. Présentation
sommaire du Sénégal
Le
Sénégal appelé aussi « pays de la
téranga » (pays de l’hospitalité), se situe à l’extrême Ouest du
continent africain. Il est limité au Nord par la Mauritanie, au Sud par la
Guinée Bissau et la Guinée Conakry, à l’Est par le Mali et à l’Ouest par
l’Océan Atlantique. Nous trouvons également la Gambie (un pays indépendant,
colonisé jadis par l’Angleterre) qui est à l’intérieur du Sénégal. Colonisé par
les français, le Sénégal acquis son indépendance le 04 Avril 1960 et s’étend
sur une superficie de 196 192Km2. Actuellement le pays est réparti en 14
régions à savoir : Dakar (la capitale), Saint Louis, Ziguinchor, Kolda,
Matam, Louga, Thiès, Kaolack, Tambacounda, Diourbel, Fatick, Kédougou,
Kaffrine, Sédhiou.
De
nos jours, « le pays de la téranga »
compte une population de 13.75 million, nous rencontrons des ethnies comme les
wolofs (dont la langue est devenue nationale), les sérères, les peulhs, les
diolas, les mandingues, les mankagnes, les toucouleurs…Ces différentes ethnies
cohabitent se côtoient et se taquinent dans la plus grande fraternité ;
c’est ainsi par exemple qu’un sérère se
réclame être roi d’un diola. Notons ici au passage l’importance de cette
relation très riche.
Faisant
parti des ethnies les plus réputées au Sénégal, les sérères sont plus
concentrés dans les régions de Fatick, Thiès, Kaolack, Kaffrine et une partie
de Dakar. Ils sont reconnus comme de grands cultivateurs d’arachide et de mil
mais aussi le commerce, l’élevage et la pêche ne manquent pas dans leurs
différentes activités. Avec la
mondialisation les sérères sont connus dans presque toutes les activités qui
servent de gagne-pain.
Comme dans toute société chaque groupe a sa
façon de faire et de concevoir la vie, c’est ainsi que chez les sérères la
dignité est d’une grande importance. Le fils de sérère n’accepte pas
l’humiliation et cherche toujours à se battre dans la vie pour ne pas être en
reste. Ce qui nous a valu certainement jusque-là le fait le Sénégal n’a été
dirigé que par des présidents sérères.
Cependant,
jadis tout jeune garçon sérère devait passer par différentes épreuves pour
prouver sa bravoure mais plus encore afin d’avoir une place et un mot à dire
dans la société sérère. Nous voulons citer l’étape de la circoncision qui était
une porte incontournable pour tout adolescent qui doit entrer dans la cours des
grands.
I - Le rite de la circoncision et
de l'initiation
Ce
rite comporte deux aspects: l'opération ou l'ablation du prépuce, et la
retraite Initiatique.
a- L'opération ou l'ablation du prépuce
L'ablation
du prépuce qu'on appelle tout simplement la circoncision, est la première
épreuve de courage et de maîtrise de soi, à laquelle les futurs initiés sont
soumis. Elle est assurée par le "namaan",
circonciseur choisi pour ses connaissances mystiques.
Les
circoncis devaient donc marquer leur volonté de subir l'épreuve: ni de cris, ni
de larmes par peur de devoir remplir de larmes une calebasse déposée sous ses
yeux. Certains, pour se concentrer, serraient un bout de bois entre les dents.
Pour le séreer en effet, c'est le sens de l'honneur qui fait l'homme. Rien de
plus déshonorant pour un parent de savoir que son fils a crié ou pleuré au
passage du couteau, de la chair au bout de bois de baobab placé sous le
sexe.
Certaines
familles enterrent le prépuce, tandis que d'autres l'attachent au poignet ou au
pied du circoncis jusqu'au jour de sa sortie. Evidemment, les règles d'hygiène
manquent de rigueur et les cas de décès durant la retraite initiatique sont
souvent dus à cela. L'opération se faisait
avec un couteau bien aiguisé : il fallait couper d'un seul coût le
prépuce. L'opération terminée, on accueille les circoncis dans le "ndut" en leur remettant
chacun un bâton sur lequel ils pratiqueront chaque jour une encoche jusqu'à
leur sortie. Ces bâtons servent donc de calendrier et de mains pour saluer tout
initié qui voudra les saluer.
