence de
Dieu et son activité dans le monde. Dieu est la source et la fin de la mission.
Le rôle des missionnaires est subordonné au rôle de Dieu et à son service. Le
rôle de Dieu est évoqué de diverses manières dans la Bible. L’Évangile de Jean
parle du Verbe par lequel tout existe, le Verbe qui éclaire tout homme et donne
vie et grâce, le Verbe qui se fait chair en Jésus Christ. St Paul parle du
mystère du dessein de Dieu pour le salut de tous (1 Tim. 2, 4), le dessein
d’unir toutes choses au ciel et sur la terre en Christ (Eph.1, 10) ou de tout
réconcilier dans le Christ (Col. 1, 20). L’Apocalypse parle des "nouveaux cieux
et de la nouvelle terre" où Dieu viendra demeurer avec son peuple :
« Voici la demeure de Dieu avec les hommes ». Il aura sa demeure avec eux
et ils seront son peuple (Ap. 21, 3)[44].
Ce qui est significatif dans ces images qui évoquent la mission de Dieu dans le
monde, c’est leur universalité. Elles embrassent toute la race humaine et toute
la création. Aujourd’hui, On admet volontiers cet élargissement du plan de salut de Dieu et
de son intérêt plein d’amour à tous les
peuples et à tous les aspects de leur vie.
Selon Pivot, la mission est un appel à la conversion, une
exhortation à entrer dans le dynamisme créatif de l’action divine dans le monde faisant toute chose nouvelle[45].
La mission, c’est Dieu qui se tourne vers le monde avec un amour
créatif, un pouvoir rédempteur de guérison et de transformation. Cela a lieu
dans l’histoire ordinaire et n’est pas restreint à l’activité de l’Église. Redemptoris
Missio parle de la présence et de l’activité de l’Esprit qui "sont
universelles, sans limite d’espace ni de temps" (RM 28). De plus,
cette présence et cette action de l’Esprit de Dieu "concernent non
seulement les individus mais aussi la société et l’histoire, les peuples, les
cultures et les religions"(RM 28)[46].
Cette extension universelle de la mission de
Dieu (par la Parole et l’Esprit) est le contexte dans lequel nous devons situer
la mission. L’Église, et nous tous qui lui appartenons, sommes appelés à
participer à un projet qui vient de Dieu et appartient à Dieu. Notre mission
n’enlève donc rien à la mission divine. Nous sommes appelés et envoyés pour la
seconder et contribuer à sa réalisation. De plus, participant à la mission de
Dieu, nous ne partons jamais d’une table rase. Nous rencontrons des êtres
humains et un monde où l’Esprit de Dieu est déjà à l’œuvre. Réaliser cela place
la mission dans une nouvelle perspective d’ensemble et lui retire beaucoup de
son angoisse et de son agressivité. Nous ne sommes pas seuls à porter, un salut
qui serait exclusif, à des gens qui n’ont aucune relation de salut avec Dieu.
Dieu est présent partout et avant nous, actif dans le sens du salut par des
voies qui nous sont inconnues. La tâche de l’Église consiste donc à découvrir
et renforcer cette présence et cette action[47].
Après avoir dit cela,
nous pouvons penser que le christianisme est entrain d’échouer en Afrique à cause des guerres, des conflits politiques
et tribaux, des violations des droits de
l’homme etc. Mais c’est dans ce contexte
que l’Église doit inventer une manière adéquate d’annoncer l’Évangile, de
proclamer un Évangile qui soit bonne nouvelle de salut, libération,
justice, paix et réconciliation.
Conclusion du premier chapitre.
Nous
pensons que avec cette petite analyse des termes (mots clefs) de notre travail,
nous permettra une meilleure compréhension du problème que nous allons aborder
dans le deuxième et le troisième chapitres. Autrement dit, si nous l’avons bien
remarqué à partir du développement de notre premier chapitre, notre travail ne
consiste pas à parler de la réconciliation comme sacrement.
CHAPITRE II
LA THÉOLOGIE PAULIENNE
DE LA RÉCONCILIATION.
Introduction.
Un aspect important de la pensée de St. Paul est celui de la
réconciliation. Dans le nouveau Testament, comme nous l’avons démontré au
chapitre précédant, le vocable réconciliation
désigne soit le substantif katallagé (réconciliation), soit les
verbes katallassô (réconcilier), apokatallossô (réconcilier complètement), dialassô
(réconcilier avec). Ces termes viennent du verbe allassô qui signifie « rendre autre, échangé ». Ce
vocabulaire apparait treize fois dans le corpus paulinien qui utilise le
substantif katallagé (Rm 5,11 ; 11,15 ; 2 Co 5,18-19)
ainsi que les verbes katallossô ( Rm
5, 10 ; 1Co 7,11 ; 2Co 5,18-20) et apokatallossô ( Ep
2,16 ; Col 1,20-22)[48]. Ces textes nous offrent une base solide, non seulement
pour une théologie et une spiritualité de la réconciliation, mais aussi pour un
ministère de la réconciliation. Nous allons concentrer notre attention d’une
manière spéciale sur le texte de (2 Co 5, 11-21).
2.1. L'emploi du concept de
« réconciliation », chez Paul et ces nombreux traits particuliers.
Comme nous avons déjà vu dans le premier
chapitre, la notion même de réconciliation présuppose un état de rupture de la
communion : ceci peut
être l'aliénation, la séparation, l'inimitié, la haine, l'exclusion, la
fragmentation, la perversion des relations. Elle implique également, en
général, une certaine mesure d'injustice, de mal et de souffrance. Dans le
langage ordinaire comme dans le langage biblique, la réconciliation exprime
l'effort et la volonté de réparer ces relations brisées et perverties, de
réédifier la communauté et de restaurer les relations.
Paul applique ce concept de réconciliation au
rétablissement des relations dans trois domaines de division et d'hostilité
qui, s'ils sont distincts, se recoupent d'une certaine manière : réconciliation
entre Dieu et les êtres humains, réconciliation entre différents groupes
d'êtres humains et réconciliation du cosmos[49].
La
réconciliation, c'est beaucoup plus que le redressement superficiel de
distorsions, l'établissement d'un statu quo de coexistence ; la
réconciliation vise à la transformation du présent, à un renouveau très en
profondeur. La « paix » dont parle Paul est certainement la paix avec Dieu (cf.
Rm 5,1-11), mais aussi la transformation
des relations humaines et l'édification d'une communauté. C'est la paix
radicalement nouvelle entre païens et juifs rendue possible par le fait que
Christ a « détruit le mur de séparation : la haine » (cf. Ep 2,14)[50]. C'est aussi la transformation de
toute la création dans une dynamique de paix, ainsi que cela est exprimé en Col
1,20, où Paul affirme que Christ a pu « tout réconcilier […] sur la terre et dans les cieux,
ayant établi la paix par le sang de sa croix ». A travers ce passage Paul indique qu’en fait, la
réconciliation envisage une création nouvelle. Ainsi le dit-il d’une manière très forte en 2 Co 5,17. Cette catégorie de « création
nouvelle » montre qu'il s'agit de quelque chose qui va beaucoup plus loin que
le simple rétablissement de relations brisées. La réconciliation est une
qualité d'être totalement nouvelle[51].
Pour Paul, c'est Dieu qui prend l'initiative
de la réconciliation. En outre, Dieu a déjà réalisé la réconciliation pour le
monde : « C'était Dieu qui, en Christ, réconciliait le monde avec lui-même » (2
Co 5,19)[52]. Les êtres humains peuvent bien
rechercher la réconciliation et exercer un ministère de réconciliation, mais
l'initiative et l'efficacité de la réconciliation appartiennent à Dieu ; les
êtres humains ne font que recevoir le don de la réconciliation. Il est donc
essentiel d'affirmer que la vie et le comportement chrétiens se fondent sur
l'expérience de la réconciliation par l'intermédiaire de Dieu : les chrétiens
découvrent ce que Dieu a déjà fait en Christ[53].
Le mode chrétien de réconciliation tel que présenté par Paul
dans ses épîtres est employé dans
un sens christologique. Dieu est l'auteur de la réconciliation; Jésus-Christ en
est l'instrument et la cause méritoire; l'homme en est l'objet à
l'instar
du récipient. Dieu a réconcilié le monde par son Fils Jésus-Christ. La réconciliation « est pleinement
réalisée en Jésus-Christ, le Fils de Dieu qui, par sa mort et sa résurrection,
a réconcilié les hommes avec Dieu et les hommes entre eux. Mieux, en Jésus,
Dieu réconcilie l'ensemble de l'humanité[54] .
C'est l'Esprit Saint qui
donne aux hommes le pouvoir de participer à l'histoire de Dieu qui réconcilie
le monde en Jésus Christ. En Rm 5, Paul évoque la manière dont Dieu réconcilie
avec lui les pécheurs et même les ennemis de Dieu et les sans-Dieu, et il dit
que l'amour de Dieu a été répandu dans nos
cœurs par l'Esprit Saint. En Jésus Christ, qui a été ressuscité et est monté
aux cieux, non seulement nous recevons le don de la réconciliation mais encore nous
sommes envoyés au service et pour le ministère du monde. C'est ce qu'expriment
notamment, d'une part, l'enseignement éthique de Paul, qui demande instamment
aux individus et aux communautés d'être des signes et des expressions de la
réconciliation dont ils ont eux-mêmes bénéficié (cf. Rm 12,9-21) ; et,
d'autre part, la manière dont Paul parle de sa propre mission, disant que le «
ministère de la réconciliation » lui a été confié (2 Co 5,18). Aujourd'hui tout
autant qu'à l'époque de Paul, les chrétiens sont appelés à participer à ce
ministère de réconciliation - c'est-à-dire participer à l'œuvre de
réconciliation du Saint Esprit et étendre à toute l'humanité l'action
réconciliatrice de Dieu[55].
2.2. Les tensions de l’Église
primitive dans les épitres pauliennes.
