lundi 14 mai 2012

missiologie


                            
  INTRODUCTION 
Au cours des dernières décennies, on a aussi parlé de l'urgence de la nouvelle évangélisation. Tenant compte de l'évangélisation comme l'horizon ordinaire de l'activité de l'Église, ainsi que l'action d'annoncer l'Évangile ad gentes, qui nécessite la formation de communautés locales ou Églises particulières dans les Pays missionnaires de première évangélisation, la nouvelle évangélisation s'adresse plutôt à ceux qui se sont éloignés de l'Église dans les Pays de vieille tradition chrétienne. Hélas, ce phénomène existe aussi – à des degrés différents dans les Pays où la Bonne Nouvelle a été annoncée dans les siècles récents mais où elle n'a pas encore été suffisamment accueillie au point de transformer la vie personnelle, familiale et sociale des chrétiens. Une évidence qui a aussi été soulignée par les Assemblées Spéciales du Synode des Évêques au niveau continental, célébrées en préparation de l'Année Sainte 2000. C'est là un défi important pour l'Église universelle. C'est pourquoi, après avoir consulté ses frères dans l'épiscopat, le Saint-Père Benoît XVI a décidé de convoquer la XIIIème Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques sur le thème La nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne, qui se tiendra du 7 au 28 octobre 2012. Reprenant la réflexion réalisée jusqu'à aujourd'hui sur l'argument, l'Assemblée synodale aura pour but d'examiner l'actuelle situation dans les Églises particulières pour pouvoir tracer ensuite, en communion avec le Saint-Père Benoît XVI, évêque de Rome et Pasteur universel de l'Église, des manières et des expressions inédites de la Bonne Nouvelle à transmettre à l'homme d'aujourd'hui, avec un nouvel enthousiasme – caractéristique des saints, témoins joyeux du Seigneur Jésus-Christ, Celui qui était, qui est et qui vient (cf. Ap. 4, 8). Il s'agit là d'un défi de tirer, comme le scribe devenu disciple du Royaume des cieux, des choses nouvelles et des choses anciennes à partir du trésor précieux de la Tradition (cf. Mt 13, 52).
En effet, redéfinir l’évangélisation ne veut pas dire réfuter ou discréditer la manière dont l’évangile est annoncé depuis la nuit des temps jusqu’à nos jours ; autrement dit, l’œuvre de Dieu ne se juxtapose pas à l’œuvre du Christ ou de l’Esprit Saint, ce n’est pas une action nouvelle qui s’ajoute à l’action du Christ. Le Saint Esprit est la puissance de la Parole, son efficacité pour nous et en nous. Voilà pourquoi le  Saint  Père Paul VI dans son Exhortation Apostolique Evangelii Nuntiandi, nous rappelle  que c’est  grâce aux charismes de l’Esprit et au mandat de l’église que  nous sommes appelés à rendre cette évangélisation non seulement possible mais active et fructueuse. Nous pouvons comprendre par là que la nouvelle évangélisation doit entrer dans la réalité de notre époque (A.E., n°74), c’est-à-dire « se tourner vers ce qu’il y’a à vivre au présent, s’engager dans le présent avec sa liberté concrète pour y faire aujourd’hui l’expérience de la puissance de l’évangile… »[1]. L’esprit de l’évangélisateur renvoie à sa capacité d’accueillir le don de Dieu et de le témoigner aux hommes d’aujourd’hui.
 Il sied avant tout de signaler que notre travail s’inscrit dans le sillage de l’Exhortation Apostolique du pape Paul VI, intitulée : Evangélii Nuntiandi et publiée en 1988.
Ainsi, l’architectonique de notre travail s’organise en huit points qui sont : les Témoins authentiques de l’Evangile, du Christ évangélisateur à l’église évangélisatrice, les critères pour une annonce contextualisée, les destinataires de l’évangélisation, les ouvriers de l’évangélisation, le contenu de l’évangélisation, les voies de l’évangélisation et enfin, la nouvelle évangélisation et les appels des églises d’Afrique.

