INTRODUCTION
Au
cours des dernières décennies, on a aussi parlé de l'urgence de la nouvelle
évangélisation. Tenant compte de l'évangélisation comme l'horizon ordinaire de
l'activité de l'Église, ainsi que l'action d'annoncer l'Évangile ad gentes, qui
nécessite la formation de communautés locales ou Églises particulières dans les
Pays missionnaires de première évangélisation, la nouvelle évangélisation
s'adresse plutôt à ceux qui se sont éloignés de l'Église dans les Pays de
vieille tradition chrétienne. Hélas, ce phénomène existe aussi – à des degrés
différents dans les Pays où la Bonne Nouvelle a été annoncée dans les siècles
récents mais où elle n'a pas encore été suffisamment accueillie au point de
transformer la vie personnelle, familiale et sociale des chrétiens. Une
évidence qui a aussi été soulignée par les Assemblées Spéciales du Synode des
Évêques au niveau continental, célébrées en préparation de l'Année Sainte 2000.
C'est là un défi important pour l'Église universelle. C'est pourquoi, après
avoir consulté ses frères dans l'épiscopat, le Saint-Père Benoît XVI
a décidé de convoquer la XIIIème Assemblée Générale Ordinaire du
Synode des Évêques sur le thème La nouvelle évangélisation pour la transmission
de la foi chrétienne, qui se tiendra du 7 au 28 octobre 2012. Reprenant la
réflexion réalisée jusqu'à aujourd'hui sur l'argument, l'Assemblée synodale
aura pour but d'examiner l'actuelle situation dans les Églises particulières
pour pouvoir tracer ensuite, en communion avec le Saint-Père Benoît XVI,
évêque de Rome et Pasteur universel de l'Église, des manières et des
expressions inédites de la Bonne Nouvelle à transmettre à l'homme
d'aujourd'hui, avec un nouvel enthousiasme – caractéristique des saints,
témoins joyeux du Seigneur Jésus-Christ, Celui qui était, qui est et qui vient
(cf. Ap. 4, 8). Il s'agit là d'un défi
de tirer, comme le scribe devenu disciple du Royaume des cieux, des choses
nouvelles et des choses anciennes à partir du trésor précieux de la Tradition
(cf. Mt 13, 52).
En effet, redéfinir
l’évangélisation ne veut pas dire réfuter ou discréditer la manière dont l’évangile
est annoncé depuis la nuit des temps jusqu’à nos jours ; autrement dit,
l’œuvre de Dieu ne se juxtapose pas à l’œuvre du Christ ou de l’Esprit Saint,
ce n’est pas une action nouvelle qui s’ajoute à l’action du Christ. Le Saint
Esprit est la puissance de la Parole, son efficacité pour nous et en nous.
Voilà pourquoi le Saint Père Paul VI dans son Exhortation Apostolique
Evangelii Nuntiandi, nous rappelle que
c’est grâce aux charismes de l’Esprit et
au mandat de l’église que nous sommes
appelés à rendre cette évangélisation non seulement possible mais active et fructueuse.
Nous pouvons comprendre par là que la nouvelle évangélisation doit entrer dans
la réalité de notre époque (A.E., n°74), c’est-à-dire « se tourner vers ce
qu’il y’a à vivre au présent, s’engager dans le présent avec sa liberté
concrète pour y faire aujourd’hui l’expérience de la puissance de
l’évangile… »[1].
L’esprit de l’évangélisateur renvoie à sa capacité d’accueillir le don de Dieu
et de le témoigner aux hommes d’aujourd’hui.
Il sied avant tout de signaler que notre
travail s’inscrit dans le sillage de l’Exhortation Apostolique du pape Paul VI,
intitulée : Evangélii Nuntiandi et publiée en 1988.
Ainsi,
l’architectonique de notre travail s’organise en huit points qui sont :
les Témoins authentiques de l’Evangile, du Christ évangélisateur à l’église
évangélisatrice, les critères pour une annonce contextualisée, les
destinataires de l’évangélisation, les ouvriers de l’évangélisation, le contenu
de l’évangélisation, les voies de l’évangélisation et enfin, la nouvelle
évangélisation et les appels des églises d’Afrique.
I.
TEMOINS
AUTHENTIQUES DE L’EVANGELISATION
La
nouvelle évangélisation n’est pas une restauration d’une évangélisation
ancienne échouée. Elle est la rencontre entre la nouveauté de l’évangile et
l’homme aujourd’hui. Autrement dit, inculturer
l’évangile dans la culture humaine de notre temps. C’est ce que le
Bienheureux Pape Jean Paul II voudrait appeler en ce
terme : « nouvelle synthèse créatrice entre l’évangile et la
vie » (cf. Documentation Catholique 1906, p. 1083, Symposium des évêques,
1985)[2].