« Réaliser concrètement la conception de la communauté comme
une fraternité ne fut pas facile pour l'Eglise primitive. Nous le constatons dans plusieurs textes
Pauliens. Par exemple : Rm 5,6-11 ;
2 Co 5, 16-21 ; Ga 3, 26-29; Ep 2, 11-21 et Col, 15-22. Mais aussi de nombreux
incidents évoqués dans le Livre des Actes des Apôtres témoignent de la
difficulté qu'éprouvèrent les premiers chrétiens à accepter et
à pratiquer
cette nouvelle manière de penser et d'agir »[56]. Les textes là-dessous exposent chacun les tensions particulières qui
affectaient des Eglises particulières marquées par la diversité:
Nous notons par exemple que les épitres aux
Romains, aux Galates et aux Ephésiens examinent la question de la place, dans
l'Église, des chrétiens qui ne sont pas d'origine juive. De fait, les
communautés de Rome, de Ga1atie et d'Ephèse étaient composées de chrétiens
d'origines juive et païenne. Cette diversité se trouve à l'origine
des tensions au sein de l'Ég1ise. Des lors, ces trois lettres ne sont
comprehensib1es que si on est conscient de ces tensions[57].
Quant à l'épitre aux Colossiens,
elle développe les tensions qui
existaient dans l'eg1ise d'alors en raison de l'émergence du gnosticisme,
l'équivalent à l'époque du « Nouvel Age »,
aujourd'hui.
Et enfin, la première et la seconde
épitre aux Corinthiens font, en ce qui les concerne, plusieurs allusions à un
conflit personnel qui opposait l'apôtre Paul à certains membres de l'Église
de Corinthe, qui mettaient en question la valeur de son apostolat. De plus, dans la première épitre de Paul aux Corinthiens, les chrétiens
de Corinthe connaissent des tensions, des querelles, des rivalités, des
discordes (cf. 1 Co 1, 10; 3, 3; 4, 6; 6, 6;
8, 7; 24; 11-16; 18, 12 ; 14; 26, 16…)[58].
Voila, il est important de noter que la situation de ces
communautés offre donc à Paul l'occasion d'élaborer des réponses originales et articulées
en fonction de ces divers conflits. Il ne s'agit en rien de dogmes abstraits,
d'idéaux inaccessibles, étrangers à notre réalité. Bien au contraire, à travers ces
passages, l'Apôtre cherche à aider l'Église à ne pas se résigner devant des tensions
et des conflits bien réels, mais à y faire face de manière courageuse en
s'appuyant sur l'œuvre de Jésus-Christ[59].
2.3. La
tension ethnique à l’intérieur de l’Église
On ne peut pas compter
les actions héroïques de chrétiens-prêtres, religieux, religieuses et laïcs de
toutes conditions qui se donnent complètements pour amener une réconciliation
entre les gens de différentes ethnies en conflit. Mais il nous faut bien reconnaitre que le
problème de conflit ethnique existe aussi au sein même de l’Église, par
exemple parmi les clergés et des
communautés religieuses[60].
Une Église qui ne s’attaque pas elle-même à ses propres divisions ethniques ne
peut pas s’adresser à la société d’une seule voix, et de façon crédible[61].
L’importance de
l’identité ethnique apparait partout en Afrique. Dans les pays d’Afrique de
l’Est, on le constate dans les affrontements post-électoraux au Kenya, dans le
réveil enthousiaste des royaumes traditionnels en Ouganda, dans les structures
politiques au Rwanda et au Burundi. Ce que nous constatons en général
est que pendant les tensions inter-ethniques, comme c’était en Côte-d’Ivoire, Rwanda,
Kenya etc, les croyants se divisent en clans selon leurs origines ethniques et
nationales.
Les tensions
ethniques existent dans l’Église, et surgissent à l’occasion de nominations aux postes importantes de l’Église. Dans
certains diocèses, le conflit ethnique entre les clergés a profondément
scandalisé les chrétiens, et sapé la crédibilité de l’Église. L’Église ne peut
travailler réellement à la réconciliation si elle ne s’en prend pas d’abord à
ses propres tensions cultures et ethniques[62].
L’Église est
appelée à être une vraie famille de Dieu où les différences ethniques,
culturelles et religieuses sont vécues comme complémentarité, et pas comme
compétition, et où l’esprit de communauté l’emporte pas sur les préjugés
ethniques[63].
2.4. La théologie
de la réconciliation développée par l’apôtre Paul dans 2 Co 5,11-21.
Nous allons
explorer la dimension sociale de ce texte qui passe souvent inaperçue, en la
rapportant à l’origine de l’utilisation particulière que fait Paul du mot
réconciliation. Paul écrit : « Si quelqu’un est en Christ, il est
une nouvelle créature. Les choses anciennes sont passées ; voici :
toutes choses sont devenues nouvelles. Et tout cela vient de Dieu, qui nous a réconciliés
avec lui par Christ, et qui nous a donné
le service de la réconciliation. Car Dieu était en Christ, réconciliant le
monde avec lui-même, sans tenir compte aux hommes de leurs fautes, et il a mis
en nous la parole de la réconciliation. Nous sommes donc ambassadeurs pour
Christ, comme si Dieu exhortait par nous ; nous vous en supplions au nom
de Christ : Soyez réconciliés avec Dieu ! Celui qui n’a pas connu le
péché, il l’a fait devenir péché pour nous, afin que nous devenions en lui
justice de Dieu[64] » (2
Co 5, 17-21).
La
caractéristique la plus remarquable du passage est la manière particulière dont
Paul utilise le terme « réconciliation » ; une utilisation qui
s’oppose radicalement aux notions contemporaines dominantes de la
réconciliation entre Dieu et les êtres humains. En expliquant la nature
particulière de l’utilisation faite par Paul de ce terme, Paul ne dit
jamais que Dieu est réconcilié (ou que Dieu se réconcilie) avec les êtres
humains, mais il dit toujours que Dieu réconcilie les êtres humains avec
lui-même ou que les êtres humains sont réconciliés avec Dieu.[65] En fait, ce
n’est pas Dieu qui a besoin d’être réconcilié avec les êtres humains, mais c’est
les êtres humains qui ont besoin d’être réconciliés avec Dieu. Ce n’est pas non
plus par le repentir, les prières ou autres bonnes actions de son peuple que la
réconciliation entre Dieu et les êtres humains est accomplie, mais plutôt par
la seule grâce de Dieu.[66]
Cet acte de Dieu qui nous réconcilie, qui nous
sauve de notre péché, est appelé réconciliation verticale. Elle vient avant toute autre réconciliation. Fondamentalement, c’est sur celle-ci que
reposent toutes les autres formes de réconciliation chrétienne.[67] Elle occupe
aussi une place centrale dans l’expérience que Paul a du Christ ressuscité sur le chemin de Damas où il se
rendait pour persécuter les premiers disciples de Jésus Christ. C’est à partir de son propre expérience que
Paul a développé cette idée de la réconciliation. C’est à dire que ce ne sont pas les êtres
humains qui réconcilient un Dieu en colère avec eux-mêmes, mais, c’est plutôt Dieu qui réconcilie les êtres
humains avec lui-même grâce à la mort expiatoire de Jésus Christ[68]. Même le Papa Benoit XVI, le confirme en disant
« en effet, c’est la grâce de Dieu qui nous donne un cœur
nouveau et qui nous réconcilie avec lui et avec les autres. C’est le Christ qui
a rétabli l’humanité dans l’amour du Père. La réconciliation prend donc sa
source dans cet amour ; elle naît de l’initiative du Père de renouer la
relation avec l’humanité, relation rompue par le péché de l’homme. En
Jésus-Christ, dans sa vie et dans son ministère, mais, spécialement, dans
sa mort et sa résurrection » (AM, n° 20).
Paul, qui en vint à considérer qu’il était un
ennemi de Dieu dans ses activités d’avant Damas, a fait l’expérience de
l’action de réconciliation de Dieu qui a apporté le pardon des péchés et la
mise en œuvre d’une nouvelle création par sa grâce. C’est pour cela que Paul
supplie les chrétiens de Corinthe de répondre à l’initiative et au don de Dieu
en se laissant réconcilier avec lui : « Nous vous supplions au nom du
Christ : laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2 Co 5, 20).
Ensuite,
bien que la réconciliation des êtres humains avec Dieu ait la priorité, la
réconciliation entre les êtres humains est inséparable de leur réconciliation
avec Dieu. Si l’origine du message de la réconciliation
de Paul était sa rencontre avec le Christ ressuscité sur le chemin de Damas,
alors l’inimitié à l’égard de Dieu (les offenses humaines dont Dieu ne nous
tient pas rigueur du fait de la mort expiatoire du Christ) ne consiste pas en
des attitudes et en des actes isolés à l’égard de Dieu qui, à leur tour, ont
pour conséquence une inimitié à l’égard d’autres êtres humains. Dans le récit
des Actes, nous lisons que « Saül dévastait l’église en entrant dans
chaque maison l’une après l’autre ; entraînant hommes et femmes à la fois,
il les envoyait en prison » (Ac 8.3). Sur le chemin de Damas, il
« respirait encore les menaces et le meurtre contre les disciples du
Seigneur » (Actes 9, 1). En même temps, la voix venue du ciel s’est identifiée
clairement comme étant celle de Jésus Christ : « Je suis Jésus, celui que tu persécutes » (Ac 9, 4-5). Donc,
dès le départ et fondamentalement, l’inimitié envers Dieu est inimitié envers
les êtres humains et l’inimitié envers les êtres humains est inimitié envers
Dieu.
Dans la
réconciliation, Dieu fait de la victime comme de l’offenseur une « nouvelle
créature » (2 Co 5,17). D’autre
part, Dieu veut à la fois la guérison de la victime et la repentance de
l’offenseur ; aucun d’entre eux ne doit être annihilé : tous deux
doivent être amenés à un état nouveau, dans une création nouvelle. Pour Paul,
l’homme réconcilié avec Dieu est une nouvelle créature. Il ne reçoit pas
seulement passivement la réconciliation de Dieu, mais cette réconciliation le transforme, au
point de faire de lui un messager de cette bonne
nouvelle de la réconciliation. Car, la réconciliation avec Dieu n’est jamais
isolée de la réconciliation entre les hommes, et c’est cette réconciliation
avec Dieu qui détruit la barrière de séparation entre les Juifs et les Grecs,
et fait d’eux un seul homme nouveau (Ep 2, 14-19)[69].
2.5. Les approches
possibles de la réconciliation chez Saint Paul
Il y a trois approches possibles
de la Réconciliation chez saint Paul à
savoir :
a) La
réconciliation verticale.