I.                   TEMOINS AUTHENTIQUES DE L’EVANGELISATION
La nouvelle évangélisation n’est pas une restauration d’une évangélisation ancienne échouée. Elle est la rencontre entre la nouveauté de l’évangile et l’homme aujourd’hui. Autrement dit, inculturer  l’évangile dans la culture humaine de notre temps. C’est ce que le Bienheureux Pape Jean Paul II voudrait appeler en ce terme : « nouvelle synthèse créatrice entre l’évangile et la vie » (cf. Documentation Catholique 1906, p. 1083, Symposium des évêques, 1985)[2]. C’est aussi  dans ce sens que nous pouvons lire dans Evangelii Nuntiandi au n°76 que notre siècle a soif d’authenticité. Des jeunes ont horreur du factice, du falsifié et recherchent par dessus tout la vérité et la transparence. Autrement dit une seule chose est nécessaire : « Que Dieu soit reconnu et adoré, qu’il règne et qu’il triomphe sur cette terre comme au Ciel, qu’il soit donc connu, aimé, servi par tous les hommes et non, comme de nos jours, seulement par un petit nombre de privilégiés »[3].
Aujourd’hui, pour enraciner la foi parmi les peuples lointains, il faut nécessairement «  sauver ces peuples par eux –mêmes »comme le conçois Saint Daniel Comboni, c’est-à-dire partir de ces peuples mêmes dans leur réalité concrète afin que l’évangile soit inculturé. C’est dans cette optique que le Professeur Leonard Santedi  Kinkupu voudrait souligner en disant : « il s’agit d’une évangélisation dont la mission principale est d’inventer et d’appeler à inventer pour l’homme aujourd’hui »[4]. Dans ce sens, parler de la nouvelle évangélisation nous permettra de redécrire le visage de la nouvelle évangélisation, pour cela il faut pour le missionnaire d’aujourd’hui  une nouveauté :
-en son ardeur : Jésus Christ nous appelle à renouveler notre ardeur missionnaire jour après jours. C’est ce que le Pape Paul VI dans Evangelii Nuntiandi formule en ces termes : « l’œuvre de l’évangélisation suppose, dans l’évangélisateur, un amour fraternel toujours grandissant envers ceux qu’il évangélise » (E.N. n°79). A cette fin, l’évangélisateur doit s’enflammer d’un zèle apostolique renouvelé.
-en ses méthodes : De nouvelles situations exigent de nouveaux chemins pour une évangélisation de notre temps. Il est nécessaire d’utiliser, et « non d’une manière décorative, comme un vernis superficiel » (Evangelii Nuntiandi, n°20) ces moyens qui permettent à l’évangile d’arriver au cœur de la personne et de sa culture.
-en ses expressions : Proclamons l’évangile dans un langage qui rende plus proche des réalités  culturelles  nouvelles aujourd’hui, l’évangile de toujours. C’est  à partir de la richesse inépuisable du Christ que doivent être recherchées les nouvelles expressions permettant d’évangéliser les milieux marqués par la culture urbaine et d’inculturer l’évangile dans les formes nouvelles  de la culture naissante[5].
II.                DU CHRIST  EVANGELISATEUR A L’EGLISE EVANGELISATRICE

Par son propre témoignage qu’il donne de lui-même et que saint Luc a recueilli dans son Evangile, Jésus nous montre toute sa mission en ces termes : « Je dois annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume », et « (c’est) pour cela (que) j’ai été envoyé ».Nous voyons bien que ces paroles sont pleine de signification si nous les mettons en lien avec celles dites antérieurement lorsque Jésus s’applique à lui la parole du prophète Isaïe : « L’Esprit du Seigneur est sur moi…Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres ».
Il s’en suit que la mission pour laquelle le Christ se déclare être envoyé par le Père est de proclamer de ville en ville, bref partout et particulièrement aux plus pauvres qui sont souvent accueillants, car dira-t-il en (Mt 9,12) : ce ne sont pas les bien portants qui ont  besoin du médecin, mais les malades, qui sont ici les pauvres. Et lorsque nous regardons tous les aspects du Mystère de Jésus à partir de l’Incarnation en passant par les miracles, rassemblement des disciples, leur envoi, la croix et la résurrection, la présence permanente au milieu des siens, nous nous rendons bien compte qu’ils font partie intégrante de son activité évangélisatrice. Et Jésus comme parole de Dieu ou Evangile du Père, a été le premier et le plus grand évangélisateur ; il l’a été jusqu’au bout et cela de manière parfaite, c’est-à-dire jusqu’au sacrifice de son propre sang sur la Croix.
Une question mérite d’être posée celle de savoir quels sont les aspects essentiels de l’activité évangélisatrice de Christ ? Tout d’abord, il faut dire que le Christ annonce le Règne de Dieu, car il est très important pour lui, et comme tel, tout devient « le reste » qui est donné « de surcroit », car seul le Règne est absolu tout en relativisant tout le reste. Ce Règne de Dieu, Jésus l’a présenté sous multiples formes ; ainsi que le bonheur d’y appartenir, ces exigences et sa charte, les Hérauts de ce Règne, ses mystères, ses enfants et ce qu’il faut pour quiconque attend son avènement définitif. Ensuite, notons que l’annonce que Jésus fait, est une annonce du salut libérateur qui doit être en parfaite symbiose avec la libération des opprimés, spécialement les préférés de Dieu pour paraphraser G. Barbaglio. Il s’agit bien là de l’homme dans sa totalité. Finalement après avoir accueilli l’annonce et adhéré à la communauté des enfants de Dieu, celui qui a été évangélisé doit ipso facto, évangéliser à son tour, car « il est impossible qu’un homme ait accueilli la Parole et se soit donné au Règne sans devenir quelqu’un qui témoigne et annonce à son tour » (Evangelii Nuntiandi, n°24).
Mais une question se pose, celle de savoir comment contextualiser l’annonce de l’évangile aujourd’hui et quels en sont les critères ?
 