C’est aussi dans ce sens que nous
pouvons lire dans Evangelii Nuntiandi au n°76 que notre siècle a soif
d’authenticité. Des jeunes ont horreur du factice, du falsifié et recherchent
par dessus tout la vérité et la transparence. Autrement dit une seule chose est
nécessaire : « Que Dieu soit reconnu et adoré, qu’il règne et
qu’il triomphe sur cette terre comme au Ciel, qu’il soit donc connu, aimé,
servi par tous les hommes et non, comme de nos jours, seulement par un petit nombre
de privilégiés »[3].
Aujourd’hui,
pour enraciner la foi parmi les peuples lointains, il faut nécessairement « sauver
ces peuples par eux –mêmes »comme le conçois Saint Daniel Comboni,
c’est-à-dire partir de ces peuples mêmes dans leur réalité concrète afin que l’évangile
soit inculturé. C’est dans cette optique que le Professeur Leonard Santedi Kinkupu voudrait souligner en disant : « il
s’agit d’une évangélisation dont la mission principale est d’inventer et
d’appeler à inventer pour l’homme aujourd’hui »[4].
Dans ce sens, parler de la nouvelle évangélisation nous permettra de redécrire
le visage de la nouvelle évangélisation, pour cela il faut pour le missionnaire
d’aujourd’hui une nouveauté :
-en son ardeur : Jésus Christ nous appelle à renouveler notre
ardeur missionnaire jour après jours. C’est ce que le Pape Paul VI dans Evangelii
Nuntiandi formule en ces termes : « l’œuvre de l’évangélisation
suppose, dans l’évangélisateur, un amour fraternel toujours grandissant envers
ceux qu’il évangélise » (E.N. n°79). A cette fin, l’évangélisateur doit s’enflammer
d’un zèle apostolique renouvelé.
-en ses méthodes : De nouvelles situations exigent de nouveaux
chemins pour une évangélisation de notre temps. Il est nécessaire d’utiliser,
et « non d’une manière décorative, comme un vernis superficiel » (Evangelii
Nuntiandi, n°20) ces moyens qui permettent à l’évangile d’arriver au cœur de la
personne et de sa culture.
-en ses expressions : Proclamons l’évangile dans un langage qui
rende plus proche des réalités
culturelles nouvelles
aujourd’hui, l’évangile de toujours. C’est
à partir de la richesse inépuisable du Christ que doivent être
recherchées les nouvelles expressions permettant d’évangéliser les milieux
marqués par la culture urbaine et d’inculturer l’évangile dans les formes
nouvelles de la culture naissante[5].
II.
DU
CHRIST EVANGELISATEUR A L’EGLISE
EVANGELISATRICE
Par son propre
témoignage qu’il donne de lui-même et que saint Luc a recueilli dans son
Evangile, Jésus nous montre toute sa mission en ces
termes : « Je dois annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume »,
et « (c’est) pour cela (que) j’ai été envoyé ».Nous voyons bien que
ces paroles sont pleine de signification si nous les mettons en lien avec
celles dites antérieurement lorsque Jésus s’applique à lui la parole du
prophète Isaïe : « L’Esprit du Seigneur est sur moi…Il m’a
envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres ».
Il s’en suit que la
mission pour laquelle le Christ se déclare être envoyé par le Père est de
proclamer de ville en ville, bref partout et particulièrement aux plus pauvres
qui sont souvent accueillants, car dira-t-il en (Mt 9,12) : ce ne sont pas
les bien portants qui ont besoin du
médecin, mais les malades, qui sont ici les pauvres. Et lorsque nous regardons
tous les aspects du Mystère de Jésus à partir de l’Incarnation en passant par
les miracles, rassemblement des disciples, leur envoi, la croix et la
résurrection, la présence permanente au milieu des siens, nous nous rendons
bien compte qu’ils font partie intégrante de son activité évangélisatrice. Et
Jésus comme parole de Dieu ou Evangile du Père, a été le premier et le plus
grand évangélisateur ; il l’a été jusqu’au bout et cela de manière
parfaite, c’est-à-dire jusqu’au sacrifice de son propre sang sur la Croix.
Une question mérite
d’être posée celle de savoir quels sont les aspects essentiels de l’activité
évangélisatrice de Christ ? Tout d’abord, il faut dire que le Christ
annonce le Règne de Dieu, car il est très important pour lui, et comme tel,
tout devient « le reste » qui est donné « de
surcroit », car seul le Règne est absolu tout en relativisant tout le reste.