La première
approche que saint Paul nous propose, c’est celle de « se laisser
réconcilier avec Dieu ». Cette phrase de saint
Paul se trouve dans la deuxième épître aux Corinthiens, mais elle n’épuise pas le sens que l’apôtre
donne au terme réconciliation. Selon Paul, toute initiative de réconciliation
vient de Dieu, car, par lui-même, l’homme est incapable de se réconcilier ni
avec le Créateur qu’il a offensé par son péché, ni avec lui-même, ni avec
autrui[70]. De fait, l’action de Dieu est ici première et décisive. La
réconciliation implique un renouvellement complet pour ceux qui en bénéficient,
et coïncide avec la justification (Rm 5, 9) et la sanctification (Col 1, 21)[71]. Pour Paul, du fait que Dieu est l’auteur premier et principal de la
réconciliation, il ne s’ensuit pas que l’homme ait ici une attitude purement
passive: il doit accueillir le don de Dieu. L’action de Dieu n’exerce son
efficacité que pour ceux qui veulent bien y consentir par la foi[72]. Pour réveiller les Corinthiens, Paul les ramène aux origines de leur
foi. Qu’ils ne se gonflent pas d’orgueil (1 Co 5, 2), car c’est Dieu qui a tout
fait.
Cet acte de Dieu qui nous
réconcilie, qui nous sauve de notre péché, est appelé réconciliation verticale.
Fondamentalement, c’est sur celle-ci que reposent toutes les autres formes de
réconciliation chrétienne. Elle occupe aussi une place centrale dans
l’expérience que Paul a du Christ puisque, de persécuteur de l’Église ; a été converti pour devenir, un apôtre de
Jésus-Christ. Ceci prouve que la réconciliation
est une rencontre entre Dieu et
l’homme. C’est pourquoi Paul supplie les chrétiens de Corinthe de répondre à
l’initiative et au don de Dieu en se laissant réconcilier avec lui :
« Nous vous supplions au nom du
Christ : laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2 Co 5,20-21). En
nous réconciliant avec lui-même, Dieu en Jésus-Christ nous réconcilie avec
nous-mêmes, nous donne notre identité,
notre nom : « Amor, ergo sum, je suis aimé, donc je suis »[73].Ceci veut dire que dans
l’approche de la réconciliation entre Dieu et l’homme, il y a une dimension de
la réconciliation de l’homme avec lui-même[74]
b) la réconciliation horizontale.
L’idée de la réconciliation horizontale est plus explicite en Ep 2, 16. Dans ce
passage, Paul précise que, par le sang
du Christ versé sur la croix, la
réconciliation a été faite, d'une part, entre les Juifs et païens, d'autre part, avec Dieu.
En d'autres termes l'idée de réconciliation avec Dieu
s'est ajoutée à celle de réconciliation des Gentils et des Juifs. L’expérience de la réconciliation avec Dieu
nous transforme en une créature nouvelle
ou bien en une humanité réconciliée. Et
comme résultant de cette réconciliation
avec Dieu, elle établit également, à nouveau, une communion entre les
hommes. Cette réconciliation qui se réalise entre des individus et des groupes est appelée réconciliation horizontale[75].
c) la réconciliation
cosmique ou universelle
Dans les lettres de la captivité, Colossiens et Ephésiens, l’horizon de la réconciliation semble
s’élargir. La réconciliation semble désigner le salut collectif de l’univers.
Parfaitement réconciliés avec Dieu, les êtres sont réconciliés entre eux (Col
1, 20)[76]. Il ne s’agit pas
seulement de la réconciliation entre
Juifs et païens, mais τα παντα : « tous les êtres ». La réconciliation opérée par le sang
du Christ se dilate à tel point de
couvrir l’ensemble des êtres créés. Autrement dit, la réconciliation et la
pacification atteignent tout ce qui est sur la terre et dans les cieux. Cette
dimension de la réconciliation place l’œuvre de Dieu opérée
par le Christ dans la création toute
entière. Dans les hymnes que l’on trouve au début des épitres aux
Ephésiens (Ep 2, 13-18) et aux
Colossiens (Col 1, 2 ; 4, 13), Dieu nous est présenté comme réconciliant toutes choses et toutes
personnes au ciel et sur la terre dans le Christ. La réconciliation s’étend
ainsi à l’ensemble de l’humanité et du cosmos[77].
2.6. La croix et la
réconciliation de l’humanité.
Saint Paul a offert une admirable synthèse de la théologie de la Croix
dans ces épitres. Il affirme que « Dieu
était en Christ réconciliant le monde avec lui-même » (2Co 5, 19). Par
la croix, le Christ a ôté le péché, détruit l’inimité, établi la paix et
réconcilié les hommes (Juifs et païens), non seulement avec Dieu, mais aussi
entre eux (Ep 2,16). C’est pour cela que nous pouvons dire que cette parole de
réconciliation peut se comprendre à trois niveaux : réconciliation avec Dieu,
avec soi-même et avec les autres[78].
La réconciliation opérée au Calvaire produit son effet jusque dans le
ciel (Col.1, 20-22 ; Ep. 1,10), où elle arrête la révolte des anges. C’est
Jésus Christ qui a payé tous les frais de notre réconciliation. Il peut
désormais saisir la main du rebelle repentant, pour la placer dans celle du
Dieu de sainteté et d’amour. Il faut cependant que ce rebelle reconnaisse sa
culpabilité et accepte d’être réconcilié avec Dieu[79].
Nous sommes tous, par nature fils de la rébellion (Ep 2, 2-3). Quelle
grâce et quelle délivrance de savoir que lorsque nous étions ennemis, nous
avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils (Rm 5, 10)[80]. Et cet acte n’appartient pas seulement au passé. Si nous croyons sincèrement en Jésus Christ,
nous avons maintenant obtenu la réconciliation; nous sommes réellement
réconciliés (Rm 5, 10-11).
Dieu veut bien, désormais, nous confier le ministère de la
réconciliation. Il fait de nous les ambassadeurs du Christ, qui supplient les
hommes en tous lieux d’être réconciliés avec lui (2 Co 5, 18-20). Ceci n’est
pas la simple proclamation d’un salut universel que tous les hommes
possèderaient déjà, qu’ils l’ignorent ou non. Il est vrai que beaucoup ne
connaissent pas encore cette bonne nouvelle ; mais un fait tragique aussi
est qu’un nombre immense de pécheurs,
l’ayant entendue, ne se laissent pas réconcilier avec Dieu : ils ne se
détournent pas de leurs péchés, ils ne se soumettent pas à Jésus-Christ et par
conséquent la colère de Dieu demeure sur
eux (Jn 3, 18-36 ; Mc 23, 37)[81].
2.7. Leçon pour l’Église d’Afrique (l’Église
catholique de Kinshasa).
Alors, de la notion paulienne de la
réconciliation que nous avons examinée,
l'Église d’Afrique doit apprendre simplement
à être l’Église, c’est-à-dire le lieu où il est possible d’expérimenter le
salut, la paix. Consciente de ses faiblesses, elle ne cherchera pas à
éviter les conflits, mais vivra
quotidiennement la Paix que Jésus lui a donnée. Elle doit se laisser être le lieu où
d'anciens ennemis vivent ensemble et pratiquent quotidiennement la réconciliation
dans leur vie. Elle doit se laisser être un
espace dans lequel l'Esprit du Christ peut se mouvoir et agir, rendre les êtres
humains capables de suivre l'exemple de Jésus, surtout dans leur relation avec
leurs ennemis[82]. L’Église ne peut manquer
de se laisser interpeller par les défis qui se présentent à elle dans ce
domaine de la réconciliation.
Cela signifie que l'Église
d’Afrique doit être l'artisane de paix
partout où règnent la haine et la souffrance, partout où il y a des conflits tant latents que déjà éclatés. En fait, elle est messagère de
« l'Évangile de la paix» (Ep 6, 15), qui fait d'elle un seul Corps et Temple de
l'Esprit Saint. A l'exemple du Christ, el1e est artisane de réconciliation en
son corps de chair. L’Eglise n’est pas seulement le lieu où la réconciliation devient
tangible, mais aussi l’Église est appelée à devenir agent de réconciliation,
messagère de paix[83].
Pour
Paul, l’Église doit participer à l’œuvre
réconciliatrice de Jésus Christ. C’est
la réconciliation verticale qui rend possible les dimensions horizontale et
cosmique. Et c’est dans ce cadre des réconciliations verticale, horizontale, et
cosmique que nous devons considérer la mission chrétienne. L’Église a
elle-même, en permanence, besoin de réconciliation. Mais elle devient le
véhicule de la grâce salvifique de Dieu, une grâce qui doit être apportée à un
monde brisé par l’oppression, l’injustice, la discrimination, la guerre et qui
est découragé. Dieu est l’auteur de
toute réconciliation authentique ; nous ne faisons que participer à
l’œuvre réconciliatrice de Dieu. Pour reprendre les termes de saint Paul, nous
sommes « en ambassade » au nom du Christ (2 Co 5, 20).
Puis, la voie de l’abaissement est une stratégie délibérément
choisie par Paul pour laisser transparaître le message du Christ. L’Église
d’Afrique doit redécouvrir cette stratégie missionnaire de Paul. Sa stratégie
nous invite à une attitude humble, dépouillée de toute prétention, centrée sur
le Christ. Ce n’est pas nous qui agissons, mais c’est le Christ qui agit en
nous, nous sommes ses collaborateurs. L’Église est l’ambassade du Christ. Aux
Corinthiens, Paul ne donne pas des ordres, mais il les supplie comme un mendiant. C’est là que réside toute
force persuasive de saint Paul. Dans un processus de réconciliation, il faut
parfois cette attitude d’abaissement. L’Église
ne doit pas se tenir à ses
certitudes, mais elle doit chercher à créer un climat qui favorise le dialogue
et l’harmonie, afin de retrouver la paix[84].
Les conflits sur le continent
doivent être considérés par l’Église comme tâche nécessaire de l’évangélisation
au sens large (apporter la paix du Christ et le Royaume de Dieu à ceux qui
souffrent). Et l’Église doit s’impliquer
sans se laisser prendre dans le conflit ou sans être instrumentalisée par l’une
ou l’autre partie[85].
En jouant son rôle comme
ambassadeur du Christ, l’Église doit
appliquer plusieurs stratégies différentes selon la nature des conflits. Par
exemple dans un certain cas l’Église en Afrique peut jouer le rôle de
médiatrice, facilitateur, ou intermédiaire de
la réconciliation et dans d’autre cas celui de formatrice et
édificatrice de la paix, de la justice
et de la réconciliation sur le continent[86].