b
- La retraite initiatique
L'entrée
en initiation ou la retraite initiatique, "rok
ndut" symbolise l'entrée dans le nid qui abrite les oiseaux mineurs
dépendant en tout et pour tout des parents: nourriture, protection. Ce "ndut" ( nid d'oiseau)
devient la hutte ou l'enclos des circoncis où les adultes initiés transmettent
toutes leurs connaissances pratiques et techniques: la révélation des usages,
des coutumes, des croyances qui permettent à l'individu d'être un membre actif
de la communauté. Par les exemples, les exhortations, le jeune s'imprègne progressivement
de l'idéal. Car, à l'image de son corps qui se développe, sa personnalité
sociale était incomplète. Cela commençait par la retraite dans les bois sacrés,
loin du village et de toute personne non initiée.
Pendant
leur retraite, les initiés étaient placés sous la garde d'un Maître initiateur
(
le Kuma) qui avait la charge de leur
sécurité physique et mystique, contre tout malfaiteur de jour comme de nuit,
homme comme femme. Il a souvent un assistant qui est le berger des circoncis ( o kaynak jul).
Les
anciens et les "saltigi"
ayant assuré que la période était sans danger pour les circoncis, les moniteurs
( selbé") , assuraient
l'initiation au quotidien, en particulier durant les veillées initiatiques, une
promenade diurne ou à l'occasion des
visites imprévues d'adultes initiés. Il fallait savoir réciter les formules
d'entrée permettant de recevoir les bâtons appelés "a linj", et
marquer le couvre feu par un chant. Durant ces veillées, coudes et genoux à
terre, les initiés frappent énergiquement la terre avec leurs bâtons ou avec la
pomme de leurs mains, selon le rytme et la signification du chant. Une vraie
école de la vie, mais aussi une occasion
d'un vrai règlement de compte, surtout à l'égard des enfants impolis. Une
réponse ratée est l'occasion d'un bon
coût de bâton ou d'une méchante verge. Traités sans pitié et l'attention étant
de rigueur, ils devaient rivaliser de science pendant les veillées
initiatiques.
En
voici des exemples: " A lukukuk
ndeb na loy, loy a ndeb na samban; o nak o hu garna meen roog seen mbar yo. Te fania, te diaba, roog seen mbar yo; te ref o kor, te ref o tew, roog
seen mbar yo". Ce sont là trois
oiseaux nocturne maléfiques ( lukukuk, loy, samban) de la même espèce, craints
pour leur présence symbolisant celle d'un
esprit maléfique, et qui sont cités par
ordre de grandeur. En un mot: quelque soit le sorcier qui se présente, qu'il
accepte ou non, qu'il soit homme ou femme, tuez-le.
Et
voici un chant typique pour le couvre feu: "girgik
tam a tong ala hirva mbip nder o yeng". Après ce chant, survint alors
un silence absolu jusqu'au petit matin. Tous allongés, gardent la même position
sur une natte: jamais de côté ni à plat ventre.
Cette
retraite qui concernait de nombreux jeunes du même groupe d'âge, d'un village
ou même d'un ensemble de villages, durait de un à trois mois, mais n'avait lieu
que tous les trois à cinq ans ou plus.
Certains
vieux s'en souviennent ! Ce qui était fréquent, c'était le "moroh" : l'opération du prépuce suivi d'une initiation
rudimentaire. De ce fait, un "moroh"
n'était pas un vrai initié au vrai sens du mot, mais un circoncis tel qu'il
se pratique depuis une cinquantaine
d'années.
Dans
le "ndut", on apprend à
sublimer ses instincts, ses penchants, ses pulsions, c'est-à-dire être capable
d'une certaine maîtrise de soi afin de parvenir à gérer ses désirs, mêmes les
plus élémentaires: manger, boire, dormir…; savoir observer une certaine
rupture, un renoncement, en sachant éduquer son corps. Il devait en quelque sorte
permettre à l'initié d'atteindre, en matière de rapport avec les autres, une
personnalité sociale complète au moment où le corps physique accède à son plein
développement physique adulte.