Ce Règne de Dieu, Jésus l’a présenté sous multiples formes ; ainsi que le
bonheur d’y appartenir, ces exigences et sa charte, les Hérauts de ce Règne,
ses mystères, ses enfants et ce qu’il faut pour quiconque attend son avènement
définitif. Ensuite, notons que l’annonce que Jésus fait, est une annonce du
salut libérateur qui doit être en parfaite symbiose avec la libération des
opprimés, spécialement les préférés de Dieu pour paraphraser G. Barbaglio. Il
s’agit bien là de l’homme dans sa totalité. Finalement après avoir accueilli
l’annonce et adhéré à la communauté des enfants de Dieu, celui qui a été
évangélisé doit ipso facto, évangéliser à son tour, car « il est
impossible qu’un homme ait accueilli la Parole et se soit donné au Règne sans
devenir quelqu’un qui témoigne et annonce à son tour » (Evangelii
Nuntiandi, n°24).
Mais une question se
pose, celle de savoir comment contextualiser l’annonce de l’évangile
aujourd’hui et quels en sont les critères ?
III.
CRITERES
POUR UNE ANNONCE CONTEXTUALISEE
Il faut souligner de
prime abord que ce n’est pas chaque libération qui est annonce
évangélique : pour cela, il faut expliquer les éléments fondamentaux qui
font de l’annonce de l’évangile une
annonce de libération. Nous pouvons ainsi considérer un critère parmi tant
d’autres, c’es-à-dire celui par rapport au processus d’évangélisation. Selon ce
processus d’évangélisation, le critère fondamental a été posé dans Evangelii Nuntiandi, qui insiste sur le
fait que l’annonce évangélique doit être faite sans réduction ni ambigüité. Il
s’ensuit que l’annonce doit avoir les caractéristiques suivantes : elle
doit être annonce du salut ; tendre à la conversion ; se soucier de
la cause des pauvres ; se fonder sur le témoignage de parole et de
comportement.
D’abord en tant
qu’annonce et communication du salut qui vient de Dieu, l’évangile est Parole
de Dieu aux hommes. A ce titre, elle est, de par elle-même, la force de salut
pour quiconque croit[6].
Ensuite, le deuxième
critère est que l’annonce doit tendre à la conversion qui n’est autre chose que
la radicale transformation de nous-mêmes, penser, sentir et vivre comme le
Christ présent dans l’homme dépouillé et aliéné. C’est ce que Gustavo Gutiérrez
exprime de la manière suivante : « se convertir c’est s’engager
dans le processus de libération des pauvres et des exploités, de façon lucide,
réaliste et concrète »[7].
Nous voyons bien qu’une telle conversion peut et doit en quelque
sorte « mettre en cause les schèmes les plus fondamentaux d’une
personne ou d’un groupe, et des institutions qui l’incarnent ». Il s’agit
comme le si bien Gutiérrez, d’une conversion à l’homme, et, à travers lui, au
Seigneur ; une conversion qui porte à aimer le prochain, à vouloir son
bien, à le libérer du mal qui le tient captif et enchainé.
Car, « chaque annonce prophétique de la libération est accompagnée
d’une invitation à participer à la joie eschatologique(…). Joie qui doit
remplir toute notre existence, nous rendant attentifs aussi bien au don de la
libération intégrale de l’homme et de l’histoire qu’au détail de notre vie et
de celle des autres »[8].
C’est dans le même sillage que non sans raison le pape Jean-Paul II affirmait
dans son exhortation apostolique sur l’évangélisation de
l’Afrique : « la clé de voute de l’évangélisation est constituée
par l’annonce, dont la finalité est la conversion et la pleine insertion dans
la vie de l’Eglise » (EA, n° 57).
Le troisième critère,
dans le domaine du processus d’évangélisation, est que l’annonce prophétique de
libération doit être en profonde symbiose avec la libération des opprimés,
spécialement des derniers, les préférés du Royaume de Dieu. Concernant donc la
figure des pauvres et leur libération, notre fondement reste la prédication
même de Jésus. Il s’est adressé aux pauvres, c’est-à-dire aux déshérités de ce
monde, aux opprimés, aux sans-défenses, à ceux qui n’ont aucun poids politique
pour faire valoir leur juste cause et pour voir reconnu leur droit. Qu’il
s’agisse de pauvreté spirituelle ou de pauvreté matérielle ou anthropologique,
la réalité est la même. Il s’agit au fait de l’homme, corps et esprit, doté de
sept dimensions fondamentales, qui a besoin de vivre et de se sentir joyeux et
épanoui, heureux et libre.
Enfin le quatrième
critère peut être ainsi formulé : l’annonce de libération doit être fondée
sur le témoignage de comportement et de parole. Cette cohérence dont il est
question ici, regarde précisément l’effort qui doit animer chaque action
libératrice, qui ne doit pas se contenter de discours vides, mais doit assumée
par des actes concrets et par l’exemple.