Comme une communauté de personnes réconciliées
avec Dieu et entre elles, l’Église en Afrique est appelée à être le modèle
d’une vraie famille de Dieu comme Saint Paul prêchait aux Galates :
« Il n y a ni Juif ni Grec, il n’y a
ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme ; car tous vous ne
faites qu’un dans le Christ Jésus » (Gal 3, 28). A l’exemple de Saint
Paul, l’Église doit rendre ces paroles vraies et visibles pour amener les
différents groupes ethniques, linguistiques et aussi religieux, à l'intérieur
de chaque pays en Afrique, sur le chemin
du pardon, de la réconciliation, de la paix et justice[87].
Suivre l’exemple de Saint Paul dans
son engagement permanent pour la réconciliation, cela signifie que l’Église en Afrique est appelée à lutter
contre les causes des conflits sur le continent. Par exemple : l’orgueil,
la haine, l’avarice, l’égoïsme, la soif du pouvoir, l’ethnocentrisme, le
fanatisme religieux, les préjugés.[88]
La réconciliation est une œuvre de Dieu
et un don de l’Esprit Saint. Donc
pour arriver à une paix durable et à la réconciliation, la
prière doit accompagner l’action pastorale de l’Église[89].
Conclusion du deuxième chapitre.
Somme toute, disons
que Paul a été le théologien inspiré et le ministre infatigable de la
réconciliation. Mais dans sa vision, c’est Jésus qui, par son sacrifice, en a
été l’artisan « dans son corps de chair » (Col 1,22) ; et le premier, il en a
aussi souligné les exigences profondes : le pécheur réconcilié par Dieu ne
pourra lui rendre un culte agréable que s’il va d’abord se réconcilier
lui-même avec son frère (Mt 5,23s)[90]. Puisque Dieu s’est uni à chacun d’entre nous, il veut que chacun
devienne un agent de réconciliation : cela fait partie de notre vocation. Paul
voit tout du point de vue de cette réconciliation : la faiblesse humaine ne
définit plus une personne. Dans le Christ, elle peut devenir force. Le Christ
étant présent en nous, nous devenons pour Dieu des agents de réconciliation. Il
ne s’agit pas seulement pour nous d’en
être témoins, mais aussi il nous faut
être agents, « ambassadeurs du Christ » qui agit en nous et nous communique sa
puissance. Tel est l’appel de St Paul à
la réconciliation.
CHAPITRE III.
LA
RÉCONCILIATION COMME MISSION URGENTE DE L’ÉGLISE EN AFRIQUE AUJOURD’HUI.
Introduction.
Dans ce troisième chapitre qui est aussi le
dernier chapitre de notre travail, nous
réfléchirons sur la réconciliation comme mission urgente de l’Église, à
la lecture de la vision du deuxième synode des Évêques africains. Dans ce même chapitre nous allons traiter la question
de la mission de l’Église en général et ensuite
nous verrons la mission de l'Église africaine.
3.1. La
mission de l’Église en général
1.
2.
Le
Pape Jean Paul II confirme que la mission de l’Église est unique, car elle a
une seule origine et une seule finalité, mais elle comporte des tâches et des
activités diverses (Cf., RM, n°31).
Explicitant l'engagement prioritaire de l'Église, Paul VI écrit :
« ... la tache d'évangéliser tous les hommes constitue la
mission-essentielle de l'Église» et il continue: « Évangéliser est,
en effet, la grâce et la vocation propre de I 'Église, son identité la plus
profonde ». (EN, n°14).
Poursuivant la même réflexion, le Pape précise que l'Église «existe
pour évangéliser, c'est-a-dire pour prêcher et enseigner, être le canal du don
de la grâce, réconcilier les pécheurs avec Dieu, perpétuer le sacrifice du
Christ dans la sainte messe » (EN,
n°14). Si l'annonce de l'Évangile de Jésus-Christ est
la tâche première de toute l'Église, il reste vrai que cette annonce se
présente sous plusieurs formes. Le Pape Jean Paul II met en évidence deux
formes de cette annonce, à savoir: la
proclamation de la Parole et le témoignage de vie: « l'Église annonce la
Bonne Nouvelle non seulement par la
proclamation de la parole qu’elle a reçue du Seigneur, mais aussi par le
témoignage de vie» (EA, n°55).
Même
les pères synodaux du deuxième synode
pour l’Afrique confirme l’urgence de l’évangélisation en disant : «
nous sommes convaincus que l’action première et spécifique de l’Église en
faveur des peuples africains, c’est la proclamation de l’évangile du
Christ ». Ils continuent en
disant ; « nous nous engageons donc à poursuivre énergiquement la proclamation
de l’Évangile à l’Afrique, car la vie dans le Christ est un facteur premier et
principal du développement »[91].
Cette
mission d’évangélisation concerne tout le peuple
de Dieu. La nécessité pour les fidèles de partager une telle responsabilité
n’est pas seulement une question d’efficacité apostolique, mais c’est un devoir
et un droit fondés sur la dignité conférée par le Baptême. C’est pour cela que
nous pouvons dire que tous les laïcs
sont missionnaires en vertu de leur baptême. Comme membres du corps du Christ
vivant, auquel ils ont été incorporés et configurés par le baptême ainsi que
par la confirmation et l’Eucharistie, tous les fidèles sont obligés de coopérer
à l’expansion et au développement de son Corps, pour l’amener le plus vite
possible à sa plénitude[92]. C’est pour cette raison que le Pape Jean Paul
II, va insister en disant que « donc,
tous ont besoin d’être préparés, motivés et renforcés pour l’évangélisation,
cette formation inclut les évêques, les prêtres, les membres des instituts
de vie consacrée, des Sociétés de vie
apostolique et des Instituts séculiers, et tous les fidèles laïcs » (EA, n° 75).
La
mission est à la fois unique et plurielle. A l’intérieur de l’unique mission de
l’Eglise, les différences dans les activités ne naissent pas de raisons
intrinsèques à la mission elle-même mais
des circonstances diverses dans lesquelles elle s’exerce. En considérant le
monde d’aujourd’hui, du point de vue de l’évangélisation, le Pape Jean Paul II décrit trois situations : la situation
pastorale pour les communautés chrétiennes bien constituées, la situation de
nouvelle évangélisation lorsque des populations évangélisées autrefois ont
besoin d’être réveillées dans leur foi, et les situations de mission ad gentes
où il s’agit d’annoncer l’Evangile à des peuples, des groupes humains situés
dans des contextes socio-culturels où le Christ et son Évangile ne sont pas
connus, ou dans lesquels il n’y a pas de communautés chrétiennes assez mûres
pour pouvoir incarner la foi dans leur milieu et l’annoncer à d’autres groupes
( RM, n° 33).
Le Pape Jean Paul II souligne que la mission du Christ
confiée à l'Église est encore très loin d'être achevée. Il affirme que: « Un regard d'ensemble porté sur l‘humanité
montre que cette mission en est encore à ses débuts et que nous devons nous
engager de toutes nos forces à son service » (RM, n°1).
De tout ceci, il ressort clairement que l’évangélisation
est la vocation propre de l'Église. Et cette mission de l'Église embrasse tous les champs de la vie de chacun
et de chacune. Cette mission ne s'arrête pas seulement au niveau spirituel,
mais elle prend en considération, la vie sociale, politique et économique du
peuple. «
Malheur à moi si je n’annonce pas
l’évangile », s’écriait saint Paul (1Co 9,16). Telle est bien, aujourd’hui
encore, la mission de l’église en général.
3.2. Pourquoi la
réconciliation doit être considérée comme la mission urgente pour l'Église en Afrique aujourd'hui ?
Il nous faut préciser que chaque œuvre d’évangélisation naît comme une réponse à un besoin de l’évangile, besoin qu’un groupe humain ressent, expérimente et
exprime. Ce besoin doit
être perçu par et dans l’église qui alors, comme assemblée, discerne et trouve des moyens appropriés
pour y répondre[93]. Chaque
communauté ou église particulière a ses propres besoins selon son histoire et
sa géographie. Les besoins peuvent se ressembler, mais ils vont se poser
différemment, et les solutions vont
aussi différer selon les lieux et les situations. La deuxième Assemblée spéciale pour l'Afrique du Synode des Évêques
s'est tenue à Rome du 5 au 26 octobre 2009 sur le thème: « L'Église en Afrique au service de la
réconciliation, de la justice et de la paix: 'Vous êtes le sel de la terre... Vous
êtes la lumière du monde' (Mt 5,13.14) ». Le choix du thème était dicté par la situation
qui est caractérisé par un climat général de guerres, de conflits armés,
d'affrontements meurtriers, de massacres, voire de génocides et autres crimes
contre l'humanité[94].
Les
événements des dernières années ont montré que, en Afrique, les personnes blessées sont fort nombreuses : blessées
par la politique, l’économie, l’exploitation, l’intolérance religieuse, la
concurrence malsaine et parfois violente, la discrimination, le manque de
dirigeants, l’ethnicité, la guerre etc.
Et le prix du conflit est énorme: nous pouvons penser
à la destruction des infrastructures sociales et économiques, à la perte de
vies humaines, aux personnes déplacées et aux réfugiés, aux orphelins, les
expériences traumatisantes, la douleur et le chagrin, les effets
psychologiques, l’animosité ancrée, les peurs, etc. La réconciliation devient
alors un impératif pour toute société africaine affligée[95].
Comme le confirme le professeur Ntumba, nous craignons que cette
situation n'engendre une cascade d'actes de vengeance et de violence
généralisée, capables de détruire le
continent. Cette nouvelle réalité exigeait un examen approprié, en vue d'un
effort renouvelé d'évangélisation exigeant un approfondissement de quelques
thèmes spécifiques importants pour le présent et l'avenir de l'Église
catholique sur le grand continent[96].
Le Pape Benoit XVI confirme que la tâche de l’Église en Afrique est celle de s’engager dans l’évangélisation,
dans la mission ad gentes, ainsi que dans la nouvelle évangélisation, afin que
la physionomie du continent africain se modèle toujours plus sur l’enseignement
toujours actuel du Christ, vraie « lumière du monde » et authentique
« sel de la terre »[97]. Et puis, dans (AM, n°169), il explique que la nouvelle évangélisation suppose la réconciliation des
chrétiens avec Dieu et avec eux-mêmes. Cette nouvelle évangélisation exige la
réconciliation avec le prochain, le dépassement des barrières de toutes sortes
comme celles provenant de la langue, de la culture et de la race. Nous sommes
tous fils d’un seul Dieu et Père « qui fait lever son soleil sur les
méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les
injustes » (Mt 5, 45). Le même Pape confirme que la nouvelle évangélisation est une tâche
urgente pour les chrétiens en Afrique (AM, n° 171).