Nous
pouvons énumérer beaucoup d'acquis dus à la retraite initiatique. Ces acquis à
un état social particulier, ne sont que le résultat des vertus que tout homme
doit posséder pour vivre avec ses semblables dans une société: le courage,
l'endurance, la force morale et physique,
l'obéissance, la solidarité, la responsabilité, la capacité de gagner sa vie,
savoir se taire et garder le secret… Beaucoup de mots de passe
(
langage secret), faisaient aussi partis des éléments de la pédagogie
initiatique ( "a jax" ).
c-
La sortie
A
la veille de la sortie du "ndut",
se produisait un cérémonial impressionnant durant lequel, les circoncis
passaient entre les jambes de "Maam",
d'où le nom de "Maam" a
dudaan (Maam l'a avalé). Le génie "Maam"
depuis sa résidence de Sangomar à quelques kilomètre de Jahanor, visitait les
circoncis afin de les avaler et de parachever ainsi leur naissance.
Devenus
des nouveaux hommes, les initiés sont lavés de bon matin, vêtus de chemises ( njor bal ou njor ndan) d'une couture
très simple qui terminait en bandelettes aux manches et aux reins, aux couleurs
et dessins variés, selon la famille à laquelle on appartient. Puis, un chapeau
ovale décoré de perles de toutes couleurs, de clochettes et de petits miroirs
couvrait la tête de chaque initié.
Les
initiés étaient remis à leur parent par le Maître initiateur. Ceux dont les
enfants étaient morts durant la retraite initiatique, voyaient les habits
portés sur un bois en forme de croix. Cette rentrée, marquée par des très
belles danses était très attendue. C'était l'occasion de beaucoup de cadeaux en
nature ( argent, poulets et même parfois un bœuf). C'est ce que l'on appelait
le "vong". Le dernier en
mémoire fut celui de la génération de Moussa Mossane, le danseur par excellence
qui vaincu tout Palmarin.
En
voici son chant initiatique : " O
kor no ndew a bol a kongos, dibam o kor jayi; kavat jayi, a dako kavat jayi
". Refrain qui lui a valu beaucoup de succès. Il nous l'a raconté les
larmes aux yeux.
Le
jour de sortie, ces danses et processions célébraient à leur manière le mystère
de l'initiation humaine qui conduit l'homme - enfant vers l'homme - adulte et
social. Expression de joie et de triomphe, les initiés dansaient en entrant
dans le "ndut" et
sortaient en dansant après les épreuves. C'était là une occasion de jouissance
et de processions qui pouvaient durer une semaine entière à travers ruelles et
maisons du village ou de la contrée. Ce jeune initié est désormais un adulte
prêt à assumer ses responsabilités sociales et sa propre vie.
Comme
circoncis, la tendance est qu’il faut fonder une famille et se faire beaucoup
d’enfants, ce qui était une bonne main d’œuvre à l’époque. Mais tous ne sont
pas appelés au mariage ou ne désirent pas fonder un foyer, qu’en est-il alors
au juste de la chasteté en Afrique. Sur ce point nous avons préféré sortir de la
particularité afin d’enrichir notre travail.
II.
LA CHASTETE DANS
LA TRADITION
AFRICAINE
a- Quelques généralités
Il
est vrai que les jeunes africaines grandissaient dans une ambiance où l’on
exaltait le mariage. La vraie richesse, c’était d’abord les enfants. Si l’on ne
se moquait pas ouvertement des couples stériles, on en avait pitié et on les
considérait comme des malheureux. Mais est – ce pour autant qu’il faut avancer
que la chasteté n’existait pas en Afrique et que l’éducation que recevait les
jeunes gens, n’y préparait pas ?
Il
faut aussi rappeler que, prises dans leur matérialité, les prohibitions et les
prescriptions de la morale chrétienne en matière sexuelle ne lui sont pas
propre, sauf peut – être en ce qui concerne l’interdiction absolue du divorce.
Partout la sexualité est vécue de manière culturelle.
Nos
cultures africaines pré – chrétiennes ont interdit l’homosexualité, les
relations pré – conjugales ou extra – conjugales, les pratiques abortives ou
anticonceptionnelles, le coït « per anum », etc. La jeune fille
devait se réserver entièrement pour l’homme qui sera son époux.
Aujourd'hui, le constat est amer. La
plupart des jeunes en formation ont vécu dans l'univers de la mixité. Ils ont
pu lors de l'adolescence vivre quelques attachements sentimentaux et des
relations de couple provisoire, voire même des expériences sexuelles.