Qui sont donc les
destinataires de l’évangélisation ?
IV.
LES
DESTINATAIRES DE L’EVANGELISATION
Les
paroles de Jésus dans l’Evangile de saint Marc, est un envoie sans frontière.
Cet envoi de Jésus a été bien compris aux douze et aux anciens chrétiens. Nous
voyons un bel exemple de Paul qui va
enseigner sans frontière, sans distinction, son courage souligne
l’universalité. Mais parfois le public n’accepte pas ce message du salut, ce
message qui lui est adressé. De nos jours, il se trouve que des annonciateurs
de la parole de Dieu soient persécutés, privés de leurs droits, menacés pour le
seul fait de prêcher Jésus-Christ. Malgré ces épreuves douloureuses, l’œuvre
des apôtres n’amène aucun défaut dans le monde. En dépit des multiples
adversités, l’Eglise ranime toujours son inspiration la plus profonde,
l’inspiration qui lui vient directement de Jésus. Comment annoncer l’évangile
aux lointains ?
Parler
de Jésus-Christ à ceux qui ne les connaissent pas, c’est la mission reçue
depuis le jour de la Pentecôte. L’annonce de Jésus-Christ est réalisée par une
activité complexe et diversifiée et cela
se voit comme une « préévangélisation ». Nous remarquerons que
beaucoup n’ont jamais parlé de Jésus-Christ, alors à ceux là, la mission
s’avère nécessaire. D’autres ont reçu le baptême, mais vivent en dehors de la
vie chrétienne. Alors ses gens ont besoin d’être évangélisés. Il y a des
religions qui sont non- chrétiennes, et possèdent un patrimoine impressionnant de textes profondément religieux. Elles ont
appris à des générations des personnes à prier. Ses religions suscitent une
attention particulière de la Tradition et du Magistère de l’Eglise d’ouvrir les
yeux aux nouveaux missionnaires d’aujourd’hui et de demain d’aller vers ses
gens là. L’Eglise ne se tait pas devant toutes les questions soulevées par les
non-chrétiens. Au contraire, l’Eglise pense que toute l’humanité peut trouver,
dans une plénitude insoupçonnable, ce qu’elle cherche à tâtons au sujet de
Dieu, de l’homme et de son destin, de la vie et de la mort, de la vérité, ceci
se trouve dans le mystère du Christ. L’Eglise ne peut pas se taire tant qu’elle
n’a pas encore accompli ou elle n’a pas encore fait de son mieux pour proclamer la Bonne Nouvelle de Jésus Sauveur.
Cette évangélisation demande la foi des fidèles. L’Eglise à son tour, ne laisse
pas les baptisés ou ceux qui ont reçu la foi sans leur apporter la Bonne
Nouvelle, elle va vers eux pour que leur foi s’affermisse davantage. Cette foi
est confrontée au sécularisme, voire à l’athéisme militant : elle est en
butte aux épreuves et menacée, bien plus elle est combattue. Cette foi risque
de périr par asphyxie ou par inanition si elle n’est pas toujours alimentée et
soutenue.
Pour
les non croyants ; l’incroyance monte dans le monde moderne. Le synode à son tour s’est attaché à
décrire ce monde moderne : le constat est qu’il ya de courants qui
naissent, courants de pensée, valeurs et contre-valeurs, aspirations latentes
ou semences de destruction, convictions anciennes qui disparaissent et
convictions nouvelles qui s’imposent. Une conception du monde d’après laquelle
le sécularisme s’explique par lui-même sans qu’il soit besoin de recourir à
Dieu, le Dieu est devenu superflu et encombrant. Ce sécularisme se passe de
Dieu ou renie Dieu pour reconnaître le pouvoir de l’homme.
V.
LES
OUVRIERS DE L’EVANGELISATION
L’Eglise
tout entière est missionnaire. L’évangile du salut est proclamé dans le monde
dans l’ordre, au nom et avec la grâce du Christ Sauveur. Est-ce qu’on peut
prêcher sans avoir reçu la mission ? Personne ne peut le faire à moins
d’avoir été envoyé. Qui doit évangéliser ? Est-ce tout le monde ? Le
Concile Vatican II répond en ce terme : « par mandat divin, incombe à
l’Eglise la fonction d’aller dans le monde entier et d’annoncer l’Evangile à
toute créature » (Evangelii Nuntiandi, n° 59). Lorsque l’Eglise annonce,
proclame le règne de Dieu et le construit, elle s’implante elle-même au cœur du
monde comme instrument et signe de ce
règne qui est et qui vient.