Ensuite, le Pape continue en disant
que « le visage de l’évangélisation
prend aujourd’hui le nom de réconciliation, condition
indispensable pour instaurer en Afrique des rapports de justice entre les
hommes et pour construire une paix équitable et durable dans le respect de
chaque individu et de tous les peuples ; une paix qui […] s’ouvre à
l’apport de toutes les personnes de bonne volonté au-delà des appartenances
religieuses, ethniques, linguistiques, culturelles et sociales respectives » (AM, n° 174).
Les
Pères synodaux ont aussi souligné que l’évangélisation « consiste
essentiellement à rendre témoignage au Christ dans la puissance de l’Esprit par
la vie, puis par la parole, dans un esprit d’ouverture aux autres, de respect
et de dialogue avec eux, en s’en tenant aux valeurs de l’Évangile »( AM, n° 163).
Pour ce qui est de l’Église en Afrique, ce témoignage doit être au service de
la réconciliation, de la justice et de la paix.
Enfin le Pape dit que l’œuvre urgente de l’évangélisation se
réalise de manières différentes, selon la diversité des situations de chaque
pays (AM, n° 160). Alors
la situation de l’Afrique, qui se
caractérise par les conflits et divisions, nous a incités à
repenser ce à quoi Dieu nous appelle aujourd'hui dans la mission. Nous
rappelant que la réconciliation que nous avons reçue en Jésus Christ, et qui
est signifiée dans la communauté chrétienne, nous a été confiée pour que,
ambassadeurs du Christ (cf. 2 Co 5,18-20), nous en fassions profiter le monde,
nous en sommes arrivés à considérer la mission comme œuvre de réconciliation[98]. Cette
tâche de la réconciliation donne à l’Église la possibilité de construire et de
penser une nouvelle société.
3.3. Les moyens dont l’Église peut se servir pour la promotion de
la réconciliation sociale.
D’abord, l’Église doit encourager la lecture et la
méditation personnelle de la Parole de Dieu. La lecture et la méditation de la
Parole de Dieu nous donnent non seulement « la science éminente de Jésus-Christ »
(Ph 3, 8), mais encore elles nous
enracinent plus profondément dans le Christ et orientent notre service de la
réconciliation, de la justice et de la paix (AM,
n°150). Cette Parole de Dieu peut aider à la connaissance de Jésus Christ
et opérer les conversions qui aboutissent à la réconciliation, puisqu’elle
passe au crible « les sentiments et les pensées du cœur » (Hb 4, 12) (AM, n° I51).
Puis, pour
bâtir une société réconciliée, juste et pacifique, le moyen le plus efficace
est une vie d’intime communion avec Dieu et avec les autres vécue pendant la
célébration Eucharistique. Le Pape Benoit XVI insiste sur le fait que la célébration Eucharistique réunit; autour
de la table du Seigneur, des hommes et
des femmes d’origines, de cultures, de races, de langues, et d’ethnies
différentes. Et que grâce au Corps et au Sang du Christ, ils forment une seule et même unité et
ainsi ils deviennent consanguins, et
donc authentiquement frères et sœurs, grâce à la Parole, au Corps et au Sang de
Jésus-Christ lui-même. Ce lien de fraternité est plus fort que celui de nos
familles humaines, celui de nos tribus (AM, n°
152).
Ensuite, nous avons le
sacrement de la réconciliation et de la
pénitence comme un autre moyen. Ce
Sacrement renoue les liens rompus entre la personne humaine et Dieu, et
restaure les liens dans la société. Il éduque aussi nos cœurs et nos esprits
pour que nous apprenions à vivre « en esprit d’union, dans la compassion,
l’amour fraternel, la miséricorde, l’esprit d’humilité » (1 P 3, 8) (AM, n° 155). Le Pape confirme que célébré dans la foi, ce Sacrement
est suffisant pour nous réconcilier avec Dieu et
avec le prochain. C’est en définitif Dieu qui, en son Fils, nous réconcilie
avec Lui et avec les autres (AM, n°
33).
Puis, la collaboration
œcuménique comme un autre moyen. La coopération avec les frères des églises qui
croient en Dieu Trinitaire aide à promouvoir la justice, la réconciliation, à
construire la paix, et amène à la
réalisation de développement des peuples. Cette coopération doit concerner
d’abord les activités qui touchent à la défense de la dignité et des droits
fondamentaux de la personne humaine, et en particulier le droit à la liberté
religieuse ; d’où l’effort commun pour lutter contre les discriminations,
qu’il s’agisse de religion, de race, de couleur, de culture etc. Dans le même
esprit, il faut aussi favoriser le dialogue avec ceux qui ne reconnaissent pas l’Auteur du
monde ; il faut les accepter et
chercher sincèrement avec eux les moyens honnêtes qui amènent à la justice,
la paix et réconciliation. Et voila, le
chemin vers la réconciliation doit passer d’abord par la communion des
disciples du Christ (AM, n°89-92).
Après,
nous avons l'inculturation de l’évangile et l’évangélisation de la culture
comme un autre moyen. L'évangélisation doit être un processus par lequel la vie
et le message chrétiens sont assimilés par une culture. L’évangélisation ne
doit pas être faite d’une façon décorative ou superficielle mais plutôt de
manière vitale et profonde qui va jusqu’ à la racine de la culture donnée pour réaliser une vraie
conversion (EN, n° 36°). Avec l’apport de l’inculturation, l’Église
peut même encourager et organiser des formes non sacramentelles de la
réconciliation, pour les utiliser comme moyen à la préparation des fidèles à
une réception fructueuse du sacrement de la réconciliation et pénitence (AM, n° 156).
Enfin, chaque Évêque doit inscrire en
priorité dans le programme diocésain les problèmes de réconciliation, de
justice et de paix à tous les niveaux, il doit instituer la commission justice
et paix. Nous devrons continuer à œuvrer pour la formation des consciences et
la conversion des cœurs, par une catéchèse efficace à tous les niveaux. Cette
catéchèse doit dépasser le niveau du « simple catéchisme » pour enfants et
catéchumènes se préparant aux sacrements. Il s’agit de mettre sur pied des
programmes de formation permanente pour tous les fidèles, spécialement ceux qui
occupent des postes élevés de responsabilité. En tant que chefs de l’Église locale, les évêques ont le devoir de mobiliser tous leurs fidèles
et de les amener à s’impliquer, chacun à son niveau, au planning, à l’élaboration
et à la mise en œuvre et à l’évaluation des stratégies et des programmes pour
la réconciliation, la justice et la paix[99].
3.4. Le rôle des Instituts missionnaires dans la
mission de la réconciliation en Afrique.
Nous avons un bon nombre d’Instituts missionnaires
en Afrique, et nous croyons qu’ils ont un rôle important qu’ils peuvent jouer
dans la réalisation de la mission de la réconciliation en Afrique parce qu’ils
sont souvent très proches des victimes de l’oppression, de la
répression, de la discrimination, des violences et de diverses souffrances. Voila dans cette partie nous allons voir comment
ils peuvent donner leur contribution.
D’abord, il est nécessaire
qu’il y ait un changement de mentalité
au niveau des Instituts missionnaires internationaux eux-mêmes. Ce changement
porte sur l'idée que les Instituts missionnaires sont étrangers, et ne font
donc pas partie de l'Église locale. L'attitude de certains Instituts
missionnaires internationaux a également contribué à créer une telle
perception : l'idée qu'ils sont venus aider et partiront ensuite, même
lorsque la plupart de ces instituts ont un nombre croissant de membres autochtones.
Il faut donc faire comprendre à la hiérarchie locale que les Instituts
missionnaires, qu'ils soient locaux ou internationaux, font partie de l'Église
locale ; leur clergé forme un seul presbyterium avec le clergé diocésain
et l'évêque ; leurs religieux ou religieuses et leurs collaborateurs laïcs
forment, avec l'ensemble des frères et sœurs baptisés, une seule famille de
Dieu. Par conséquent, tout le monde a le droit et le devoir de participer à la
mission prophétique de l'Église, en particulier au ministère de la
réconciliation[100].
Puis, puisque la plupart de
ces instituts missionnaires disposent de l’expérience, des ressources
humaines et matérielles, ils peuvent
servir à mettre en place et à renforcer des structures ecclésiales en vue
de cette mission de la réconciliation. Et parce que la plupart des membres de
ces Instituts missionnaires sont les étrangers, ils peuvent facilement créer un
environnement favorable d’arbitrage entre les parties en conflits[101].
Ensuite, pour qu'il y ait une véritable réconciliation, une justice et
une paix durables sur le continent africain, il faudrait des personnes
compétentes et qualifiées, engagées dans cette cause, et prêtes à
"sacrifier leur vie pour leurs frères" (1 Jn, 3,16). Par conséquent, il est nécessaire d'avoir des personnes engagées dans
ce ministère à temps plein. Cela exige une formation spécialisée et des
personnes ayant une telle expertise. De grandes possibilités s'offrent ainsi
aux Instituts missionnaires pour qu'ils complètent et diversifient leur
contribution aux Églises locales, et donnent ainsi d'une manière prophétique et
radicale un témoignage de la richesse de leur charisme à la fois à l'Église et
à la Société[102].
Enfin, les Instituts missionnaires
représentent des personnes qui, provenant de contextes ethniques, culturels et
linguistiques très différents, quittent leur pays pour élire leur domicile
parmi des personnes de cultures différentes. Elles abritent un large éventail
de différences ethniques et culturelles au sein de leurs communautés qui
vivent et travaillent ensemble au service de l’Évangile. Ces communautés ont la
possibilité d’offrir un témoignage prophétique clair. Leur présence proclame la
vérité de l’évangile selon laquelle Dieu ne favorise personne ; nous
sommes tous ses enfants et notre destin commun est de n’être qu’une seule
famille en Lui[103].
3.5. La réconciliation et la justice à l’exemple
de Jésus Christ.
Souvent
quand nous rencontrons les victimes de graves violations des droits de l’homme,
le simple fait de citer le mot réconciliation peut être perçu comme une
offense, comme une violence supplémentaire. Nous sommes devant un défi que la
mission de la réconciliation nous lance. Ce défi, c’est celle de savoir comment
faire pour qu’il y ait la réconciliation et la justice au même temps. Même le
Pape Jean Paul II, dans son message pour la Journée mondiale de la paix de
l’année 2002, a confirmé qu’une
réconciliation sans justice est une opération qui cause la frustration et laisse
un arrière-goût d’inachevé[104].