            
III.             CRITERES POUR UNE ANNONCE CONTEXTUALISEE

Il faut souligner de prime abord que ce n’est pas chaque libération qui est annonce évangélique : pour cela, il faut expliquer les éléments fondamentaux qui font  de l’annonce de l’évangile une annonce de libération. Nous pouvons ainsi considérer un critère parmi tant d’autres, c’es-à-dire celui par rapport au processus d’évangélisation. Selon ce processus d’évangélisation, le critère fondamental a été posé  dans Evangelii Nuntiandi, qui insiste sur le fait que l’annonce évangélique doit être faite sans réduction ni ambigüité. Il s’ensuit que l’annonce doit avoir les caractéristiques suivantes : elle doit être annonce du salut ; tendre à la conversion ; se soucier de la cause des pauvres ; se fonder sur le témoignage de parole et de comportement.
D’abord en tant qu’annonce et communication du salut qui vient de Dieu, l’évangile est Parole de Dieu aux hommes. A ce titre, elle est, de par elle-même, la force de salut pour quiconque croit[6].
Ensuite, le deuxième critère est que l’annonce doit tendre à la conversion qui n’est autre chose que la radicale transformation de nous-mêmes, penser, sentir et vivre comme le Christ présent dans l’homme dépouillé et aliéné. C’est ce que Gustavo Gutiérrez exprime de la manière suivante : « se convertir c’est s’engager dans le processus de libération des pauvres et des exploités, de façon lucide, réaliste et concrète »[7]. Nous voyons bien qu’une telle conversion peut et doit en quelque sorte « mettre en cause les schèmes les plus fondamentaux d’une personne ou d’un groupe, et des institutions qui l’incarnent ». Il s’agit comme le si bien Gutiérrez, d’une conversion à l’homme, et, à travers lui, au Seigneur ; une conversion qui porte à aimer le prochain, à vouloir son bien, à le libérer du mal qui le tient captif et enchainé. Car, « chaque annonce prophétique de la libération est accompagnée d’une invitation à participer à la joie eschatologique(…). Joie qui doit remplir toute notre existence, nous rendant attentifs aussi bien au don de la libération intégrale de l’homme et de l’histoire qu’au détail de notre vie et de celle des autres »[8]. C’est dans le même sillage que non sans raison le pape Jean-Paul II affirmait dans son exhortation apostolique sur l’évangélisation de l’Afrique : « la clé de voute de l’évangélisation est constituée par l’annonce, dont la finalité est la conversion et la pleine insertion dans la vie de l’Eglise » (EA, n° 57).
Le troisième critère, dans le domaine du processus d’évangélisation, est que l’annonce prophétique de libération doit être en profonde symbiose avec la libération des opprimés, spécialement des derniers, les préférés du Royaume de Dieu. Concernant donc la figure des pauvres et leur libération, notre fondement reste la prédication même de Jésus. Il s’est adressé aux pauvres, c’est-à-dire aux déshérités de ce monde, aux opprimés, aux sans-défenses, à ceux qui n’ont aucun poids politique pour faire valoir leur juste cause et pour voir reconnu leur droit. Qu’il s’agisse de pauvreté spirituelle ou de pauvreté matérielle ou anthropologique, la réalité est la même. Il s’agit au fait de l’homme, corps et esprit, doté de sept dimensions fondamentales, qui a besoin de vivre et de se sentir joyeux et épanoui, heureux et libre.
Enfin le quatrième critère peut être ainsi formulé : l’annonce de libération doit être fondée sur le témoignage de comportement et de parole. Cette cohérence dont il est question ici, regarde précisément l’effort qui doit animer chaque action libératrice, qui ne doit pas se contenter de discours vides, mais doit assumée par des actes concrets et par l’exemple.

Qui sont donc les destinataires de l’évangélisation ?