La
mixité entre garçons et filles, qui s’est considérablement développée
aujourd’hui, n’avait pas cours dans nos traditions. "Les garçons avec les
hommes, les filles avec les femmes" était le mot d’ordre. Cela comportait
certes des inconvénients, mais avait des avantages.
Il
y avait donc un langage social qui contrôlait et organisait la sexualité. Il y
avait tout un « encadrement » des jeunes gens et une éducation aux
valeurs. Il existait des circonstances, des périodes où les hommes
n’approchaient pas des femmes. Cela a fait dire au Père Matungulu OTENE que
« bien avant l’annonce de l’Evangile, les ancêtres avaient donc perçu que
dans la continence, il pouvait y avoir une force vitale, une source de vie et
de croissance humaine » (Conférence, septembre 1997 à Yaoundé).
C’est l’amour de vie qui était cause de la continence dans nos traditions et
non la continence pour elle – même.
La
prudence fait que, dans nos cultures négro – africaines, les relations d’amitié
entre homme et femme n’étaient pas vues en général d’un bon œil.
Bien
entendu, les cultures africaines avaient des griefs contre le célibat qui était
regardé comme un corps étranger, quelque chose de difficile voire impossible,
un rétrécissement de la famille, un désaveu de l’affectivité et de la
sexualité.
Dans la mentalité de la plupart des gens, même
si heureusement se trouvent des jeunes qui se battent pour conserver leur
virginité, aussi longtemps que possible, il est impensable que des personnes
normales puissent se passer de relations sexuelles à partir d'un certain âge.
Si bien qu'ils doutent même de la chasteté des consacrés.
A
côté de ces signes négatifs, il y avait cependant des aspects positifs reconnus
au célibat. On avait, par exemple, en
haute estime la virginité et la pureté. Il y avait, d’une certaine manière, un
caractère prophétique du célibat ou de la continence : certains
guérisseurs vivaient seuls et n’étaient pas mariés. Leur état de célibataire
était le signe de leur mise à part; on observait la continence pour conjurer un
mauvais sort.
La
chasteté entre dans le respect de soi et du aux autres. Dans les cultures
africaines, il y avait une façon de se comporter avec les autres en respectant
ce qu’ils sont et représentent : leur âge, leur sexe, leur fonction. Il y
avait particulièrement une manière de se tenir en face d’un homme ou d’une
femme. Pour sauvegarder la pureté des jeunes gens, la Tradition insistait
surtout sur ces points :
-
la garde des sens
-
la fuite des personnes
et des circonstances qui peuvent faire « tomber ».
-
le refus de la médiocrité : ne pas se complaire dans les bassesses, ni
le laisser aller aux
jeux frivoles d'un amour passager.
Ces
généralités que nous venons de voir (à grands traits) ne doivent pas nous faire
oublier que le célibat dans la chasteté était un cas exceptionnel pour nous en
convaincre, voyons plutôt la place de l’enfant dans le monde traditionnel
africain. Cela montrera mieux la valeur des consécrations d’aujourd’hui.
b-
L’enfant dans le monde traditionnel
« Mieux
vaut mourir pauvre, mais laisser des enfants, que mourir sans enfant, mais
riche ». Ce dicton populaire que l’on retrouve à peu près partout dans les
différentes traditions africaines, montre l’importance attachée à l’enfant.
C’est le don le plus précieux, la synthèse de toutes les espérances. L’absence
d’enfant est ressentie comme un échec et le mariage est alors vécu dans la
détresse.
La
maternité, c’est la vocation fondamentale de la femme. Elle est d’abord mère
avant d’être épouse. Sans enfant, sa situation d’épouse reste très précaire.
Ecoutons plutôt la complainte de cette femme Agni de la Côte – d’Ivoire pour son
enfant perdu :
« Mon
cher enfant qui me sert de jeu, le jeu de ma vie, a disparu de mes mains. Avec quoi jouerai – je encore ?
Je suis privée de jeu et de joie, plongée dans la tristesse, au milieu des
mères innombrables, qui portent, joyeuses, leur enfant dans les mains jeu qui
ne se remplace pas ! » (J. P. ESCHLIMANN, Naître sur la terre
africaine, Inadès, Edition, Abidjan, 1982, P. 1).