Parlant
de justice, il importe, dès le début, de ne pas se cantonner dans l’abstraction
d’un concept. La justice ne se rencontre pas, ce qu’on rencontre ce sont des
comportements justes, des rapports humains justes, des structures,
législations, administrations justes ou injustes. Le devoir éthique de justice
implique toute une série d’interventions techniques pour l’exécuter. La justice
ne se réalise qu’à travers toute une série de conditions intermédiaires qui
sont autant de moyens (économiques, sociaux, politiques). Cela veut dire que le
devoir de justice se pose à la foi
comme une tâche dans la sphère publique.
Mais pour les chrétiens, la justice est avant tout un devoir religieux. Dans
cette partie, nous nous proposons d’analyser la spécificité de la justice
chrétienne[105].
La
justice chrétienne a son fondement dans la justice de Dieu (justice divine). La
justice de Dieu coïncide avec sa miséricorde, sa volonté de sauver, de guérir
l’homme, de lui donner la vie. Voila, dans ce cas, la justice devient pur amour
gratuit, non mérité. A l’injustice de l’homme, Dieu répond avec son amour.
Ainsi, la justice chrétienne commence au moment où on dépasse la justice
ancienne de l’œil pour œil et dent pour
dent. La justice chrétienne est, avant tout, la justice de Dieu que nous
recevons, non pas celle que nous méritons. La justice chrétienne n’est donc pas
seulement donner à chacun son dû,
mais aller bien au-delà. En d’autres termes, elle consiste dans l’amour
désintéressé et dans l’amour qui va jusqu’au bout[106].
La
justice chrétienne, c’est rompre le cercle infernal où une injustice justifie une autre. C’est accepter de perdre,
de souffrir pour que la justice advienne. La justice chrétienne fait le premier
pas, elle n’attend pas les autres. Cette justice est donc plus que se conformer
à quelques règles : ne pas voler, ne pas corrompre, ne pas tuer, etc. Elle
est une attitude positive, typiquement religieuse, trouvant sa source en Dieu[107].
Dans
la situation actuelle de l’Afrique et du monde entier, vivre dans la justice
signifie recevoir les coups d’une société injuste. Mais le chrétien est
précisément celui qui n’attend pas que les autres soient justes pour pratiquer
lui-même la justice. Ce qu’il apprend de Jésus, c’est répondre à l’injustice par la justice, même si cela lui coûtera des
souffrances.
La justice divine offre à la justice humaine, toujours limitée et
imparfaite, l’horizon vers lequel elle doit tendre pour s’accomplir. Elle nous
fait prendre conscience en outre, de notre propre indigence, de l’exigence du
pardon et de l’amitié de Dieu (AM, n° 25).
Selon le Papa Benoit XVI, l’amour
dépasse les frontières de la justice et la complète dans logique du don et du
pardon. L’homme n’est pas uniquement constituée par des rapports de droits et
de devoirs, mais plus encore, et d’abord, par des relations de gratuité, de
miséricorde et de communion[108].
Selon
Mgr Bakole, le seul moyen de sauver notre continent de son marasme, c’est la
présence des citoyens qui veulent commencer à aller à contre courant, à briser
le cercle infernal dans lequel nous sommes enfermés. Nous devons devenir des
hommes et des femmes qui se laissent guérir de leur paralysie par Jésus, et qui
se mettent debout pour marcher. Même si la route est longue, même si nous voyons que rien ne bouge, même si nous
nous trouvons embourbés dans une vie de corruption, de débauche, de guère et de
conflits, changer est possible, même si les autres ne marchent pas, même s’ils
créent des difficultés ou dressent des
obstacles devant le chemin qui amène à
la vraie justice. Tous les Chrétiens africains ont le devoir de
témoigner de la justice nouvelle de Jésus, qu’ils soient capables de donner au
milieu de la crise une orientation nouvelle dans la société actuelle[109].
Le Pape Paul VI, dans Evangelii Nuntiandi,
nous a rappelé que toute action pour la justice commence avec la conversion de
nos propres mentalités et habitudes.
Selon
Mgr Kataliko, la justice n’est pas seulement un don de Dieu que nous implorons
tous les jours avec faveur, ni seulement le fruit de négociations qui se font
ailleurs par des grands, sans la participation du peuple, mais qu’elle doit
être aussi et surtout, le fruit de notre engagement quotidien autour de valeurs
chrétiennes et humaines de la confiance, de la solidarité, du repentir, du
pardon, de la réconciliation, etc.[110].
Nous pouvons
terminer cette partie en disant que nous ne pouvons pas avoir un monde juste si
l’homme n’accepte pas dans sa vie quotidienne de mourir à soi-même. Mourir à
soi-même exige une profonde conversion intérieure, un grand amour envers
l’autre, un grand désir de vouloir faire le bien à l’autre et de ne pas rester
avec ce qui est mieux pour soi-même. Alors nous pouvons affirmer qu’il n’y a
pas de réconciliation qui ne dépasse pas la justice humaine ; le cas du meurtre en dit long.
Comment faire justice et indemniser un orphelin pour le meurtre de sa mère ou
de son père ? En cas de violence extrême, il n’y pas de réconciliation
sans un certain degré de gratuité. Et c’est ça que le Pape Benoit XVI
confirme en disant que « la justice divine
que nous vivons dans les sacrements de la Pénitence et de
l’Eucharistie découle de l’action gratuite du Christ, qui se donne comme un don
pour réconcilier Dieu avec l’humanité. Cette action nous introduit dans une
justice où nous recevons bien plus que nous n’étions en droit d’attendre car,
dans le Christ, la charité est le résumé de la Loi (cf. Rm 13, 8-10). Par le Christ, unique modèle, le juste est invité
à entrer dans l’ordre de l’amour-agapè »
(AM, n°25).
3.6.
Le processus pour réconcilier
l’Afrique
Le Pape Jean Paul II, dans Ecclesia in Africa, compare l'Afrique à l'homme qui, voyageant de Jérusalem à Jéricho,
était tombé dans les mains des voleurs qui le dépouillèrent de tous ses biens,
le molestèrent et l'abandonnèrent à demi mort sur le chemin (EA, n° 41). La
question en ce moment est donc de savoir
qui sont les supposés responsables du pitoyable état des choses en Afrique
aujourd'hui. Qu’ont-ils fait exactement ? Il ne suffit pas de lancer le processus de
réconciliation : il faut en maintenir l’élan. Dans le cadre de ce
processus, on fait souvent la distinction entre les victimes et les offenseurs.
Il est parfois facile de distinguer et d'identifier les deux : c'est par exemple, le cas fréquent des victimes d'un viol et de ceux qui le
commettent. Mais dans des conflits à plus grande échelle, les victimes peuvent,
par la suite, devenir à leur tour des offenseurs et les offenseurs, devenir des
victimes. Pour ce fait, classer les gens en catégories bien définies ne mène
pas à grand-chose. Si la pratique chrétienne accorde une sollicitude
particulière au sort des victimes, la réconciliation et la guérison exigent à
la fois la restauration et la guérison de la victime, et le repentir et la
transformation de l'offenseur. En conséquence, Il nous faut prêter une
attention toute particulière à quatre aspects du processus de réconciliation et
de guérison : la vérité, la mémoire, la justice et le pardon[111].
a).
L’aspect de la vérité et la
reconnaissance des torts.
Jésus a dit à ses disciples : “Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres” (Jn 8, 32).
Alors, une véritable réconciliation demande que les gens, individuellement et
collectivement, reconnaissent leurs actes et confessent leur rôle dans les
questions en cause, dans un esprit d'ouverture, de vérité et d'honnêteté. La
réconciliation dans la vie vient par la création d'un espace où le pardon est
possible. Et le pardon ne peut être accordé que lorsque la vérité est connue et
admise. Pour un chrétien, dire la vérité, ce n’est pas seulement rapporter des
faits d’une manière crédible ; c’est aussi y impliquer Dieu, qui est
l’auteur de toute vérité (Jn 14,7 ; 17,17). L’Église doit s’efforcer de
créer des lieux sûrs et accueillants où
l’on pourra dire et entendre la vérité, où l’on pourra briser le silence, où
l’on pourra démonter et dénoncer les mensonges pernicieux. Il est difficile d'établir la
vérité, en particulier après des conflits, mais avec la connaissance que Dieu
est la source de la vérité nous arrivons à respecter la vérité[112].
b).
L’aspect
d’une honnête révision du passé et d’une de guérison de la mémoire
La mémoire est étroitement liée à la
vérité. On se pose la question de savoir comment va-t-on évoquer le souvenir du
passé ? Comment va-t-on en parler ? Si elle est authentique, la mémoire
devrait permettre d'arriver à la vérité sur le passé. Souvent, il faudra guérir
les souvenirs traumatisants d'actes de malfaisance ou d'atrocités avant de
pouvoir en faire des éléments constitutifs d'un avenir différent. Guérir les
mémoires, cela signifie éliminer la toxicité des souvenirs afin qu’ils cessent de faire de nous des otages du passé ;
et nous sommes alors en mesure de créer un avenir qui exclura la possibilité
que se reproduisent de tels actes. La manière
dont nous nous souvenons du passé va déterminer non seulement la manière dont nous
allons vivre et entretenir les relations les uns avec les autres dans le
présent, mais aussi la manière dont nous allons envisager l'avenir. C'est pour
cette raison que la mémoire est au cœur du processus de réconciliation et de
guérison[113].
Les souvenirs qui ne
guérissent pas peuvent empêcher la réconciliation ; dans certains cas, les
victimes sont tellement enfoncées dans leurs souvenirs qu'il faut les aider à
s'en libérer. Il arrive aussi parfois que des victimes ne veulent pas être
guéries, et qu'elles se servent de leurs souvenirs pour bloquer tout progrès.
L’Église a un devoir d'accompagner les victimes pour les aider à se libérer de
souvenirs traumatisants afin de cheminer vers l’harmonie pour devenir la
créature nouvelle dont St. Paul nous parle dans sa deuxième lettre au
Corinthiens (2 Co 5,17)[114].
c). L’aspect de la justice et de la repentance
La justice est une dimension essentielle
de l'œuvre de réconciliation. La justice sociale est nécessaire sous toutes ses
formes. Mais il faut qu’il y ait d’abord
la justice divine, et après nous
pouvons appliquer d’autres formes de justice pour éviter que la justice puisse
devenir la vengeance. Il y a trois formes de justices qu’il faut nécessairement considérer : d'abord,
il y a la justice rétributive. C’est
la justice par laquelle les offenseurs
assument les conséquences du mal qu'ils ont fait. Cela est important car
cela permet à la fois de reconnaître qu'un mal a été commis et d'affirmer qu'on
ne tolérera plus, à l'avenir, de tels méfaits[115].