IV.             LES DESTINATAIRES DE L’EVANGELISATION
Les paroles de Jésus dans l’Evangile de saint Marc, est un envoie sans frontière. Cet envoi de Jésus a été bien compris aux douze et aux anciens chrétiens. Nous voyons un bel exemple de Paul  qui va enseigner sans frontière, sans distinction, son courage souligne l’universalité. Mais parfois le public n’accepte pas ce message du salut, ce message qui lui est adressé. De nos jours, il se trouve que des annonciateurs de la parole de Dieu soient persécutés, privés de leurs droits, menacés pour le seul fait de prêcher Jésus-Christ. Malgré ces épreuves douloureuses, l’œuvre des apôtres n’amène aucun défaut dans le monde. En dépit des multiples adversités, l’Eglise ranime toujours son inspiration la plus profonde, l’inspiration qui lui vient directement de Jésus. Comment annoncer l’évangile aux lointains ?
Parler de Jésus-Christ à ceux qui ne les connaissent pas, c’est la mission reçue depuis le jour de la Pentecôte. L’annonce de Jésus-Christ est réalisée par une activité complexe et diversifiée et cela  se voit comme une « préévangélisation ». Nous remarquerons que beaucoup n’ont jamais parlé de Jésus-Christ, alors à ceux là, la mission s’avère nécessaire. D’autres ont reçu le baptême, mais vivent en dehors de la vie chrétienne. Alors ses gens ont besoin d’être évangélisés. Il y a des religions qui sont non- chrétiennes, et possèdent un patrimoine impressionnant  de textes profondément religieux. Elles ont appris à des générations des personnes à prier. Ses religions suscitent une attention particulière de la Tradition et du Magistère de l’Eglise d’ouvrir les yeux aux nouveaux missionnaires d’aujourd’hui et de demain d’aller vers ses gens là. L’Eglise ne se tait pas devant toutes les questions soulevées par les non-chrétiens. Au contraire, l’Eglise pense que toute l’humanité peut trouver, dans une plénitude insoupçonnable, ce qu’elle cherche à tâtons au sujet de Dieu, de l’homme et de son destin, de la vie et de la mort, de la vérité, ceci se trouve dans le mystère du Christ. L’Eglise ne peut pas se taire tant qu’elle n’a pas encore accompli ou elle n’a pas encore fait de son mieux pour  proclamer la Bonne Nouvelle de Jésus Sauveur. Cette évangélisation demande la foi des fidèles. L’Eglise à son tour, ne laisse pas les baptisés ou ceux qui ont reçu la foi sans leur apporter la Bonne Nouvelle, elle va vers eux pour que leur foi s’affermisse davantage. Cette foi est confrontée au sécularisme, voire à l’athéisme militant : elle est en butte aux épreuves et menacée, bien plus elle est combattue. Cette foi risque de périr par asphyxie ou par inanition si elle n’est pas toujours alimentée et soutenue.
Pour les non croyants ; l’incroyance monte dans le monde  moderne. Le synode à son tour s’est attaché à décrire ce monde moderne : le constat est qu’il ya de courants qui naissent, courants de pensée, valeurs et contre-valeurs, aspirations latentes ou semences de destruction, convictions anciennes qui disparaissent et convictions nouvelles qui s’imposent. Une conception du monde d’après laquelle le sécularisme s’explique par lui-même sans qu’il soit besoin de recourir à Dieu, le Dieu est devenu superflu et encombrant. Ce sécularisme se passe de Dieu ou renie Dieu pour reconnaître le pouvoir de l’homme.


V.                LES OUVRIERS DE L’EVANGELISATION
L’Eglise tout entière est missionnaire. L’évangile du salut est proclamé dans le monde dans l’ordre, au nom et avec la grâce du Christ Sauveur. Est-ce qu’on peut prêcher sans avoir reçu la mission ? Personne ne peut le faire à moins d’avoir été envoyé. Qui doit évangéliser ? Est-ce tout le monde ? Le Concile Vatican II répond en ce terme : « par mandat divin, incombe à l’Eglise la fonction d’aller dans le monde entier et d’annoncer l’Evangile à toute créature » (Evangelii Nuntiandi, n° 59). Lorsque l’Eglise annonce, proclame le règne de Dieu et le construit, elle s’implante elle-même au cœur du monde comme instrument et signe  de ce règne qui est et qui vient.
1. Un acte ecclésial
Il est recommandé que l’Eglise soit envoyée et mandatée pour l’évangélisation du monde, cela nous donne deux convictions :
*La première conviction : évangéliser n’est pour personne un acte individuel et isolé, mais c’est un acte profondément ecclésial. Il est dit que lorsque le plus obscur prédicateur, catéchiste ou pasteur, dans la contrée la plus lointaine, prêche l’Evangile, rassemble sa petite communauté ou confère un sacrement, même seul, il fait un acte de l’Eglise et le geste qu’il fait se rattache certainement, par des rapports institutionnels, mais par les liens invisibles et par racines souterraines de l’ordre de la grâce, c’est une activité de toute l’Eglise. La mission de l’Eglise demande d’être reçue et cela suppose qu’il le fasse, non pas par une mission qu’il s’attribue, ou par une inspiration personnelle, mais en union avec la mission de l’Eglise et en son nom.
*La seconde conviction : si chacun évangélise au nom de l’Eglise, qui le fait elle-même en vertu d’un mandat du Seigneur, aucun évangélisateur n’est le maître absolu de son action évangélisatrice mais cela se passe en communion avec l’Eglise et ses pasteurs. L’Eglise se sent responsable de la tâche  de diffuser l’Evangile.
Qu’est-ce qui constitue finalement l’évangélisation ? En nous posant cette question, nous en arrivons à parler du contenu de l’évangélisation.