1. Un acte ecclésial
Il
est recommandé que l’Eglise soit envoyée et mandatée pour l’évangélisation du
monde, cela nous donne deux convictions :
*La
première conviction : évangéliser n’est pour personne un acte individuel
et isolé, mais c’est un acte profondément ecclésial. Il est dit que lorsque le
plus obscur prédicateur, catéchiste ou pasteur, dans la contrée la plus
lointaine, prêche l’Evangile, rassemble sa petite communauté ou confère un
sacrement, même seul, il fait un acte de l’Eglise et le geste qu’il fait se
rattache certainement, par des rapports institutionnels, mais par les liens
invisibles et par racines souterraines de l’ordre de la grâce, c’est une
activité de toute l’Eglise. La mission de l’Eglise demande d’être reçue et cela
suppose qu’il le fasse, non pas par une mission qu’il s’attribue, ou par une
inspiration personnelle, mais en union avec la mission de l’Eglise et en son
nom.
*La
seconde conviction : si chacun évangélise au nom de l’Eglise, qui le fait
elle-même en vertu d’un mandat du Seigneur, aucun évangélisateur n’est le
maître absolu de son action évangélisatrice mais cela se passe en communion
avec l’Eglise et ses pasteurs. L’Eglise se sent responsable de la tâche de diffuser l’Evangile.
Qu’est-ce
qui constitue finalement l’évangélisation ? En nous posant cette question,
nous en arrivons à parler du contenu de l’évangélisation.
VI.
LE CONTENU DE
L’EVANGILISATION
En
effet selon le Pape Paul VI, le message que l’Eglise annonce contient beaucoup
d’éléments secondaires. Le contenu essentiel c’est la substance vivante, qui ne
peut être modifié, ni passé sous silence sans une dénature grave de l’évangélisation
elle-même : Témoignage rendu à l’amour du Père.
Evoquons tout
d’abord les éléments principaux de l’évangélisation chrétienne :
-L’annonce d’un
Dieu Père,
-La proclamation
du salut par Jésus-Christ
-et l’espérance
de la vie éternelle,
-Enfin la
prédication de l’Eglise et de sacrements.
Pour
expliciter, l’Exhortation du Pape Paul VI dit ce qui suit :
« évangéliser est tout d’abord témoigner, de façon simple et directe, du
Dieu révélé par Jésus-Christ, dans l’Esprit-Saint ». (Evangelii Nuntiandi,
n° 26). L’évangélisateur ou le
missionnaire doit simplement et directement témoigner puisqu’à travers son
Fils, Dieu nous aime tous. Qu’est-ce qu’il y a au centre du message ?
Au centre du message, il y a le
salut en Jésus-Christ. L’évangélisation contient toujours une base, une source,
un centre et un sommet à la fois de son dynamisme, une claire proclamation que,
en Jésus-Christ, le Fils de Dieu fait homme, mort ressuscité, le salut est
offert à tout homme, comme don de grâce et miséricorde de Dieu. Le message au
centre de l’évangélisation n’est pas autre chose que le salut transcendant,
eschatologique et qui s’accomplit dans l’éternité.
Ainsi,
l’évangélisation se passe sous le signe de l’espérance. Elle contiendra en
outre l’annonce prophétique d’un au-delà, vocation profonde et définitive de
l’homme à la fois en continuité et en discontinuité avec la situation présente:
au-delà du temps et de l’histoire,
au-delà de toutes créatures, l’évangile possède aussi la prédication de
l’espérance dans les promesses faites par Dieu dans la nouvelle alliance en
Jésus-Christ. La prédication doit donc encore se manifester dans les signes du
Christ vivant et agissant dans l’Eglise à travers les sacrements. Le message de
l’évangélisation concerne tout homme et tout l’homme.
Outre
ces éléments fondamentaux de la foi, l’évangélisation doit insister sur les
rapports nécessaires qui existe entre l’évangile, la vie personnelle et sociale
de l’homme. Ainsi, au temps où nous sommes, il est important de présenter
l’évangile comme une puissance créatrice. L’autre aspect, c’est celui de la
libération évangélique où le Pape nous met en garde contre le risque de
constater que les extrémistes ne s’intéressent qu’aux problèmes économiques et aux
stratégies des révolutions. L’Eglise rapproche mais ne différentie jamais
libération humaine et salut en Jésus-Christ, sans ignorer les limites qui y
sont. L’évangélisation demande aussi une nécessaire conversion. Ce qui veut
dire que l’homme qui évangélise doit être convertit puis convertir les autres.
Quelle est alors la contribution spécifique de
L’Eglise ?
L’Eglise
a la pleine conscience qui aide à contribuer à la collaboration de la
libération des hommes. La libération dont parle l’Eglise à travers les Pères
synodaux n’est ni idéologique, ni
systématique et ni politique, mais elle est purement christologique ou alors
celle du Christ lui-même, annoncée à l’homme par son sacrifice. Elle reste et
demeure religieuse. Passons maintenant aux voies de l’évangélisation.