Ensuite, il y a la justice réparatrice : il s'agit de restituer aux victimes, soit
directement, soit sous une forme symbolique, ce qui leur a été indûment enlevé
; il pourra s'agir soit de réparations, soit de compensations. Dans d'autres
cas, par exemple lorsque l'offenseur ou la victime est mort, il sera peut-être
nécessaire de trouver d'autres moyens d'affirmer la réconciliation ; sous
la forme par exemple d'un mémorial public. Nous pensons qu’il ne faut pas
accorder l’amnistie aux offenseurs avant de se faire entendre avec les victimes[116].
Et, enfin, il y a la justice structurelle : il
s'agit dans ce cas de réformer les institutions de la société pour empêcher
qu'injustice puisse être faite à l'avenir. Il est souvent nécessaire d'accorder
une attention toute particulière aux dimensions de justice réparatrice et de
justice structurelle ; ainsi, pour établir la justice économique, il sera
nécessaire de réformer les lois et mécanismes du commerce international.
Par la voix des
prophètes d'autrefois, l'Esprit Saint s'est prononcé contre l'injustice ; il a
conféré l'onction à Jésus afin qu'il apporte aux opprimés la délivrance (Lc
4,18-19). Aujourd'hui encore, l'Esprit confère des dons de prophétie et de
courage aux chrétiens qui s'efforcent, en particulier, de contribuer au
processus de justice réparatrice et à l'adoption des réformes qu'exige la
justice structurelle. Si l’Église doit témoigner de la justice, elle reconnait
que quiconque ose parler aux hommes de la justice doit d’abord être juste à
leurs yeux. Il faut donc examiner ici avec soin les procédures, les possessions
et le style de vie de l’Église[117].
d). L’aspect du pardon
Le pardon est très important dans le
processus de la réconciliation, un processus de la réconciliation qui n’amène
pas au pardon reste inachevé. Quand on
pardonne, on reconnaît ce qui s'est passé autrefois, mais on s'efforce
d'établir une relation différente à l'égard tant de l'offenseur que de l'acte
commis. Si nous ne pardonnons pas, nous restons enfermés dans nos relations
avec le passé et nous ne pouvons pas avoir un avenir qui soit différent[118].
Le pardon accordé par
Dieu est nécessairement associé à celui que nous sommes disposés à accorder aux
autres (Mt 6,12 et 14-15). C'est pour cela que les chrétiens disent souvent
qu'il nous faut « pardonner et oublier ». Mais ce n'est pas ce que dit la Bible
: on ne peut jamais oublier le mal qui a été fait, comme si rien ne s'était
passé. Demander cela aux victimes, ça serait les avilir une fois encore. Nous
ne pouvons jamais oublier ; par contre, nous pouvons nous souvenir d'une
manière différente, d'une manière qui permette que s'établisse une relation
différente tant avec le passé qu'avec l'offenseur. C'est à cela que nous sommes
appelés en tant que chrétiens.
Conclusion du troisième chapitre
La réconciliation
constitue une caractéristique et un point focal importants de la mission de
Dieu et, par conséquent, de la mission de l'Église : « L'Église est envoyée
dans le monde pour appeler les hommes et les nations à la repentance, pour leur
annoncer le pardon des péchés et une vie renouvelée par Jésus Christ dans leurs
relations avec Dieu et leurs prochains. Une
caractéristique du monde actuel est la rupture des relations et, dans ce
contexte, l'Église, au nom de la totalité de l'ordre créé, est particulièrement
appelée à saisir plus en profondeur, dans sa vie et son ministère, le don de la
réconciliation de Dieu.
CONCLUSION GÉNÉRALE
Arrivés
à la fin de notre travail, nous
constatons que la réconciliation est un sujet très complexe, de même que les
causes des conflits ; qu’il s’agisse de désaccords entre les communautés et
dans les communautés. Les luttes intestines peuvent être extrêmement complexes,
car elles sont souvent dominées par la question de l’identité, et ont des
racines historiques profondes. De par leur nature complexe, ces conflits
exigent une réponse tout aussi complexe. Il est essentiel de ne pas parler de
la réconciliation en termes abstraits,
et de tenir compte du contexte. Un continent complexe comme l’Afrique ne peut
pas se contenter de solutions générales, il faut identifier les diverses
blessures et leurs différentes causes, afin d’y trouver des solutions
raisonnables et viables. Par ailleurs, notre participation à la question de la
réconciliation, comme l’a rappelé le pape Benoît XVI aux participants au
Synode, découle de notre foi en Christ Jésus, notre paix et notre
réconciliation. Nous ne devons pas perdre de vue ce point qui est le fondement
de toutes nos actions et de nos interventions.
On dit souvent que la charité bien ordonnée commence par soi-même.
Ainsi, si nous voulons être agents de la réconciliation dans des situations de
conflit, il faut que nous croyions que la réconciliation est possible. L’appel
et la mission des chrétiens, selon le commandement du Seigneur, consistent à englober et
transformer la vulnérabilité humaine. Cela reste un défi même au sein de l’Église, aux niveaux personnel et collectif. C’est une invitation qui comporte nécessairement
la prise en compte, l’accueil et la guérison de la douleur, de la souffrance,
des malheurs et des déséquilibres au sein de l’Église. C’est un engagement à réconcilier les tensions existantes dans les
histoires, les peurs profondes, les préjugés et les excès d’autorité, les
jalousies, la compétition, le nationalisme, le tribalisme, le carriérisme, les
perceptions, les mensonges, l’inimitié, la rivalité, les complexes, les
médisances et les calomnies, les comportements agressifs actifs ou passifs.
Bien que ces tensions puissent être considérées comme des paradoxes et comme un
signe de contradiction, elles pourraient être utilisées comme tremplin pour un
processus d’apprentissage visant à en faire des témoins authentiques, capables
de renforcer leurs confrères et leurs consœurs. C’est pourquoi notre projet de
réconciliation doit commencer d’abord à niveau personnel de chaque membre de
l’Église. En d’autres termes, il faut que chacun se réconcilie d’abord avec
lui-même. Pour exercer
cette mission avec intégrité, l'Église doit être une communauté qui vit
effectivement l'expérience de la réconciliation et de la guérison en Christ[119].
Comme Paul Ennin le confirme, Il
nous semble que si l’Église en Afrique se veut “une communauté de personnes
réconciliées... donc un puissant levain de réconciliation dans les différents
pays, alors nous avons besoin notamment[120]:
Ø D’évangéliser à nouveau nos
attitudes, surtout notre façon de percevoir le leadership. Nous pensons que le besoin d’un ‘leadership serviteur’ est
probablement le plus grand défi de l’Église en Afrique.
Ø De revoir notre approche pédagogique:
il est dit que Jésus enseignait aux adultes et bénissait les enfants, mais l’Église
souvent enseigne aux enfants et bénit les adultes. Le Synode a souligné
l’importance d’une éducation et d’une formation pour les adultes.
Ø D’aller au-delà de la “proclamation” qui fait appel à la
conscience individuelle. Assez parlé et publié de documents, il
est temps d’agir. L’Église en Afrique doit se
préparer à s’occuper des péchés accumulés par le passé, qui continuent
d’accabler son peuple. Elle doit s’engager dans la purification de la mémoire
collective, en aidant à réparer les relations tendues, à rétablir une
communication productive et harmonieuse entre les différents secteurs de la communauté.
Nous terminons notre travail en disant qu’être
un artisan de la paix et un agent de la réconciliation dans une atmosphère
aussi divisée et blessée qui
est la nôtre, c’est une tâche ardue et qui
demande beaucoup de temps. Mais Dieu nous accompagne à travers toutes les
blessures et la douleur. Dieu nous demande de l’assumer comme une tâche
constitutive de notre vocation envers les autres: “Tout cela vient de Dieu qui
nous a réconciliés avec lui par le Christ, et qui nous a donnés le ministère de
la réconciliation” (2 Cor 5, 18-19).
[1]
Deuxième Synode Spécial des
Évêques pour l'Afrique, Message final de
la IIe Assemblée spéciale du Synode des Évêques pour l’Afrique, Kinshasa, Médiaspaul, 2010, n°. 4-5.
[2]
Deuxième Synode Spécial des
Évêques pour l’Afrique, « Les 57 propositions pour l’Afrique » in La Documentation Catholique, n°2434,15
novembre 2009, p. 1035-1055.
[3]
JEAN-PAUL II, Message pour la Journée Mondiale de la Paix : « II n’y a pas de paix sans justice, il n’y
pas de justice sans pardon » (08.12.2001), 14 : AAS 94(2002) 139.
[4] WALIGGO J., “Making a church that is truly
African”, in Inculturation: Its meaning and Urgency, John Waliggo, et al
(eds.) Nairobi: St.Paul Publication, 1986, p.24; cité dans Raymond Aina, “The
mission of the church in Africa today: Reconciliation?? AFER 50/3-4, 2008? P. 219.
[6]
Deuxième Synode Spécial des
Evêques pour l’Afrique, Lineamenta, Vatican, 2006, p. 44.
[7]
Deuxième Synode Spécial des
Evêques pour l'Afrique, Message final de
la IIe Assemblée spéciale du Synode des Evêques pour l’Afrique, Kinshasa, Médiaspaul, 2010, n°.5.
[8]
Caritas Internationalis,
Œuvré pour la réconciliation: un manuel Caritas, Vatican City, 1999, sur
l’internet : http://www.caritas.org/upload/wkg/wkgreconc.pdf
[9]
NTUMBA Valentin, Paul de Tarse, héraut de l’Evangile,
Kinshasa, Edicaf, 2011, p. 183-185.
[11] Le Dictionnaire Biblique pour tous,
Paris, Éditions ; L.L.B.,
1957, p. 478.
[12]
DUPOINT Dom J., La Réconciliation dans la Théologie de Saint Paul, Paris, Desclée, 1953, p. 7-10.
[13]
Benoit XVI, Zenit.org., Rome, Vendredi 20 mars 2009.
[14]
COE- Conférence mondiale sur la mission et l’évangélisation, Viens, Esprit Saint - guéris et réconcilie, Athènes, 2005,
sur l’internet : http://www.wcc-coe.org/wcc/what/mission/evlet2f-2005.html.