VI.             LE CONTENU DE L’EVANGILISATION
En effet selon le Pape Paul VI, le message que l’Eglise annonce contient beaucoup d’éléments secondaires. Le contenu essentiel c’est la substance vivante, qui ne peut être modifié, ni passé sous silence sans une dénature grave de l’évangélisation elle-même : Témoignage rendu à l’amour du Père.
Evoquons tout d’abord les éléments principaux de l’évangélisation chrétienne :
-L’annonce d’un Dieu Père,
-La proclamation du salut par Jésus-Christ
-et l’espérance de la vie éternelle,
-Enfin la prédication de l’Eglise et de sacrements.
Pour expliciter, l’Exhortation du Pape Paul VI dit ce qui suit : « évangéliser est tout d’abord témoigner, de façon simple et directe, du Dieu révélé par Jésus-Christ, dans l’Esprit-Saint ». (Evangelii Nuntiandi, n° 26).  L’évangélisateur ou le missionnaire doit simplement et directement témoigner puisqu’à travers son Fils, Dieu nous aime tous. Qu’est-ce qu’il y a au centre du message ?
            Au centre du message, il y a le salut en Jésus-Christ. L’évangélisation contient toujours une base, une source, un centre et un sommet à la fois de son dynamisme, une claire proclamation que, en Jésus-Christ, le Fils de Dieu fait homme, mort ressuscité, le salut est offert à tout homme, comme don de grâce et miséricorde de Dieu. Le message au centre de l’évangélisation n’est pas autre chose que le salut transcendant, eschatologique et qui s’accomplit dans l’éternité.
Ainsi, l’évangélisation se passe sous le signe de l’espérance. Elle contiendra en outre l’annonce prophétique d’un au-delà, vocation profonde et définitive de l’homme à la fois en continuité et en discontinuité avec la situation présente: au-delà du temps et de l’histoire,  au-delà de toutes créatures, l’évangile possède aussi la prédication de l’espérance dans les promesses faites par Dieu dans la nouvelle alliance en Jésus-Christ. La prédication doit donc encore se manifester dans les signes du Christ vivant et agissant dans l’Eglise à travers les sacrements. Le message de l’évangélisation concerne tout homme et tout l’homme.
Outre ces éléments fondamentaux de la foi, l’évangélisation doit insister sur les rapports nécessaires qui existe entre l’évangile, la vie personnelle et sociale de l’homme. Ainsi, au temps où nous sommes, il est important de présenter l’évangile comme une puissance créatrice. L’autre aspect, c’est celui de la libération évangélique où le Pape nous met en garde contre le risque de constater que les extrémistes ne s’intéressent qu’aux problèmes économiques et aux stratégies des révolutions. L’Eglise rapproche mais ne différentie jamais libération humaine et salut en Jésus-Christ, sans ignorer les limites qui y sont. L’évangélisation demande aussi une nécessaire conversion. Ce qui veut dire que l’homme qui évangélise doit être convertit puis convertir les autres.
 Quelle est alors la contribution spécifique de L’Eglise ?
L’Eglise a la pleine conscience qui aide à contribuer à la collaboration de la libération des hommes. La libération dont parle l’Eglise à travers les Pères synodaux n’est  ni idéologique, ni systématique et ni politique, mais elle est purement christologique ou alors celle du Christ lui-même, annoncée à l’homme par son sacrifice. Elle reste et demeure religieuse. Passons maintenant aux voies de l’évangélisation.
Après avoir découvert le contenu de l’évangélisation, il nous faut trouver les voies de l’évangélisation.