Après
avoir découvert le contenu de l’évangélisation, il nous faut trouver les voies
de l’évangélisation.
VII.
LES VOIES DE
L’EVANGELISATION
Pour parler des voies de
l’évangélisation, le Pape Paul VI nous propose des moyens adaptés à cette démarche.
Comment évangéliser ? Les façons d’évangéliser sont diverses et varient
suivant les diverses circonstances de temps, de lieu, de culture si bien
qu’elle laisse un certain défi à découvrir et à adapter.
Qu’il vous
plaise que nous citions quelques voies de l’évangélisation :
-Le témoignage de vie : la toute
première et bonne manière d’annoncer l’évangile est de la vivre soi-même. Dans
ce contexte, il est demandé aux communautés chrétiennes de s’interroger si
elles sont vraiment inspirées par l’évangile. Nous devons mener une vie
authentique, afin d’exhaler la bonne
odeur du Christ. C’est pour quoi le Pape dit : « L’homme
contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres---disons-nous
récemment à un groupe de laïcs—ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’il
évoquait le spectacle d’une vie pure et respectueuse, gagnant sans paroles même
ceux qui refuse de croire à la parole » (Evangelii Nuntiandi, n° 41). Ce
qui veut dire qu’actuellement, l’homme a
besoin de voir et d’écouter les témoins non point les maitres, ou s’il écoute
les maîtres, il faut qu’il soit un éducateur, un instructeur et un
évangélisateur par sa vie. Le plus important n’est pas dans ce qu’on dit mais
dans ce qu’on est et ce qu’on fait.
-Une prédication vivante où nous donnons
la place et le rôle de la prédication. Comment croire sans l’avoir
entendu ? Et comment entendre sans prédication ? Car la foi naît de
la prédication et la prédication se fait par la parole du Christ. (Rm10,
14-17).
-La liturgie de la parole : ici
l’Exhortation Apostolique met l’accent sur la liturgie de la parole et la
valorise en même temps ; pensant qu’il serait mal réfléchit de ne pas voir
dans l’homélie un instrument valable et très adapté d’évangélisation.
-La catéchèse : une voie que nous
ne pouvons négliger est celle de l’évangélisation comme étant un enseignement
catéchétique.
-Indispensable contact personnel :
une autre forme de la transmission de la parole de Dieu, c’est le contact de
personne à personne, qui demeure valide et importante. Jésus lui-même l’avait
souvent pratiqué dans sa conversation avec Nicodème, Zachée, Simon le pharisien
et surtout dans sa rencontre imprévisible avec la samaritaine.
-Le rôle des sacrements : dans la
démarche évangélique, il faut joindre les sacrements à la parole ; les
deux doivent aller ensemble sans s’opposer. Croire sans célébrer cette foi dans
les sacrements dénote d’une foi tronquée. La réception des sacrements ne doit
pas être passive, sans faire grandir une foi personnelle, sinon le sacrement
est détruit.
Enfin
la piété populaire qui veut dire religion du peuple, plutôt que religiosité, demande
une orientation, une vraie rencontre avec Dieu en Jésus-Christ. En face d’elle,
il faut avoir une attitude pastorale positive.
Conclusion
Somme toute,
nous venons de faire un parcours sur le contenu et les voies de
l’évangélisation tels que expliqués dans l’Exhortation Apostolique de Paul VI,
Evangelii Nuntiandi.
Au
regard des multiples défis actuels auxquels l’Eglise fait face, quelle peut
être l’attitude des églises d’Afrique par rapport à la nouvelle
évangélisation ?
VIII.
LA
NOUVELLE EVANGELISATION ET LES APPELS DES EGLISES D’AFRIQUE
Rappelons
que déjà, le pape Jean-Paul II avait proposé une nouvelle évangélisation et ce
projet avait été accueilli dans l’Eglise d’Afrique comme un grand souffle d’une
renaissance des sociétés africaines. En ce sens, la nouvelle évangélisation
doit emmener les Eglises du continent à comprendre et à vivre la foi en Jésus-Christ
selon les exigences de la construction et de l’invention d’une nouvelle
société. La Bonne Nouvelle du Christ devrait apporter de nouvelles réponses
face aux questions spirituelles, éthiques, sociales, économiques et politiques
de nos pays. Cette nouvelle évangélisation doit emprunter le chemin de l’écoute
des appels des hommes et des femmes de ce continent qui sont aussi les appels
de Dieu. Comment dans la perspective du Pape Jean-Paul II, la nouvelle
évangélisation doit se faire en Afrique ? Elle doit poursuivre
l’enracinement en profondeur de la Bonne Nouvelle de salut dans nos cultures.