[15] Ibidem, p. 14
[16] NTUMBA Valentin, Paul de Tarse, héraut de l’Évangile,
Kinshasa, Edicaf, 2011, p. 184
[18]
« Mission de l’Église »,
in Trimestrielle, n°. 9, Mars, 1991,
p. 48.
[19]
BUETUBELA Paul, Cours d’initiation au grec du Nouveau
Testament. Notes de cours à l’usage des étudiants, Kinshasa, Facultés
Catholiques de Kinshasa (Faculté de Théologie), 2009- 2010, p., 12.
[26] La Bible de Jérusalem, Mt 18, 17.
[27]
Les Évêques de
France, Catéchisme pour adultes,
Paris, 1991, paragr.293, texte sur l’internet : http://catho.org/9.php?d=fi
[28]
NAZ (dir), Dictionnaire de Droit Canonique, Paris, Librairie Letouzey et Ané, 1953, Tome Cinquième, p. 171.
[29]
GAUDEMET Jean, Le droit canonique, Paris, Édition du
Cerf, 1989, p. 19-24.
[30]
Constitution
apostolique « Sacrae Discilinae
Leges », p. 10-11.
[31]
MATENKADI Finifini, Code de Droit Canonique, Kinshasa,
Médiaspaul, 2002, p. 3-4.
[32] MATENKADI Finifini, Code de Droit Canonique, Kinshasa, présentation générale et actualité, Médiaspaul,
2002, p. 3-4.
[36]
Concile Vatican II,
Constitution dogmatique sur l’Église, « Lumen Gentium » introduction.
[37]
Catéchisme de l’Église
Catholique, Kinshasa, Médiaspaul, 1994, p. 165
[38]
YOUCAT, Catéchisme de l’Église catholique pour les
jeunes, Paris, 2011, p. 78-79.
[40]
BOSCH David J.,
Dynamique de la mission chrétienne. Histoire et avenir des modèles
missionnaires, Lomé-Paris-Genève,
Karthala-Haho-Labor et Fides, 1995, p. 21.
[41] Karl Rahner et H. Vorgrimler, Petit dictionnaire de théologie catholique,
Editions du Seuil, Paris, 1970, p. 287.
[42] BOSCH
David J., Dynamique de la mission chrétienne. Histoire et avenir des modèles
missionnaires, Lomé-Paris-Genève,
Karthala-Haho-Labor et Fides, 1995, p. 42
[43] THE FLAMING CENTRE, The Theology
of the Christian Mission,
Fortress Press, Philadelphia, 1977, p.2
[44]
BOSCH DAVID J., Dynamique
de la mission chrétienne, Histoire et avenir des modèles missionnaires, Lomé-Paris-Genève,
Karthala-Haho-Labor et Fides, 1995, p. 525-530.
[48]
POUCOUTA P., « Paul et
le service de la réconciliation », in
Spiritus , n° 196, 2009, p. 294-295.
[50] VON DER RECKE Marie-Noëlle,
« Redécouvrir la théologie de la réconciliation », in Cahiers de la Réconciliation, n° 2,
2009, p. 14.
[54]
Ibidem.
[55]
VON DER RECKE Marie-Noëlle,
« Redécouvrir la théologie de la réconciliation », in Cahiers de la Réconciliation, n° 2,
2009, p.10- 11.
[56]
NTUMBA Valentin, Paul de
Tarse, héraut de l’Evangile, Kinshasa, Edicaf, 2011, p. 182.
[59]
NTUMBA Valentin, Paul de Tarse héraut de l’Evangile,
Kinshasa, Edicaf, 2011, p. 183.
[60]
CLEYSSAC Alain, « Ambassadeurs
de la réconciliation », in
Cahiers de la Réconciliation, n° 2, 2009, p.35
[61]
DOCUMENT DE l’AMECEA, L’Eglise Interpellée, Kinshasa, Editions
L’Epiphanie, 1994, p. 14-15.
[64]
Version Segond révisée.
[65]
NTUMBA Valentin, Paul de Tarse héraut de l’Evangile, Kinshasa, Editions Edicaf, 2011, p. 181-188.
[66]
DUPOINT Dom J., La Réconciliation dans la Théologie de Saint Paul, Paris, Desclée, 1953, p. 13-18.
[68] WALTER Eugène, La Deuxième Epitre aux Corinthiens,
Lyon, Editions Xavier Mappus, 1966, p.
51.
[69]
CLEYSSAC Alain,
« Ambassadeurs de la réconciliation », in Cahiers de la Réconciliation, n° 2, 2009, p.43.
[70]
DUFOUR Léon, Vocabulaire de Théologie Biblique,
Paris, Cerf, p. 892.
[72]
NTUMBA Valentin, Paul de Tarse, héraut de l’Evangile,
Kinshasa, Edicaf, 2011, p. 188-189.
[73]
CANTINAT Jean, Les épitres de saint Paul Expliquées, Paris,
Librairie Lecoffre, 1960, p. 92-93.
[74]
REFOULE François, Marx et
saint Paul, libérer l’homme, Paris, Cerf, 1974, p. 87.
[75]
NTUMBA Valentin, Paul de Tarse, héraut de l’Evangile,
Kinshasa, Edicaf, 2011, p. 190-192.
[76]
DUFOUR Léon, Vocabulaire de Théologie Biblique,
Paris, Cerf, p. 893.
[77]
NTUMBA Valentin, Paul de Tarse, héraut de l’Evangile,
Kinshasa, Edicaf, 2011, p. 193.
[82]
VON DER RECKE Marie-Noëlle,
« Redécouvrir la théologie de la réconciliation », in Cahiers de la Réconciliation, n° 2,
2009, p. 16.
[85]
Conseil Pontifical Justice
et Paix, La Paix fruit de la Réconciliation, Kinshasa, Paulines, 2002, p.136.
[87]
Conseil Pontifical Justice
et Paix, La Paix fruit de la Réconciliation, Kinshasa, Paulines, 2002, p.151.
[90]
DEFOUR Léon, Vocabulaire de Théologie Biblique,
Paris, Cerf, 1964, p. 893-894.
[91] Message de Pères Synodaux, Afrique, debout, prends ton grabat et
marche, Rome, 2009, paragr. 15.
[93]
Cf.
MUBESELA, Notes de Théologie de la spiritualité missionnaire, Institut Saint Eugène
de Mazenod, Kinshasa année académique 2009-2010, p. 2.
[94]NTUMBA Valentin, Paul
de Tarse, héraut de l’Evangile, Kinshasa, Edicaf, 2011, p. 194-195.
[95]
ENNIN Paul, Le défi prophétique de l’Eglise Africaine,
La Diaconie : Les Instituts Missionnaires, Instruments de Réconciliation, 21 Mai 2010, sur
l’internet : conseiller1@smaroma.org
[96] NTUMBA Valentin, Paul de Tarse, héraut de l’Evangile,
Kinshasa, Edicaf, 2011, p. 195.
[97] Ibid., n° 159.
[98] ENNIN PAUL, Le
défi prophétique de l’Eglise Africaine, La Diaconie : Les Instituts
Missionnaires, Instruments de
Réconciliation, 21 Mai 2010, sur l’internet : conseiller1@smaroma.org
[99]DOCUMENT DU SYNODE DES EVEQUES, « Les 57 propositions pour
l’Afrique » in La Documentation
Catholique, n°2434,15 novembre 2009, p. 1035-1055.
[100]
ENNIN
Paul Saa-Dade , Deuxième Synode Spécial des Evêques pour l’Afrique, «le Projet
Africain de la Réconciliation » : le rôle des Instituts missionnaires,
sur
l’internet : conseiller1@smaroma.org
[103]ENNIN Paul, Le
défi prophétique de l’Église Africaine, La Diaconie : Les Instituts
Missionnaires, Instruments de
Réconciliation, 21 Mai 2010, sur l’internet : conseiller1@smaroma.org
[104] Pape Jean Paul II, Message pour la Journée mondiale de la paix, 2002, Texte sur
http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/message/peace/document/hf_jp-ii_world-day-for-peace_fr.html
[105] BAKOLE ILUNGA, « Justice dans la vie du
chrétien », in Semaines théologiques
de Kinshasa, Actes de la treizième semaine théologique de Kinshasa,
1981, p. 103.
[106] Ibidem, p. 106.
[108] Benoit XVI, lettre encyclique Caritas in veritate,
2009, n°6, texte sur
l’internet : http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/encyclicals/documents/hf_ben-xvi_enc_20090629_caritas-in-veritate_fr.html
[109] BAKOLE ILUNGA,
« Justice Chrétienne et Promotion Humaine », in Semaines théologiques de Kinshasa, Actes de la treizième semaine
théologique de Kinshasa, 1981, p. 116.
[110] KATALIKO,
« Sois fort et prend courage, espère le seigneur », Message aux
fideles de Bukavu et hommes de bonne volonté (5 /12/1998), in Renaitre, n°24 (déc. 1998), p.10.
[111]COE- Conférence mondiale
sur la mission et l’évangélisation, Viens,
Esprit Saint - guéris et réconcilie, Athènes,
9-16 Mai 2005, sur l’internet : http://www.wcc-coe.org/wcc/what/mission/evlet2f-2005.html.
[112]COE- Conférence mondiale
sur la mission et l’évangélisation, Viens,
Esprit Saint - guéris et réconcilie, Athènes,
9-16 Mai 2005, sur l’internet : http://www.wcc-coe.org/wcc/what/mission/evlet2f-2005.html.
[115] COE- Conférence mondiale
sur la mission et l’évangélisation, Viens,
Esprit Saint - guéris et réconcilie, Athènes, 2005, sur l’internet :
http://www.wcc-coe.org/wcc/what/mission/evlet2f-2005.html.
[116] Ibidem.
[117] Synode des Évêques, La justice dans le monde, Montréal, Éditions fides, 1971, p. 17.
[118] COE- Conférence mondiale
sur la mission et l’évangélisation, Viens,
Esprit Saint - guéris et réconcilie, Athènes, 9-16 Mai 2005, sur l’internet : http://www.wcc-coe.org/wcc/what/mission/evlet2f-2005.html.
[119] ENNIN PAUL, Le
défi prophétique de l’Église Africaine, La Diaconie : Les Instituts
Missionnaires, Instruments de
Réconciliation, 21 Mai 2010, sur l’internet : conseiller1@smaroma.org
[120] Ibidem.
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