VII.          LES VOIES DE L’EVANGELISATION
            Pour parler des voies de l’évangélisation, le Pape Paul VI nous propose des moyens adaptés à cette démarche. Comment évangéliser ? Les façons d’évangéliser sont diverses et varient suivant les diverses circonstances de temps, de lieu, de culture si bien qu’elle laisse un certain défi à découvrir et à adapter.
Qu’il vous plaise que nous citions quelques voies de l’évangélisation :
-Le témoignage de vie : la toute première et bonne manière d’annoncer l’évangile est de la vivre soi-même. Dans ce contexte, il est demandé aux communautés chrétiennes de s’interroger si elles sont vraiment inspirées par l’évangile. Nous devons mener une vie authentique,  afin d’exhaler la bonne odeur du Christ.  C’est pour quoi le  Pape dit : « L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres---disons-nous récemment à un groupe de laïcs—ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’il évoquait le spectacle d’une vie pure et respectueuse, gagnant sans paroles même ceux qui refuse de croire à la parole » (Evangelii Nuntiandi, n° 41). Ce qui veut dire qu’actuellement,  l’homme a besoin de voir et d’écouter les témoins non point les maitres, ou s’il écoute les maîtres, il faut qu’il soit un éducateur, un instructeur et un évangélisateur par sa vie. Le plus important n’est pas dans ce qu’on dit mais dans ce qu’on est et ce qu’on fait.
-Une prédication vivante où nous donnons la place et le rôle de la prédication. Comment croire sans l’avoir entendu ? Et comment entendre sans prédication ? Car la foi naît de la prédication et la prédication se fait par la parole du Christ. (Rm10, 14-17).
-La liturgie de la parole : ici l’Exhortation Apostolique met l’accent sur la liturgie de la parole et la valorise en même temps ; pensant qu’il serait mal réfléchit de ne pas voir dans l’homélie un instrument valable et très adapté d’évangélisation.
-La catéchèse : une voie que nous ne pouvons négliger est celle de l’évangélisation comme étant un enseignement catéchétique.
-Indispensable contact personnel : une autre forme de la transmission de la parole de Dieu, c’est le contact de personne à personne, qui demeure valide et importante. Jésus lui-même l’avait souvent pratiqué dans sa conversation avec Nicodème, Zachée, Simon le pharisien et surtout dans sa rencontre imprévisible avec la samaritaine.
-Le rôle des sacrements : dans la démarche évangélique, il faut joindre les sacrements à la parole ; les deux doivent aller ensemble sans s’opposer. Croire sans célébrer cette foi dans les sacrements dénote d’une foi tronquée. La réception des sacrements ne doit pas être passive, sans faire grandir une foi personnelle, sinon le sacrement est détruit.
           


Enfin la piété populaire qui veut dire religion du peuple, plutôt que religiosité, demande une orientation, une vraie rencontre avec Dieu en Jésus-Christ. En face d’elle, il faut avoir une attitude pastorale positive.
Conclusion
Somme toute, nous venons de faire un parcours sur le contenu et les voies de l’évangélisation tels que expliqués dans l’Exhortation Apostolique de Paul VI, Evangelii Nuntiandi.
Au regard des multiples défis actuels auxquels l’Eglise fait face, quelle peut être l’attitude des églises d’Afrique par rapport à la nouvelle évangélisation ?

VIII.       LA NOUVELLE EVANGELISATION ET LES APPELS DES EGLISES D’AFRIQUE
Rappelons que déjà, le pape Jean-Paul II avait proposé une nouvelle évangélisation et ce projet avait été accueilli dans l’Eglise d’Afrique comme un grand souffle d’une renaissance des sociétés africaines. En ce sens, la nouvelle évangélisation doit emmener les Eglises du continent à comprendre et à vivre la foi en Jésus-Christ selon les exigences de la construction et de l’invention d’une nouvelle société. La Bonne Nouvelle du Christ devrait apporter de nouvelles réponses face aux questions spirituelles, éthiques, sociales, économiques et politiques de nos pays. Cette nouvelle évangélisation doit emprunter le chemin de l’écoute des appels des hommes et des femmes de ce continent qui sont aussi les appels de Dieu. Comment dans la perspective du Pape Jean-Paul II, la nouvelle évangélisation doit se faire en Afrique ? Elle doit poursuivre l’enracinement en profondeur de la Bonne Nouvelle de salut dans nos cultures. Elle doit s’inculturer davantage dans la façon d’être et de vivre de nos cultures pour arriver à les transformer du dedans, à rendre neuve l’humanité africaine elle-même.
Trois défis à relever : lire les signes du temps, créer des  communautés ecclésiales et une culture chrétienne et envisager l’Eglise en tant que sacrement de salut.