Elle doit s’inculturer davantage dans la façon d’être et de vivre de nos
cultures pour arriver à les transformer du dedans, à rendre neuve l’humanité
africaine elle-même.
Trois
défis à relever : lire les signes du temps, créer des communautés ecclésiales et une culture
chrétienne et envisager l’Eglise en tant que sacrement de salut.
a.
Lire les signes des temps
Pour
lire les signes des temps, il faut avoir à priori une capacité d’analyser en
profondeur la situation actuelle de l’homme et des sociétés. Le fait de lire
les signes n’est pas seulement un exercice de contemplation de la réalité,
c’est l’implication dans ses souffrances, ses problèmes, ses quêtes de vérité
et de justice, pour les juger et les comprendre à la lumière de l’Evangile.
b.
Créer
des communautés ecclésiales et une culture chrétienne
La
capacité de l’Eglise dépend en grande partie de sa crédibilité car elle est
communion. Elle doit créer des vraies communautés chrétiennes témoins d’une
fraternité, cette fraternité doit dépasser les divisions et les opinions
culturelles ou sociales. De nombreuses Eglises locales en Afrique, une nouvelle
évangélisation est en train de se faire
d’une façon intense et créatrice grâce à l’engagement des Eglises qui ont
entendu et pris au sérieux les cris du peuple. Les cultures concrètes dans
lesquelles évolue et vit l’homme constituent ainsi le lieu de la dramatique
divine.
c.
L’Eglise
est sacrement de salut
Comme
sacrement de salut, le rôle de l’Eglise est de sauver l’homme concret et cela
implique la promotion humaine comme conséquence logique de son action
évangélisatrice. Le salut que proclame l’Eglise est affaire de la personne tout
entière et impliquant toutes les dimensions de la société. Pour
l’Eglise-famille de Dieu : « la nouvelle doit favoriser,
encourager et former des chrétiens actifs et engagés qui cherchent la
transformation de la société vers davantage de justice, d’intégration des
différentes couches et groupes de la population, afin que de meilleures
conditions de vie puissent s’opérer avec un maximum de participation
démocratique de tous »[9]
Quelques appels de l’Afrique
1. L’exigence
d’une profonde restructuration spirituelle
Malgré
les nombreux lieux de prière, la ferveur des liturgies, l’Afrique au dire de
l’abbé SANTEDI, continue à ressembler à cet homme qui descendait de Jérusalem à
Jéricho. Nous avons encore beaucoup à faire pour méditer sur ce paradoxe de
voir nos églises qui se remplissent de plus en plus alors que nos cœurs se
vident d’amour et de paix, nos sociétés donnent le spectacle de la corruption
qui est devenue un mode de vie, de la mauvaise gouvernance, de la violence, des
guerres fratricides. Le travail de Jésus à ce sujet doit nous interpeller.
L’Eglise d’Afrique et ses chrétiens ont besoin de redécouvrir la mystique de
profondeur dans le contexte actuel où la prière devient de plus en plus un
fatras de délires émotionnels et de mystification tintamarresques, laissant
très peu de place à la profondeur de Dieu dans la profondeur de l’humain. Face
à tout ce qui a comme vent contraire dans nos églises, il faut revenir à une
prière authentique, celle qui est dialogue en vérité avec Dieu, ce Dieu qui
aime l’homme et qui veut nouer avec lui une relation franche, qui l’élève et
le conduit à réaliser sa destinée. Les
sectes qui naissent constituent un défi permanent. Face au danger d’un
spiritualisme désincarné que semble soutenir la prédication des sectes, l’Eglise
doit à son tour demeurer vigilante pour dénoncer cette perversion du message de
Jésus-Christ. Cela nous donne la
certitude d’affirmer que les sectes, en habituant l’homme
l’ « industrie du miracle », en lieu et place de
l’ « industrie de la sueur de son front », ils commettent une
grosse erreur en déresponsabilisant l’humain de certains engagements qui devraient
l’interpeller.
2. L’exigence
d’une véritable réconciliation
Le
problème de la réconciliation était au cœur des préoccupations des Pères
synodaux lors de la seconde Assemblée spéciale pour l’Afrique du synode des
évêques. Cet appel que le pape Benoît XVI reprend au n° 21 dans sa nouvelle
Exhortation apostolique post-synodale Africae Munus en
affirmant : « seule une authentique réconciliation engendre une
paix durable dans la société ». Il
est certain que la paix véritable n’est
possible que par le pardon et la réconciliation. Le pardon n’est pas facile
quand on doit faire face aux conséquences de la guerre et des conflits. Le sang
versé ne peut jamais être ramassé et la violence, quand elle conduit jusqu’aux abîmes de l’inhumain et de la
détresse, laisse toujours des traces douloureuses et ineffaçables. L’évidence
nous montre que, aucune blessure ne peut être soignée par une autre blessure.