Tout
ce qui constituait une entrave à la fécondité, était vu comme un pas vers la
« mort ». L’enfant épargne de cette mort définitive. Le jeune Ndut
(Ethnie sénégalaise au nord de Thiès), en âge de procréer et non marié, qui
mourait dans cet état, était soumis, avant son enterrement, à une cérémonie
d’imposition de cendre sur les parties génitales. La cendre est symbole de sa
mort. Il ne laisse rien derrière lui qui le rappelle à la mémoire des vivants.
Et pour que cette malédiction ne s’acharne pas contre sa famille, on procédait
à cette cérémonie.
Chez
les Baluba du Kassaï, en République démocratique du Congo, lors de
l’enterrement d’un homme ou d’une femme stérile, un ancien lui plantait une
flèche dans le ventre pour éviter qu’il ne puisse à jamais renaître. Parfois,
on retournait une marmite noire sur la tombe. Ce faisant, on empêchait la mort
de reconnaître la voie vers la famille.
Le
temps n’est pas loin où les jeunes gens qui, malgré les supplications des
parents et les conseils de l’entourage, voulaient se consacrer à Dieu dans
« la chasteté pour le Royaume », se voyaient prodiguer gravement un
ultime conseil ou faire une dernière demande: « Laissez – nous au moins
des enfants de ceux, nombreux, que vous portez dans vos reins avant de vous
engager » et l’on s’étonnait qu’ils ne « pleurent pas sur leur
virginité ».
Les
autres jeunes gens ne comprenaient pas non plus et souvent se moquaient de ceux
qui renonçaient au mariage. Ils les chansonnaient parfois ; « Amis,
malheur au jeune homme qui se prive de descendance : il devra « se
pleurer » tout seul ! Amies, bien à plaindre la jeune fille sans
enfants : elle devra « se pleurer toute seule ! ».
Le
griot sénégalais chante la grandeur de la paternité et la dimension d’éternité
qu’elle procure : « Il n’y a qu’un seul moyen pour ressusciter, il
n’y a qu’un seul moyen pour échapper à l’oubli, c’est notre fécondité ».
La
fécondité de nos vies dépend beaucoup du degré de conscience que nous avons de
notre identité. Les religieux, créés à l'image de Dieu, sont tout de même des
créatures tissées d'humanité, cousues de passions et de désirs, et restent donc
des êtres de chair; non pas des célestes ou des extraterrestres.
Après
tout ce que nous venons de dire sur l’importance et la place de l’enfant,
comment peut – on parler de chasteté
dans le monde traditionnel ? Il faut préciser que l’enfant dont il est
question dans le monde traditionnel, c’est l’enfant issu d'une famille (d’un
mariage régulièrement contracté ou non), où l'on a une conception toute
spéciale du mariage. Il portera au fond de son être, toute sa vie durant
peut-être, des images riches en couleurs en ce domaine.
Il
faut noter aussi une réalité qui ne
facilite pas de vivre le célibat consacré : c'est la polygamie de nos parents.
Aussi le fait de voir autour de soi ou dans sa propre famille, des enfants
d'une même mère avec des pères différents. L'influence du milieu
psychosociologique sur le jeune africain n'est pas à minimiser. Pourtant, c'est
dans la complexité de ces situations que le Seigneur continue à choisir des
célibataires pour son Royaume (cf. Matungulu OTENE, p.23-24).
Cette
chasteté vécue dans le monde traditionnel est surtout avant le mariage. Durant
cette période, il y a une éducation sexuelle qui est donnée, même si elle
demeure très discrète.
c-
L’éducation sexuelle dans le monde traditionnel
De
manière générale, il faut dire que le discours sur la sexualité était massivement
dissuasif et même culpabilisant. Le sujet est complexe et difficile. Dans
toutes les cultures, on a d’abord cherché à le résoudre par la fuite et le
néant. Cela peut conduire hélas aux pires catastrophes psychologiques ou
morales.
La
société traditionnelle n'avait pas pour autant capitulé. Sans se substituer aux
parents, elle avait un regard vigilant sur la sexualité. La tâche était surtout
confiée à des adultes du village qui veillaient sur les jeunes gens. C'était
comme des informateurs.
L’éducation
sexuelle avait pour tâche de veiller à la saine croissance de l‘amour et de
toutes les puissances d’amour : sensibilité, sensualité, émotivité, etc.