a.      Lire  les signes des temps
Pour lire les signes des temps, il faut avoir à priori une capacité d’analyser en profondeur la situation actuelle de l’homme et des sociétés. Le fait de lire les signes n’est pas seulement un exercice de contemplation de la réalité, c’est l’implication dans ses souffrances, ses problèmes, ses quêtes de vérité et de justice, pour les juger et les comprendre à la lumière de l’Evangile.
b.      Créer des communautés ecclésiales et une culture chrétienne
La capacité de l’Eglise dépend en grande partie de sa crédibilité car elle est communion. Elle doit créer des vraies communautés chrétiennes témoins d’une fraternité, cette fraternité doit dépasser les divisions et les opinions culturelles ou sociales. De nombreuses Eglises locales en Afrique, une nouvelle évangélisation est  en train de se faire d’une façon intense et créatrice grâce à l’engagement des Eglises qui ont entendu et pris au sérieux les cris du peuple. Les cultures concrètes dans lesquelles évolue et vit l’homme constituent ainsi le lieu de la dramatique divine.
c.       L’Eglise est sacrement de salut
Comme sacrement de salut, le rôle de l’Eglise est de sauver l’homme concret et cela implique la promotion humaine comme conséquence logique de son action évangélisatrice. Le salut que proclame l’Eglise est affaire de la personne tout entière et impliquant toutes les dimensions de la société. Pour l’Eglise-famille de Dieu : «  la nouvelle doit favoriser, encourager et former des chrétiens actifs et engagés qui cherchent la transformation de la société vers davantage de justice, d’intégration des différentes couches et groupes de la population, afin que de meilleures conditions de vie puissent s’opérer avec un maximum de participation démocratique de tous »[9]
Quelques appels de l’Afrique
1.      L’exigence d’une profonde restructuration spirituelle
Malgré les nombreux lieux de prière, la ferveur des liturgies, l’Afrique au dire de l’abbé SANTEDI, continue à ressembler à cet homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho. Nous avons encore beaucoup à faire pour méditer sur ce paradoxe de voir nos églises qui se remplissent de plus en plus alors que nos cœurs se vident d’amour et de paix, nos sociétés donnent le spectacle de la corruption qui est devenue un mode de vie, de la mauvaise gouvernance, de la violence, des guerres fratricides. Le travail de Jésus à ce sujet doit nous interpeller. L’Eglise d’Afrique et ses chrétiens ont besoin de redécouvrir la mystique de profondeur dans le contexte actuel où la prière devient de plus en plus un fatras de délires émotionnels et de mystification tintamarresques, laissant très peu de place à la profondeur de Dieu dans la profondeur de l’humain. Face à tout ce qui a comme vent contraire dans nos églises, il faut revenir à une prière authentique, celle qui est dialogue en vérité avec Dieu, ce Dieu qui aime l’homme et qui veut nouer avec lui une relation franche, qui l’élève et le  conduit à réaliser sa destinée. Les sectes qui naissent constituent un défi permanent. Face au danger d’un spiritualisme désincarné que semble soutenir la prédication des sectes, l’Eglise doit à son tour demeurer vigilante pour dénoncer cette perversion du message de Jésus-Christ. Cela nous  donne la certitude d’affirmer que les sectes, en habituant l’homme l’ « industrie du miracle », en lieu et place de l’ « industrie de la sueur de son front », ils commettent une grosse erreur en déresponsabilisant l’humain de certains engagements qui devraient l’interpeller.

2.      L’exigence d’une véritable réconciliation    
Le problème de la réconciliation était au cœur des préoccupations des Pères synodaux lors de la seconde Assemblée spéciale pour l’Afrique du synode des évêques. Cet appel que le pape Benoît XVI reprend au n° 21 dans sa nouvelle Exhortation apostolique post-synodale Africae Munus en affirmant : « seule une authentique réconciliation engendre une paix durable dans la société ».  Il est certain que la paix  véritable n’est possible que par le pardon et la réconciliation. Le pardon n’est pas facile quand on doit faire face aux conséquences de la guerre et des conflits. Le sang versé ne peut jamais être ramassé et la violence, quand elle conduit  jusqu’aux abîmes de l’inhumain et de la détresse, laisse toujours des traces douloureuses et ineffaçables. L’évidence nous montre que, aucune blessure ne peut être soignée par une autre blessure. Seul le pardon réciproque offert et reçu permet de sortir du cercle infernal de la vengeance caractérisé par  les actes de violence qui n’en finissent jamais.