Seul le pardon réciproque offert et reçu permet de sortir du cercle infernal de
la vengeance caractérisé par les actes
de violence qui n’en finissent jamais.
3. L’exigence
d’un combat pour la promotion humaine
Comment
annoncer le Christ dans les conditions de pauvreté ?
La
nouvelle évangélisation doit favoriser un engagement total des communautés
chrétiennes pour la promotion humaine en Afrique. La promotion humaine doit
amener l’homme et la femme à passer d’une condition moins humaine à une condition toujours plus humaine,
jusqu’à parvenir à la pleine connaissance de Jésus-Christ. L’Eglise comme
témoin de la clameur du peuple, doit sans cesse s’engager d’une manière plus
vigoureuse en termes de sensibilisation et d’action concrète pour un ordre
mondial capable de protéger une vie en commun plus juste. Découvrir dans les
visages souffrants des pauvres le visage du Seigneur représente un défi qui
doit pousser tous les chrétiens à une profonde conversion personnelle et
ecclésiale. Quand nous voyons les visages angoissés des enfants de la rue, des
enfants dits sorciers, enfants forcés à travailler, des enfants traumatisés,
les visages douloureux des femmes violées, humiliées et abandonnées etc.
l’Eglise doit intervenir pour redonner à l’homme sa dignité d’enfant de Dieu.
CONCLUSION
Somme
toute, notre animation évangélisatrice, notre évangélisation devraient être une
communication des raisons profondes de
notre départ missionnaire. Partir pour annoncer une personne :
Jésus-Christ. Pour en arriver là, nous voulons prendre Marie comme modèle
d’évangélisation, c’est-à-dire comme témoin authentique du christ. Nous sommes
invités à l’écoute de la Parole de Dieu comme Marie, figure de l’Eglise en
prière et en même temps avec elle. Avant de montrer comment Marie est missionnaire,
il est du bon ton de démontrer à travers le mystère de l’annonciation, comment
comme Marie, l’évangélisateur doit être disponible à écouter d’abord
l’Evangile. Dans l’annonciation, nous trouvons Marie qui a été préparée par
l’Esprit Saint à la mission. L’évangélisateur est d’abord évangélisé lui-même.
Voilà que la parole de l’Ange est aussitôt proclamation pour Marie, de l’Amour
de Dieu pour elle : « réjouis-toi……. ». Et nous disons que
cette transformation est nécessaire dans le devenir missionnaire. Ainsi, nous
devons prendre conscience que dans l’évangélisation, nous collaborons à l’Amour
de Dieu pour l’humanité.
Voyons dans la
visitation, Marie, modèle missionnaire. Marie est la Vierge qui porte le Christ
au monde. Voilà sa mission. L’évangélisateur doit être en hâte pour porter, annoncer et
communiquer cette urgence dans son intégrité (animation missionnaire, promotion
vocationnelle…).
BIBLIOGRAPHIE
I.
DOCUMENTS DU MAGISTERE
& Exhortation post-synodale Africae
Munus, ?
& Exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi,
Montreal, Ed. Paulines, 1988, 93p.
& Exhortation apostolique Ecclesia in Africa, Ed.
MEDIASPAUL, 157p.
II.
AUTRES OUVRAGES
&
La Bible de Jérusalem
&
GUTIERREZ G., Théologie de la libération, Brescia, Queriniana, 1978 ?
&
KINKUPU Santedi L., Les défis de l’évangélisation
dans l’Afrique contemporaine, Paris, Ed. Karthala, 157p.
&
PAOLO
Manna, Remarques sur la méthode moderne d’évangélisation, Kinshasa, Ed. Afrique
Espoir, 2010, 64p.
&
PIVOT
Maurice, Un nouveau souffle pour la mission, Paris, Ed. Ouvrières,
2000,203p.
III.
REVUES
& Esprit & vie, n° 243 janvier, 2012, p.14-20.
& A.
CANIZARES, « Evangélisation », in J. GEVARET, Dictionnaire de
catéchétique, 247p.
[3] Bienheureux PAOLO Manna, Remarques sur la méthode moderne
d’évangélisation, Kinshasa, Ed Afrique Espoir 2010, p.3.
[4] Kinkupu Leonard Santedi, Les défis de l’évangélisation dans
l’Afrique contemporaine, Paris, Ed. Karthala, p.9
[5] Ibidem, p.26
[6] Cf. A. CANIZARES, « Evangélisation », in J. GEVARET, Dictionnaire de catéchétique, p. 265.
[7] G. GUTIERREZ, Teologia della liberazione, Brescia,
Queriniana, 1972, p. 247.
[8] Op. Cit., p. 250.
[9] Esprit & vie, n° 243 janvier 2012, p.16
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