Il n’y avait pas que la considération pour le développement des organes sexuels
ou des formes du corps. Tout en comportant une part d’information objective,
l’éducation sexuelle était l’éducation d’une croissance intérieure.
Pour la jeune fille par exemple, l’apparition
de phénomènes psychologiques était l’occasion pour la maman ou la tante de
compléter l’information par une conversation en famille, dans une atmosphère de
franche intimité. Il fallait éviter à la fille nubile les surprises
catastrophiques, mais la note morale semblait aussi très importante. Elle ne
devait surtout pas être une femme au pagne léger demain.
La
morale traditionnelle déconseillait unanimement les fréquentations
prénuptiales. C’est ainsi que les fiancés ne devaient jamais être seuls si
toutefois ils se connaissaient. Car dans la pratique, ils restaient longtemps
sans se connaître. On informait seulement le garçon qu’on lui avait trouvé une
fiancée. Pour la fille, il en était de même. De sorte qu’ils pouvaient vivre
dans la même concession sans savoir ce qui se passait. Une nécessaire austérité
était exigée.
La
compagnie d’un sexe différent était jugée dangereuse à cause de la fragilité
humaine trop grande. Une fille ne se trouvait point avec les garçons. Un
garçon, craignant de s’exposer, regarde la compagnie des filles très dangereuse
pour lui.
Ceci
nous montre combien était sérieuse la question de l'éducation sexuelle dans le
monde africain. On ne pouvait pas minimiser la force redoutable de la
sexualité. Chacun de nous, en effet, se sent attiré par le charme du sexe
opposé, même si sentir qui est du domaine de l'instinct animal n'est pas consentir, lequel est du domaine du libre
arbitre, de la volonté libre.
Cette liberté nous distingue de
toutes les autres créatures terrestres. C'est là qu'intervient l'engagement :
engager sa vie pour une cause qui vaille la peine, pour un idéal et des
principes de vie.
Point
n’est besoin d’entrer dans les détails pour dire que les séances d’initiation,
tant pour les jeunes garçons que pour les jeunes filles abordaient abondamment
le thème sexualité avec toutes sortes de recommandations et de prescriptions
pour demeurer chaste avant le mariage et pour demeurer fidèle durant toute la
durée du mariage.
Pour
conclure cette partie, disons que la chasteté continente avant le mariage était
de règle en Afrique traditionnelle. Elle était aussi de règle dans le mariage
suivant les événements et les circonstances. Si les naissances étaient si
espacées (3 ans), c’est bien grâce à une certaine chasteté maritale. Les fautes contre celle – ci étaient
sévèrement punies. On peut dire que la chasteté comme disposition intérieure
qui pousse une personne à réguler sa sexualité de façon libérant (pour soi et
pour les autres) était bel et bien vécue dans les cultures africaines.
Nous pouvons repérer ce système dans
notre histoire personnelle et familiale. Pour se faire, chacun a intérêt à se
poser ces questions :
- Quel est mon propre système familial ?
- Quels sont les différents éléments en
interaction qui ont eu une influence sur
ma manière de vivre
ma propre sexualité ?
Méditer
les réponses qui en sortent, est bénéfique car elles nous aident à comprendre
notre propre humanité. En effet, chaque fois qu'un événement douloureux se
produit, chaque personne est déstabilisée en profondeur et les difficultés et
les blessures des stades de sa petite enfance se réveillent.
Conclusion
La
circoncision et l’initiation rendent le jeune adolescent un homme capable de…
dans la mesure où elles lui permettent de comprendre les aléas de la vie qui
l’amènent à exprimer sa maturité et d’avoir le sens de la responsabilité dans
son engagement.
Ce
que les cultures africaines traditionnelles et la Tradition de l’Eglise
nous disent de la chasteté est très enrichissant. Cela nous montre l'importance
de la chasteté pour la fécondité de nos vies et peut permettre de dégager pour
aujourd’hui de nouveaux chemins pour son vécu.
Tout
en restant fermement convaincu que le secret d’une vie chaste se trouve dans
l’initiation même du Christ, nous demeurons persuader que le discours sur le
corps est à revoir. Il faut former les jeunes à l’amour vrai du corps, à une
connaissance et à une compréhension du corps. La dignité du chrétien n’est pas
à situer du côté d’un contrôle répressif du corps ou dans l’immunité par
rapport à ses sollicitations.
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