3.      L’exigence d’un combat pour la promotion humaine
Comment annoncer le Christ dans les conditions de pauvreté ?
La nouvelle évangélisation doit favoriser un engagement total des communautés chrétiennes pour la promotion humaine en Afrique. La promotion humaine doit amener l’homme et la femme à passer d’une condition moins  humaine à une condition toujours plus humaine, jusqu’à parvenir à la pleine connaissance de Jésus-Christ. L’Eglise comme témoin de la clameur du peuple, doit sans cesse s’engager d’une manière plus vigoureuse en termes de sensibilisation et d’action concrète pour un ordre mondial capable de protéger une vie en commun plus juste. Découvrir dans les visages souffrants des pauvres le visage du Seigneur représente un défi qui doit pousser tous les chrétiens à une profonde conversion personnelle et ecclésiale. Quand nous voyons les visages angoissés des enfants de la rue, des enfants dits sorciers, enfants forcés à travailler, des enfants traumatisés, les visages douloureux des femmes violées, humiliées et abandonnées etc. l’Eglise doit intervenir pour redonner à l’homme sa dignité d’enfant de Dieu.








CONCLUSION
Somme toute, notre animation évangélisatrice, notre évangélisation devraient être une communication des  raisons profondes de notre départ missionnaire. Partir pour annoncer une personne : Jésus-Christ. Pour en arriver là, nous voulons prendre Marie comme modèle d’évangélisation, c’est-à-dire comme témoin authentique du christ. Nous sommes invités à l’écoute de la Parole de Dieu comme Marie, figure de l’Eglise en prière et en même temps avec elle. Avant de montrer comment Marie est missionnaire, il est du bon ton de démontrer à travers le mystère de l’annonciation, comment comme Marie, l’évangélisateur doit être disponible à écouter d’abord l’Evangile. Dans l’annonciation, nous trouvons Marie qui a été préparée par l’Esprit Saint à la mission. L’évangélisateur est d’abord évangélisé lui-même. Voilà que la parole de l’Ange est aussitôt proclamation pour Marie, de l’Amour de Dieu pour elle : « réjouis-toi……. ». Et nous disons que cette transformation est nécessaire dans le devenir missionnaire. Ainsi, nous devons prendre conscience que dans l’évangélisation, nous collaborons à l’Amour de Dieu pour l’humanité.
Voyons dans la visitation, Marie, modèle missionnaire. Marie est la Vierge qui porte le Christ au monde. Voilà sa mission. L’évangélisateur doit  être en hâte pour porter, annoncer et communiquer cette urgence dans son intégrité (animation missionnaire, promotion vocationnelle…).  















BIBLIOGRAPHIE

I.                   DOCUMENTS DU MAGISTERE
&  Exhortation post-synodale Africae Munus, ?
&  Exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi, Montreal, Ed. Paulines, 1988, 93p.
&  Exhortation apostolique Ecclesia in Africa, Ed. MEDIASPAUL, 157p.
II.                AUTRES OUVRAGES
&  La Bible de Jérusalem
&  GUTIERREZ G., Théologie de la libération, Brescia, Queriniana, 1978 ?
&  KINKUPU  Santedi L., Les défis de l’évangélisation dans l’Afrique contemporaine, Paris, Ed. Karthala, 157p.
&  PAOLO Manna, Remarques sur la méthode moderne d’évangélisation, Kinshasa, Ed. Afrique Espoir, 2010, 64p.
&  PIVOT Maurice, Un nouveau souffle pour la mission, Paris, Ed. Ouvrières, 2000,203p. 

III.             REVUES

&  Esprit & vie, n° 243 janvier, 2012,  p.14-20.
& A. CANIZARES, «  Evangélisation », in J. GEVARET, Dictionnaire de catéchétique, 247p.






1PIVOT Maurice, Un nouveau souffle pour la mission, Paris, Ed. Ouvrières, 2000, p. 83.
[2] Ibidem, p. 84.
[3] Bienheureux PAOLO Manna, Remarques sur la méthode moderne d’évangélisation, Kinshasa, Ed Afrique Espoir 2010, p.3.
[4] Kinkupu Leonard Santedi, Les défis de l’évangélisation dans l’Afrique contemporaine, Paris, Ed. Karthala, p.9
[5] Ibidem, p.26
[6] Cf. A. CANIZARES, «  Evangélisation », in J. GEVARET, Dictionnaire de catéchétique, p. 265.
[7] G. GUTIERREZ, Teologia della liberazione, Brescia, Queriniana, 1972, p. 247.
[8] Op. Cit., p. 250.
[9] Esprit & vie, n° 243 janvier 2012, p.16

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire